C’est un bout de tissu jaune, un peu rabougri. La couture danse, le morceau est doux mais trop petit pour son usage. Dans une autre vie, il était un morceau de drap de berceau. Les enfants ont poussé et le drap s’est trouvé remisé. Sa seconde vie, c’est ça : une panoplie de mouchoirs en tissu, destinés aux nez enrhumés de mes filles chéries. Et puis un pyjama pour poupon, cousu de guingois, à la va-vite, parce que B. et moi avions hâte de voir le résultat.
Dans ma cuisine, il y a des pots de fortune, plein de plantes fragiles. Et des plats de biscuits, préparés par six mains fébriles et cuits tous en même temps. Mon congélateur déborde des idées du week-end, et des fournées de pain. Mes bocaux de verre regorgent de légumes coupés à la main, des tomates, des poivrons, des concombres, des champignons même; des préparations en devenir, des crudités pour patienter, de la couleur pour égayer.
Sur mon téléphone, un résultat de course à pied. Un premier parcours, un temps défini. Une fatigue au bout des jambes, une satisfaction palpable, aussi. La preuve des minutes enchaînées, la promesse d’un dépassement de soi.
Cachées dans mon ordinateur, des pages de textes. Des chapitres interrompus, des histoires par dizaines, des mots qui sonnent juste, pour moi. De nouvelles histoires, de nouvelles idées, ça et là jetées.
Le bien-être passe par mille choses : le temps pour soi, la réalisation de ses plus grands projets, les fous rires et les confidences, les moments nus de fioritures excessives. Pour moi, il passe aussi par des accomplissements minuscules. Chaque création, cousue ou cuisinée, chaque course effectuée, chaque texte écrit, est comme une pierre de plus, dans la tour de mon bien-être personnel.
À l’inverse, et sans surprise, l’éphémérité d’un instant, la ponctualité d’un échange internet, le sourire né d’une vidéo amusante, s’évanouissent dans l’espace, insaisissables. J’en conserve parfois quelques traces joyeuses, et des idées de discussions. Ces incontournables prémices de conversations, nommant une auteure inconnue ou décrivant un moment enfui. Mais ils n’ont rien de tangible. Or rien ne me rassure comme le tangible. Mon bien-être se raccroche à des madeleines au chocolat craquant dans le petit matin.
Parfois j’oublie. Je cours de mon lit à la gare, du wagon au bureau, de ma chaise au magasin de chaussures. Je parcours les instants sans en saisir aucun. Et je me couche le soir avec cette amertume au bord des lèvres, cette impression d’avoir manqué quelque chose et raté le départ. La journée passe, je suis partout et nulle part, larguée sur un quai de gare.
Il suffit pourtant d’un tissu mal cousu, de ma tête penchée sur la machine qui s’affole et de mes yeux plissés dans mon salon mal éclairé. Je me lèverai alors, le cœur un peu plus léger, tâtonnant dans le brouillard du réveil à la recherche de ce qui fut hier et qui m’a contenté. J’aurai des mots pour décrire ma journée, et des idées pour l’améliorer.
Et si vous, vous en manquez, en voici quelques-unes qui me réussissent :
– Cuisiner autant de pâtes à gâteaux que de moules dans les placards, et profiter du four chaud pour enfourner à tire-larigot. Congeler le surplus en prévision des matins difficiles.
– Assembler de beaux papiers pour faire de jolies enveloppes, des morceaux de tissus pour le plaisir de s’essuyer la bouche avec une serviette en tissu, ou cerner quelques mots choisis de masking-tape coloré, pour le plaisir des yeux.
– Planter des graines et regarder la vie pousser.
– Écrire quelques paroles, inventer un refrain, et s’étonner d’y trouver un sens,
– Imprimer des photos, les glisser dans l’album et cocher enfin cette tâche listée depuis la nuit des temps sur la note des choses à faire.
– Coller un écusson sur un vêtement trop sérieux.
– Composer une assiette colorée, et la dévorer…
Et vous, qu’est-ce qui vous fait vous sentir bien, au quotidien?
-Lexie Swing-
ce qui me fait du bien: voir mes enfants lorsquils sont heureux, planter des fleurs, puis les féliciter lorsqu’elles prospèrent bien, admirer l’océan tout proche et plonger dedans, manger des cerises bien noires jusqu’à en avoir mal au ventre…
Oooh l’océan, j’aurais rêvé habiter tout près !
Je suis nulle en patisserie ;) Mais pour moi passer du temps avec des amies et passer du temps dehors au soleil avec Freddie sont mes petits bonheurs en ce moment.
Est ce que vous avez un peu de chaleur ces temps ci ?
Oui il fait 28 degres, le BONHEUR
Ça me parle beaucoup, ce mot « accomplissement », même si dans ma tête j’appelle ça « avoir fait quelque chose ». Et je carbure aussi à ça, comme toi, à ces sensations si agréable d’avoir… ben oui, accompli un truc. Boucler une traduction, finir d’écrire un texte et le relire, avoir le repas de prêt en avance, avoir eu une séance de sport satisfaisante (« tiens, ça j’arrivais pas à le faire avant! »), barrer d’un trait une corvée sur ma to-do liste… j’adore être « productive » et avoir l’impression d’avancer, même si ce n’est que de trois millimètres (et que franchement, l’accomplissement est minime!)
Ce texte lui-même est un bel « accomplissement ». Je suis également de celles qui aiment tous les petits accomplissements qui font l’accomplissement d’une vie.
J’affectionne moi aussi tous ces accomplissements, petits ou grands, ces moments passés seuls, à deux ou plus pour réaliser, faire, concocter. Le bonheur est dans ces instants partagés et ces réalisations colorées, délicieuses, pleines d’imagination, de plaisir, de rires!
Barrer des étapes de mon bujo, faire un bon tour avec le chien, cuisiner un bon souper, finir un bon bouquin…
Quel bouquin lis tu en ce moment ?
Je lis Enterrez vos morts de L. penny et j’écoute La ferme du bout du Monde de Sarah Vaughan. Deux styles bien différents mais qui me plaisent assez. Avant cela j’avais fait un tour chez K.
Pancol avec ses deux trilogies et j’ai découvert Indridasson, un auteur islandais. Pancol c’était léger et divertissant. Indridasson manquait un peu de rythme pour un policier mais j’étais contente de découvrir.
Est ce que tu aimes ça les livres à écouter ?
Les livres audio c’est assez génial oui. J’avais peur de ne pas aimer mais franchement, pour les trajets en voiture de 40 min c’est tip top !
Je n’arrive pas à me faire à l’idée mais j’essaierai. Les dialogues sont lus comme le reste du bouquin ou ils sont « interprétés »?
J’ai eu du mal à sauter le pas aussi. Les dialogues sont interprétés de manière à ce que tu comprennes qui parle. Après, c’est seulement le 4e que j’écoute donc je ne peux pas te jurer que c’est toujours le cas.