L’école au Québec : tout ce que j’aurais voulu savoir avant

Au Québec, l’école commence à 5 ans. Les enfants entrent alors en maternelle, dans un niveau qui correspond globalement à la grande section, en France. L’enjeu y est d’apprendre les lettres, les chiffres, mais surtout – et avant tout – d’adopter une routine et une capacité à suivre des consignes, rester assis en écoutant un professeur, travailler en groupe.

Au moment d’entrer à l’école, les niveaux des enfants sont souvent inégaux, autant en termes de connaissances que d’apprentissage purement social. Certains arrivent de CPE, d’autres de prématernelle axée sur l’apprentissage théorique qui souvent couvre déjà une partie du programme de maternelle. Il y a des enfants issus de garderies qu’on dit familiales – souvent 6-7 enfants entre 6 mois et 5 ans, gardés par une seule personne à son domicile. D’autres, enfin, ont été gardés à la maison par une mère ou un père en congé parental.

Avant l’entrée à l’école, en août dernier, j’avais mille questions, que je posais régulièrement aux parents avec plus d’ancienneté et à mes amis qui avaient grandi à l’école québécoise. Depuis, j’ai obtenu quelques réponses, que je vous livre ici.

L’école finit tôt… mais il y a un service de garde

L’école a lieu de 8h15 – 14h30 (en maternelle) ou 15h30 par la suite. Je me demandais comment faisait le commun des parents mortels pour rentrer à la maison aussi tôt. Et si les enfants pouvaient rester le soir, était-ce une étude? Tous assis pendant 3h de temps? Finalement, j’ai découvert le service de garde, ouvert à compter de 7h, et jusqu’à 18h. Autant dire que de notre côté, nous l’utilisons à son plein potentiel. B. a le choix entre la salle de dessins et jeux, et le gymnase (le matin). Le soir, elle commence par une récréation, avant de passer du temps dans la salle dédiée aux jeux puis de se rendre au gymnase. Le vendredi, elle revient toujours (magnifiquement) maquillée. Sa classe possède une éducatrice dédiée, qui est présente pour eux le matin, le midi et le soir.

Est-ce que c’est vrai qu’ils mangent dans leurs salles de classe et qu’il n’y a pas de micro-ondes?

Dans son école, oui. Dans d’autres écoles il y a des micro-ondes et/ou une salle spécifique pour les repas. Mon conjoint a déjà travaillé dans un gymnase où, quelques minutes avant midi, le personnel dépliait de grandes tables pour permettre aux enfants de manger. Pour nous, c’est donc dans la salle de classe et l’enfant apporte sa boite à lunch. Un service traiteur est également disponible, si besoin est, mais il doit être commandé à l’avance (impossible de se rendre compte le matin même qu’on n’a pas de quoi nourrir son précieux).

Je n’imagine pas ce qu’on peut bien mettre dans une boite à lunch…

Chaque midi, mon conjoint et moi apportons nos boites à lunch au bureau, et B. mange globalement la même chose. Elle a parfois un plat chaud – placé dans un Thermos pour le garder chaud – et parfois un ensemble de petites choses froides. Ce midi, c’était quiche, légumes, chips tortilla et trempette au yogourt. Demain, couscous (en Thermos, donc). Selon les écoles, on peut être plus ou moins surveillé concernant ce qu’on met dans les boites à lunch. Les bonbons sont interdits de notre côté, mais les cupcakes pour le goûter sont autorisés. Dans d’autres écoles, des parents ont déjà reçu une note concernant le chocolat ou les chips. Et pour tous, les précautions prévalent généralement, avec une interdiction assez généralisée de tout ce qui contient des noix. Côté collation, il y en a deux à prévoir : une le matin qui doit être composée de legumes, fruits, yogourt… et une le soir, qui peut être toutes sortes de choses. Généralement je glisse à B. un muffin ou un cookie que j’ai cuit le matin. Sa boîte à lunch est entièrement zero déchet, au depart parce que j’avais peur qu’elle jette les ustensiles (couverts) avec le papier du gâteau ou la gourde de compote, et désormais par conviction.

C’est quoi, une journée pédagogique?

À ma connaissance, c’est une journée où les professeurs sont en formation. De fait, il n’y a pas cours, mais il est possible d’emmener les enfants à l’école. Certaines fois, une sortie est prévue – moyennant finances. D’autres fois, des activités sont organisées à l’école, suivant un thème défini. À date, B. est allée aux quilles (au bowling), au zoo, et au centre d’amusement. Elle a passé plusieurs journées pédagogiques à l’école également, revenant généralement maquillée et fatiguée! Les journées pédagogiques ont lieu au moins une fois par mois. Sont également prévues au calendrier des journées tempête, donc des journées de force majeure où l’école pourrait être fermée (pour cause de tempête). Elles sont affichées généralement assez tard dans la saison, en mars par exemple. À titre d’exemple, notre école a été fermée une journée en janvier pour cause de tempête, la journée de force majeure prévue est mars est donc devenue une journée travaillée normale.

