Comment faire de nos filles des femmes accomplies ?

Demain, c’est le 8 mars, l’occasion pour le monde entier de mettre les femmes à l’honneur. Entre rappel des luttes visant à obtenir davantage de droits et promotions sur les bouquets de fleurs, on vit de grands écarts, le 8 mars. Un peu comme entre les hommes et les femmes, finalement.

Mais bref. Demain, c’est le 8 mars, la Journée internationale des droits des femmes, pour bien la nommer. On ne nait pas femme, on le devient, disait De Beauvoir, et à raison. Dans ma maison, j’ai deux femmes en devenir, petites filles de ce monde, heureusement négligentes et futiles, comme toutes devraient l’être à cet âge. Je me suis parfois demandée comment les aider à construire une bâtisse solide pour leur future moi, comment ancrer des fondations pérennes et des fenêtres si grandes et si hautes que l’horizon deviendrait un champ des possibles. Voici mes propositions.

Ouvrir les possibilités

Avez-vous remarqué comme l’on rend exhaustives des listes qui devraient être infinies ? Les jobs, les carrières, les amours… On enferme très vite les individus dans des cases préconçues, toujours trop étroites et toujours trop rigides. Pire que cela, on enferme très tôt, on envoie les enfants dans des parcours définis à l’avance, vers des voies professionnelles toutes tracées, quand on ne sait pas nous-mêmes, 20 ans plus tard, si l’on a bien fait de devenir informaticienne ou si l’on aurait pas préféré devenir mécanicienne. Et d’ailleurs, qui nous aurait vraiment proposé, à nous, anciennes filles, futures femmes, de devenir informaticiennes ou mécaniciennes. Savait-on seulement que l’orthographe se décline aussi au féminin? Ouvrons les possibilités, demandons-nous – à voix haute s’il le faut – si nous avons assez de fantaisie pour les emmener au-delà de ce qu’on jugeait possible pour nous. Oui, on peut être informaticienne, ingénieure, technicienne, mécanicienne, comme on peut être professeure, adjointe, boulangère, éducatrice. La seule limite, c’est celle de notre imagination.

Les rendre indépendantes…

Je vais être honnête avec vous : les gens qui en 2023 disent des phrases comme « trouve-toi un bon mari », même pour plaisanter, me hérissent le poil. Estimer que pour être une femme qui existe, qui vaut, qui mérite, il faut être une concubine, est tellement dépassé que cela pourrait être drôle si ça n’en était pas navrant. Le monde regorge de femmes qui réussissent, qui sont des cheffes de familles, des mères seules parfois, des entrepreneures, des employées sur lesquelles repose tout un fonctionnement. Des femmes, surtout, qui ont réussi à mener de front plusieurs vies, et à le faire bien. L’avenir de nos filles, ce sont elles-mêmes, les femmes indépendantes et épatantes qu’elles vont devenir, pas la personne qu’elles vont épouser (ou non).

… et montrer l’exemple

S’il y a un secret de polichinelle dans la parentalité, c’est bien celui-ci : les enfants apprennent par l’exemple. Ils s’expriment comme nous, embrassent nos expressions et nos attitudes, reprennent nos convictions et nos pensées, jusqu’à s’en défaire éventuellement. Demander à nos filles de devenir indépendantes et attendre papa pour changer une ampoule, c’est contre-productif. Montrons l’exemple, apprenons leur qu’on peut tout faire, pour autant que l’on s’informe et que l’on apprenne. Construisons, cuisinons, calculons, cousons, peignons, abattons et dansons, soyons toute entière et embrassons toutes nos capacités. Que nos petits arrangements de couple, entre vilaines araignées et chaussettes trouées, soient des choix et non des défaites.

Comprendre ce qui se joue dès le départ

J’y reviens sans cesse mais il y a eu un moment clé dans ma compréhension de la société (vue sous un angle dichotomique) : j’ai interviewé en 2011 ou 2012 un professeur de CP qui avait réalisé une étude dans ses classes, en partenariat avec le Planning familial du département. De son étude, étaient ressorties plusieurs situations, disons, intéressantes. Par exemple, dès 6 ans, de nombreux enfants dans sa classe avaient intégré des possibilités très genrées : les petites filles voulaient être maîtresses, les garçons voulaient être mécaniciens. Pourquoi pas, me direz-vous? Oui mais voilà : ceux à qui l’on avait dit qu’ils pourraient être, s’ils le souhaitaient, instituteurs ou infirmiers, avaient aussitôt rétorqué que « c’était des trucs de filles ». Quid des fillettes à qui, vous le devinez, les intervenants avaient suggéré de devenir elles-mêmes mécaniciennes, médecins ou ingénieures? Plusieurs (plusieurs!), âgées seulement de 6 ans, avaient alors répondu : « je pense que ce serait trop difficile, c’est plutôt un truc de garçons ». Un autre fait surprenant : le professeur avait remarqué une évolution frappante dans l’attitude des enfants lors des interrogations orales. En début d’année de CP, à tout juste 6 ans, les enfants se partageaient l’espace de discussions et de réponses selon leur personnalité, tout genre confondu. En fin d’année, une différence notable se manifestait, qui perdurerait, selon les retours d’autres professeurs, dans les classes supérieures : les garçons participaient activement, levant la main sans nécessairement connaître la réponse, relativement indifférents au fait de se tromper et prenant beaucoup de place dans l’espace de communication, les filles, quant à elles, se mettaient de plus en plus en retrait, ne levant la main qu’après s’être assurées que la réponse qu’elles allaient donner était bien la bonne. C’est intéressant de constater que ces fonctionnements interviennent très tôt dans la construction des individus car ce sont des attitudes qui s’ancrent et qui perdurent dans l’espace sociétal par la suite, les hommes prenant la parole et les femmes agissant dans l’ombre.

Leur apprendre à dire non…

Être une femme en devenir, en 2023, c’est aussi vivre dans une certaine insécurité, plus ou moins grande selon le pays dans lequel on évolue. Apprenons leur les codes, enseignons leur la liberté d’être, le droit de se tromper et celui de dire non. Disons leur bien qu’elles ont le droit de contrôler la narration, qu’il n’y a pas à fléchir si l’on souhaite autre chose. Mais aussi que l’on a le droit de se tromper, que dire oui n’est pas de la frivolité, que l’on peut être celle que l’on veut tant que cette volonté est nôtre et pleine et nous procure la joie d’être et l’excitation de vivre.

… et à réclamer leur dû

En 2023, on voit encore beaucoup d’écarts salariaux et de promotions pour lesquelles des hommes sont préférés aux femmes par le seul fait de leur genre. On voit aussi des lycéennes être orientées vers des parcours différents de leurs homologues masculins pour les mêmes raisons. Marteler aux filles qu’elles ont autant de droits que les garçons est un travail de tous les jours. Car c’est sur la scène professionnelle que se jouent ensuite les différences; des écarts conscients, internalisés, trop souvent acceptés. Un salaire se négocie, une promotion se réclame et une discrimination flagrante se dénonce. Les garçons apprennent très tôt le jeu des négociations, des contacts d’affaires, du réseau que l’on crée, maintient et enrichit. Enseignons à nos filles les règles du jeu, qu’elles en deviennent des joueuses-clés et non des pions, ballotées au gré des coups de chances, du sort et des tricheries, condamnées sans cesse à passer leur tour. Je ne doute pas qu’elles sauront faire bon usage de ces connaissances et j’ai hâte de connaître ce monde où elles auront enfin, toutes les cartes en main.

-Lexie Swing-

Photo : JP Valery

Le dixième hiver

Dix hivers, voici le temps que nous avons déjà passé sur ce côté-ci de la planète. Il y a eu des tas de changements, de belles évolutions et notamment l’obtention de la citoyenneté canadienne pour nous trois (Tempête l’avait de naissance, à sa grande fierté), mais cette simple idée me stupéfie : une décennie d’hivers.

Je me souviens avec précision des blogs que je lisais à l’aube de notre immigration. Je découvrais les mots de Français qui, avant nous, avaient fait la grande traversée. Ils étaient installés depuis quelques mois, ou déjà plusieurs années pour certains. Mon goût pour l’aventure dans l’habitude – tout un concept – me donnait l’envie de pouvoir moi aussi être de ceux qui ne sont plus dans la nouveauté, mais bien dans une forme d’habitude confortable donnée à ceux qui ont l’expérience des années. Sans surprise, beaucoup des gens que je lisais alors ont cessé de partager sur leur immigration, et plusieurs sont même repartis en France, depuis. Moi, je m’inscris désormais dans une décennie saisonnière. L’hiver est revenu et je ne cesse de m’en émerveiller. Mais que retire-t-on finalement, de l’expérience des hivers passés ?

Le froid est relatif

Le Québec est une province où il fait froid vivre, bon vivre mais fraîchement donc. La neige y est abondante, l’hiver est long et -20 degrés Celsius est une température relativement commune. Le pire, ce n’est pas la température affichée, c’est son ressenti. Un -10 degrés peut te transformer en glaçon si le vent est de la partie. A l’inverse, un -15 degrés bien sec passe relativement bien. La légende dit qu’un gars croisé dans le Nord du Québec a juré ses grands dieux (ou pas, parce qu’on ne fraye pas trop avec la religion icitte) qu’il avait eu plus froid un automne en Bretagne qu’au Saguenay (Québec) en plein hiver.

