11 ans : 3 chouettes idées de cadeaux

Miss Swing a fêté ses onze ans. Quand je pense qu’elle n’était qu’un possible futur à la création de ce blogue, ça me met un sacré coup, quand même. 11 onze, c’est cet âge surprenant où leur personnalité semble suspendue entre ce qui était et ce qui sera. Ils se vernissent les ongles en racontant des blagues de prout et écrivent des mots compliqués dans leurs devoirs d’école, la langue coincée entre leurs dents serrées, tout à leur concentration. Leurs goûts sont à l’image de cette dualité, entre préoccupations d’adolescents et jeux d’enfants.

B. n’est pas un enfant qui ressemble au plus grand nombre, mais à force de chercher, on a identifié trois cadeaux qui peuvent rallier différentes personnalités tout en sortant de l’ordinaire.

  • Le terrarium

Les passionnés de nature comprendront : le terrarium, c’est ce condensé de vie qu’on peut déposer sur un coin de son bureau. Il existe plusieurs possibilités pour l’enfant qui veut se prêter au jeu : un atelier à suivre, un kit à explorer ou même un terrarium tout fait. De notre côté, B. avait une idée relativement précise de ce qu’elle souhaitait et surtout, l’envie de le créer par elle-même. Nous sommes donc allés ensemble à une jolie boutique bien fournie en la matière et avons suivi les conseils de la vendeuse pour s’équiper de billes d’argile, sable, terre à cactées, mousse verte et bien sûr pour choisir quelques plantes appropriées et le récipient pour les accueillir.

Notre adresse : Le Marché aux fleurs de Saint-Bruno (les meilleures fleuristes au monde) et Vertuose aux Promenades Saint-Bruno.

  • Le simulateur de chute libre

Au départ, ce n’est pas B. mais sa jeune soeur qui avait testé l’expérience : tester un simulateur qui, grâce à un souffle puissant, vous donne l’illusion de voler. Souplesse, musculature et absence de la notion de danger en faisait la candidate idéale. Sa grande soeur sera-t-elle aussi à l’aise ? L’histoire ne le dit pas encore, mais c’est bien le cadeau qu’elle a elle-même choisi, après avoir été spectatrice de l’expérience. Dans le cas de Tempête, la séance avait commencé par l’enfilage de la combinaison, suivi d’un petit briefing. Assis en rang d’oignon, les participants avaient ensuite été appelés à tour de rôle pour quelques décollages en compagnie du moniteur. Le petit plus qu’a commandé B. pour son propre essai : le casque de réalité virtuelle. On vous en redonnera des nouvelles !

Notre adresse : iFly, à Laval (et après aller faire un tour au magasin 42.2 à deux minutes d’auto de là, le meilleur magasin de course à pied – ça n’a aucun rapport mais ça vaut le déplacement).

  • La pièce en kit à construire

Les amoureux de miniature adoreront ce présent : la pièce en kit, ce sont plusieurs heures de concentration, les doigts pleins de colle et les yeux fatigués, pour un résultat plus vrai que nature. Ce type de bricolage nécessite de la minutie et est souvent désigné pour des enfants un peu plus vieux. Mais si votre enfant aime le travail d’orfèvre, il devrait s’en sortir aussi bien que la plupart des adultes (à commencer par moi). La première pièce créée par B. était relativement simple : un petit café, avec suffisamment de détails pour donner un joli rendu, mais pas trop pour ne pas la frustrer. A sa demande, le cadeau de ses 11 ans est passé à l’étape supérieure avec une librairie remplie de livres du sol au plafond. Elle l’a commandée « pour (me) la donner », m’a-t-elle dit, « parce que toi tu ne sais pas faire ces bricolages-là ». Elle veut que je la mette dans ma bibliothèque, au milieu de mes livres à moi, et c’est vrai qu’une pièce comme ça, c’est un peu comme un coin à soi, n’est-ce pas ?

Notre marque fétiche : RoLife par Robotime (si quelqu’un veut m’offrir un Book Nook Shelf, j’ai des petites mains qui pourraient le construire pour moi, je dis ça en passant).

-Lexie Swing-

En un instant à peine

Il aura suffi d’un trait de couleur dans un carré parfait. Des secrets que l’on chuchote, des petits messages précieux, des paquets de café au statut annonciateur. On va être mère, père, grands-parents, tatie, tonton, on se choisit les noms d’une identité future comme si l’on avait attendu que ça toute sa vie. Et l’on devient autre, on se renouvelle, on fait peau neuve, peau à peau avec un tout petit, si petit que le pyjama flotte sur lui. Mais si grand déjà que jamais on ne croirait qu’il y a deux minutes à peine il était là, sous la peau distendue d’un ventre vide. Vide de lui mais plein d’angoisse. Car la peur vient avec l’enfant. La peur pour lui, d’un monde chaotique qui ne suspend rien, ni son temps ni son vol. La peur de nous, de ne pas être assez, de parfois être trop, de ne pas être d’accord, raccord, de sacrifier ce que nous étions sur l’autel étroit de la parentalité qui ne laisse guère de place au reste, à l’individualité, à l’amour vif, à l’amour chair qui nous était si cher il y a un instant à peine. On occupe nos nuits à retenir notre souffle, priant pour que jamais le sien ne cesse. On occupe nos jours à supplier qu’il dorme, rêvant que le sommeil nous emporte à notre tour. On fait nôtre un monde de layettes, qui peuple tout, nos écrans, nos recherches, nos conversations sans fin, ivres de cet amour sans nul autre pareil. Puis un jour, le berceau devient trop petit, et les marches menaçantes, et la vie prend un nouveau tour, et les jours une autre couleur. Et bientôt on oublie, les bodys, les biberons, les petits corps assoupis sur le canapé du salon. On livre d’autres batailles et on découvre de nouveaux sursauts d’amour. Un matin on ouvre les yeux, et le temps a passé, et les nuits ont fini par donner à nos heures un sommeil apaisé. Et derrière la porte qui jouxte la nôtre, le corps étendu d’un enfant dont les jambes sont si longues qu’elles chatouillent le bout du lit. L’angoisse est toujours là et le monde tout aussi chaotique, mais l’enfant qui l’habite le parcourt désormais, avide et déterminé. Il marche et court et danse et parle. Il parle de tout, il parle sans cesse. Il raconte une histoire, la sienne, la nôtre. Celle d’une marque de couleur au milieu d’un carré blanc, d’une exclamation, d’un amour sans faille et d’un bonheur sans fin.

