Suivre le fil rouge de mon esprit

Un article aux deux semaines, c’est le rythme que je mène depuis un mois ou deux. Mars a été un mois fort occupé et c’est en Avril que j’ai décidé de redoubler d’efforts pour mener à bien mon projet de livre pour enfants. Dans mes tiroirs, deux histoires dorment depuis quelque temps : un roman à multiples personnages et une histoire pour grand enfant avec une héroïne trépidante. C’est cette deuxième histoire sur laquelle j’ai choisi de me concentrer, avec pour but de mener à bien l’essentiel de la structure d’ici la mi-mai. Je vous en redonnerai des nouvelles mais à date, le projet avance.

Tel que vous ne me voyez heureusement pas, je suis en ce moment chez ma coiffeuse avec sur la tête une opacité digne de Cher. Deux heures d’attente pour trois mois de bonheur sans cheveux blancs – que demander de plus. Alors armée d’un verre de Pinot Grigio, j’écris. J’écris et je réfléchis à un article que j’ai lu récemment sur la douance. Je réfléchis à toutes ces variations de profils qui ont surgi dans notre environnement, tous ces noms que l’on ignorait dans les années 90 et qui ponctuent désormais la moindre conversation dont les enfants sont le sujet principal. Je fais ici un aparté pour mentionner que l’expression préférée de B. ces temps-ci est “comme une folle des années 90” et visiblement dans son imaginaire, il s’agissait d’une époque chaotique.

Je ne sais pas si c’est propre au Québec ou si la tendance s’est répandue comme une traînée de poudre des deux bords de l’Atlantique mais au nombre d’enfants diagnostiqués pour différents troubles, on ne peut plus parler d’un phénomène marginal. Une amie me disait que dans la classe de première année (CP) de son fils, ils étaient une dizaine à porter l’étiquette du trouble de l’attention, avec ou sans hyperactivité. Pourtant, ce sont les mêmes spécialistes qui disent qu’il est difficile d’établir un diagnostic avant les 8 ans de l’enfant.

Mais bref, ce n’est pas pour clouer au pilori les psys ou les profs que j’écris ceci. En fait mon objet est tout autre : plus je lis, plus je m’informe, plus je me demande “et moi je suis quoi ?”. Au début, j’avais le goût de m’autodiagnostiquer HPI. Facile : j’ai su lire tôt et j’ai été tête de classe pendant longtemps. Mais bon, force fut de constater que mon palmarès de championne de classe ne me permettait guère de prétendre à du haut-potentiel. Mon diagnostic a pris l’eau en rencontrant cet iceberg qu’était la pensée en arborescence, propre aux personnes HPI : “La pensée se déploie parfois dans plusieurs directions, parfois en même temps, chaque idée se divisant en sous-idées, par association d’idées ou analogies”. Man, je ne me repère déjà pas dans mon propre quartier alors prétendre à du mapping spirituel…

Après ça, je me suis renseignée sur le tdah. Moins sexy, on ne va pas se mentir, mais oh combien réaliste au regard de mon degré de concentration quotidienne. « Tu peux enlever l’hyperactivité de l’équation », m’a conseillé une amie au regard de ma vivacité naturelle proche de celle d’une plante en pot. Inattention, oublis fréquents et répétés des objets du quotidien, difficulté à terminer une tâche, name it. Actuellement, je m’enligne pour cette hypothèse.

Mais n’oublions quand même pas qu’en 2018, j’ai découvert un autre concept prometteur à mes yeux : l’hypersensibilité. Enfin, je comprenais pourquoi j’avais longtemps craint les textures étranges de certains aliments. Finalement, quelqu’un mettait des mots sur mon inconfort d’enfant au contact de certains vêtements. Les odeurs, les bruits, tout s’expliquait enfin. Et 30% des personnes feraient partie de la gang, j’étais forcément concernée, n’est ce pas ?

Mais au fait, est-ce qu’il y a forcément quelque chose qui nous correspond ? C’est un peu la question que je me pose, lorsque je vois émerger tant de mots accolés à nos enfants. À date, je ne connais personne qui soit revenu d’une évaluation avec une page blanche « RAS, rien à signaler, enfant parfaitement dans les clous ». Vous me direz, avec raison, que je suis de mauvaise foi puisque l’on se rend rarement à l’étape de l’évaluation NeuroPsy sans raison préalable. Mais quand même, ne dit-on pas que lorsqu’on cherche, on finit toujours pas trouver ? Suis-je la seule à voir chez chacun d’entre nous des traits propres à plusieurs des profils mis de l’avant ? En ouvrant cette boîte de Pandore que sont les pages Facebook dédiées à ces troubles et particularités, j’ai découvert encore plus : des singularités croisées. Ces « doubles exceptionalités », comme on les appelle, qui permettent de recouper différentes réalités.

Les témoignages sont majoritairement positifs : le diagnostic est vécu comme la réponse à un sentiment de décalage, la révélation d’un tour dont on aurait observé le résultat sans en comprendre le mécanisme. Tout à coup, les rouages s’ajustent et font sens. Mais est-ce parce que la différence est réelle ou bien parce que la normalité est trop étroite ?

Alors je m’interroge : va-t-on trop loin, dans notre course aux évaluations et aux diagnostics ? Est-ce que ce qu’on évalue comme des particularités sont réellement une marginalité ou bien nous avons tous plus ou moins des profils particuliers ? Est-ce que c’est plus courant aujourd’hui ou nous étions aussi nombreux à notre époque (nous, les cinglés des années 90) mais il n’y avait pas encore de mots à accoler sur nos maux ?

Qu’en pensez-vous, vous ? Et si vous ou votre enfant avez reçu une telle évaluation, quelle perception en avez-vous ?

-Lexie Swing-

38 !