Être habillé comme si tu allais au ski est commun

Ce que j’aime dans notre petite ville de banlieue, c’est que lorsqu’elle se pare de son manteau neigeux, elle ressemble volontiers à ses petits villages de station que l’on trouve dans les montagnes françaises. On y croise des gens qui soufflent au dessus de chocolats chauds fumants, de la neige sur les trottoirs et surtout, des tuques et bottes de neige en abondance. L’habillement complet comprend donc la tuque et les mitaines (le bonnet et les gants, en France), de grosses bottes chaudes qui accrochent bien sur la neige et un bon cache-cou. Personnellement, je ne pars jamais en forêt l’hiver sans mon pantalon de neige, soit un pantalon de ski, que j’enfile par dessus des leggings. Pour les enfants, c’est l’habillement quotidien, récréation oblige. Autant dire qu’après 4 mois d’hiver, tous les parents du Québec lorgnent avec espoir sur la remontée des températures.

-30 degrés Celsius ce n’est pas si intense

Rapport au premier point, le froid est relatif. Les habits sont faits pour lutter contre le grand froid mais face au froid sec, le corps est finalement relativement résistant. Ainsi, lors de notre premier hiver, nous avons passé le 31 décembre dans un chalet pourvu d’un spa. Pour rejoindre celui-ci, il suffisait d’enfiler son maillot, et de traverser la cour au pas de course pour sauter dans l’eau chaude. Le petit défi supplémentaire ? En cette fin d’année 2013, les températures dans Les Laurentides affichaient -30 degrés. La parfaite température pour affronter l’extérieur en maillot de bain.

Durant l’hiver, les températures ne descendent pas si fréquemment à -30 degrés à Montréal ou dans sa proche banlieue. Mais quand cela arrive, ce n’est pas si intense, ni si difficile. Tant et aussi longtemps que le vent ne se mêle pas de la partie.

La glace est partout

Le secret de l’hiver canadien, c’est d’avoir de bons patins. Avec de telles températures, les lacs et rivières gèlent facilement et les patins sont donc un parfait investissement. La plupart des endroits extérieurs sont gratuits, mais les arenas des petites villes aussi et ça c’est top. La plupart des parcs ont leur patinoire extérieure et même des particuliers relèvent le défi d’en créer une dans leur cour. La glace se forme aussi volontiers sur les routes, et c’est là où ça peut devenir franchement rigolo. Par exemple, notre rue n’est pas déglacée l’hiver et les vents y sont particulièrement actifs. J’ai des souvenirs émus de tentatives plus ou moins réussies pour rejoindre l’autobus au bout de la rue, bras en croix et espoir vif. Depuis, j’ai investi dans des bottes avec crampons.

Avoir un service de déneigement privé est courant

Neige abondante oblige, un bon nombre de résidents, surtout en banlieue des grandes villes, choisissent d’investir dans un service de déneigement privé. Ces armées de déneigeuses miniatures débarquent généralement dès potron-minet pour déneiger les allées des maisons avant que le commun des mortels ne se lève pour aller au bureau. Ils rejettent la neige ainsi ramassée dans les terrains, créant des montagnes de plus en plus hautes à mesure que l’hiver, et ses tempêtes, avance.

Quelques conseils en vrac si vous prévoyez immigrer bientôt au Québec ou si vous êtes là depuis peu :

  • Choisissez vos bottes et manteaux avec soin, ils seront votre quotidien au minimum 4 mois par an, autant ne pas lésiner sur le confort ET le style;
  • Pensez aux bottes de neige pour les pitous, il y a du sel partout sur les routes;
  • Mettez-vous aux sports d’hiver; la saison est longue pour ceux qui ne l’apprécient pas et courte pour les mordus de ski alpin, ski de fond, raquettes, descentes sur tubes et patins;
  • Ne sous-estimez pas le froid, prévoyez des étapes, du chaud, des couches supplémentaires et des balades courtes. On n’a pas la même résistance au froid lorsque l’on est né dans des contrées au climat différent, et ça se sent !
  • Vous n’êtes pas obligé de souscrire un service de déneigement, déneiger quotidiennement remplace volontiers une inscription au gym;
  • Ne vous laissez pas miner par ceux qui disent être tannés de l’hiver, vous avez le droit d’être heureux et émerveillé de voir la neige tomber.

Des activités à faire l’hiver :

  • Du patin, partout, mais notamment au Vieux-Port de Montréal (payant), sur le sentier glacé de Magog (gratuit), à Lac-des-loups (payant) ou encore sur la rivière l’Assomption à Joliette (gratuit);
  • Des raquettes, notamment dans les parcs de la Sépaq qui peuvent même vous louer le matériel;
  • Du ski de fond, qu’il est possible de faire même à Montréal, au Mont-Royal;
  • Du ski alpin – à ce titre, la station de Saint-Bruno est actuellement accessible en autobus, depuis la station Longueuil-Université de Sherbrooke, grâce au skibus;
  • Des descentes en tube, dans les parcs des municipalités (gratuit) ou dans des lieux spécifiquement dessinés pour ça (payants), comme à Piédmont;
  • Des balades avec des chiens de traineaux, dans un endroit respectueux des animaux. Tu peux le faire en traineau ou en ski (ski-joering) si t’as le goût du risque. Bientôt, on va tester Auckaneck, dans les Cantons de l’Est, on vous en redonne des nouvelles !
  • De la pêche blanche, pour ceux qui aiment, est une activité facile et courue. Elle est possible à plein d’endroits, et notamment dans plusieurs parcs de la Sepaq;
  • De la motoneige, dispendieuse mais proprement grisante. J’ai eu la chance d’en faire en Laponie il y a quinze ans et je rêve de faire essayer à mon amoureux. Parmi les endroits qui en proposent, nous avons eu une bonne expérience, pour des activités plus automnales, avec Aventures Plein Air, dans les Laurentides;
  • Et puis enfin, dans le lot des activités plus inédites, j’ai recensé aussi le canot à glace, le canyoning et l’escalade de glace, ou encore le snowkite. La liste complète est à découvrir sur Aventure Québec.

Et vous, c’est quoi LA principale activité qui occupe votre hiver (à part Netflix bien sûr) ?

-Lexie Swing-

Crédit photo : Matthew Henry

Que s’est-il passé en 2022 ?

En 2021, à peu près à la même époque qu’aujourd’hui, je mettais la main aux derniers détails relatifs à mon article en quatre chapitres sur la reconversion professionnelle. Le sujet, qui mêlait à la fois mon nouveau métier (la chasse de têtes) et mon ancien (le journalisme) m’a permis de redonner un coup de fouet à ce blog tombé en quasi-désuétude durant la pandémie. J’ai bien cru à un rebond… et puis non ! L’inspiration venait désormais à manquer cruellement et l’expérience a tourné court au printemps 2022.

Que s’est-il passé alors, depuis que l’on s’est quitté ?

Les vacances (le plus important)

Faisant fi de nos habitudes, nous avons fait le choix de retourner en France pour l’été une fois encore. Je bénéficiais de la possibilité de travailler à distance de façon relativement illimitée, que j’avais donc prévu d’utiliser autant que possible. Grossière erreur. Travailler à distance ne ressemblait en rien aux quatre semaines de vacances que l’on avait connues l’année précédente (oui, je nourris toujours beaucoup d’espoir dans la vie). Mes plans ont vite pris le bord quand je me suis retrouvée à travailler de midi à 22h alors que mes amis étaient disponibles à compter de 17h. Sans compter les allées-retours, parce que voir une seule fois des proches que l’on n’a pas vus depuis une année ou plus, ce n’est guère envisageable. Résultats : nous n’avons vu presqu’aucun de nos amis – y compris ceux qui résidaient dans le village voisin – et avons couru de bout en bout. Exception notable : une semaine dans le Périgord, un coin que l’on adore, avec famille, couloir de nage et adorable village en contrebas. Bref, en 2023, nous comptons bien tenir compte des expériences passées et notre année devrait être riche, entre quelques jours au Lac Taureau, une petite semaine en amoureux à Vancouver, la découverte de la Gaspésie en famille, et puis un retour en France pour les fêtes, sans travailler cette fois.

Les enfants (la dimension inoubliable, surtout le dimanche matin à 7h)

Je me rappelle encore lorsque j’annonçais sur le blog, à la fin de l’hiver 2015, l’arrivée prochaine de notre deuxième enfant. Ce petit pois-là a fêté ses sept ans en 2022. Sa grande sœur, la Miss B. qui a accompagné ces écrits depuis le tout début, s’apprête pour sa part à célébrer ses dix ans. Revoir leurs petites faces de bébés me fait toujours autant fondre le cœur mais je dois avouer que leurs âges actuels sont bien plus funs ! Moins de contraintes, plus de découvertes, et plus de plaintes aussi, tant qu’à faire ! Les deux sont désormais à l’école primaire ensemble, ce qui sera encore le cas pour les deux années et demi à venir. On en profite !