-Lexie Swing-

Credit montage : Lexie Swing

Le secondaire, et puis après ?

« Tu imagines ? Dans un an et demi, c’est le secondaire, et il va falloir tout recommencer. Et après ça va s’enchaîner : le Cegep, l’Université et après je vais devoir travailler au moins 35 ans. Franchement, je regrette d’être une humaine, j’aurais préféré être une tortue de compagnie. »

Elle a dit ça la bouche pleine d’un dôme chocolat blanc-pistaches qu’elle était en train de dévorer. Une tortue de compagnie. Je n’ai pas pu m’empêcher de m’esclaffer. Mais j’ai senti le bref désespoir de ces grands de l’école primaire qui n’ont que trop conscience de tout ce qui s’en vient après. En savais-je autant, à son âge ? Je ne crois pas, j’étais trop dans mon monde, trop dans l’instant. Mais elle n’a pas tout à fait tort, dans quelques mois, elle devra faire le choix de l’école secondaire. Un choix pas nécessairement définitif, mais pas anodin non plus. Quelques années plus tard, elle devra choisir son Cegep avant de déterminer ensuite si elle souhaite étudier à l’Université, et surtout ce qu’elle souhaite y étudier.

Je lui ai dit que travailler n’avait pas nécessairement besoin d’être un sacrifice, qu’on n’était pas obligés de passer 8 heures par jour dans un métier que l’on exècre, que l’on pouvait choisir une profession qui nous allume. Est-ce que je me leurre ? Est-ce que même le plus enthousiasmant des boulots fini par nous emplir de lassitude ?

« Oui mais je ne veux pas faire quelque chose comme vous ! Vous passez vos journées sur vos ordinateurs, ça doit être affreux ! »

Son jugement fait écho à des pensées que nous avons nous-mêmes déjà eues, lorsque nos corps engourdis par de longues journées passées à demi-pliés sur nos écrans nous faisaient nous interroger sur les chemins que nous avions pris. Je ne sais pas s’il existe des gens qui, aujourd’hui, traversent leurs années professionnelles sans jamais remettre en cause le choix qu’ils ont fait. Autrefois, c’était commun : on entrait dans une entreprise à une position donnée, on y gravissait – ou non – les échelons, et la meilleure nouvelle que l’on pouvait donner à ses proches, c’était que l’entreprise avait pour ambition de nous garder jusqu’à la mort. On pouvait décrire sa vie par l’intermédiaire de la profession que l’on avait exercée, puisqu’il y avait de fortes chances que celle-ci soit la seule.

Aujourd’hui, on demande à nos enfants de se commettre à des études pour apprendre un métier qu’ils n’exerceront peut-être qu’une poignée d’années. Un métier qu’ils doivent déterminer en fonction de leur personnalité. Mais est-ce que le métier qui nous correspond à 15 ans est-il vraiment le même que celui qui nous conviendra à 40 ? Si j’en crois les candidats à qui je parle au quotidien, probablement pas.

« Alors je fais comment, moi, pour savoir quel métier est vraiment fait pour moi ? » m’a-t-elle finalement demandé. Je lui ai dit qu’elle pouvait imaginer, essayer, se renseigner, poser des questions et peut-être nous faire confiance, un peu.

« Et si je me trompe ? »

« Tu ne pourras jamais te tromper », lui ai-je dit, forte de tous ces parcours que je croise dans mon propre métier. « Tu recommenceras seulement à apprendre, quelque chose de plus, quelque chose de neuf, et il ne sera jamais trop tard ».

Mais nos enfants connaîtront-ils un jour de nouveau la certitude tranquille d’être à la bonne place, dans le bon métier, d’être sur leur X (en bon québécois) ? Peut-être pas, et c’est probablement ça, notre mal du siècle. La perpétuelle possibilité d’un ailleurs plus approprié qui sème les graines d’un doute qui n’en finit plus de fleurir.

-Lexie Swing-

Jours de grève

Le réveil a sonné à 7h et c’était bien plus tard que d’habitude. Mais si ce n’est pas ça, le (seul) plaisir d’une semaine à devoir garder les enfants en même temps que l’on travaille, alors quoi ?

On s’est levé en retard, trop tard pour pouvoir vraiment ranger avant de travailler. J’ai ouvert mon ordinateur en même temps que le paquet de céréales et constaté avec ravissement qu’il y a des gens qui travaillent dès 7h30. Des gens sans enfants, sûrement.

Après ça, il a fallu jongler. Entre les dessins animés qui hurlaient et la wifi qui peinait. Entre les appels téléphoniques et les interpellations derrière la porte close. Les Maman sur tous les tons qui font s’interroger les bienveillants au bout du fil. “Vous êtes sûrs qu’ils sont corrects ?” demandent-ils, inquiets, alors que l’enfant numéro 1 tente d’attenter aux jours de sa cadette, armé d’un poney en plastique pie modèle Shetland. On dit que oui, en refermant la porte du bout du pied, chargeant la chienne apeurée de départager la bataille.

Entre deux révisions de dossiers, on tente de prendre de l’avance sur le lunch en épluchant les patates. Trois patates épluchées contre un paragraphe corrigé. L’heure tourne et on passe le relais. Le mardi, c’est sortie course. Beau temps, mauvais temps, enfants à plein temps. 45 minutes, étirements compris, avant de manger, de se doucher, d’y retourner. Pas de café, pas de câlins, pas de temps, ni à prendre ni à perdre, car il est déjà l’heure de reprendre.

L’après-midi s’installe, on vend aux enfants les mérites d’un dessin, d’un bricolage, espérant que les 4h de télé matinales ne nuiront pas au développement du lobe frontal. Deux appels et une recette que l’on entame, laissant aux bons soins des petites mains graciles le cassage des œufs et la pesée du sucre. Troisième relecture du courriel et il manque toujours la pièce jointe. Attends, c’était quoi déjà la quantité de farine ?

Les cellules du cerveau n’en peuvent plus de se diviser et les sens en alerte sont en pleine rébellion. Cinq heures sonnent enfin dans l’imaginaire collectif. La fin des classes et le travail que l’on remet à plus tard, à demain, à un jour où nos yeux ne seront plus les témoins d’un pas de deux chaotique. Mon téléphone vibre. “J’ai survécu”, m’annonce, triomphante, mon amie.