Cette semaine, je fête mes 38 ans. Quand j’ai commencé à écrire, j’étais une jeune première de 26 ans et j’ignorais tout de l’âge adulte, ou presque. 38 ans ce n’est pas petit, et même si je ne m’inquiète pas encore de la grandeur de mon âge, j’aime bien plaisanter sur le fait qu’on est désormais sur la pente glissante. Je serai tentée de dire qu’avoir 40 ans ne me fera probablement rien mais qui peut vraiment savoir ce qui nous bouleverse ?

J’ai de la chance, parce que je suis la benjamine du club. L’âge que j’ai, les copains l’ont déjà eu; l’ordre des choses et du temps est respecté. Une de mes proches se plaignait récemment de ses 36 ans (je ne suis pas la benjamine de tout le monde), arguant qu’elle se sentait trop jeune pour s’aventurer déjà du mauvais côté de la trentaine. Mais de mon côté, ça ne ferait aucun sens quelque part, car dans les douze années qui me séparent des premières publications, il y a eu tant de vie que des années lumières ne pourraient la contenir. On n’accompagne pas un enfant aux portes de l’adolescence, on ne gravit pas des échelons professionnels, on ne dit pas que l’on est amoureux depuis bientôt 17 ans sans que les traces du temps qui passe ne se reflètent quelque part. Ces douze années, ce sont tout sauf de l’immobilisme et les cheveux ont blanchi sur le chemin.

Il y a quelques années, à l’occasion des anniversaires, on voyait parfois fleurir sur les blogues ou les réseaux des listes du type « 10 choses sur moi que vous ne savez peut être pas » ou un titre du genre, avec un sex-appeal qui n’avait rien à envier à un hors-série Cosmo : 10 régimes qui ont fait leurs preuves avant l’été ou 10 raisons de porter sa jupe au niveau des aisselles pour un été caliente. Oui j’ai un truc avec l’été, ça doit être parce qu’on sort juste de l’hiver. Bref, j’étais souvent impressionnée par leurs capacités à décrire avec précision leur personnalité : j’aime les petits pois échalotes choucroute, surtout en octobre entre 10h et 13h30; quand j’étais petite, je suis tombée un vendredi 13 d’un poney nain qui s’appelait Cracotte et je me suis fracturée le tibia en trois endroits distincts. J’étais fascinée par le caractère à la fois exceptionnel de leurs traits de personnalité et la façon dont on pouvait y adhérer sans retenue. J’étais aussi admirative qu’elles se connaissent si bien. Personnellement, je n’étais pas capable de dire si j’aimais plus les petits pois le jeudi que le dimanche et, le jour où je suis tombée de cheval la tête sur un tronc d’arbre, j’ai oublié jusqu’à mon nom, alors la date …

La trentaine avançant (se terminant), je me connais mieux et j’ai le goût de me prêter à l’exercice. Dix, c’est un peu le désert de Gobi en termes de traversée alors tentons cinq.

– Je porte le nom d’une impératrice qui fut d’abord une prostituée, et je tire une satisfaction toute personnelle de cette ascension qui n’est pas la mienne. Sur la liste des prénoms considérés, il y avait également Athenaïs et Tabatha. Est-ce que notre prénom détermine notre histoire ? Vous avez trois heures.

– Je voue un dédain farouche à la télé-réalité consistant à enfermer ensemble un groupe d’adolescents attardés. Je ne comprends ni le but des participants ni le plaisir que cela procure à ceux qui les observent. Est-ce le même engouement que lorsqu’on s’extasie, à travers les grilles du zoo, sur l’attitude du panda indolent qui mâchonne imperturbable son bambou ? La justification que je comprends le moins à cet égard est « ça me vide le cerveau ». Personnellement ça le remplit d’une série de questions socio-psychologiques et d’une grande terreur quant au devenir de la race humaine.

– J’ai changé de ville à l’âge de 3 mois, 3 ans, 6 ans, 13 ans, 19 ans, 21 ans, 23 ans, 27 ans et 29 ans. Quand je suis arrivée dans ma ville actuelle, j’ai immédiatement senti que j’étais arrivée à bon port. Un vrai coup de foudre.

– Voir les gens interagir entre eux est à la fois source de fascination et de stress pour moi. J’aime voir aller les gens (sauf quand ils sont enfermés tous ensemble dans une maison avec piscine et qu’ils ont un QI proche du montant de mon compte en banque) mais je perçois très fortement leurs sentiments, leurs doutes et leur détresse. Une personne qui peine à trouver sa place dans une discussion, une autre dont l’esprit s’échauffe car elle se sent incomprise, et c’est tout mon système qui se met à bouillonner. Souvent, je suis tentée d’échapper à cette observation douloureuse, y compris lorsqu’elle est fictionelle. Les sentiments larmoyants sur petit écran ? Très peu pour moi.

– Je ne suis ni casse cou ni spécialement courageuse mais j’ai une conscience du danger comparable à celui d’une huître. Marcher sur un pont glissant ? Pas de problème. Sauter de l’avion en espérant que le moniteur a bien vérifié le parachute ? Les doigts dans le nez. Si quelqu’un dit que ça passe, c’est que ça passe. Je fais confiance. Tiens regarde de l’eau bouillante.

Je me suis un peu égarée dans cet exercice. Vous ai-je parlé de mon admiration pour la concision ? Bref, je vous invite à tenter le coup à votre tour, en commentaires ou dans un petit message juste pour moi.

-Lexie Swing-

Un week-end à New York

Nous n’étions pas retournés à New York depuis dix ans. Dix ans, c’est court et long à la fois. Dans ce cas, nous sommes passés d’un voyage avec un bébé à un week-end avec deux grands enfants. C’est long, donc.

Jour 1

Nous avons pris la route à 6h du matin avec l’espoir de passer la frontière avant les autres. Sans surprise, nous étions nombreux à se sentir compétitifs et avons donc joué du rétroviseur sur les voies de passage. Le douanier s’est montrée d’une gentillesse peu commune et c’est donc avec un enthousiasme non feint que nous nous sommes engagés sur l’autoroute 87 direction la Grosse Pomme.