Les animaux (qui nous apportent autant de fun que de contraintes)

Ça a été le grand changement de 2022 : nous avons accueilli un nouvel animal avant de dire au revoir à un autre. En février, nous nous sommes ainsi proposés pour devenir famille d’accueil pour lapin, un animal que B. souhaitait ardemment et que j’adore, pour en avoir eu plusieurs dans ma vie. Après quelques échanges d’informations, le beau Chester est entré dans notre vie. Lapin errant, probablement né d’une femelle lapin nain relâchée dans la nature alors qu’elle était gestante, il avait été attrapé quelques jours plus tôt par une bénévole. Il n’avait jamais connu la vie en intérieur. Il s’y est fait comme s’il avait toujours connu ça, courant dans la maison, faisant ses besoins dans une litière et terrorisant les chiens de la maisonnée. Ce joyeux trio a ainsi rempli la maison de baves, courses-poursuites et poils durant plusieurs mois. A l’automne, les articulations de notre vieux chien étant devenues trop douloureuses pour le porter, nous avons pris la décision de mettre fin à ses jours. Depuis deux mois, nous avons donc de nouveau deux animaux et sommes convaincus que nous nous arrêterons ici. Nous les aimons plus que tout mais il est difficile d’oublier les contraintes qu’ils représentent également, surtout lorsque vient le temps de partir en vacances, ou même juste pour une soirée. Bientôt, nous prévoyons emmener ce duo ensemble au chalet, histoire de voir s’ils ont le goût de l’aventure !

Le travail (parce que les vacances, les enfants et les animaux, ça coûte cher)

En 2022, rien n’a changé côté travail, ce qui n’est déjà pas si mal ! En pratique, nous avons continué dans nos rôles actuels, prenant graduellement plus de responsabilités. Au printemps, la collègue avec qui je collaborais est partie, laissant un grand vide mais aussi un poste à combler. J’ai donc repris la gestion du département, rejointe bientôt par une nouvelle collègue. A ce niveau, 2023 devrait être une confirmation des stratégies entreprises et, on l’espère, de nouveaux succès. On croise les doigts donc !

Et puis le reste ?

En 2022, j’ai continué la course à pieds, commencée l’année d’avant, et j’ai même couru mon premier 5 km en compétition. Un beau challenge, quand on sait que je dépassais à peine le bout de la rue une année auparavant ! J’espère bien continuer sur ma lancée, en tentant d’accepter que la progression est lente et que les jours peuvent ressembler à aujourd’hui : une sortie avortée au bout de quelques minutes car le corps ne suit pas. L’objectif en 2023, c’est d’atteindre les 10 km.

Après un mois d’octobre difficile, j’ai dû me résoudre à changer des choses au bénéfice de ma santé mentale; des changements qu’il va falloir ancrer en 2023. Mais entre autres choses, désormais je dessine. Je me suis toujours extasiée de ce talent particulier chez les autres quand même mes dessins de errements téléphoniques (ces zigwiwis que l’on dessine pensivement en écoutant la conversation au téléphone) semblaient être l’œuvre d’un enfant de quatre ans. Depuis j’ai découvert les tutoriels YouTube et mes chiens ne ressemblent plus à des vaches de l’espace. Je m’oblige à ces quelques minutes qui me déconnectent du reste, pour le mieux.

J’ai aussi commencé une nouvelle pratique : le long board. Mon chum m’a offert une planche magnifique, servant pour le moment de déco dans la chambre – hiver oblige – mais qui m’a déjà permis quelques sorties dans la rue (et gamelles!). Inutile de dire que Tempête, qui a la sienne depuis déjà quelques années, en fait mieux que moi et me la pique régulièrement.

Et vous ?

Il manque des choses dans ce bilan, les joies profondes, les hésitations, ces moments où, les mains serrées sur le rebord du comptoir de cuisine, je me suis demandée si j’allais tenir le coup. Il ne dit pas l’espoir et la pression, mais il dit le cheminement.

Alors quel est le vôtre ? Que s’est-il passé pour vous en 2022, les menus plaisirs, les doutes, les accomplissements ? Et qu’attendez-vous de 2023 ?

Je suis heureuse de vous retrouver là pour une nouvelle année, je vous la souhaite joyeuse et tendre et excitante. Je vous souhaite de ne pas laisser le stress diriger vos journées et de savoir compartimenter vos vies. Je vous souhaite des « rides » sur ce que vous voulez, : un vélo, un poney, une planche à roulettes ou au volant d’une voiture, pour aller découvrir le meilleur de vos environs. Je vous souhaite des aventures. Prenez soin de vous, j’ai hâte de vous lire ! Bonne année 2023.

-Lexie Swing-

Crédit photo : Lexie S.

Changer de carrière : le bilan

Vous êtes passé à travers la volonté ardente de changer de métier, par les étapes cruciales de la formation, puis vous avez enfilé les mocassins (ou escarpins) de votre nouvelle carrière. Depuis, le temps a passé, parfois seulement quelques mois, d’autres fois cela fait des années, mais les interrogations vont et viennent quant à la réalité de ce nouveau métier.

Pour certains, c’est la réalisation d’un rêve. Enfin, ils se lèvent le matin pour faire le métier qui leur correspond. Pour d’autres, cependant, c’est la douche froide. La réalité est bien loin de ce à quoi ils s’étaient attendus.

Lorsque les reconversions ont commencé à avoir le vent en poupe, le miroir renvoyait une image toujours plus dorée, reluisante, comme s’il avait suffi de changer pour s’inventer enfin un futur à sa mesure. Et puis, peu à peu, d’autres voix se sont élevées, décriant une image volontairement déformante, dévoilant en arrière-plan un contrecoup plus amer : celui du projet de reconversion qui ne fonctionne pas, du rêve d’indépendance qui se heurte à la difficulté de s’établir, de cette fausse idée – même – de liberté, véhiculée par une décennie qui a vu croître les métiers digitaux et le nomadisme professionnel, en parallèle d’un retour à l’essentiel.

Nouvelle réalité

Pour Alexandre, barbier depuis 6 ans et propriétaire de son propre salon dans le quartier de Verdun, à Montréal, le constat est positif. Son salon est selon lui un endroit simple, où il y a du partage et où il peut laisser libre court à son souci du détail. Il commence sa deuxième année comme propriétaire, dans le contexte pandémique que l’on sait. Pour le moment, il « préfère être sécuritaire et être encore un petit salon à caractère privé (seul avec mon client) mais il serait intéressant d’avoir un partenaire et pourquoi pas un jour un espace plus grand pour accueillir une équipe ».

Guilhem, désormais massothérapeute à temps plein, est dans la même démarche. S’il teste encore sa résistance physique pour évaluer le nombre de massages qu’il est susceptible de réaliser par semaine, il envisage également de s’établir dans une pratique plus privée, à son compte. À titre personnel, son bilan est également positif. Faisant mention des courbatures qu’il ressent parfois après des journées plus chargées, il estime que celles-ci « sont pour moi bien plus agréables que les maux de cervicales/têtes ou de haut de dos qui finissent quand même par nous rattraper quand on passe trop de temps en tension devant un ordi! » Sa capacité à décrocher de ses préoccupations professionnelles a également été impactée. « Mentalement, je trouve ça beaucoup plus facile, on fait sa journée en faisant au mieux à chaque soin, mais une fois le pied dehors, il est vraiment beaucoup plus facile de fermer la page mentale qui – dans mon ancienne vie – finissait souvent par trotter en boucle dans un coin de ma tête, fin de semaine comprise. »

Violette est également convaincue d’avoir fait le bon choix. Venue d’un milieu difficile, où la pression était forte et la reconnaissance rare, elle profite aujourd’hui de son métier de bibliothécaire qui lui offre à la fois la sérénité d’un salaire mensuel, mais surtout un rôle à responsabilités dans lequel elle obtient rétroactions et remerciements. « Je m’éclate sur plein de trucs; j’ai à la fois beaucoup à apprendre et beaucoup à apporter », estime-elle

Julie, pour sa part, a choisi de se laisser encore quelques mois pour réellement faire le bilan de sa reconversion. « Je ne suis pas sure d’occuper ce métier pendant de nombreuses années, souligne-t-elle. Je le vois plus comme une transition ». Un autre projet a d’ailleurs déjà germé dans sa tête.

Et si c’était à refaire ?

Choisir de se reconvertir, c’est aussi accepter que l’on a besoin d’évoluer, ou pire : que l’on s’est peut-être trompé au départ. En cause : une mauvaise orientation après le secondaire ou le lycée, couplée à une relative méconnaissance de soi-même à un âge où tout est encore à construire. Pour autant, le constat est sans appel et rares sont les reconvertis qui considèrent qu’ils auraient pu accomplir ce même métier dix ans auparavant. Plus encore, ils considèrent généralement que leurs premiers emplois ont été décisifs dans leur construction professionnelle, les amenant à cheminer, à développer des compétences transversales mais aussi à mieux se connaître, tout simplement.