Jour par jour, heure par heure, et puis on recommence.

-Lexie Swing-

Les enfants, les repas et mon avis sur les coffrets ChefClub

On revient de la chasse aux bonbons d’Halloween. Comme chaque année, il y a plus de bonbons sur la table que de jours dans l’année, et le calcul est facile : on ne les finira pas d’ici l’année prochaine. On ne les a jamais privées de bonbons, il y en a d’ailleurs souvent qui traînent d’une fête à l’autre dans nos placards, mais elles n’en mangent pas sans autorisation et chez nous c’est plus souvent non que l’inverse.

On a tous nos façons de naviguer avec l’alimentation des enfants, et il n’y a pas de recette magique – c’était le minimum que de la placer, celle-ci – en matière de bonbons comme pour le reste. Il y a ceux qui refusent tout bonnement d’en avoir et d’en recevoir, ceux qui les autorisent à tous les repas et piochent eux mêmes allègrement dans le pot d’Haribo, et au milieu, tous ceux qui naviguent à vue. Ils disent oui pour un, pour deux, pour dix et finalement la famille passe à travers le paquet et les parents jurent leurs grands dieux qu’on ne les y reprendra pas. Les bonbons sont bannis jusqu’à la prochaine fête, et puis ça recommence. C’est aussi comme ça qu’on éduque, en posant des limites qu’on sait transgresser quand l’occasion – sous la forme d’un Kinder Schoko-Bons – se présente.

La même habitude prévaut pour les repas et nourrir des enfants n’est pas plus facile aujourd’hui qu’il y a 30 ans. Probablement moins, même, parce que les parents vivent plus de culpabilité et se sentent moins libres de devenir des tortionnaires, brandissant les haricots verts sous le nez de leurs rejetons en invoquant ces pauvres enfants qui n’ont rien a mangé en Somalie et toi tu gâches tu n’as pas honte. Aujourd’hui, on se félicite d’avoir fait manger des courgettes cachées dans du gâteau au chocolat et on découpe des cœurs à l’emporte pièce dans des rondelles de concombres. C’est inventif mais ça ne résout malheureusement pas le problème initial : comment apprendre à son enfant à se nourrir avec moins de frites et plus d’épinards ?

Parfois je mentionne à des copines ou collègues un plat nouveau préparé la veille ou le week-end d’avant, disons un mélange hummus, haricots rouges, poivrons, feta, épinards, œuf et avocat dans une tortilla, et les questions sont toujours les mêmes : mais tes enfants, elles mangent quoi ? Suivies de l’invariable : moi mes enfants, ils mangent pas les trucs rouges, pas les légumineuses, pas les poivrons crus, pas les œufs coulants, name it. On sent le désespoir quand elles me le disent. Et en même temps l’espoir de parvenir à changer les choses, de devenir une de ces familles qui peut profiter d’un repas de famille agréable durant lequel le niveau conversationnel ne met pas en péril l’audition et le plat de lentilles est savouré sans menaces.

Ce n’est pas la première fois que je le mentionne mais j’ai été un de ces enfants hyper difficiles. Et dans les années 90 en plus alors que ça n’existait presque pas. On dissimulait ceux de mon espèce, qui boudaient les plats en sauce et le poisson au four, faisaient fi des préceptes selon lesquels tous les enfants aiment le fromage, les patates et le chocolat (enfin perso moi j’aimais ça, c’était la base de toute négociation, donne-moi du Pavé d’affinois et je finis ta viande trop cuite). Les aliments ne devaient pas se toucher entre eux dans l’assiette – le comble de l’horreur étant le jus d’une viande qui aurait glissé du fait d’une table mal balancée et serait venu épouser le flanc des trois vaillants haricots verts négociés par la trivialité parentale. Je ne supportais pas la présence d’une herbe quelconque, comme un malheureux basilic sur une pizza margherita ou pire encore : un brin de persil sur un monticule soigné de pâtes blanches bien beurrées.

Bref, le cauchemar des enfants culinairement difficiles je connais : j’ai été l’un des despotes les plus en vus de sa génération dans mon cercle particulier. On gardait des crêpes surgelées à mon attention dans les congélateurs des habitués, de peur que je renie père et mère pour éviter un poisson pané qui n’aurait pas eu la rectanglitude habituelle. (Vous riez peut-être mais c’est vrai : il y a les bons Croustibat, fins avec une forme allongée, et les infâmes panés larges que prenaient parfois mon père. Le summum de la défiance étant ceux qui incluaient une fine couche de sauce tomate entre la panure et le poisson. Voici comment on gâche un classique de la cuisine industrielle française : en créant des rectangles qui n’en sont plus et en innovant sur la matière.)

Ceci étant écrit, je dois vous avouer quelque chose : mes parents ont été très complaisants à l’égard de mes caprices alimentaires mais comme tout bon enfant des années 90, j’ai eu le loisir de rester devant mon assiette pendant de longues minutes alors que la table était de longue date débarrassée. J’ai eu aussi à mâcher des morceaux de viande qui me semblaient toujours plein de nerfs et que je tentais d’avaler tout ronds avec une gorgée d’eau. J’ai été à la cantine et on m’a sommée de goûter le plat du jour : foie de veau et choux de Bruxelles bouillis. Et je n’en ai pas gardé trace ni rancune. Je n’ai pas créé de rapport particulier avec la nourriture que l’âge adulte ne m’est pas permis de défaire. Mieux encore : je mélange aujourd’hui allègrement les saveurs, le sucré-salé et même les textures. Alors défaites vous de cette culpabilité qui vous empêche d’imposer à vos enfants de goûter un peu du plat que vous avez mis une heure à préparer ou qui vous force à prévoir trois plats au menu parce que vous êtes sûrs qu’ils n’aimeront pas votre poisson frais. On n’a pas besoin d’être autoritaire pour guider ses enfants, on peut simplement être à l’écoute des vrais dégoûts, en minimisant les rejets d’habitude. Après tout, on a tous été enfants et on sait que les rognons, c’est pas bon.