Premier arrêt : un petit déjeuner bien mérité à Peru, à la sortie de Plattsburg, dans une sorte de petit diner sans artifices, le Rove Cafe & Kitchen. J’avais aussi repéré à Plattsburg même le Adirondacks Coffee Roasters ainsi qu’un tout nouveau petit café librairie à Champlain. Une découverte pour une prochaine fois !

Nous sommes arrivés à Jersey City aux alentours de 15h30, après 4h30 de route supplémentaire et un arrêt à la nouvelle aire de New Baltimore (apparemment le dernier arrêt possible avec 100 km de désert restauratif, autant ne pas se louper). J’avais téléchargé l’application SpotHero et réservé un stationnement dans un parking proche de l’hôtel. À notre arrivée, il nous a suffi de scanner le code QR reçu et de chercher un emplacement approprié (probablement la partie la plus compliquée de l’opération).

Notre hôtel, le Hyatt House Jersey City est parfaitement situé. C’était un peu un pari que de choisir ce coin-ci, hors de la ville. Mais la vue y est incroyable, les abords vraiment chouettes, l’hôtel très confortable et on se retrouve au milieu du Financial District de Manhattan en une poignée de minutes grâce au Path dont l’entrée est situé à une minute à pied de l’hôtel.

Prendre le Path s’est avéré plus compliqué que prévu. Nous avions prévu d’acheter la carte Smartlink, pouvant servir de support aux billets de transport (une seule carte possible pour les billets de toute la famille tant que ce ne sont pas des passages illimités), mais impossible de se procurer celle-ci avec notre carte visa. Au final, un agent de train, compatissant, nous a laissé passer gratuitement à l’allée et nous avons pu retirer de l’argent pour payer notre carte et notre retour.

Le Path nous a emmené au World Trade Center, que nous avons parcouru avant de nous rendre au Staten Island Ferry, à environ 10 minutes à pied. Nous avons profité de cette fin de journée pour faire un aller-retour gratuit entre le Financial District et Staten Island, et profiter du coucher de soleil sur la Statue de la Liberté.

Jour 2

Direction Central Park, où nous avions repéré quelques étapes intéressantes à faire grâce à Cnewyork. Après être descendus à l’entrée sud du parc, sur Columbus St., nous avons remonté Central Park en son milieu, escaladant les roches et s’extasiant devant les écureuils encore plus familiers qu’à Montréal. Première étape, la grande allée du Mall et ses bancs portant diverses inscriptions. Des artistes divers s’y déploient et des groupes de musique se partagent l’espace sans se gêner. Au bout de l’allée, nous arrivons à la Fontaine de Bethesda. Des jeunes femmes fêtant leur quinceañera font fi des petites températures dans leur robe de bal tandis que les touristes se pressent au bord de l’eau. Les barques sont de sortie et s’engouffrent sous le Bow Bridge depuis lequel nous observons les tortues qui se dorent au soleil de printemps.

Retour sur nos pas, traversée de la Cherry Hill, Tempête aperçoit des roches qui ressemblent à s’y méprendre au rocher du Roi Lion. Elle y dédie une pause méditation, tandis que nous profitons du soleil sur un banc, un merle d’Amerique peu farouche picorant entre nos pieds. Après cette douce pause, nous reprenons la route en direction du Dakota building, au pied duquel John Lennon est décédé. Armée des jumelles de ma cadette, j’aperçois le panneau espéré : Strawberry Fields, l’espace du parc dédié au mémorial de John Lennon.

Nous nous arrêtons pour luncher au Cafe 77, un petit salon de thé installé dans l’enceinte du musée d’histoire. Le lieu est mignon et la boutique qui le jouxte possède quelques trésors, mais le prix du repas ne vaut pas le déplacement selon moi. À refaire, on lui préférerait l’un de ces nombreux restaurants et cafés qui longent l’entrée arrière du Muséum d’Histoire Naturelle. Car c’est bien là notre destination ultime. Nous avons réservé nos places pour 14h et entrons sans attendre dès 13h45.

La veille, nous avons pris soin de télécharger l’application du musée. Avec la wifi gratuite que l’on peut retrouver dès les portes passées, l’application nous permet de nous orienter et de voir exactement ce que nous souhaitons. Il suffit de désigner la pièce où l’on veut se rendre et l’application nous montre le chemin, même si c’est pour se rendre aux toilettes ! Le tout est vraiment très bien fait et user friendly, à garder sous la main absolument.

Le muséum en lui même est un incontournable et les filles étaient ravies : chaque pièce regorge d’animaux grandeur nature, mis en scène de façon réaliste. Cinq étages en tout et une partie dédiée à l’Espace qui vaut le déplacement. 3h30 durant lesquels nous ne nous sommes pas ennuyés une seule seconde.

Après le muséum, petit détour par la Levain Bakery dont deux des succursales sont situées à proximité. Le cookie est dispendieux (un peu plus de 5 dollars) et la file est longue mais l’attente est finalement courte et le biscuit (énorme) en vaut la chandelle. Nous avons jeté notre dévolu sur le cookie qui fait la renommée de la pâtisserie mais, à mon avis, la brioche au chocolat mérite tout autant le déplacement.

Avant de rentrer, nous arpentons l’Upper West Side, en remontant Amsterdam Street, puis Broadway. En prévision du souper, nous faisons un arrêt bienvenu dans la boulangerie italienne Rosetta très achalandée pour y acheter de la focaccia aux légumes à se pâmer. Le retour en métro et Path est long et abrupte, on ne cesse de sortir aux mauvais endroits et les métros se font plus rares en ce samedi de Pâques, mais nous arrivons enfin à 20h, ravis de notre journée. Demain, nouvelles aventures !