Julie l’assure sans hésitation : elle ne regrette pas son parcours professionnel. Chargée de recouvrement durant plusieurs années, son souhait de rupture avec son ancienne profession lui a permis de « tout quitter », et sans regrets. « Je pense que si j’avais mieux réussi, professionnellement parlant, après mes études, je n’aurais peut-être pas eu la chance de prendre une année sabbatique par exemple ou que je serais encore dans une relation amoureuse dans laquelle je n’étais pas vraiment heureuse. » Un parcours qui n’est pas sans rappeler d’autres personnes qu’elle a côtoyées dans son cheminement. Lors d’un coaching business en 2021, elle avait effectivement rencontré « beaucoup de femmes qui ont démarré leur activité comme moi, et la majorité ont exercé pendant des années un métier qui ne leur convenait pas et ont fini par sauter le pas. Donc je me sens moins seule. Mon parcours m’a appris à relativiser et je pense que je serai aussi plus indulgente avec mes enfants quant à leur choix d’études. Ils feront comme ils veulent car rien ne garantit que leurs envies n’évoluent pas avec le temps. »

Ce questionnement relatif aux études, Guilhem l’a abordé également. Lorsqu’il a pris la décision de se reconvertir, il a eu l’impression pour la première fois de prendre le contrôle. « J’ai choisi d’aller en massothérapie, et j’insiste sur le mot choisi parce que pour la première fois de ma vie j’avais l’impression de choisir vraiment quelque chose professionnellement parlant! » Reste que pour lui, son expérience antérieure et les années de maturité gagnées depuis ses premières études lui ont permis de réellement s’accomplir dans son nouveau métier. Il n’a « absolument aucun regret, ni d’avoir changé de carrière, ni de ne la commencer que maintenant car si j’avais été masso à 20 ans, je n’aurais jamais eu la même écoute ou compréhension de la réalité de ce que les gens me racontent tout au fil de la journée ».

Alexandre aurait quant à lui apprécier commencer le métier de barbier un peu plus tôt. Mais il voit également ses précédentes expériences comme un cheminement positif. « Je suis heureux d’avoir eu la possibilité et l’audace de faire un changement total de carrière dans la trentaine. J’aurais aimé faire ce métier avant mais je ne regrette pas mon cheminement professionnel. Chaque emploi ou expérience acquise m’a amené là où j’en suis maintenant, je pense que toute expérience est bonne à prendre ».

Violette a pour sa part une approche plus philosophique. Si elle est persuadée qu’elle aurait pu s’épanouir dès le début de son cheminement si elle avait connu le métier de bibliothécaire plus tôt, elle reste consciente que son parcours professionnel est intrinsèquement lié à sa vie privée. « Dans mes études et dans mes boulots, j’ai rencontré plein de gens qui sont mes amis aujourd’hui, se remémore-t-elle J’ai rencontré mon conjoint par ce cercle-là. C’est quelque part ma vie complète qui serait différente. »

Un dernier conseil ?

Des conseils à donner, Alexandre n’en manque pas. Lui qui a appris le métier de barbier sur le tas, à la base, en offrant des coupes gratuites aux gens de son quartier, est aujourd’hui plus que réaliste quant au chemin parcouru depuis 6 ans et la création récente de son propre salon. « Crois-en toi et en tes compétences » argue-t-il. « Sois patient même si c’est correct d’être avide de reconnaissance » ou encore « Donne-toi les moyens d’arriver à tes fins ». Julie renchérit, en rappelant qu’il faut toujours garder en tête son « pourquoi », se souvenir de ce qui nous a poussé à changer, des raisons à l’origine de la reconversion. Elle insiste, également, sur l’importance de s’entourer « des bonnes personnes, celles qui vous encouragent », et de ne pas trop prêter l’oreille aux pessimistes. « Garder un mindset positif et déterminé est essentiel pour une reconversion réussie ».

Violette a une vision plus pratique. Elle conseille à ceux qui le peuvent de ne pas hésiter à faire un « bilan de compétences. Ça m’a vraiment été super utile (…) ça a légitimé l’envie que j’avais depuis quelques années de travailler en bibliothèque ou en librairie. » Sur un autre plan, qu’elle mentionne dans le cadre du questionnement identitaire qu’elle a ressenti lorsqu’elle a réalisé que le métier auquel elle se dévouait depuis de nombreuses années ne lui correspondait guère, Violette souligne l’accompagnement indispensable qu’a été pour elle le suivi en psychologie.  » (Se reconvertir) suscite beaucoup d’interrogations, c’est un gros bouleversement et mine de rien le travail occupe une grande place. » Elle en tient pour preuve cette question fréquente avec laquelle on accueille souvent les nouveaux venus : « et toi, tu fais quoi dans la vie ? » Le travail finit donc par nous définir, et vouloir en changer revient à questionner aussi son identité.

Apportant une pierre supplémentaire à la nécessité de bien s’entourer lors de sa reconversion, Violette mentionne qu’il est important de se détacher de l’avis de ses proches, qui peuvent voir dans la volonté de reconversion un changement de personnalité. La coach qui l’a accompagnée lors de son bilan lui a d’ailleurs conseillé de s’ouvrir d’abord à des gens hors du contexte familial ou amical, la famille ayant souvent un avis subjectif, orienté et somme toute limité des capacités professionnelles de la personne en reconversion.

Confrontés à la question de savoir s’ils pensent évoluer encore vers autre chose, Guilhem, Violette et Julie ne se ferment pas la porte. « On verra bien », « peut-être changerai-je de nouveau, qui sait ? » et « on peut avoir plusieurs vies dans une vie, la preuve », sont désormais leur leitmotiv. Conscients qu’une vie professionnelle est longue et riche en possibilités, ils ont choisi désormais de se laisser la chance de suivre leur intuition.

Je remercie mille fois mes amis de s’être prêtés au jeu de ce « bilan de reconversion ». Pour plus d’infos, vous pouvez retrouver Alexandre, dans son salon Parallèle Barbier Barbershop, à Verdun. Pour entrer en contact avec Julie, rendez-vous sur la page JA Créatrice de Contenu. Guilhem exerce quant à lui sur la Rive-Sud de Montréal, n’hésitez pas à m’écrire pour ses coordonnées ! Quant à Violette, je garde sa véritable identité secrète mais qui sait… peut-être la croiserez-vous un jour dans une bibliothèque !

-Lexie Swing-

Photo : Rawpixel pour Burst

Changer de carrière : l’atterrissage

Les balises sont posées, le plan de vol opérationnel, après l’envie de changer de carrière et l’effort consacré à mettre en place ce changement vient enfin le renouveau, ce quotidien qu’on avait espéré et qui s’est finalement mis en place, subrepticement.

Guilhem, « ex » acousticien, a donc choisi de se reconvertir vers le métier de massothérapeute. « J’avais (…) ce besoin de travailler avec mon corps, mes mains, pour aider plus directement les gens. » Après une blessure, il avait également expérimenté la massothérapie comme une « approche clé » de la gestion de la douleur et de la guérison. En complément de ses premières 450 heures de formation, Guilhem a dû assurer la partie pratique, soit 40h de massages en clinique-école. Ses journées sont alors ponctuées de 4 à 5 massages, avec 15 minutes de repos entre chaque. « De ce point de vue là, j’ai été bien préparé mais en me réorientant je ne m’attendais pas à ce rythme qui est quand même un peu effréné au début », se souvient-il. Et de plaisanter : « On ne va pas se mentir, j’ai quand même fini les premières semaines avec les avant-bras dans une bassine de glace! »

L’aspect physique, Alexandre, « ex » gestionnaire de communautés et nouvellement barbier, y a été confronté également. « C’est un métier physique qui demande d’être debout toute la journée et dont la mauvaise humeur ou la contrariété du quotidien doit être dissimulée pour que le client ait un moment relax où lui peut décompresser ».

Conciliation travail-famille

Après s’être formé de façon autodidacte en proposant ses services gratuitement aux gens de son quartier et avoir travaillé dans différents salons durant six ans, il a finalement fait le saut en ouvrant son propre salon « Parallèle Barbershop » à Verdun, dans Montréal. Un lieu qui, selon lui, le représente assez bien et au sein duquel il a l’avantage d’être seul maître à bord. « J’organise mon horaire comme je le souhaite, je fixe mes propres règles, je sélectionne ma clientèle et je peux concilier un travail au service des autres avec un horaire de famille. »

Pouvoir conjuguer travail et vie familiale a été l’un des principaux facteurs de choix pour Julie. « Ex » chargée de recouvrement et assistante en comptabilité, elle a lancé il y a quelques mois son entreprise JA Créatrice de contenu. Le tout premier avantage qu’elle voit à sa reconversion est la souplesse horaire. Les rebondissements dus à la Covid, la crèche qui ferme soudainement ou l’école qui renvoie un enfant à la maison pour cause de cas dans la classe, ont été des contraintes plus faciles à gérer dans un quotidien où Julie n’avait de comptes à rendre qu’à elle-même. La liberté d’organiser son horaire à sa guise a aussi eu un impact favorable du point de vue de sa créativité. « Je travaille aussi quand j’ai le plus d’inspiration (…), ce qui veut parfois dire de travailler le soir une fois les enfants couchés, mais je fais comme je veux. »

(In)stabilité financière

Mais flexibilité horaire ne veut pas dire que l’on travaille peu, bien au contraire. « Je ne pensais pas que ce serait aussi intense que cela, aussi souvent. Avec deux enfants en bas âge, j’ai parfois du mal à garder le rythme et la frustration de ne pas avoir encore de « gros » clients reste très présente. » Autre inconvénient de taille d’un métier de travailleur autonome : l’instabilité financière. Encore à l’aube de sa reconversion, Julie avoue être dans l’expectative. « Je ne vis pas encore de mon nouveau métier, cela pourrait encore prendre plusieurs mois et je sais que d’ici quelques temps il faudra faire le choix de continuer ou d’arrêter et de retourner dans le monde du salariat. »

Guilhem a connu également cette phase de doutes quant à la contrainte financière de la reconversion. Alors qu’il commençait à exercer sa nouvelle pratique, il s’autorisait à prendre quelques mandats en acoustique pour continuer à apporter une contribution financière suffisante à sa famille. « J’ai trouvé plus difficile justement de tenir le bout avec mon autre carrière pendant que je prenais des mandats, de ne pas céder aux chants des sirènes de l’argent proposé par mes clients. » Car son métier originel lui offrait la possibilité de gagner un salaire relativement important. « Concrètement, ça revient à refuser un salaire à 6 chiffres ou des mandats beaucoup plus conséquents pour garder ça ponctuel et dégager du temps pour faire de la réception à 17$/h qui s’est tranquillement transformée en 2 journées/semaine comme masso… » En prenant quelques mandats, combinés à son salaire fixe, il est parvenu à conserver un certain équilibre, jusqu’à finalement se consacrer uniquement à la massothérapie, sur un rythme de 20 à 25 massages par semaine environ. « Soyons clair, on ne devient pas riche en étant massothérapeute, les formations coûtent cher mais on arrive à un équilibre qui pour l’instant nous va très bien ».