Nous avons cette richesse en France d’avoir fait de la cuisine une affaire de famille. Elle se transmet, elle se prépare et se savoure à plusieurs. Un plat préparé avec amour devrait être honoré ensemble, qu’importe les considérations de chacun. On se trompe, je crois, à vouloir faire un plat pour les enfants et un autre pour les adultes, à créer un chacun pour soi. Un enfant est capable de tout goûter, et surtout de tout aimer. Et même si son palais n’est pas encore mature, selon ce que j’ai lu, il est aussi en développement, ce qui signifie que chaque nouveau goût proposé enrichi la palette des possibles. Je trouve que cette idée est d’une incroyable richesse.

Mon salut personnel est venu de la cuisine. Lorsque j’ai commencé à choisir moi-même mes produits et mes recettes, et surtout lorsque je me suis mise à la cuisine, ma perspective a complètement changé. Les épices n’étaient plus des goûts étranges dans un plat commun, elles étaient un monde joyeux et coloré sur la tablette de l’épicerie. Les textures se mariaient parce que je les avais pressenties ainsi et les plats étaient appétissants parce que présentés selon l’idée que je m’en étais fait.

Pour beaucoup d’enfants, refuser des aliments précis relève d’un besoin de contrôle. Pas pour tous bien sûr, certains ont des sensibilités particulières qui provoquent un véritable chaos sensoriel lorsqu’ils sont confrontés à des odeurs ou textures spécifiques. Mais pour de nombreux enfants, avoir un droit de regard ponctuel sur les repas, mettre la main à la pâte pour confectionner les plats ou avoir le loisir d’essayer une épice plutôt qu’une autre, est suffisant pour les remettre sur le chemin de la découverte, gustativement parlant.

Dans cet esprit, j’ai découvert il y a quelque temps les coffrets pour enfants ChefClub et j’en ai offert un à ma fille lorsque j’en ai eu l’opportunité. Je craignais qu’ils soient destinés à des enfants plus petits – elle a 8 ans – mais sa sœur de 10 ans et elle ont finalement eu le loisir de l’utiliser en toute autonomie. A l’âge qu’elles ont, elles choisissent leurs recettes, font leur liste d’épicerie et même leurs courses, parfois ! J’ai offert le livre de recettes en même temps que le jeu de tasses à mesurer, à l’effigie de différents animaux. Les recettes qu’elles suivent les amènent donc à mettre un cochon de farine et deux poules de sucre, à casser un œuf et à ajouter un chat de lait. C’est amusant et tellement facile à manipuler. Je ne me lasse pas de ce kit, de vrais instruments de cuisine mais de taille suffisante pour être manipulés par des enfants. Pour moi, c’est une autre façon de s’approprier la nourriture et la cuisine. C’est un chemin aisé vers les sauces, qu’on aimera parce qu’on les aura préparées soi-même, et peut être même les herbes dans les pâtes beurrées, surtout s’ils viennent du potager que l’on a nous-meme arrosé.

-Lexie Swing-

Reste-t-on toujours le parent de ses enfants ?

Je scrolle les vidéos – vous savez, ce melting pot d’humour et de drames, d’absurde et de leçons de vie. Entre une chute de chien et un fondant au chocolat, une dame recroquevillée sur un tabouret, face à la cuisinière. Sur son front creusé, un fichu est noué à la hâte. Dans la description, un homme explique la scène. Cette dame âgée, c’est sa belle-mère. Un cancer la ronge depuis quelque temps. Face à elle, une casserole d’eau chauffe sur la cuisinière. C’est l’eau d’un thé qui bout pour sa fille adulte. Sa fille est malade. Cancer aussi, depuis quelques mois de plus. Et malgré sa propre maladie, elle conserve la position adoptée depuis que le diagnostic des médecins est tombé : elle s’occupe de sa fille. Cette position, sur son tabouret, c’est un répit volé au rôle qu’elle n’a jamais quitté, depuis qu’il y a 40 ans de ça, sa fille l’a faite devenir mère.

Est-on parents aussi longtemps que la vie nous porte ? Je me suis souvent posée la question. J’ai observé les postures changer, j’ai regardé mes grands-parents devenir des parents distanciés, j’ai vu ces parents qui, malgré un âge avancé, gourmandaient encore volontiers leur dernier-né, et des enfants grands répondre « oui, maman » la tête baissée.

Mais j’ai grandi, j’ai récolté, j’ai glané les jeux de regards et les valses des corps. Ces corps qui ont porté, en leur sein et leurs bras, des petits devenus grands. Des petits qui ont atteint un âge où les bougies jouent un jeu de miroir, quand nos sweet sixteen deviennent une pré-retraite. Est-on le même parent lorsque l’on partage tant de cheveux blancs ?

La parentalité des gens âgés est multiple. Il y a ceux qui gardent au coeur leur essence même, parents en dépit de tout, distribuant remontrances et conseils avisés sans faille depuis le siècle dernier. Il y a ceux qui se sont oubliés, redevenus vaguement enfants par la grâce de l’âge qui nous rapetisse. Ils se font peu à peu les enfants de ces enfants qu’ils ont créé, comme la boucle bouclée d’un noeud quelque peu trop serré au cou des enfants devenus grands. Il y a ceux qui se sont éloignés de leurs responsabilités, devenant parfois des amis, souvent des connaissances, des numéros dans un téléphone sous un nom qui a perdu ses couleurs. Il y a ceux qui sont partis, figés pour l’éternité à un âge que leurs enfants dépasseront bientôt, découvrant la page vierge d’un chapitre inconnu. Et puis il y a ceux dont seul le corps reste, dernier vestige d’une existence terrestre, et dont les enfants oublient parfois de se rappeler qu’il y a eu un avant joyeusement organisé au chaos de ce vide.

Nous oublions, à mesure que le temps passe, et redécouvrons, au hasard d’un calcul, que nous avons l’âge qu’ils avaient, que nous aurons l’âge qu’ils découvrent, qu’il y a eu un avant nous comme il y aura un après nous, pour nos enfants, et encore heureux. Parfois je voudrais figer les instants, suspendre nos discussions, faire fi du temps qui disperse tout, les rires comme la tristesse. Je voudrais être la fille de mes parents et la mère de mes enfants, pour toujours, dans une intemporalité exacerbée, où nous aurions 20 ans et puis 40 ans et puis 100 peut-être, sans égard pour l’ordre des générations et le temps qui jamais ne suspend son vol.