Jour 3

Dimanche matin, nous prenons le métro pour Brooklyn, quartier où je n’avais jamais mis les pieds auparavant. Nous sortons à proximité de Montague Street, que nous arpentons jusqu’à apercevoir l’Hudson River. En chemin, nous nous sommes arrêtés dans la plus parfaite des petites libraires qui soit : Books are Magic. Plein de choix, des recommandations manuscrites des libraires, des copies dédicacées de quelques auteurs et une petite cour arrière permettant de bouquiner en toute quiétude.

Ensuite, pour être honnête, les choses se sont un peu gâtées. J’avais prévu d’assister à une messe gospel au Brooklyn Tabernacle – j’ai assisté il y a presque 20 ans à une telle messe à Dublin et c’est un souvenir de moments de joie partagée qui m’est chère. L’expérience s’est avérée très différente et quelque peu déroutante. Un spectacle spécial avait été prévu pour Pâques, sur fond d’effets sonores et visuels, et de comédiens plus vrais que nature rejouant les grands moments de la vie de Jesus. A la mine effarée des enfants, nous avons quitté en douce après l’arrestation du pauvre homme, histoire d’éviter qu’ils le crucifient devant nos yeux. Pâques oblige, il allait sûrement revenir ensuite, mais nous ne sommes pas restés pour le savoir.

Un peu chancelants, nous avons repris la route du pont de Brooklyn pour luncher – tardivement – au bord de l’eau. Les lieux accueillent un beau bâtiment de briques surplombé d’une grande terrasse et abritant un Time Out Market. Pris d’assaut en ce dimanche de Pâques, le lieu était à peine respirable et il a fallu se contenter du minimum pour trouver rapidement quelque chose à manger.

Après une courte promenade et un arrêt dans un parc de jeu, nous sommes retournés prendre le métro à destination de Times Square pour faire découvrir quelques boutiques aux filles. Une autre fausse bonne idée puisque les magasins étaient sur le point de fermer et que nous avons trouvé porte close face à la seule boutique qui les intéressait vraiment : le Lego Store.

À refaire, je prendrais le temps de découvrir Brooklyn dont j’ai aimé l’ambiance douce du dimanche matin et la promenade au bord de l’eau. J’éviterais Times Square que je n’avais déjà pas aimé les deux premières fois et je rejoindrai les coins de Soho et Tribeca, ou j’arpenterais la High Line que j’avais prévu de faire mais pour laquelle nous avons manqué de temps.

B. a passé sa journée à déambuler à pas lents, mentionnant qu’elle était “fatiguée” et qu’elle avait des courbatures. A l’heure du coucher, son front brûlant a confirmé le fait que les heures de marche n’étaient pas les seules en cause et nous l’avons donc veillée à tour de rôle en croisant les doigts pour ne pas avoir à tester le système de santé local. Je me suis recouchée à 5h du matin, rassurée de constater que la fièvre était tombée. Nous avons donc pris le chemin du retour avec peu d’heures de sommeil et beaucoup de route en perspective. 6h selon la police, 1000h selon les participants. Soit 9h en temps réel, pauses et longue attente à la frontière incluses. Heureusement, nous avons trouvé le plus mignon des cafés de Kingston (NY) pour luncher : le Black Eyed Suzie.

Le retour à la réalité est un peu raide et nous avons bien hâte de repartir (mais ce n’est pas pour tout de suite). Où iriez-vous à ma place, si vous aviez quelques jours à passer quelque part avec les enfants ?

-Lexie Swing-

Crédit photo : Lexie Swing

Peut-on abuser de son pouvoir de dénonciation ?

Dimanche matin, 8h30, j’embarque mon chien et je prends la route de la boulangerie. Celle-ci, entièrement vitrée, donne sur une petite terrasse qui surplombe la rue. Sitôt arrivée, j’attache la laisse de Poppy à la rambarde et passe la porte du magasin en faisant un petit signe de la main à la chienne qui me suit du regard. L’air est doux mais elle tremble, comme elle le fait toujours lorsque je la laisse pour quelques minutes devant la boulangerie, malgré les grimaces que je lui adresse derrière la vitre pour la faire patienter. C’est bientôt mon tour lorsqu’un homme sort avec sa poussette. L’imposant véhicule frôle Poppy qui recule davantage. Il la regarde, jette un œil vers la boulangerie, sort son téléphone, semble hésiter, rempoche son téléphone, abandonne la poussette et son occupant dehors (!) et rentre à grandes enjambées. « A qui est le chien dehors », demande-t-il d’une voix forte. Je quitte la file pour lui répondre, la vendeuse suspendant son geste entre le croissant et la chocolatine que je lui ai demandés. « Vous savez qu’il tremble ce chien ? Il a froid. » Je jette un œil à Poppy, dont la peau tressaute derrière la vitre ». « Oui elle tremble, mais non elle n’a pas froid. C’est un ancien chien errant et elle a peur lorsqu’il y a des voitures proches, des gens qui passent, surtout avec une poussette. Mais elle a l’habitude et je serai avec elle dans un instant. » Il pousse une sorte d’expiration bruyante d’assentiment agacé, tourne les talons puis se ravise. « Vous avez besoin que quelqu’un l’adopte ? Pour s’en occuper vraiment ?» Je fais un pas vers lui. «Vous n’avez pas compris : c’est mon chien. Mon chien à moi. Et il n’est pas à adopter.» Et puis je glisse, pour ne pas effrayer son sens du devoir : «Mais merci d’avoir demandé, vous avez raison, on ne sait jamais.»

Cette sortie du dimanche, moment agréable où je prévoyais ramener le petit déjeuner à ma famille après une marche avec mon chien, se transforme en une torture mentale. Pourquoi moi ? Qui est cet homme ? S’apprêtait-il à nous jeter en pâture la chienne et moi sur le Spotted local ? Déjà se profile l’inquiétude de me sentir surveillée et la possibilité que je ne vienne plus seule à la boulangerie avec ma chienne.