Le bénéfice du salariat

Récemment, Marie, du blog Petits ruisseaux grandes rivières et auteure du livre « Education positive : une question d’équilibre », relayait sur son compte Instragram, dans une story désormais mise à la une sous le nom de « reconversion », une pluie de témoignages reçus à la suite du partage d’un article du site Les Échos « Charpentier, boucher, coiffeur, ils ont tout coiffé pour un job de bureau« . L’article et les commentaires reçus par Marie étaient éloquents au regard de cette instabilité financière qui accompagne parfois les reconversions… et de la recherche d’un salaire mensuel fixe qui peut devenir le facteur principal d’un changement.

Violette en a fait l’expérience. « Ex » journaliste, devenue employée de bibliothèque, elle goûte désormais avec bonheur à la satisfaction de voir tomber un salaire tous les mois. « Ça rend les choses tellement plus faciles », reconnaît-elle. Elle qui démarchait sans relâche les rédactions et courait sans cesse après le paiement de ses piges profite de cette sécurité financière. La facilité avec laquelle elle a pu mettre en place son projet de reconversion a également pesé favorablement dans la balance. Entre son bilan de compétences réalisé à l’automne 2020 et son premier emploi dans le domaine, 10 mois se sont écoulés. Le temps pour Violette de terminer ses articles en cours, terminer son bilan et même réaliser des stages de découverte en bibliothèque. Après avoir envoyé quelques candidatures en avril 2021, elle a été contactée pour trois entretiens et reçu une offre d’emploi pour deux d’entre eux. Une dynamique que même la Covid n’est pas venue ternir. « J’ai craint jusqu’au bout que ce soit annulé, avec les confinements successifs ». Mais son nouvel emploi a bel et bien commencé début juillet 2021.

Le plus difficile pour elle a été de faire le deuil de ce métier dans lequel elle avait mis tant d’énergie. « Je voyais (…) des journalistes qui relayaient leurs articles et je me disais que j’aurais aimé écrire sur ce sujet, ou bien je pensais à une publication et me disais que je ne l’avais pas encore essayée, celle-ci… » Durant quelques mois, le temps de son bilan de compétences, cette amertume plane, jusqu’à ce que finalement la rationalité l’emporte. « J’ai réalisé que j’avais essayé beaucoup, finalement, et que c’était difficile partout. »

Doutes de néophytes

L’autre aspect difficile pour Violette a été le fait de se retrouver novice, de nouveau. Passer d’un rôle que l’on maîtrise par coeur à un métier pour lequel tout est à réapprendre peut être un vrai défi moral, surtout lorsque l’on avance en âge. Dans un reportage réalisé par le Journal La Montagne, la Riomoise Marion Le Lann, ex-employée en communication se formant au métier d’encadreur d’art, aborde cet aspect particulier de la reconversion. « Pour moi, qui ai fait des études supérieures (*) : ne pas chercher à intellectualiser, mais faire ce qu’on me dit de faire comme on me dit de le faire. C’est une complexion d’esprit différente » explique-t-elle à la journaliste Géraldine Messina. Pour Violette, le salut est venu de sa capacité à lâcher prise. « Je suis arrivée en poste et j’ai eu l’impression de ne rien savoir faire, se souvient-elle. J’avais des responsabilités, on m’avait fait confiance et je me suis sentie un peu acculée. Finalement, j’ai posé des questions et j’ai avancé. » Accepter et faire accepter aux autres le fait que l’on puisse être plus âgé et débutant est la base d’une reconversion sereine.

Guilhem en a aussi fait l’expérience. La pratique primant dans l’apprentissage de son métier de massothérapeute, il a dû multiplier les possibilités de l’exercer, tout en répondant aux demandes de sa clientèle, dans un contexte concurrentiel. « La fluidité, l’écoute des besoins de la personne recevant le massage, la bonne manœuvre au bon moment, tout cela s’acquiert avec l’expérience et c’est évident qu’au début, on fait quelques erreurs qu’il faut accepter. » Après plus de 200 massages donnés à titre professionnel, il constate chaque semaine la progression que cela lui apporte.

Syndrome de l’imposteur

Le caractère difficile du fait d’être débutant dans un métier, Alexandre l’a expérimenté sous une autre forme : celle du syndrome de l’imposteur. Ce syndrome, fréquent dans le domaine professionnel en général, peut être exacerbé dans une situation de reconversion. Les attentes que l’on a envers soi-même sont supérieures à ce que l’on est susceptible d’accomplir du fait du recommencement, et la différence d’âge avec des collègues de compétences égales peut venir ajouter à ce décalage. Dans un article très récent, le magazine Capital donne des clés à ceux qui se sentent submergés par ce syndrome. En première ligne : les expériences professionnelles, avec l’appui desquelles on peut redessiner le contour de ses compétences et prendre conscience de sa valeur. Pour Alexandre, le temps et des formations supplémentaires ont été salutaires pour doper sa confiance. « Le syndrome de l’imposteur a fini par disparaître (…) à force de pratique et avec des petites formations avancées, j’ai pu combler mes lacunes. »

Lorsque l’on retrouve un équilibre financier et que l’apprentissage laisse place à une forme de maîtrise, vient alors le moment de faire un pas de côté pour mesurer le chemin accompli et décider vers quoi l’on souhaite tendre, désormais. Notre reconversion est-elle réussie ? Est-elle un aboutissement ou juste une étape vers quelque chose plus en phase avec nos aspirations réelles ? Seul le temps peut permettre d’établir les bénéfices et les pertes de sa reconversion.

-Lexie Swing-

Photo : Matthew Henry pour Burst

Changer de carrière : le carrefour

Le souhait est là, l’envie pressante, impérative parfois : qu’on ait longuement réfléchi à sa reconversion ou qu’elle se profile presque comme une urgence vitale, tous les travailleurs concernés passent par une phase de réflexion quant à la suite à donner à son cheminement professionnel. À l’image d’une relation amoureuse qui se termine, on retient de la carrière que l’on met derrière soi la liste des aspects que l’on souhaite voir absents de son futur emploi. Il peut s’agir d’une relation hiérarchique, du fait de dépendre d’une entreprise, d’horaires ou de déplacements trop fréquents. En revanche, la liste des choses que l’on aimerait trouver, outre l’épanouissement personnel, est plus dur à envisager. Entre désirs fous – 8 semaines de vacances ! – et humilité – « je ne peux pas prétendre à un salaire annuel à 6 chiffres avec si peu d’expérience ! » – les contours de nos nouveaux projets sont souvent flous.

Sans compter que notre première carrière nous permet souvent de déterminer ce pour quoi nous ne sommes pas – ou plus – faits, sans pour autant nous permettre de voir quel métier nous correspondrait. Est-ce que le plaisir relatif que l’on trouve dans l’organisation ferait de nous un(e) adjoint(e) accompli(e)? Ce goût pour la mise en place de petits événements festifs à l’échelle familiale est-il la preuve que l’événementiel est notre force ? Ou cette psychologie et cette empathie que l’on témoigne même aux personnes tout à fait étrangères à notre cercle pourraient-elles être le fondement d’une carrière future ?

Lorsque ni nos premiers emplois, ni une réflexion objective quant à nos aspirations, ne permettent d’ébaucher un projet professionnel sensé, le meilleur réflexe reste le bilan de compétences. En France, près de 60 000 salariés y auraient recours chaque année pour faire le point sur leur évolution professionnelle. C’est d’ailleurs par ce biais que mon amie Violette, 33 ans et ancienne journaliste, a trouvé vers quoi évoluer. En France, le bilan de compétences est éligible au compte personnel de formation. Les demandeurs d’emploi peuvent, pour leur part, faire la demande directement à Pôle Emploi. Au Québec, les services d’aide à l’emploi peuvent également faciliter l’accès à ce bilan, qui est peut être gratuit pour les demandeurs d’emploi.

Une fois la suite du cheminement professionnel identifié intervient la partie la plus cruciale et – potentiellement – la plus difficile : se former. Pour Alexandre, 38 ans, cette formation s’est faite en autodidacte. Alors au chômage, il avait pensé se tourner vers un coiffeur-barbier déjà installé pour se former à ses côtés en tant qu’apprenti et apprendre ainsi les ficelles du métier. Malheureusement, personne n’avait le temps de jouer ce rôle. « J’ai donc décidé d’apprendre à couper les cheveux et trimer des barbes par moi même en offrant des prestations gratuites aux habitants de Verdun », son quartier.