Parfois, quand je crie trop fort, je me fustige intérieurement, par crainte que mes enfants se souviennent de ça. Et puis je me rappelle, qu’on ne retient presque rien, à peine des moments, des regards, la fugacité d’un instant ou le confort d’un sentiment de sécurité. Seules des bribes viendront flotter dans leur esprit, et elles en tireront des vérités implacables qu’elles nous assèneront avec toute la certitude des jeunes adultes qui ne savent encore rien. Nous serons pour elles ceux d’aujourd’hui, d’un aujourd’hui, d’un maintenant, quel qu’il soit et sera. Mais dans mon esprit, j’aurais longtemps 27 ans, 37 ans. Je danserai dans la rue et jurerai mes grands dieux que je n’ai pas changé. Je répéterai des choses pour la toute première fois et lèverai des yeux myopes vers leur moue d’adulte. Le temps s’envole et donne aux enfants des rides au coin des yeux, mais nos enfants ils resteront.

-Lexie Swing-

Photo Noah Boyer

Rentrée 2023

La rentrée a sonné ! Ce lundi, pendant que les écoliers français faisaient – pour beaucoup si j’en crois mon fil Facebook – leur grande rentrée, les nôtres se la coulaient douce, profitant de la Fête du travail. Chaque année, dans notre commission scolaire, le programme est le même : jeudi de rentrée, vendredi d’organisation, week-end de trois jours pour se remettre.

À l’âge qu’ont les filles, nous sommes des habitués de la rentrée, des vétérans même devrais-je dire, et c’est pour ça que sans surprise, la rentrée a été une épreuve. On s’était pourtant préparé en amont – je suis de ces fanatiques de la rentrée qui en parlent un mois en avance et mettent à jour la page internet de l’école de manière compulsive. Mais le secret des Dieux a été gardé jusqu’au bout et rien n’a filtré : ni l’organisation des classes, ni le nom des professeurs. Tout juste avons-nous reçu un courriel nous demandant de nous présenter dans la cour de l’école le matin du jour J.

Le moment venu, nous étions donc là, pimpants comme un premier jour d’école (enfin moi surtout, histoire de faire forte impression aux professeurs présents – les filles avaient pour leur part opté pour un pratique ensemble short – t-shirt, parées à l’épreuve des récréations caniculaires). Dans la cour, la masse informe s’est rapidement transformée en cohue, alors que les professeurs s’avançaient en tenant dans leurs bras des listes et de maigres panneaux de papier indiquant le niveau. Impossible de distinguer les écriteaux dans la foule, il a donc fallu se résoudre à fendre le groupe, l’enfant arrimé au poignet. Et contrairement à Moïse domptant les eaux, les personnes présentes n’ont eu que dédain pour notre tentative pour traverser de manière civilisée. Quelques épaules démises plus tard (au bas mot), nous avons fini par repérer le niveau de notre cadette, la 3e année, mais c’était sans compter sur l’entêtement de cette dernière à ne pas participer à l’engouement général. « J’aimerais autant rentrer à la maison », a-t-elle annoncé, terrifiée, devant la foule, et cela en dit long sur la bataille qui a dû se livrer ensuite entre le poids de son refus – celui d’un âne obèse face à une falaise – et la volonté de son père.

Deux prises de judo plus tard, on a pu récupérer sa petite étiquette, ainsi que celle de sa grande soeur. À ce stade, on ne connaissait toujours pas le nom des professeurs ni la composition des groupes. C’est que l’équipe-école est joueuse et aime user de son répertoire de mimes et autres devinettes la première matinée pour faire deviner aux élèves encore étourdis par le retour à la réalité le nom de leurs camarades et l’identité de leur instituteur.

Les professeurs se sont ensuite rangés en rang d’oignons et ont salué la foule à l’appel de leur nom – un moment que j’adore car il permet de voir l’ensemble de l’équipe, intervenants inclus. Ovation des enfants à l’appel de la prof de théâtre, on voit tout de suite les préférences de chacun pour l’étude poussée des verbes transitifs. Les profs ont entamé une chanson de rentrée et les gamins étaient en transe, surtout notre cadette, momentanément sortie de son état catatonique, qui a entamé une danse rythmée au milieu de la cour. Et puis on a sifflé la fin du temps, des vacances et du chaos. Les élèves ont été appelés par niveau, et on n’entendait pas tout à fait. Il a fallu pousser notre deuxième née dans le rang, tandis qu’elle jouait ses derniers jetons de résistance, le poids du sac de rentrée sur ses petites épaules. La grande avait disparu de longue date avec ses copines de toujours, prête à l’éternel recommencement des années qui se succèdent.

Alors nous voici, en 3e et 5e année, équivalent du CE2 et du CM2. Il y aura une dernière année du primaire pour notre grande B., celui-ci se terminant avec la 6e année dans le système québécois. Mais cette 5e année sera l’année décisive, celle des notes qui comptent pour le secondaire et des choix à faire. Pour la petite, rien de très compliqué, juste notre quotidien habituel : la gestion des amitiés difficiles qui se nouent et se dénouent au rythme des intrigues journalières. « Plus belle la vie » n’a rien inventé, elle est venue se servir dans le coin de cour des élèves de 8 ans, se susurrant des BFF à l’oreille avant de reprendre leurs bracelets d’amitié à grands cris.

Mais amitiés volages et décisions cruciales ne nous arrêteront pas, année 2023-2024, nous voilà !

Et pour vous, comment s’est passée la rentrée ?

-Lexie Swing-

Photo Sarah Pflug

Parentalité : survivre au tunnel du soir

Tous les parents connaissent le tunnel du soir. C’est celui qui s’étire du retour des enfants à la maison au fameux coucher. Plus les années passent, plus celui-ci peut devenir difficile. On est moins complaisant face aux demandes de son « grand » de 8 ans que pour les caprices de son deux-ans. On a des attentes plus grandes, aussi, par rapport à leur autonomie et à leur apprentissage. Quand il faut répéter à son enfant de dix ans de cracher dans le lavabo et pas sur le miroir, ou quand l’enfant de 7 ans fait la sourde oreille quand on lui demande pour la 5e fois d’aller se doucher, c’est tannant. Quand ça fait 6 ans que tu répètes qu’il faut séparer les culottes des pantalons avant de les mettre au sale, ou que l’enfant oublie un jour sur deux de débarrasser son assiette en sortant de table, ça te hérisse le poil. Quand le 11 ans se rend toujours compte à l’heure du coucher qu’il a un devoir à rendre pour le lendemain, ou que ta 9 ans a encore oublié sa gourde à l’école, ça n’en prendrait pas beaucoup plus pour que l’on parte en claquant la porte. Ça fait des années que je réfléchis à la meilleure façon que tout le monde survive au tunnel du soir, et voici mes recommandations.