Il y a vraiment si peu de vacances?

Si peu, ça dépend comment on se place, mais il y a 3 semaines de vacances durant l’année scolaire : deux à Noël et une fin février/début mars. À titre de comparaison, les écoliers français ont 8 semaines de congés durant l’année – si je compte bien (Toussaint, Noël, Hiver et Pâques). Globalement, nous trouvons quand même le rythme appréciable. Les jours sont tous pareils (pas de semaine de 4 jours ou 4 jours et demi) et globalement courts (8h15-15h30, comme écrit précédemment). Les enfants sont fatigués en ce moment, mais c’est une fatigue assez répandu au Québec par les temps qui courent, l’hiver de six mois raréfiant notre exposition au soleil et nos sorties. Bref, le printemps gagne du terrain et on saute tous de joie!

Est-ce qu’il y a des devoirs?

Chez nous, oui. Même si B. n’est qu’en maternelle. Lors de notre première réunion, les institutrices ont tout de suite précisé qu’elles n’en avaient pas donné pendant longtemps, mais qu’elles avaient changé leurs fusils d’épaules après que les enfants ont exprimé l’envie de rapporter quelques devoirs pour montrer à leurs parents leurs apprentissages et leurs progrès. On en a donc, mais avec parcimonie!

En quoi c’est différent de l’école en France?

En France, lorsque les enfants arrivent en grande section, ils ont – la plupart du temps – passé déjà deux ans à l’école. Ils ont acquis une certaine routine, ils connaissent les locaux, etc. Au Québec, lorsqu’ils arrivent en maternelle à 5 ans, tout est nouveau (sauf prématernelle 4 ans, comme il en existe dans certaines écoles) et tout est donc à acquérir. Comme nous sommes un groupe d’amies avec des enfants nés au même moment, à cheval sur la France et le Québec, j’ai pu comparer les expériences, y compris avec les souvenirs conservés de ma propre enfance. À mi-parcours, je me suis interrogée. Était-ce normal qu’elle n’apprenne pas encore vraiment l’écriture? À déchiffrer ses premiers mots? À compter jusqu’à 100? À côté de ça, j’ai vu se développer chez elle une capacité à travailler en équipe et une plus grande maîtrise de l’expression orale. Elle a aussi développé des connaissances pointues sur les thèmes abordés mensuellement, à l’instar des dinosaures. Sa photo et son nom ont également été affichés sur le tableau d’honneur de l’école pour son application – et implication – dans ses travaux. Le tableau d’honneur célèbre ainsi chaque mois un enfant par classe, dans tous les niveaux, sur un thème donné. Par exemple, le thème de janvier ou février était «j’apporte mon aide à mes camarades» et la mention au tableau d’honneur semble récompenser l’enfant qui a fourni un effort sur ce thème précis plutôt que celui qui a un don particulier en la matière. Si un instant je me suis interrogée quant à l’apprentissage théorique, je m’aperçois aujourd’hui que l’école telle que ma fille en fait l’expérience lui a offert d’ores et déjà des bases solides en termes de confiance en soi et d’implication au sein de l’école. Le mentorat entre les élèves plus âgés et les maternelles a aussi conduit à une meilleure intégration des plus petits, qui comptent désormais des alliés parmi les grands. J’ai hâte maintenant de voir ce que l’école primaire nous offrira, et à quel point l’éducation scolaire à la québécoise aura un impact sur le développement de ma fille, et sur celui de sa sœur, plus tard.

 

-Lexie Swing-

 

Photos : Matthew Henry (Burst)

Je suis le Lucky Luke du courriel pour l’école

«J’ai bien lu l’infolettre. Il est fait mention d’une autorisation de sortie à signer. À ma connaissance, nous n’avons pas reçu d’autorisation de sortie. Pouvez-vous nous la transmettre svp?»

Ça, c’est mon courriel type. Toujours poli, un brin stressé, souvent pressé. Je suis de ces parents à qui on ne peut pas parler d’une autorisation de sortie si le document n’est pas annexé. Le cauchemar des planificateurs. Le doigt sur le clic gauche plus rapide que Lucky Luke abattant son ombre.

Je le sais. C’est ma job, aussi, la planification. Outlook me sonne les cloches à chaque fois : «Vous avez parlé d’un fichier joint, mais aucun fichier n’a été joint à votre courriel, voulez-vous joindre un fichier à votre courriel?». Inratable. Même Gmail s’y est mis. Je soupçonne un complot.

L’école n’est pas en reste. «SVP prévoir les pantalons de neige au moment opportun». Ma tête s’affole. C’est quand, le moment opportun? Quand la neige tombe enfin? Quand il fait 2 degrés? -2? -10? Je crois que traînent en moi les réminiscences de ma propre enfance. La peur de mal faire. L’annotation au stylo rouge qui s’époumonait : «Consignes mal comprises». Je relis le paragraphe. Interpelle mes amies mamans. Confronte ma compréhension. Copie les parents qui semblent savoir, ceux qui un beau jour sortent de leurs coffres les pantalons rutilants.