La question de la formation s’est également posée pour Violette. Après avoir identifié le métier de bibliothécaire comme profession pertinente pour la suite de son cheminement, elle a postulé à un DUT formant aux métiers du livre. Mais en s’informant davantage sur la profession, elle s’est aperçue qu’un certain nombre de personnes l’exerçaient à titre de contractuelles. Une possibilité qu’il l’a séduite. « Je n’avais pas envie de reprendre les études, les devoirs, les travaux collectifs, d’être notée, je préférais apprendre sur le tas.  » Car c’est un peu là, la difficulté de la reconversion et ce qui devient souvent un frein à certains projets professionnels : recommencer des études lorsque l’on a quitté les bancs de l’école depuis déjà plusieurs années. Mais les chemins de traverse ne sont pas à négliger pour autant. « Je me rends compte qu’il y a des choses, d’un point de vue théorique, qui me manquent. (Suivre une formation) m’aurait permis d’avoir un peu de recul sur le métier plutôt que d’être le nez dans le guidon, assume Violette. Mais l’avantage c’est que j’ai une façon de voir les choses un peu extérieure (…) et que je n’ai pas été formatée. »

Le cheminement de Julie, 38 ans, l’a poussée à s’interroger sur les métiers qui pouvaient lui permettre de mener de front sa vie de professionnelle, de conjointe et de mère, dans un contexte de mutation géographique à La Réunion, et en pleine pandémie. « J’ai décidé d’orienter ma recherche de travail vers un métier que je pourrais exercer depuis chez moi, seule et à mon compte, explique-t-elle. La distance avec la famille, le fait de n’avoir aucune aide sur place, la circulation très compliquée sur l’île et la garderie de l’école et la crèche du petit fermant leurs portes de bonne heure ont été autant de raisons que de sources de motivation pour trouver un métier qui me permettrait de concilier vie pro et vie perso. » Parmi les différents métiers qu’elle envisage, celui de Community Manager lui paraît le plus attractif. Les publicités qu’elle voit régulièrement apparaître sur les réseaux sociaux louent par ailleurs la possibilité de mener de front vie professionnelle et vie de famille. Julie pèse le pour et le contre, et choisit finalement de se lancer dans la formation proposée par Mamans Digitales. « J’ai suivi une formation sur 12 semaines pendant lesquelles je devais mettre en pratique ce que j’apprenais. J’ai donc dû trouver une entreprise qui acceptait que je gère leurs réseaux sociaux à 100% pendant cette durée. » Alors nouvellement maman pour la deuxième fois, Julie cumule les rôles. « Avec un bébé qui ne faisait pas encore ses nuits et allait seulement 2 jours par semaine en crèche, une formation à distance en continu et un cas pratique, j’ai trouvé cette période de 3 mois dense, fatigante mais aussi très enrichissante. « 

Parfois, le métier envisagé nécessite un retour aux études ou une formation plus longue et qui se cumule mal avec un autre emploi, même à temps partiel. La question financière se pose alors. En France, un certain nombre d’aides existent pour financer sa formation lorsque l’on est salarié. On pourra par exemple bénéficier d’un Projet de Transition Professionnelle (PTP), d’un Compte Personnel de Formation (CPF) ou encore d’un Transco. Pour les demandeurs d’emploi, des subventions existent également, à l’image de la RFPE ou Rémunération de Formation Pôle Emploi, ou encore de l’Aide au Retour à l’Emploi Formation (AREF). Au Québec, on trouve aussi des ressources, selon les métiers envisagés. En juillet 2021, le Programme pour la requalification et l’accompagnement en technologies de l’information et des communications (PRATIC) a ainsi été lancé. Destiné aux personnes sans emploi, ce programme vise à les encourager à entreprendre une formation dans les Technologies de l’information en leur fournissant une aide financière durant celle-ci. Le programme de formation de la main d’oeuvre vise pour sa part à venir en aide aux personnes ayant besoin d’une formation supplémentaire pour trouver un emploi ou conserver le leur. Pour ceux qui sont demandeurs d’emplois et souhaitent lancer une activité de manière autonome, un programme de soutien a également été mis en place.

Le métier vers lequel Guilhem, 38 ans, souhaitait se reconvertir ne lui laissait guère le choix. En effet, la massothérapie ne s’improvise guère ! Pour devenir un massothérapeute certifié, il a dû suivre une formation de base de 450 heures, le minimum pour pouvoir émettre des reçus d’assurance et pouvoir être embauché par des cliniques de soin ou des centres de spa. Censée durer 5 mois, sa formation s’est étirée, pandémie oblige, sur près d’un an et demi. Afin de subvenir à une partie des besoins familiaux, Guilhem a donc continué à prendre quelques mandats ponctuels en acoustique et s’est fait engagé pour tenir la réception 10 heures par semaine dans une clinique locale proposant des services de physiothérapie, massothérapie ou encore osthéopathie. Cela lui a permis de « voir comment fonctionne une clinique, travailler les aspects relations clients », et de nouer les liens qui allaient peut-être lui permettre d’y travailler un jour comme massothérapeute. À l’issue des premières 450 heures de formation, Guilhem a finalement choisi d’en faire 250 de plus pour explorer davantage la kinésithérapie orientée massage thérapeutique ainsi que le sujet des blessures et pathologies. « Honnêtement, la somme de travail que j’ai fourni était bien au-delà de ce que je pensais avoir à faire en m’inscrivant, reconnait-il. Et cumulée aux mandats d’acoustique et à la réception, il y a eu des semaines un peu plus difficiles mais je prenais un réel bonheur à être sur les bancs de l’école. » Son salut, il l’a tiré du soutien indéfectible de sa conjointe, à la fois soutien moral et appui financier. « Elle n’a jamais remis en question mes choix et a énormément facilité le projet. »

Le soutien de l’entourage, de la famille ou du conjoint joue certainement un rôle fondamental. Reste qu’une fois les études ou la formation réalisées se pose alors la question de la nouvelle carrière et de son quotidien. Nos choix, que l’on ne peut plus imputer à une mauvaise orientation scolaire ou à un manque de maturité, sont-ils toujours viables dans le temps ? Et résistent-ils toujours à l’épreuve de la routine familiale, des exigences financières ou de ce que l’on avait espéré, tout simplement ?

-Lexie Swing-

Changer de carrière : la genèse

On ne décide pas de changer de carrière un beau matin. Ou plutôt si, peut-être qu’un soir, entre le boulot et le métro, on se demande ce qu’on fait là, et à quoi ça sert, tout ça.

Les changements de carrière ne sont pas tous la résultante d’un même état d’esprit. Ils sont parfois une prise de conscience, celle que la vie qu’on mène manque de sens et n’est pas, ou plus, en adéquation avec nos valeurs. Ils sont une envie d’autre chose, un ailleurs différent, un espoir face à un quotidien pas désagréable, mais un peu terne. Ils suivent souvent une goutte d’eau, celle de trop, celle qui fait partir l’esprit en torpille : une ambiance de travail difficile, un but professionnel abscons, des horaires de travail dictés au mépris de tout équilibre.

En décembre 2020, un sondage réalisé au Canada par la firme LifeWorks rapportait que 24% des répondants mentionnaient envisager changer d’emploi, et 20% supplémentaires hésitaient à ce sujet. L’une des représentantes de la firme estimait alors que les travailleurs de moins de 40 ans étaient deux fois plus susceptibles que les tranches d’âge supérieur à changer de carrière.

Qu’est-ce qui nous pousse à changer de carrière lorsque l’on a étudié parfois des années pour un domaine ? Ou que l’on parlait depuis l’adolescence d’un certain métier ?

L’un de mes amis, Guilhem, âgé aujourd’hui de 38 ans, a commencé son premier métier par l’effet d’un « accident positif ». « Je terminais un master en France pour travailler en génie conseil en acoustique, or étant encore jeune et fraichement marié, je-on décidait qu’un petit tour à l’étranger pouvait être très formateur. » Son sujet de thèse, il le choisit en fonction de la destination : Montréal. « Je postule, ça marche, on arrive avec nos deux valises et notre chat et c’est parti pour une thèse qui va durer 5 ans, sur un sujet qui m’a amusé, dégoûté, intéressé par certains aspects, mais jamais vraiment passionné comme peuvent souvent le dire des étudiants qui ont choisi un sujet de thèse plutôt qu’une destination exotique pour la faire. »

Un nouveau contrat l’entraine vers 5 nouvelles années dans la même profession. Cinq années durant lesquelles il ne se pose guère la question de l’après, jeunes enfants obligent. Jusqu’à la prise de conscience, qui a pris pour Guilhem la forme d’une grande lassitude, doublée d’une impression de manquer de perspectives d’avenir dans le rôle qu’il occupait alors.  » La perspective de devenir prof à l’université ne m’enchantait que très moyennement, je voyais les jeunes profs autour de moi travailler beaucoup trop et aussi la frustration des aspirants profs et les efforts interminables que prenait cette quête pour eux ». Il s’interroge sur la possibilité de faire de la recherche dans le privé, à son compte, mais déchante. « Je me rendais déjà compte que j’allais surement faire du développement de produits pour ajouter à la pile de gogosses technos déjà existants. »

La lassitude, c’est aussi ce qui a conduit mon amie Violette, dans la jeune trentaine, a changé de métier. Après avoir suivi un parcours littéraire, elle se tourne rapidement vers la presse écrite et y devient pigiste. En septembre 2020, alors qu’elle exerce sa profession depuis déjà dix ans, elle prend la décision d’y mettre un terme. « À l’origine, je voulais avoir un métier qui allait me permettre de ne pas m’ennuyer et dans lequel je pouvais écrire », souligne-t-elle. « Mais la part consacrée à la partie créative et intellectuelle devenait moindre par rapport au temps passé à démarcher les rédactions, relancer et relancer encore… » Les tâches administratives, le manque de support mais aussi l’impression de courir sans cesse après sa paie gangrènent souvent le milieu du journalisme, à plus forte raison lorsque le métier s’exerce à la pige.