Sois dans l’action

Se reposer sur un fauteuil à 18h? Pour le bien de ta santé mentale, oublie ça tout de suite. Il n’y a rien de pire que de devoir pousser des enfants à agir depuis son canapé. Ils vont, viennent, ignorent les suppliques parentales. En étant allongé sur le canapé, on se prive de la possibilité d’agir, du contact oculaire et la frustration va grandissante à mesure que disparait la possibilité d’obtenir quelques minutes de précieux répit. Alors quitte à s’agiter, autant le faire pour de bon : lançons le souper en même temps que les devoirs, trions le linge sale en même temps que le bain et faisons réviser les leçons entre deux bouchées. Le canapé sera toujours là à 20h, et avec un peu de chance, le silence aussi.

Anticipe

Rien de pire dans la vie parentale que de se retrouver pris au dépourvu : plus de patates pour épaissir la soupe, pas de justaucorps propre pour le cours de danse, aucune pancarte 2*3 pour coller les feuilles de l’exposé pour le lendemain. Le tunnel du soir, pour peu que tu le fasses seul(e), a vite fait de tourner à la débâcle s’il manque un élément majeur. Alors avant de rejoindre ton canapé (voir point précédent) la veille, passe rapidement en revue la journée et soirée prochaine, et anticipe souper, sorties et autres devoirs dont on ne t’a pas encore parlé.

Mets le travail sur pause

Que tu prévois réouvrir ton ordinateur en soirée ou que ta journée se soit terminée pour de bon à 17h, ferme à double tour la porte de ton bureau et mets toute ton énergie à ressortir du tunnel dans lequel tu t’es engouffré. Vouloir jongler entre les devoirs et les courriels du bureau, c’est la recette parfaite pour une catastrophe. Soit l’enfant, laissée sans surveillance, aura repeint le mur de l’entrée en trois façons (mûres – framboises – substance non identifiée), soit un collègue, leurré par le Teams affichant « disponible » t’aura appelé en plein combat de coquillettes et tu lui répondras avec toute la dignité possible (aucune). Si tu ne veux pas commencer à dire à ton enfant qu’il doit finir ses petits pois « avant la deadline », sinon ça va être un « deal-breaker » et tu vas « shooter un email au Père-Noël », décroche.

Se connaître

Des enfants fatigués + des parents surmenés, c’est le cocktail explosif parfait. Pour limiter les risques, apprends à repérer ce qui vient te chercher davantage. Est-ce les bruits, les interpellations incessantes? Est-ce les répétitions, les demandes jamais honorées, les bains qui débordent et les sols qui se salissent? Quand on grandit, comme parent, on se rend compte que certaines choses nous atteignent plus que d’autres. Le bruit, pour moi, est l’une d’elles. Les enfants sortent de l’école, ils sont surexcités, ils veulent raconter leur journée, parlent les uns par dessus les autres, etc. J’ai longtemps cru que je pouvais contenir ce flot de paroles, mais c’est vain car le besoin est là, et je me rappelle encore l’empressement que j’avais, après certaines journées d’école, à raconter ma journée. Alors depuis, je me cherche des alternatives, pour accueillir leur enthousiasme sans que cela devienne chaotique : une balade avec le chien s’il fait beau où la rue dilue le volume sonore, un retour un peu plus long en voiture le temps que chacune raconte sa journée, un moment seul à seul pendant qu’un des enfants regarde quelques minutes de télévision, etc. J’ai lu que 15 minutes étaient suffisantes pour que l’enfant se sente délesté de sa journée et prêt à passer à autre chose. Autant l’accorder une bonne fois que de tenter une écoute en pointillés qui ne satisfait personne. Et lorsque le moment semble passé, je m’autorise à renvoyer tout le monde à ses menues activités et à glisser un peu de musique dans mes oreilles, pour faire écran.

-Lexie Swing-

Écrire : ces petits bouts de rien qui font voeux de mémoire

J’ai toujours aimé écrire. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai couvert des pages lignées de mots bancals. Je racontais peu ma vie, préférant aux journaux intimes les histoires d’autrui, nourries d’un imaginaire très terre-à-terre mais plein de détails et d’émotions. Mes protagonistes vivaient bien et longtemps, sans vraie souffrance et sans obstacles, me donnant au passage l’évidente réussite, sociale, amoureuse, scolaire et sportive, que je ne pouvais atteindre, sinon par l’écriture. Mes premiers textes réfléchis étaient de la poésie, de celle qui rime, et rythme un sentiment ou une réalité. J’ai toujours pensé que j’aurais pu vivre bien si j’avais été un personnage de Molière. Point un avare ou un malade imaginaire mais peut-être l’une de ces femmes prétendument savantes, ou plutôt de celle qui ne prétend point l’être. Imaginez qu’au lieu de dire « J’le kiffe » ou même asséner un pompeux « Le coeur a ses raisons que la raison ignore », on traduirait l’émotionnel irraisonné de l’amour dans les termes d’Henriette :

« Si l’on aimait, Monsieur, par choix et par sagesse,
Vous auriez tout mon cœur et toute ma tendresse;
Mais on voit que l’amour se gouverne autrement.
Laissez-moi, je vous prie, à mon aveuglement,
Et ne vous servez point de cette violence
Que pour vous on veut faire à mon obéissance. »

Au-delà des pages que j’ai noircies, il y a celles, plus précieuses encore à mes yeux, que mes proches ont nourri. Le carnet de notes de ma grand-mère, relatant les activités familiales, les lettres échangées par la famille, les recettes griffonnées sur une page arrachée. Parce qu’elles ont une place de choix dans mes souvenirs, je me suis souvent demandée quelles traces j’aurais moi-même envie de laisser derrière moi, et quelles traces il était surtout possible de laisser, à une époque où le numérique prend souvent le pas sur le manuscrit.