Je suis de ceux qui pensent qu’il faut dire les choses. Combien sommes-nous à avoir regretté de n’avoir rien dit, de ne pas nous être arrêtés, d’avoir fermé les yeux ? Je lis les faits-divers et dans ma tête je persifle : pourquoi personne n’a rien fait ? De ce côté-ci du miroir, il n’y a pas de zones grises, tout n’est que vérité et évidence. On est bon ou méchant, il n’y a pas d’entre deux. Rarement, dans l’après me-too, me suis-je demandée si les accusations portées étaient faciles, si les mots pourraient parfois être pesés, si la réalité était aussi simple que la centaine de caractères autorisée par les réseaux sociaux le laissait penser.

Récemment, au Canada, une femme a été condamnée pour dénonciation calomnieuse ayant entraîné des dommages importants pour la victime. Fière partisane de la défense des causes type me-too, elle avait repartagé les accusations de harcèlement et agressions portées à l’endroit d’un DJ de son coin. Lorsque les accusations avaient été retirées et qu’il avait été démontré qu’il y avait erreur sur la personne, elle avait persisté à relayer les premières infos d’accusation. Pire, elle avait contacté les différents lieux qui l’employaient contractuellement, les amenant un à un à rompre leurs ententes et à ne plus l’embaucher. Dans son esprit, un doute subsistait et justifiait qu’elle maintienne son jugement à son égard et le traitement qu’elle lui réservait.

C’est difficile, dans le monde d’aujourd’hui, de savoir quelle posture adopter. Il n’y a pas de place pour l’entre deux et vouloir adopter une position de conciliation est déjà être du côté des méchants, des fautifs. Les courants détournés de l’éducation bienveillante en sont l’un des exemples marquants : il n’y a guère de place à l’errance dans le monde parental actuel. On cloue au pilori le parent épuisé qui ose hausser le ton, on jette en pâture des mères qui se demandent si c’était vraiment ce qu’elles voulaient, cette maternité. La parentalité est pourtant la réalité dans laquelle il existe le moins de certitudes. Ce qui est vrai un instant ne l’est plus la minute suivante. Ce qui fonctionne avec un enfant n’a aucun effet sur son cadet. Ce qui nous comble nous épuise tout à la fois.

On perd, dans ce nouveau monde qui se construit, notre lien aux autres. Ce lien qui nous ouvre les yeux sur les histoires, sur les contextes, sur les spécificités et les dissemblances. On s’isole dans nos tours d’ivoire en écrivant des histoires au Je qui font fi du Nous. Le Nous se perd, au profit d’un Vous que l’on toise, persuadé de tout savoir, puisque voir c’est déjà posséder une forme de vérité. Mais quelle est la vérité, dans les accusations que nous portons ? Possédons-nous toutes les clés ? Et devons-nous pour autant freiner nos ardeurs ? Pouvons-nous faire fi des dissonances d’une histoire au bénéfice d’une réalité commune que l’on rêve de faire évoluer ? Peut-on faire justice soi-même ?

Je n’ai pas la réponse. C’est un chemin aussi étroit que sinueux. Et à la fin, il y a presque toujours quelqu’un qui tombe.

-Lexie Swing-

Nostalgie

La relâche a été l’occasion pour nous de prendre, non pas des vacances, mais des moments ponctuels en amoureux, loin du tumulte parental des onze dernières années. Onze ans que nous vivons cette vie-ci, nos enfants chevillées à nos corps fatigués. “Il ne faut pas vous oublier” m’avait dit un jour une psy. Comment ne pas s’oublier lorsque les journées sont rythmées par une routine immuable et que les nuits sont si incertaines ? Mais les enfants grandissent et avec elles l’espoir que les prochaines années redonnent enfin à César le bon temps qu’il mérite, fait de course à pied, de nuits paisibles et de soirées cinés. Un tryptique que nous nous sommes employés à mener à bien tandis que nos enfants se doraient la pilule sur le sable du Costa Rica.

Parmi nos courtes expéditions, nous avions notamment prévu quelques heures sur l’avenue Monkland, quartier de Montréal où nous nous étions installés à notre arrivée au Québec. Situé à l’ouest de la ville, réputé abriter des Montréalais plutôt anglophones, le quartier nous avait choisi plutôt que nous l’avions fait, en ouvrant les bras à notre famille faite d’un enfant en bas âge et d’un gros chien, quand le reste de la ville observait avec dédain la perspective des babillages bruyants et des mottons de poils blancs. En quelques semaines, nous y avions trouvé un appartement, une gardienne et même un médecin, ce qui est un délai 42 fois inférieur à la moyenne (599 jours).

La vie portait ces couleurs spéciales qu’arborent les plus belles découvertes. Ces pans d’existence que l’on a anticipés et choisis, et dans lesquels on se plonge avec une délectation toute enfantine. Nous sommes sur Monkland et tout a changé. Et tout est pareil. Des magasins ont survécu aux dix années qui se sont écoulées, certains ont mis la clé sous la porte quand d’autres ont doublé leur surface. Des restaurants s’y sont succédé au rythme infernal que subit depuis quelques années l’industrie de la restauration. Les pavés sont les mêmes, ce coin de rue mille fois tourné, cette pharmacie où l’on achetait en rentrant couches trop chères et lait en poudre. La boutique de livres et de jouets où notre intérêt se déplaçait, à mesure que notre bébé grandissait et que ses goûts évoluaient.

On fait une pause dans un restaurant de cheesecakes, jadis connu pour servir autant des plats sur le pouce que des desserts. Les tables se comptent sur les doigts des deux mains et nous les avons probablement toutes essayées. Il y a de ces endroits qui sont un fief et que l’on adopte comme une seconde demeure. Ici la table où le bébé a un jour empoigné le pain de la table voisine. Par là celle où l’on a partagé pour la première fois nos assiettes avec la toute petite devenue jeune enfant. Dans le coin, ce moment inoubliable d’une couche trop remplie et d’un short d’été. Au fond de la salle, la salle de bains au petit rebord, devenue station de change de fortune par la grâce du système D parental.

