Cet été, notre location de voiture touchait à sa fin, l’occasion pour nous de magasiner une nouvelle voiture. Nous avons finalement échangé notre Subaru Forester contre une Golf, renonçant à la capacité du coffre et des sièges arrières pour quelque chose de plus compact. Les voitures que l’on choisit sont à l’image de la vie que l’on mène. Elles doivent pouvoir embarquer le bon nombre d’enfants – sièges autos compris, les poussettes, le stock de couches, les courses pour 4 ou 5. Et puis, le temps aidant, les préoccupations se déplacent. Les sièges autos se font plus petits, les enfants s’attachent désormais seuls. On a abandonné la poussette au profit de la trottinette et relégué les biberons au rayon des regrets.
La durée des locations est aussi un miroir de la vie qui change. Lorsque nous avons souscrit notre premier contrat, il y a 4 ans, notre vieille auto tombait en ruine et nous avons alors opté pour une solution courante ici, la location, les six mois d’hiver ayant cette fâcheuse tendance à faire passer la moindre voiture neuve de vie à trépas en quelques mois.
Il y a 4 ans, j’étais enceinte de notre deuxième fille, à l’aube d’une vie dont je ne soupçonnais rien encore. Cette vie épuisante, mais pleine, entière. La Subaru fut la première voiture dans laquelle nous avons attaché le siège auto, c’est la voiture qui l’a ramenée à la maison. C’est celle qui nous a conduit jusqu’en Floride, et de l’autre côté, jusqu’au Nouveau-Brunswick. Elle a abrité bien des rires, bien des disputes, bien des siestes d’après-midi et des débuts de nuits. Elle reste marquée de l’empreinte des sièges autos et de celle, moins attendue, de la gourde de compote échappée dans un virage près de Fredericton.
Lorsque nous avons choisi notre nouvelle voiture, nous l’avons voulue rouge, et nous nous répétitions en boucle combien notre cadette serait contente, elle qui ne jure que par cette couleur. Elle qui allait justement fêter ses 4 ans, s’était débarrassée de ses couches et de ses babillages, pour devenir cette petite chose solide, bien campée sur ses deux pieds, qui a voulu monter derrière le volant dès qu’elle a vu la voiture arriver. Nous avons profité du changement de véhicule pour mettre à jour les sièges autos, B. étant désormais en âge et taille d’avoir un simple rehausseur et de s’attacher seule.
Je ne savais pas, il y a 4 ans, que je roulerais avec un enfant déchiffrant les messages de la console centrale par dessus mon épaule. Ni que nous laverions notre voiture au son de la chanson « Envoyez la mousse », scandée par la cadette tel un pilier de bar après la troisième tournée. J’ignorais que les voyages seraient ponctués de remarques fauniques ou ornithologiques, ou parfois scatologiques, les enfants tentant de deviner quel oiseau avait bien pu ainsi se répandre sur le toit vitré de notre nouvelle Golf.
Lorsque nous avons loué notre dernière voiture, les filles ont voulu savoir quand nous allions la rendre. Toujours un coup d’avance, les enfants. « 5 ans », on a dit. « 5 ans ça fait quoi? », a demandé Tempête. « Ça fait que tu auras 9 ans, et ta grande sœur 11 ». Et puis on a ajouté, pour nous mêmes : « Tu seras au milieu du primaire, et ta sœur à l’aube du secondaire ». Et c’était tout un monde qui se profilait. Un monde qui n’avait même pas encore commencé. B. n’avait pas encore mis les pieds au primaire, E. même pas encore à la maternelle. Dans 5 ans de ça, elles seraient des écolières bien avancées, dans des routines installées.
On ne réalise pas à quel point la vie passe, ce qui viendra demain, ce qui ne sera plus. Ce soir là j’ai ouvert le livre d’histoires en réalisant qu’un jour, je n’aurais plus à en lire. Comme j’ai un jour préparé un dernier biberon ou changé une dernière couche.
Mais nous serons aux prémices de nouvelles aventures, les dernières fois s’entremêlant au cœur de premières fois toutes neuves. Et à cet instant, refermant mon livre d’histoire, j’ai laissé glisser le flot ininterrompu de cette vie, et j’ai juste souhaité, de toutes mes forces, être là pour en témoigner.
-Lexie Swing-
ça y’est je suis nostalgique pour les histoires, alors que je peux encore en lire plein…. ouf!!
Dans 5 ans les miens en auront 16 et 10…ouf!
16 c’est dingue je trouve. L’adolescence me semble tellement être une autre paire de manches !
Très vrai et très émouvant. Ce sont souvent les enfants qui nous obligent à nous projeter, mais parfois quel vertige à imaginer notre vie dans 5 ou 10 ans…
Oui et tant de choses qui se passent en qq années à peine !
Très joli article comme toujours, et touchant même lorsque l’on n’a pas d’enfant ! si ça se trouve dans 5 ans ma vie sera bouleversée d’une manière que je n’imagine pas ;-)
C’est encore plus vrai à l’aube de la parentalité je trouve. On oublie comment les choses étaient avant d’avoir des enfants :)
Toutes ces premières et ces dernières fois à vivre, l’histoire de nos vies.
Encore plus vrai depuis que nous sommes parents je trouve :)
Ça me fait tellement bizarre de me projeter dans deux, trois, quatre ans! L’autre, je ne sais pas pourquoi, je me suis endormie en me disant que la chambre de Marks serait peut-être petite pour un ado. Il joue surtout dans le salon, mais vous avez déjà vu un ado jouer dans le salon, vous? En puis, je me suis dit qu’on avait le temps de voir venir les choses… ou pas. C’est bizarre, le temps.
Nous aussi on se projette comme ça parfois. La chambre de ma cadette est carrément petite, on ne l’y voit pas du tout y rester ado (je ne suis même pas sure qu’on y rentre un vrai lit une place) et pourtant ça me fait bizarre de me projeter en ce sens.
C’est parfois ces petites étincelles du quotidien qui sont les plus emblématiques du temps qui passe, inexorablement… A l’aube d’accueillir mon troisième enfant, je m’aperçois que tous ces petits objets de puériculture, dont je m’étais débarrassée depuis longtemps pour certains, sont attachés à des souvenirs qui s’envolent si vite avec eux…
Oui on les oublie mais ils font immédiatement surgir leur lot de souvenirs… j’en ai gardé quelques uns dans des boîtes dédiées, je sais que quand j’étais plus jeune, j’aimais bien redécouvrir les objets de ma petite enfance.
J’ai aussi eu ce genre de pensées récemment avec notre changement de voiture (aussi en leasing, je suis vaccinée contre les factures intempestives du garagiste). Nous avons un bail de 4 ans. Dans 4 ans, mes jumeaux auront 8 ans et seront en fin de primaire. Mon Samuel qui commence à peine à marcher sera chez les grands du CP. Ma fille aura 4 ans, l’âge de mes grands. Tout le monde marchera, la poussette, les couches et les sorties compliquées par l’aménagement de siestes seront terminées.
Ce sera tout un autre monde …
En quelques années à peine, c’est ça qui est le plus déconcertant je crois !
Quel article magnifique. Tes mots coulent comme du miel.
Arrête, tu me donnes faim ;p