La boite à recettes

Plus qu’un journal quelconque, c’est mon recueil par excellence. Nourrir et raconter sont les deux choses qui m’animent le plus dans cette vie. Alors, lorsqu’une recette semble maîtrisée, je la transcris sur un carton pré-rempli. J’y annote mes modifications, je suggère quelques changements. Comme tout bon utilisateur de Marmiton qui se respecte, je remplace au gré de mes fantaisies, transformant au passage des monuments de la pâtisserie en de pâles copies de fond de placards. Je me plais alors, à imaginer mes filles, devenues grandes, éplucher la boite pour retrouver ces saveurs d’enfance, ces goûters de retours d’école, ces brioches du dimanche matin. Je me dis que la transmission se situe parfois autant dans une odeur, et une saveur, et le souvenir de patates qui grésillent dans une poêle chaude au 10e étage d’un HLM, que dans des mots bien choisis.

Le journal de bord

Ma grand-mère tenait quelque chose comme ça, une sorte de grand cahier sur lequel elle narrait nos menues aventures d’enfants. Elle y racontait nos progrès, nos accomplissements, des premiers pas, aux premières bugnes, aux premiers coups de pédales. Sous sa plume, nous grandissions, évoluions. Notre vocabulaire se faisait plus soigné, nos réussites plus grandes. Nous étions quatre familles qui se croisaient peu mais dans ce grand cahier, entremêlés dans son écriture rapide, nous étions un tout, un assemblage de noms et de personnalités vivant des existences parallèles. Je n’ai jamais eu sa constance, dans mes tentatives de tenir un journal de bord au profit de mes enfants, mais je trouve que c’est un beau cadeau à leur faire, que de garder trace de leur quotidien, leurs accomplissements et nos impressions.

Les lettres d’anniversaire

Je suis de ceux qui envoient les cartes trop tard ou possèdent encore de longs courriers d’anniversaire jamais transmis, mais j’aime l’idée que l’on remette à ses enfants un long courrier pour fêter l’année écoulée. Certains parents choisissent de les écrire, tranquillement, prudemment, à chaque année, et de les sceller afin de les offrir toutes ensemble, lorsque l’enfant aura atteint un âge respectable, généralement entre 15 et 20 ans. D’autres les confient, joyeusement, à chaque anniversaire, afin de les ajouter à cette boite de souvenirs que l’on redécouvre tous un jour, pour autant que l’on ait des parents un peu conservateurs. Et c’est une émotion particulière, que de redécouvrir des mots qu’on avait oubliés, ou un amour que l’on prenait pour acquis mais qui prend une toute nouvelle saveur lorsque nous atteignons nous-mêmes un âge plus avancé.

Le carnet de questions-réponses

Il en existe de tout fait, désormais, et bien souvent pour les parents qui attendent un enfant ou viennent de le mettre au monde. Ces carnets sont remplis de questions et catégories, visant à donner à celui ou celle qui le lit une idée de ce qu’était le monde, le sien et celui de la société, plus largement, lorsqu’il ou elle était enfant. On égrène ainsi une succession d’informations : musiques et films préférés, lieux de vie, comment mes parents se sont rencontrés, repas du dimanche, etc. On fige en quelques mots la vie dans ses détails les plus anodins, détails qui généralement ne sont vrais qu’à l’instant même où on les transcrit. Mais ils donnent une couleur particulière à nos souvenirs, et demandent à ceux qui les écrivent un travail d’introspection toujours salutaire.

Le journal intime

On l’écrit pour soi, en secret, loin du regard des autres. Une fois ce monde quitté, notre journal deviendra cependant cette porte ouverte vers un certain recoin de notre esprit. Notre vision du monde, dans toute sa beauté, son enthousiasme, mais aussi, beaucoup, son amertume, ses doutes, ses incertitudes. Nos envies de vengeance sont couchées sur papier, au côté de nos peurs les plus fantasques et de nos désirs les plus fous. Le journal intime est moins une rétrospective de la vie écoulée qu’un condensé d’émotions exacerbées par la noirceur enveloppante de la nuit. Et pourtant, pour ceux qui le retrouvent, une fois leur proche parti, c’est souvent la découverte d’une part inconnue, et souvent un peu sauvage. Lorsqu’elle a retrouvé, et dévoré, le journal intime de sa mère décédée, une amie m’a confiée qu’elle avait découvert en sa mère, femme de tête un brin féroce, une personne « terrifiée par la crainte d’échouer ». Je pense que la vérité se situe dans cette entre-deux, entre le jour et la nuit, entre celle qui règne et celle qui craint, entre les écrits d’un journal et les actes accomplis.

Les blogs et les posts

On fait des déclarations publiques à nos enfants sur des réseaux auxquels ils n’ont pas accès, on raconte leur existence sur des blogs dont ils n’ont pas connaissance, ainsi va la vie au XXIe siècle pour le pire, et pour le meilleur donc. Outre les petits mots, courriers, recettes et tentatives de journal de bord, mon blog reste à l’heure actuelle la meilleure mémoire de leur existence. En vous racontant, depuis dix ans, mes joies et doutes de parent, mais aussi mon quotidien et mes accomplissements, en tant que femme, professionnelle, amoureuse, individu, j’ai établi un portrait incomplet mais important, de leur enfance. J’aime l’idée que, depuis une vingtaine d’années et dans le monde entier, des doigts agiles aient transcrit leur quotidien, contribuant à créer une mémoire collective, mais aussi individuelle, de ces années. Pour rendre aux premiers concernés leur histoire, il suffira alors d’en conserver le contenu imprimé.

Et vous, quels mots laisserez-vous?

-Lexie Swing-

Photo Pexels

Des repas pour enfants : idées pour boîtes à lunch

La différence entre les pays anglo-saxons et la France, côté écoles, c’est la sacro-sainte tradition du lunch à préparer tous les jours d’école que compte cette vie. Avoir un jour férié ou une « pédago » chez nous (jour où les profs sont en formation) est avant tout l’occasion de gagner 15 précieuses minutes sur sa routine.