Outre les difficultés relatives à l’environnement particulier, comme l’orientation prise par certaines rédactions en faveur d’articles « faisant du clic », le milieu encore sexiste, le manque de solidarité entre les pigistes et l’impression de stagner, autant en termes d’expérience que financièrement, ont eu raison des dernières ambitions de Violette. Cette impression de faire du sur-place est particulièrement fréquente chez ceux qui envisagent de changer de carrière. Parfois proches du « bore-out », selon l’expression désignée pour décrire l’ennui, la perte de sens et l’absence de possibilités d’évolution qui peuvent conduire à un état dépressif, nombre de travailleurs décident de changer de voie professionnelle pour sortir de ce schéma destructif.

Parfois, ce n’est pas la lassitude mais plutôt la prise de conscience que l’on ne s’est pas engagée dans la bonne carrière qui pousse à agir. Pour Julie, 38 ans, il s’est agi surtout au départ d’un concours de circonstances. Désirant suivre son conjoint muté à La Réunion, elle démissionne de son poste de chargée de recouvrement et assistante en comptabilité. Ce rôle, explique-t-elle, « ne correspondait en aucun cas à (ce qu’elle visait) comme poste après (ses) études. » Son métier dans le recouvrement, Julie ne l’a en effet pas vraiment choisi. C’est plutôt l’urgence ou l’impératif de trouver un emploi qui l’ont fait cheminer dans cette voie. Titulaire d’un Master 2 en Management des Affaires Internationales, trilingue, elle rencontre des difficultés pour décrocher un emploi dans sa branche. Alors qu’elle vit à Dublin, en Irlande, elle trouve un emploi en recouvrement dans une entreprise d’envergure mondiale. « Je me suis dit que ce serait une bonne opportunité pour avoir un pied dans un grand groupe et évoluer par la suite », souligne-t-elle. Malgré sa clairvoyance et la conviction qu’elle ne devait pas rester trop longtemps dans ce poste « pour éviter qu’il ne (lui) « colle trop à la peau » », en sortir s’avère finalement plus difficile que ce qu’elle avait espéré. Après une année sabbatique à voyager en Amérique Latine, Julie retourne en France… et retrouve du travail rapidement grâce à son expérience en recouvrement. Le piège se referme. C’est une sorte de cercle vicieux que de se professionnaliser dans un métier que l’on occupait à l’origine seulement de façon temporaire. On souhaite en sortir, mais l’on ne trouve guère d’emploi sans l’expérience requise. On y retourne, parce que l’on a acquis les compétences et la légitimité nécessaires. La motivation est absente mais l’expérience redirige sans cesse vers l’emploi que l’on finit par honnir.

Parfois, aussi, c’est un cheminement logique qui se profile, le souhait de s’orienter vers quelque chose qui nous tentait depuis longtemps, sans que l’on ait réussi à sauter le pas plus tôt. Les premières études d’Alexandre, 38 ans, le mènent vers la programmation. Ces études, censées lui apporter de belles perspectives professionnelles, sont cependant éloignées du métier de coiffeur pour lequel il nourrit un intérêt. À ce moment-ci, l’aspect financier devient un frein. « Je n’ai pas pu concrétiser (cet intérêt) car il fallait que je passe un an à temps complet en formation, je n’aurais pas pu travailler en même temps et je ne pouvais pas me le permettre. » En arrivant au Québec, c’est un rôle de gestionnaire de communauté pour le quartier de Verdun, à Montréal, qu’il occupe finalement. Interagir avec les gens de son quartier et générer de l’attraction pour les commerçants locaux donne du sens à sa mission. En parallèle de son emploi, Alexandre développe une gamme de produits artisanaux pour l’entretien de la barbe. « Celle-ci m’a permis d’être en relation avec le monde des barbiers qui prenait beaucoup d’émergence à Montréal », estime-t-il. Lorsqu’il n’est pas prolongé dans ses fonctions, Alexandre prend alors naturellement le virage de ce monde-ci, renouant ainsi avec ses premières amours.

Ainsi, la reconversion peut simplement prendre la tournure d’un cheminement serein, une suite d’événements menant d’un emploi à un autre jusqu’à trouver celui qui fait vraiment vibrer. Ou bien celui qui fait le plus de sens, à un moment donné. Et lorsque l’on finit de s’interroger sur ce qu’on laisse derrière soi, alors peut-on sereinement se poser la question de l’après et mesurer les efforts nécessaires pour parvenir à son but. Mais est-ce si facile, de se reconvertir ?

-Lexie Swing-

« Comment j’ai changé de carrière », une série en quatre volets

Lorsque j’ai changé de carrière, il y a maintenant cinq ans, j’ai avidement dévoré les témoignages de gens qui avaient suivi le même cheminement. Rapidement, j’en ai eu la conviction : avoir plusieurs carrières dans une vie allait devenir, sinon le futur de la vie professionnelle, du moins une façon autant acceptable qu’une autre de gagner sa vie. Il est de plus en plus courant désormais de croiser des « ex-… » devenus de nouveaux professionnels. Pourquoi décide-t-on un jour que la profession à laquelle on a consacré parfois de nombreuses années d’études ne nous convient plus ? Quelles sont les difficultés auxquelles on fait face lorsqu’on change de carrière ? Et est-ce pour le meilleur, finalement ?

L’an dernier, la 2e édition du Baromètre de la formation et de l’emploi de Centre Inffo, association sous tutelle du ministère du Travail en France, a réalisé un sondage auprès de 1600 actifs. Il en ressortait qu’une personne sur cinq était alors en processus de reconversion professionnelle. Lorsque l’on ajoutait la proportion des personnes envisageant une reconversion à celles qui étaient déjà dans le processus, le pourcentage atteignait alors 47%. Interrogées dans le cadre du sondage sur leurs motivations de changement, ces personnes donnaient la volonté de se rapprocher de ses valeurs et de vivre de ses passions comme raison principale de leur changement.

Quatre de mes amis ont fait le choix, eux aussi, de changer de carrière. Ils ont accepté de répondre à une série de questions et de revenir, pour moi, sur leur parcours. Durant plusieurs semaines, je vous partagerai leurs différentes expériences. Peut-être qu’à votre tour, vous vous y reconnaîtrez. Et peut-être que, en pleine interrogation quant à votre cheminement professionnel, vous y verrez un champ des possibles qui s’élargit.

Rendez-vous vendredi prochain pour le premier volet, la genèse de leurs histoires.

-Lexie Swing-

Photo : José Silva pour Burst

Ils sont de ma famille

« Et lui, il devient quoi ? » Ce sont généralement ces interjections qui rythment mes retrouvailles avec mes parents. Assis autour de la table, à l’heure du café, nous dressons le bilan des mois écoulés. Comme bien des gens, je ne me vois guère vieillir. Je mesure le temps qui passe aux rides qui s’installent sur les visages qui m’entourent. Alors que ma mère me rapporte une réflexion faite par l’un de nos proches, je lui demande : « Comment est-il maintenant ? ». « Le même », fait-elle en souriant. « Exactement le même que quand tu l’as connu, il n’a pas changé! ». Je déglutis : « Le même, mais avec des cheveux blancs quand même non ? Et sa moustache, comment est-elle? »

Mon monde a vieilli. Ce n’est pas un jugement, c’est une constatation. J’ai vieilli aussi, je le devine sans peine, mais je suis incapable de le voir de façon aussi objective. Nous vieillissons en conservant une partie de cette candeur enfantine, invisible aux yeux des autres, dissimulée sous nos responsabilités, mais qui s’extasie devant une crêpe au fromage ou des lumières de Noël. S’il y a quelque chose que j’aurais aimé savoir, enfant, c’est que les adultes endossent avant tout un rôle. Nul ne devient brusquement sage et réfléchi, mais nous prétendons l’être, en jouant au mieux avec les cartes qui nous ont été distribuées.