C’est doux la nostalgie. Transposer l’hier et l’aujourd’hui, voir dans une rue en mouvements des vestiges de souvenirs, de petits pas sur des trottoirs glacés. Tant de petits pas depuis mais une histoire qui commence ici, sur cette avenue, cheminant dans une vie que l’on a tant voulue, tant espérée.

« On vivait ici », lui chuchote-t-on parfois à l’oreille, lorsque l’on a la chance de visiter le quartier avec elle. C’est notre secret, le souvenir de notre vie à trois. Celle à quatre a commencé ailleurs, plus tard, dans une ville différente et une maison que nous habitons toujours aujourd’hui. C’est une vie qui a aussi une mémoire qui l’habite, faite d’habitudes qui ne sont plus et d’endroits que l’on a fait nôtres quelques années durant.

C’est doux la nostalgie. C’est la partie heureuse de l’histoire, moelleuse et odorante. Celle qui nous rapproche aux moments de bascule. J’ai confiance en l’avenir puisque je sais d’où nous venons, d’un quartier à l’accent tout rond, où les chiens et enfants sont légions. Un quartier qui a fait village, pour nous, et nous a donné la piqûre d’une vie où l’on se croise et se reconnaît. C’est le point de départ.

-Lexie Swing-

Vacances : et si on restait, cette année ?

Je n’ai rien publié la semaine passée. Je pourrais faire semblant que si, que ce n’est pas moi, c’est vous. Sûrement que vous n’avez pas regardé, voilà tout. Mais je préfère vous dire la vérité : la semaine dernière était celle de la préparation des vacances, entre maillots de bains à retrouver, vêtements d’été à trier, masques et tubas à acheter. La semaine écoulée était celle qui annonçait la suivante, celle de la relâche, vacances scolaires uniques et méritées. Mais pas les miennes.

Voyez-vous, les maillots ont trouvé leur usage et la crème de solaire s’amenuise à mesure que les jours passent. Mais au dessus de ma tête, le ciel est gris et le blouson de printemps que j’ai déjà ressorti peine à faire barrage au froid. C’est que, mes enfants et moi marchons sous des ciels différents et si j’en crois leurs manches courtes et leurs mines réjouies, il fait plus chaud où elles sont.

Cette année est particulière. Pour des raisons de a) travaux, b) renouvellement de prêts divers, c) budget flanchant – aucune mention inutile – nous avons décidé de limiter nos voyages. Exit l’avion (la planète nous remercie) et place aux petits voyages, ceux qui sont accessibles en auto et en gardant ses reins. À l’exception de celui-ci donc, un présent très spécial de leurs grands-parents qui ont permis à mes filles de s’envoler ailleurs, au milieu des aras. On s’en reparlera.

Ca ne veut pas dire que l’on ne prévoit pas voyager plus tard. Plus j’observe le monde et plus je suis avide d’en découvrir le moindre recoin. Je fais des listes et je corne des pages en mettant à jour ma bucket list. Mais partir en voyage coûte cher en temps et en argent, surtout lorsque tu es un immigrant. Il y a quelques semaines, une amie de ma fille s’extasiait du nombre de fois où elle avait pris l’avion. “Oui mais c’est toujours pour aller au même endroit” s’est-elle plainte. Et avec raison : tous les 18 mois, tel un pèlerinage, nous prenons le chemin de la terre qui nous a vu grandir. Force est de constater qu’il est difficile de cumuler retours aux pays et découvertes.

Il y a quelque temps, j’ai lu un article français – si quelqu’un le retrouve, je suis preneuse – qui relatait comment les vacances d’hiver ne sont désormais réservées qu’à une poignée de personnes. Un très faible pourcentage de Français profiterait des vacances d’hiver pour partir. Sur l’ensemble des vacances annuelles, le chiffre n’était qu’à peine plus glorieux, les voyages semblant désormais réservés à des privilégiés.

Doit-on pour autant cesser de voyager, se demandait l’auteur, répondant du même fait que non. Non, nous ne devons pas rester au cœur de nos régions, indifférents au monde qui nous entoure. Nous devons découvrir, pour nous confronter, pour apprendre ce qui existe en dehors de nous. Et si la vie rend difficile les voyages, alors nous devons les repenser, voyager moins mais mieux. Nul besoin d’aller loin pour se sentir ailleurs.

À notre échelle, les voyages seront donc moindres cette année, mais probablement tout aussi jolis. Quelques jours à New York (par la grâce des points cumulés sur notre carte Visa), quelques jours en camping (avec une tente en dur, toilettes incluses, on commence doucement). Pour le reste, on se laisse porter.

Et vous ? Quelles aventures vous réserve 2024 ?

-Lexie Swing-

Photo : Mummy Swing :)

11 ans : 3 chouettes idées de cadeaux

Miss Swing a fêté ses onze ans. Quand je pense qu’elle n’était qu’un possible futur à la création de ce blogue, ça me met un sacré coup, quand même. 11 onze, c’est cet âge surprenant où leur personnalité semble suspendue entre ce qui était et ce qui sera. Ils se vernissent les ongles en racontant des blagues de prout et écrivent des mots compliqués dans leurs devoirs d’école, la langue coincée entre leurs dents serrées, tout à leur concentration. Leurs goûts sont à l’image de cette dualité, entre préoccupations d’adolescents et jeux d’enfants.

B. n’est pas un enfant qui ressemble au plus grand nombre, mais à force de chercher, on a identifié trois cadeaux qui peuvent rallier différentes personnalités tout en sortant de l’ordinaire.

  • Le terrarium

Les passionnés de nature comprendront : le terrarium, c’est ce condensé de vie qu’on peut déposer sur un coin de son bureau. Il existe plusieurs possibilités pour l’enfant qui veut se prêter au jeu : un atelier à suivre, un kit à explorer ou même un terrarium tout fait. De notre côté, B. avait une idée relativement précise de ce qu’elle souhaitait et surtout, l’envie de le créer par elle-même. Nous sommes donc allés ensemble à une jolie boutique bien fournie en la matière et avons suivi les conseils de la vendeuse pour s’équiper de billes d’argile, sable, terre à cactées, mousse verte et bien sûr pour choisir quelques plantes appropriées et le récipient pour les accueillir.