B. est l’école depuis 5 ans, nous sommes relativement rompus à la tradition de la boîte à lunch, surtout que l’enfant est picky à souhait. Laurence, qui vit la même réalité à l’autre bout de la planète, m’a suggéré d’en faire un article. Je vous propose donc qu’il soit participatif : si vous avez d’autres idées, conseils et suggestions pour tous les parents de ce monde qui découvrent, légèrement angoissés, qu’ils vont devoir préparer un lunch à leur progéniture cinq jours par semaine, écrivez un commentaire et j’ajouterai vos propositions.

La boîte version déstructurée

C’est probablement ce qu’on voit le plus sur les réseaux sociaux : des boîtes compartimentées, chaque emplacement étant rempli à ras bord d’un met de choix. Se côtoient donc des raisins, des crackers, du cheddar, des mini-tomates et de la tartinade. C’est pas vraiment un lunch, c’est un apéro-dînatoire. Sortez-moi le spritzol et qu’on n’en parle plus. Si votre enfant a un appétit de moineau et une liste d’ingrédients plus restrictives qu’une liste d’admission à Centrale, la boîte à compartiments est faite pour vous.

Ma boîte : une version santé de l’apéro de la veille avec craquelins, hummus, petits légumes, yogourt relevé d’un peu d’épices pour jouer le rôle de trempette et rouleaux de tortillas.

La boîte sandwich / cake / quiche, pour une prépa facile

Personnellement, c’est ma proposition gagnante. Un sandwich ou une part de cake salé, ça se prépare à l’avance, ça se mange facilement et avec quelques légumes dans un moule en silicone recyclé en compartiment, ça fait une boîte zéro culpabilité parentale.

Ma boîte : une part de cake aux olives, un demi-poivron coupé en tranches, deux tomates cerises et quelques rondelles de concombre. Ceux qui vivent dangereusement rajouteront une petite trempette sortie de derrière les fagots. L’option sandwich gagnante ? Le sandwich aux oeufs (un oeuf dur écrasé, mélangé à de la mayonnaise, agrémenté de ciboulette et tartiné entre deux tranches de pain).

La boîte « restants de la veille »

C’est la boite préférée des parents d’enfants qui mangent tout. Un restant d’endives au jambon? Ça fera la job! Une part d’aubergines à la parmegiana? Parfait pour la semaine du goût. Un osso-bucco? Non je plaisante. De notre côté, les restants ont moins la côte, surtout chez la plus grande, qui jure ses grands dieux que le thermos rend les pâtes « moueuses » et le riz collant. À sa décharge, la nourriture sortie du thermos me rebute quelque peu. Quelques plats, cependant, remporte encore les suffrages, comme le riz aux légumineuses ou les lasagnes végés.

Ma boîte : le restant de couscous – l’enfant grand veut la semoule, les pois chiches et la courgette, l’enfant petit veut la semoule, les saucisses et tous les légumes, mais surtout pas les pois chiches. C’est un casse-tête innommable mais une bénédiction pour mon sens aigu de l’auto-approbation parentale qui y voit un repas sain, économique et écologique. La personne en charge du ménage à l’école me maudit, par contre, rapport à la semoule que rien ne décolle du plancher, pas même la langue du chien.

La boîte « touski »

Le touski, au Québec, est le raccourci de « tout ce qu’il y a (ou reste, traîne, etc.) », généralement dans ton frigo. C’est une boite à lunch du vendredi, quand tu épures les rayons ou que tu pries pour trouver quelque chose à mettre sur la dernière tranche de pain. Les enfants raffolent du touski car il fait la part belle aux associations improbables, au mépris du bon sens et de l’équilibre. Le sandwich beurre-brie-vieille feuille de salade accompagné de ses tomates raisins flétries est un touski qui s’apprécie. Au même titre que le pâté chinois à la sauce bolognaise.

Ma boîte : une brouillade d’oeufs agrémentée des vestiges de la semaine, soit trois bouts de feta, une demi-tranche de jambon ou cinq rondelles de saucisse végé, deux ou trois mini-tomates, les derniers morceaux de poivrons, etc… On accompagne de quignons de pain presque rassis vu qu’on est vendredi, et on envoie le tout en se prenant pour la future génération de Top Chef (ou l’ancienne génération vu que, on n’a plus 20 ans non plus) (enfin bref).

La boîte « tortilla tu rempliras »

Pour donner à l’enfant l’illusion de l’autonomie, on peut lui proposer une tortilla en kit. On met tous ses ingrédients préférés dans une boite compartimentée, on glisse une tortilla dans un petit sac à sandwich et on le laisse créer le mélange de ses rêves. Montessori à souhait, mais peu de chance qu’il mange dans les 15 minutes imparties. Tant pis, on ressortira les restes pour le goûter.

Ma boîte : une mayonnaise, du hummus ou du fromage frais pour étaler, des poivrons coupés en lamelles, une feuille de salade bien craquante, un oeuf dur en rondelles et quelques morceaux de fromage. Il y a peu de limites et beaucoup de satisfaction.

La boîte « soupe » ou « salade »

Le palais des enfants est surprenant. Il rêve de frites mais ne cracherait pas sur une petite soupe maison au retour d’une froide récréation. Un thermos de soupe, c’est un indispensable des lunchs d’hiver au Québec, surtout pour les estomacs de moineaux. On rajoutera une belle tranche de pain beurrée au besoin, voire un sandwich complet, pour les gourmands. Côté salade, pour peu que l’on mélange quelques ingrédients favoris, on peut facilement avoir un beau succès, genre salade de pâtes ou de riz. On y cache des légumes et du fromage, on nappe de sauce pour les plus difficiles, et hop, un repas quasi santé.

Ma boîte : une salade de boulgour, radis pas trop piquants, tomates, concombres, feta, avec une sauce au yogourt bien fraiche. Un succès jamais démenti à ce jour.

Quelques inspirations

Il y a des gens qui ne voient pas ça comme une punition divine, le fait de préparer quotidiennement le lunch des enfants. J’en tiens pour preuve toutes ces petites vidéos de gens qui publient quotidiennement des lunchs élaborés à base de bonhommes sourires découpés dans du pain de mie et de cheddar en forme de ciel étoilé.

Si vous cherchez des idées de repas pour enfants pas trop saugrenues, voici des propositions :

Partagez-moi vos idées! Est-ce que vous aussi vous commencez à manquer d’inspiration? Vos enfants sont-ils picky ou reviennent-ils le ventre plein et la boite vide? J’ai bien hâte de savoir comment ça se passe chez vous!

-Lexie Swing-