Les proches que j’évoque sont moins ceux de ma famille, à quelques exceptions près, que tous ces amis que mes parents côtoyaient et qui ont forgé le socle de mon enfance. Tous ces parents d’amis, aussi, dans le giron desquels j’ai gravité, à cette manière qu’avaient les pères et mères des années 90 d’ouvrir grand leurs bras et leurs foyers pour accueillir les petits venus passer une journée ou une nuit. Les premiers souvenirs clairs que j’ai de ces proches datent probablement de leur trentaine, lorsque j’avais moi-même 6 ou 7 ans. Ils avaient l’âge que j’ai désormais et évoluaient dans des contextes similaires au mien, des familles établies, des activités ou des boulots plus ou moins prenants. Ils tenaient lieu de repères, je connaissais leurs maisons par coeur, je me fondais dans les règles établies. On mangeait différemment chez chacun – bien que tous se soient pliés en huit pour tenter de faire manger l’enfant ultra difficile que j’étais, j’espère qu’ils seront soulagés de savoir que je mange désormais presque de tout – et on y menait des activités différentes. J’étais pour eux « la fille de… » ou « l’amie de … » mais ils étaient et sont restés pour moi un repère immuable dans mon évolution. On reconnait, selon moi, les gens importants pour notre équilibre à l’enthousiasme que l’on déploie à leur partager nos accomplissements et à l’hésitation que l’on a à leur mentionner nos échecs, par crainte de les décevoir. Je ne leur dirais jamais assez merci pour l’attention et la tendresse dont ils m’ont entourée.

On « fait famille » comme on dit parfois, et l’idée va bien au-delà des liens du sang. Elle est dans ce principe que cela prend un village pour élever un enfant et j’espère jouer un jour à mon tour pour certains enfants ce rôle-ci. Celui de l’adulte qui aura compté, auprès de qui on se sera senti en confiance et vers lequel on aura plaisir à se tourner, le moment venu, pour raconter ses derniers accomplissements. Je devine déjà qui seront ces enfants et je serais aux premières loges pour les encourager.

Il y a bientôt 30 ans, je portais une robe noire et turquoise et argentée et bouffante. Je sautais sur le lit double et haut d’une chambre d’amis en clamant : « On est en 1992, on est en 1992 ». Dans le salon, les adultes riaient et trinquaient et s’embrassaient. Elle était là, fière et magnifique, extravagante. Dans mes souvenirs, elle rit à gorge déployée et secoue la vie comme un prunier. Elle prône le naturel, le temps pour soi, le soin du corps, précurseure avant l’heure d’un mode de vie désormais établi. Vendredi, mes pensées iront vers elle, comme souvent, en passant, rendant ma mémoire un peu plus vibrante, au rythme de cette énergie incandescente qu’elle dégageait. Que son souvenir vous entraîne un peu tous. À C.

-Lexie Swing-

Automne 2021 et dernières nouvelles

L’automne tire à sa fin et le week-end nous a gratifié des premières neiges. L’occasion de réfléchir aux derniers mois écoulés, qui ont défilé encore plus vite que d’ordinaire. De la dernière valise rangée, en août, au sapin désormais entreposé dans la cour, il a suffi d’un battement de cil pour que l’été laisse place à l’automne, puis aux prémices de l’hiver, le tout sur fond de télétravail, d’école masquée et autres joyeusetés.

J’ai commencé la course à pied

Je me surprends moi-même mais c’est un fait : je cours désormais de manière régulière. Et par régulière, j’entends « trois fois par semaine ». C’est irréel, quand on sait que j’ai passé la plupart de mes années scolaires a cherché une échappatoire à la corvée que représentaient les cours « d’endurance ». Endurance que je n’ai jamais eue, cela va sans dire. J’étais énergique, généralement volontaire, mais endurante, certainement pas. En juin dernier, j’ai cependant eu pour mission de mettre sur pied, avec une petite équipe, un défi « pas » pour mes collègues de l’époque, soit une centaine de personnes. Me prenant au jeu, je me suis mise à marcher quotidiennement, de plus en plus longtemps, écoutant au passage un nouvel album ou le dernier balado mis en ligne. Juillet est arrivé, le défi était terminé mais je marchais toujours, longtemps et beaucoup. Et puis nous avons retrouvé nos proches, réunis à l’occasion de notre mariage. L’un des sujets rassembleurs, ça a été la course à pied. Beaucoup s’y étaient remis, dans cet élan caractéristique des parents trentenaires qui se sont oubliés et cherchent désormais à retrouver un semblant de dynamisme et quelques minutes quotidiennes de précieuse liberté. Je me suis convaincue que moi aussi, je pouvais le faire. En septembre, mon amoureux, mon mari tout neuf, m’a acheté une montre de sport et j’ai chaussé mes souliers de course. Au bout de la rue, mes poumons m’ont rappelé pourquoi je ne courais pas. Mais j’ai tenu bon, jour après jour. J’ai dépassé l’angle de la rue, le premier bloc, les cinq suivants. J’ai couru jusqu’à l’école, jusqu’au parc, jusqu’au terrain de BMX. 11 semaines après ma première course, j’ai couru 5 km, tellement lentement que j’aurais été plus vite en marchant, mais j’ai couru sans m’arrêter, et c’était déjà un défi. Depuis je me suis équipée davantage, j’ai découvert les premiers frimas, les orteils qui se crispent et les pas précipités sur la chaussée glacée. J’attends avec impatience la neige abondante et la course en sentiers. Je ne parcours toujours pas des tonnes de kilomètres mais je cours trois fois par semaine, et ça, en soi, est déjà un exploit.

J’ai changé de boulot

Dans deux semaines, cela fera 5 ans que j’ai fait évoluer ma carrière en rejoignant le département de recrutement étudiants d’une firme d’avocats d’affaires. Dans deux semaines, cela fera également trois mois que j’ai quitté ce cabinet pour devenir chasseuse de tête dans une agence. Le Québec a ceci de formidable qu’une belle ouverture est souvent laissée aux gens qui souhaitent changer de carrière et que l’on y est conscient, voire friand, des compétences transversales, soit les compétences acquises dans un emploi qui pourraient être utiles dans un nouvel emploi, et ce même si le secteur est complètement différent. Grâce à ces compétences, j’ai une nouvelle fois pu évoluer vers un boulot qui me plait.

Mon équipe est petite (moins de dix personnes), hyper soudée et nous travaillons majoritairement de notre domicile. Deux fois par mois, nous nous retrouvons au bureau pour échanger, luncher, rire, partager, et travailler, bien sûr. L’emphase a été mise sur le matériel top notch (un bureau assis-debout!) et une conciliation travail/vie perso à la pointe de ce qui existe aujourd’hui dans les entreprises.

On est devenus des pros de la revente

Mon chum et moi étions passés maîtres dans l’art de garder le moindre objet. Entre sentimentalisme (lui) et flemme (moi), nous glissions dans des recoins de moins en moins subtils toutes ces choses achetées à la va-vite. Ces jouets à peine utilisés, ces cadeaux bien intentionnés, ces achats faits au rabais d’accessoires dont on était persuadé d’avoir tant besoin. On remplissait le sous-sol, bourrant les placards jusqu’à la gueule, attendant d’avoir l’envie (moi) ou la certitude impérieuse (lui) que le besoin n’était plus là. La pente dangereusement ascendante de notre montant de carte bancaire a fini par avoir raison de nos réticences. Forts des conseils entendus chez les vrais épargnants, nous avons pris la décision de n’acheter de nouveaux objets qu’en pouvant couvrir leur coût avec la vente de leurs prédécesseurs. En un mois, les deux commodes Ikea ont disparu, dégageant au passage un espace considérable dans le salon. Une montre de sport a pris le même chemin, bientôt suivie par plusieurs jeux 2 ans et + pourtant maintes fois ressortis des cartons par des petites mains nostalgiques. Un siège auto et des trucs électroniques attendent désormais leur tour.

Je suis devenue hyper efficace dans le rôle de gestionnaire des annonces, affûtant mon argumentaire et tenant la bride courte aux négociateurs les plus acharnés. Certains joueraient leur vie pour obtenir à 1$ de moins une robe de poupée affichée à 3$. J’ai souvent répondu et puis je me suis lassée, préférant désormais les négociations justes au jeu de poker pernicieux, entre coups d’esbroufe et tentatives de rattrapage. 

On vit avec la Covid

La pandémie est toujours présente mais le temps a fait son oeuvre. Récemment, B. m’a demandé : « Tu te rappelles quand on ne pouvait pas sortir le soir ? », et la vérité est que j’avais oublié. Une partie de moi ne réalise plus vraiment non plus que les rassemblements n’avaient pas lieu et que l’on comptait le nombre de personnes à l’entrée des magasins. En passant la porte de la pharmacie ce soir, je me suis souvenue qu’il y a quelques mois encore, une personne se tenait à l’entrée pour distribuer du gel hydroalcoolique et ânonner les consignes de sécurité. Désormais, le gel trône en bonne place et personne n’a plus besoin de se faire répéter les règles élémentaires en temps de pandémie. Nos enfants portent quotidiennement le masque à l’école, il n’y a jamais eu de retour en arrière (ou de pas en avant) à ce sujet depuis la rentrée, et s’ils s’en plaignent parfois, ils semblent tous avoir facilement pris le pli. On ne s’interroge plus non plus sur le fait de porter ou pas notre masque dans un espace clos. Les rares fois où il m’arrive désormais de tomber sur quelqu’un de non masqué, mon cerveau m’envoie systématiquement l’information « c’est marrant, on voyait son sourire ». La vaccination pour les enfants a ouvert cette semaine et semble aller bon train. Est-ce que cela nous sauvera d’éventuelles éclosions en milieu scolaire dans le futur ? Pour avoir été dans une école qui a été un foyer important à un moment donné l’an dernier et fermée pendant plusieurs semaines, nous l’espérons très très fort.

J’espère que de votre côté, vous prenez soin de vous ! Donnez-moi des nouvelles !

-Lexie Swing-