D’ailleurs, les autres parents semblent toujours savoir. Quel jour sortir les pantalons de neige. Quoi mettre dans la boite à lunch. Où trouver des chaussons de danse. Quand se terminent les inscriptions aux camps d’été.

Ils semblent toujours lancés dans une conversation animée avec l’institutrice. Ils ne se questionnent pas au sujet du sens caché du dernier courriel reçu. Ni sur le format de la boite à chaussures à sacrifier sur l’autel des arts plastiques des maternelles (true story – elle est devenue une grotte pour dinosaures) (avouez que ça vous manque, d’avoir 5 ans et que votre mandat de la semaine soit de construire une grotte pour les dinosaures).

Et puis parfois, à la faveur d’un anniversaire d’enfants un peu trop arrosé (au jus de raisin) (tout pressage compris), on apprend les courriels envoyés en catimini, derrière les sourires figés. On note le ton acerbe employé pour citer une éducatrice un peu trop zélée. On détaille les ridules agacées et les haussements d’épaules. Et on s’esclaffe finalement, alors que tous les parents présents épaulent le père ou la mère désabusé(e) d’un «moi, pareil», grammaticalement faible mais politiquement fort.

La vérité, c’est qu’on est tous le boulet de quelqu’un. Je tempère les inquiétudes parfois saugrenues de mes contacts mais nourris les miennes aux fruits des messages de l’école sans objet et des courriels sans fichiers. J’ai des amis profs qui vitupèrent contre les assauts parentaux et râlent en cachette de l’institutrice de leur enfant qui les rackette en boites d’œufs vides et circulaires de supermarchés. J’ai aussi des copines secrétaires qui collent aux basques des directrices et directeurs de ce monde pour obtenir une malheureuse approbation et signent l’autorisation de sortie pour l’école appuyées sur le pare-brise de l’autobus scolaire à 6h22, le matin du départ en voyage de classe.

Je suis le parent aux courriels intempestifs. Je plaide coupable. Et vous vous êtes lequel?

-Lexie Swing-

Ces bras qui ont tant compté

Ils enlacent et caressent, ils rassurent et apaisent, ils gesticulent à l’heure du conte et s’engourdissent, à celle de la sieste. Ces bras-là, ceux que nous avons cherché, mesuré, soupesé du regard, ceux que nous avons serré nous-mêmes parfois. Ces bras qui ont tant compté. Ces femmes et hommes qui les accompagnées, de leurs premières découvertes à leurs premiers apprentissages.

Ce seront pour toujours ces bras dont nous nous souviendrons. Il les fallait forts pour accompagner les premières valses, pour guider et porter, pour apprendre. Nous les avons choisis, leur avons fait confiance, pour soutenir ces premières danses. Ils ont eu plusieurs noms, surtout des noms de femmes. Je les oublierai peut-être – les noms se rangent mal dans ma mémoire personnelle – mais je n’oublierai pas ces bras grands ouverts, ou fermés sur leurs épaules. Ces bras rassurants, qui ont aimé mes filles comme les leurs. Ces voix apaisantes, ces sourires amusés, cette envie de les faire avancer, de les conduire à l’autonomie.

Je n’oublierai pas comment mes filles les ont serrés fort, comme elles s’y sont accrochées, pour ne pas vaciller. Je me souviendrai de toutes les fois où j’ai surgi le soir et aperçu par la vitre embuée leur petit corps blotti sur une hanche, coincé sous la pliure d’un coude. Je redessinerai l’arc solide des épaules et les mains franches, qui ont servi d’appui aux foulées imprécises. Je saurai que ces bras-ci ont porté haut et loin, sur la grande glissade, sur la dernière prise du mur d’escalade, et qu’ils ont poussé fort les balançoires, sous leurs cris ravis.

Ces bras sont ceux qui m’ont donné la place nécessaire pour devenir leur mère, même quand parfois ce sont eux qu’elles ont appelé «maman». Je n’en ai jamais connu de jalousie, vous étiez leur figure maternelle un peu vous aussi. Vous vous êtes succédé, avec le rythme qu’imposent les déménagements et l’évolution propre à l’enfant. Vous avez laissé la place à d’autres, avec le cœur que je savais parfois gros. Vous disiez «je me souviendrai toujours d’elle», et je sais que ce n’est pas forcément vrai. Mais nous, nous souviendrons toujours de vous. Vous avez été nos bras, vous nous avez permis d’exister en tant que personne propre.

Nous avons créé à chaque saison pour vous des cadeaux parfois ratés. Privilégiant la générosité enfantine à celle de notre portefeuille. Une façon maladroite de vous dire merci, merci pour toujours.

Alors merci, je n’oublierai pas.

-Lexie Swing-