Éloge de la lenteur

J’avais oublié à quoi ressemblait ma ville en été. Les gens qui s’entassent devant la crèmerie, le Mont pris d’assaut dès les petites heures du jour, la piscine municipale qui ne désemplit pas. J’avais oublié cet air de vacances, cette insolence des minutes qui s’égrènent à reculons, faisant fi des impératifs professionnels. Le monde appartient à ceux qui se promènent, à ceux qui s’installent sur les terrasses des deux petits cafés qui ponctuent la grand’rue. La place du village accueille le marché du samedi, les spectacles estivaux et les rires des enfants, tandis que les familles soupent à l’abri des parasols de fortune.

Ce soir, on s’est retrouvé sur une passerelle de bois, proche du lac. Un promontoir avait été construit pour l’occasion. Le micro bien ajusté et le bandeau serré derrière les oreilles, les filles de la zumba ont pris place. Devant elles, une foule dense. Que des femmes, quelques fillettes, trois hommes incertains et un chien accroché à l’ombre d’un arbre. Les animatrices ont rythmé la cadence, sourire aux lèvres, indifférentes à nos mouvements désordonnés. Dans l’herbe alentour, une troupe d’enfants – dont Tempête – avait abandonné la piste et faisait la course dans les derniers rayons de soleil. Lorsqu’une brise a soufflé à mi-session, les corps se sont redressés pour profiter de la fraicheur passagère et c’est toute la spontanéité de l’été qui s’est engouffré dans cet instant.

Pour la première fois depuis des lunes, nous passons l’été chez nous. À l’exception d’une dizaine de jours en road-trip en Gaspésie tous les six, les filles expérimentent leurs premières vacances d’été à la maison, de celles qui étirent les secondes et réduisent les attentes. Il n’y a presque plus d’horaire, beaucoup moins d’obligations. Les levers se font de plus en plus tardifs, à mesure que les journées s’allongent. Sur la table, les légumes sont colorés. J’aime l’été pour la ferveur de ses marchés et la douceur de ses promenades au crépuscule. J’aime la chaleur qui ne s’en va jamais tout à fait et cet air de vacances même si les miennes sont plus tard. Je les vois hésiter entre deux activités, entre deux films, trainant sans fin en bas de pyjama sur le canapé du salon. Je me rappelle de l’indolence de ces étés, ceux dont on ne voit pas vraiment la fin, parce que le temps semble suspendu, et je mesure la chance qu’elles ont de passer leurs vacances ainsi. À l’heure où nos semainiers sont divisés en dix-huit couleurs numérotées, je suis heureuse que nous puissions leur offrir une page blanche, et la place pour l’imaginer.

-Lexie Swing-

2 réflexions sur “Éloge de la lenteur

  1. Que c’est beau et nostalgique aussi.
    L’été n’est pas ma saison préférée, trop de lumière, trop de chaleur. Mais depuis que j’ai des enfants, j’apprécie cette pause estivale qui envoie valser les plannings surchargés, les horaires à impérativement respecter.
    J’aime beaucoup cette idée de page blanche et d’espace pour imaginer. Les meilleurs souvenirs se créent lorsque l’ennui pointe, le silence se fait et que la tête se met à rêver. C’est la porte d’un nouvel univers qui s’ouvre, et tout est possible.

  2. Vive l’ennui, vive la lenteur… privilèges de l’enfance qu’il fait parfois bon retrouver soi-même également, pour sortir la tête du guidon et reprendre un peu de hauteur.
    Bon courage pour les dernières semaines / jours avant les vacances !
    Aurélie.

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