Notre adresse : Le Marché aux fleurs de Saint-Bruno (les meilleures fleuristes au monde) et Vertuose aux Promenades Saint-Bruno.

  • Le simulateur de chute libre

Au départ, ce n’est pas B. mais sa jeune soeur qui avait testé l’expérience : tester un simulateur qui, grâce à un souffle puissant, vous donne l’illusion de voler. Souplesse, musculature et absence de la notion de danger en faisait la candidate idéale. Sa grande soeur sera-t-elle aussi à l’aise ? L’histoire ne le dit pas encore, mais c’est bien le cadeau qu’elle a elle-même choisi, après avoir été spectatrice de l’expérience. Dans le cas de Tempête, la séance avait commencé par l’enfilage de la combinaison, suivi d’un petit briefing. Assis en rang d’oignon, les participants avaient ensuite été appelés à tour de rôle pour quelques décollages en compagnie du moniteur. Le petit plus qu’a commandé B. pour son propre essai : le casque de réalité virtuelle. On vous en redonnera des nouvelles !

Notre adresse : iFly, à Laval (et après aller faire un tour au magasin 42.2 à deux minutes d’auto de là, le meilleur magasin de course à pied – ça n’a aucun rapport mais ça vaut le déplacement).

  • La pièce en kit à construire

Les amoureux de miniature adoreront ce présent : la pièce en kit, ce sont plusieurs heures de concentration, les doigts pleins de colle et les yeux fatigués, pour un résultat plus vrai que nature. Ce type de bricolage nécessite de la minutie et est souvent désigné pour des enfants un peu plus vieux. Mais si votre enfant aime le travail d’orfèvre, il devrait s’en sortir aussi bien que la plupart des adultes (à commencer par moi). La première pièce créée par B. était relativement simple : un petit café, avec suffisamment de détails pour donner un joli rendu, mais pas trop pour ne pas la frustrer. A sa demande, le cadeau de ses 11 ans est passé à l’étape supérieure avec une librairie remplie de livres du sol au plafond. Elle l’a commandée « pour (me) la donner », m’a-t-elle dit, « parce que toi tu ne sais pas faire ces bricolages-là ». Elle veut que je la mette dans ma bibliothèque, au milieu de mes livres à moi, et c’est vrai qu’une pièce comme ça, c’est un peu comme un coin à soi, n’est-ce pas ?

Notre marque fétiche : RoLife par Robotime (si quelqu’un veut m’offrir un Book Nook Shelf, j’ai des petites mains qui pourraient le construire pour moi, je dis ça en passant).

-Lexie Swing-

Lorsqu’on se compare, se console-t-on vraiment ?

Vous souvenez-vous de cet adage que l’on entrevoyait autrefois au détour d’un magazine féminin, rubrique psycho nouvelle année, lorsque tout était encore à définir et que le pire n’avait guère pu se produire. « Lorsqu’on se compare, on se console ». Cette phrase anodine se voulait un rappel que l’herbe n’est guère plus verte ailleurs et que l’on ignore quel malheur portent en eux les gens que l’on côtoie. Que oui, on est peut-être moins riche ou moins mince, mais on a la santé et on a les enfants et on a un toit sur notre tête et du riz dans nos assiettes alors que tu vois bien qu’il y a ces enfants là au bout du monde, leurs grands yeux affamés figés sur papier glacé, ces enfants qui n’ont plus rien que leur main pour mendier. Les adultes brandissaient cette vérité, campés sur leurs deux pieds, dans une posture vaguement menaçante. On devait se réjouir d’avoir puisque d’autres n’avaient rien.

Se comparer, dans la vie moderne, on fait ça mieux que personne. Mais l’on se compare rarement à plus malheureux que nous. On se compare à nos amis, mais surtout à nos ennemis, on se compare à ceux qui ont tout, à ceux qui savent mieux, à ceux qui ne sont, pour nous, que des instantanés d’une vie plus réussie que la nôtre. On déconstruit notre confiance à grands coups de réseaux sociaux et nos défaillances se révèlent à mesure que nos pouces glissent sur les écrans graisseux. Des vidéos de quelques secondes d’intérieurs immaculés, les phrases encourageantes de corps fuselés, les plats tirés au cordeau des ménagères contemporaines sont autant de sel dans les plaies d’un égo déjà malmené par une société qui confond volontiers bonheur et succès.

On se compare et, loin de se consoler, on s’étiole. On ignore tout des cris qui résonnent derrière les portes closes, de la solitude de celles et ceux qui s’échinent ainsi à porter un discours d’accomplissements, du malheur qui se dépose sur certaines familles comme une chape de plomb. On s’escrime à trouver des explications à nos différences : pourquoi ne semble-t-elle pas vieillir ? Comment fait-il pour se payer cette bagnole ? Elle ne voulait pas d’enfants et regarde, elle est tombée enceinte en éternuant… Qu’est-ce qu’il a fait, pour avoir cette promotion ? On se demande pourquoi nous faisons du surplace dans un marathon au départ duquel tout le monde semble mieux préparé. On compare nos maisons, nos autos, la politesse de nos enfants, la destination de nos prochaines vacances, les centimètres de notre tour de taille et le nombre de nos cheveux blancs. Et rien, jamais, ne trouve grâce à nos yeux.

Et l’on oublie cette règle logique, cet apprentissage évident, que l’on répète pourtant régulièrement à nos enfants : la seule personne à laquelle on devrait se comparer, c’est soi-même. Celui que nous étions il y a un instant, vide du jour nouveau qui bientôt nous apporterait son lot d’accomplissements. Peut-être manque-t-il quelques mots à l’adage : quand on se compare à celui ou celle que nous étions, on se console.

Il suffit de sortir de vieilles photos de notre adolescence boutonneuse pour s’en convaincre.

-Lexie Swing-

Photo : Sarah Pflug

En un instant à peine

Il aura suffi d’un trait de couleur dans un carré parfait. Des secrets que l’on chuchote, des petits messages précieux, des paquets de café au statut annonciateur. On va être mère, père, grands-parents, tatie, tonton, on se choisit les noms d’une identité future comme si l’on avait attendu que ça toute sa vie. Et l’on devient autre, on se renouvelle, on fait peau neuve, peau à peau avec un tout petit, si petit que le pyjama flotte sur lui. Mais si grand déjà que jamais on ne croirait qu’il y a deux minutes à peine il était là, sous la peau distendue d’un ventre vide. Vide de lui mais plein d’angoisse. Car la peur vient avec l’enfant. La peur pour lui, d’un monde chaotique qui ne suspend rien, ni son temps ni son vol. La peur de nous, de ne pas être assez, de parfois être trop, de ne pas être d’accord, raccord, de sacrifier ce que nous étions sur l’autel étroit de la parentalité qui ne laisse guère de place au reste, à l’individualité, à l’amour vif, à l’amour chair qui nous était si cher il y a un instant à peine. On occupe nos nuits à retenir notre souffle, priant pour que jamais le sien ne cesse. On occupe nos jours à supplier qu’il dorme, rêvant que le sommeil nous emporte à notre tour. On fait nôtre un monde de layettes, qui peuple tout, nos écrans, nos recherches, nos conversations sans fin, ivres de cet amour sans nul autre pareil. Puis un jour, le berceau devient trop petit, et les marches menaçantes, et la vie prend un nouveau tour, et les jours une autre couleur. Et bientôt on oublie, les bodys, les biberons, les petits corps assoupis sur le canapé du salon. On livre d’autres batailles et on découvre de nouveaux sursauts d’amour. Un matin on ouvre les yeux, et le temps a passé, et les nuits ont fini par donner à nos heures un sommeil apaisé. Et derrière la porte qui jouxte la nôtre, le corps étendu d’un enfant dont les jambes sont si longues qu’elles chatouillent le bout du lit. L’angoisse est toujours là et le monde tout aussi chaotique, mais l’enfant qui l’habite le parcourt désormais, avide et déterminé. Il marche et court et danse et parle. Il parle de tout, il parle sans cesse. Il raconte une histoire, la sienne, la nôtre. Celle d’une marque de couleur au milieu d’un carré blanc, d’une exclamation, d’un amour sans faille et d’un bonheur sans fin.

-Lexie Swing-

Credit montage : Lexie Swing

(Not) born to run

Avez-vous remarqué comme il y a des choses que l’on apprécie faire mais pour lesquelles on a aucun talent naturel ? Je pense aux sports (variés) bien entendu, aux arts plastiques bien sûr, ou même aux concepts financiers. Personnellement, j’adore la finance, la Bourse, l’idée qu’on peut placer 10$ et qu’ils fructifient dans mon dos. Un jour, j’ai lu les conseils d’un financier qui disait que le meilleur placement est celui que l’on oublie. Annoncer ça à la fille qui ne connaît même pas ses codes de connexion et se trompe de société quand on lui demande laquelle gère ses placements… C’est dire si c’est fait pour moi. Je suis comme ces écureuils qui cachent précieusement leurs noisettes et ne les retrouvent jamais. Mais au delà de ça, les concepts financiers, je n’y comprends pas grand chose non plus. Je suis zélée pourtant : j’emprunte des bouquins à la bibliothèque, je lis des articles spécialisés, je suis des comptes vulgarisateurs et… ma mère est conseillère financière. Et pourtant, ça ne rentre pas. Ni les appellations, ni les mécanismes. Mais je m’accroche.

Pour la course à pied, c’est pareil. Je n’ai aucun talent. Déjà, je suis lente, mais apparemment c’est désormais à la mode. On trouve des slows runners, en bon français. Ils ont des comptes Tik-Tok et ils courent à reculons. Bon je me moque parce que je trouve qu’on fait vraiment des publications pour n’importe quoi mais vous avez l’idée : je suis à la mode. Mais ça ne me donne pas du talent non plus (faut pas confondre la notoriété et le talent) (je n’ai pas la notoriété non plus ceci dit).

Ce qu’il y a de magnifique avec la course, c’est que les gens partent de zéro et se rendent au bout du monde en trois mois en sautant à cloche pied. Moi ça fait deux ans que je cours et je suis toujours essoufflée en bas de la rue. J’exagère un peu (coucou Marseille) mais je ne suis clairement pas au niveau des plus endurants. Mais que faire alors lorsque l’on a le sentiment de repartir du début à chaque nouvelle grippe (et j’ai quand même eu deux fois la grippe en six mois, mon record personnel) ? Je pense que ça vaut la peine de se plaindre un bon coup, jurer ses grands dieux que ça sert à rien, de toute façon on y arrivera pas, si on avait dû progresser ce serait déjà fait, et qu’on sera nul toute sa vie.

Et puis après ça, on enfile son coûteux attirail, chèrement acquis au fil des mois, et puis on reprend la route. Et oui, c’est difficile. On court deux kilomètres et demi comme on en courait sept quelques semaines avant. C’est rageant. Il fait froid alors on diversifie ses entraînements, on raccourcit pour mieux multiplier. Ma nouvelle obsession du moment, ce sont les cours de groupe au gym. Je cours au rythme d’une musique assourdissante, à l’unisson de onze autres paires de jambes qui rebondissent sur les tapis. Je fais des exercices de muscu que j’ignore royalement d’ordinaire et je me shape en prévision du redoux printanier. Il sera alors temps de reprendre l’entraînement, le vrai, le fatigant, et d’allonger les kilomètres.

Je vous ai dit que je courais un semi-marathon cet automne ?

-Lexie Swing-

Crédit photo : Andrew Rashotte