Clap de fin pour la garderie

Au Québec, l’école commence à 5 ans, les enfants passent donc plusieurs belles années à fréquenter la garderie. Tempête, qui avait commencé au sein d’une garderie proche de chez nous, a changé il y a trois ans pour ce que l’on qualifie de Centre de la Petite Enfance (CPE). Elle y a été une Galaxie, un Spoutnik, avant de passer Astronaute, il y a un an. Elle y a fréquenté des dizaines d’enfants, un bon nombre d’éducateurs et d’éducatrices, des super-héros – en figurines ou en costumes, des ateliers maquillage, des châteaux gonflables, des déjeuners de Noël, des journées pyjamas. Elle a amené un jouet de la maison tous les vendredis, a ramassé des pommes à l’automne et observé le bal des outardes au printemps. Elle a joué à cache-cache dans le parc immense qui encercle le CPE et « à la tag » au milieu des jeux d’eau.

Demain, nous la déposerons pour une toute dernière fois devant la garderie, vêtus de nos masques, en respectant la distanciation. La pandémie a changé ce qu’on avait imaginé de ses derniers mois à la garderie, alors que nous n’aurons plus jamais l’occasion d’en passer la porte et que ses affaires se résument désormais à des vêtements de rechange fourrés dans un sac Ziplock à son nom.

La chance a voulu que la cérémonie traditionnellement organisée pour les « finissants » de la garderie tombe pile demain, le dernier jour. C’est donc en beauté, avec châteaux gonflables, cupcakes, burgers et toges de rigueur que Tempête mettra un point final aux trois années passées là-bas. Nous dirons au revoir à ceux et celles qui l’ont accompagnée, entourée, guidée, réprimandée parce qu’elle chahutait, encouragée parce qu’elle butait et félicitée chaque fois qu’elle réussissait. On y a découvert son énergie sans fin, sa fougue, sa facilité à aller vers les autres, mais aussi l’étendue de ses connaissances et son extraordinaire capacité d’apprentissage. On ne l’a jamais enfermée dans une case, dans une cage, qui n’aurait jamais été assez grande pour la grandeur de ses ailes.

Quelle que soit l’envie d’aller de l’avant, le besoin d’autre chose, il y a toujours, au moment de sauter le pas, cette petite retenue. En avançant, notre cadette referme un chapitre, un livre entier peut-être. Il y a 7 ans, les jeunes parents que nous étions laissaient pour la première fois leur premier poupon à une gardienne du quartier. Cette histoire-ci se clôt, pour que la suite puisse s’écrire. Il n’y a point de mur, point de falaise, juste un pont et notre petite fille qui disparaît déjà dans l’horizon, avide de nouvelles aventures.

-Lexie Swing-

Ces bras qui ont tant compté

Ils enlacent et caressent, ils rassurent et apaisent, ils gesticulent à l’heure du conte et s’engourdissent, à celle de la sieste. Ces bras-là, ceux que nous avons cherché, mesuré, soupesé du regard, ceux que nous avons serré nous-mêmes parfois. Ces bras qui ont tant compté. Ces femmes et hommes qui les accompagnées, de leurs premières découvertes à leurs premiers apprentissages.

Ce seront pour toujours ces bras dont nous nous souviendrons. Il les fallait forts pour accompagner les premières valses, pour guider et porter, pour apprendre. Nous les avons choisis, leur avons fait confiance, pour soutenir ces premières danses. Ils ont eu plusieurs noms, surtout des noms de femmes. Je les oublierai peut-être – les noms se rangent mal dans ma mémoire personnelle – mais je n’oublierai pas ces bras grands ouverts, ou fermés sur leurs épaules. Ces bras rassurants, qui ont aimé mes filles comme les leurs. Ces voix apaisantes, ces sourires amusés, cette envie de les faire avancer, de les conduire à l’autonomie.

Je n’oublierai pas comment mes filles les ont serrés fort, comme elles s’y sont accrochées, pour ne pas vaciller. Je me souviendrai de toutes les fois où j’ai surgi le soir et aperçu par la vitre embuée leur petit corps blotti sur une hanche, coincé sous la pliure d’un coude. Je redessinerai l’arc solide des épaules et les mains franches, qui ont servi d’appui aux foulées imprécises. Je saurai que ces bras-ci ont porté haut et loin, sur la grande glissade, sur la dernière prise du mur d’escalade, et qu’ils ont poussé fort les balançoires, sous leurs cris ravis.

Ces bras sont ceux qui m’ont donné la place nécessaire pour devenir leur mère, même quand parfois ce sont eux qu’elles ont appelé «maman». Je n’en ai jamais connu de jalousie, vous étiez leur figure maternelle un peu vous aussi. Vous vous êtes succédé, avec le rythme qu’imposent les déménagements et l’évolution propre à l’enfant. Vous avez laissé la place à d’autres, avec le cœur que je savais parfois gros. Vous disiez «je me souviendrai toujours d’elle», et je sais que ce n’est pas forcément vrai. Mais nous, nous souviendrons toujours de vous. Vous avez été nos bras, vous nous avez permis d’exister en tant que personne propre.

Nous avons créé à chaque saison pour vous des cadeaux parfois ratés. Privilégiant la générosité enfantine à celle de notre portefeuille. Une façon maladroite de vous dire merci, merci pour toujours.

Alors merci, je n’oublierai pas.

-Lexie Swing-

Intégration à la nouvelle garderie 

Garderie CPEC’était hier. Pas comme dans l’expression mais en vrai. C’était hier. Nous avions fait le lobbying qu’un changement de garderie mérite : il y aura de supers nouveaux jouets, les amis seront formidables, as-tu vu la belle bibliothèque, regarde il y a une toilette pour chaque local (on a les arguments qu’on peut).

On était tellement bons que Miss Swing, il y a une semaine, fanfaronnait auprès des éducatrices qu’elle allait quitter. « Je pars, je m’en vais, la nouvelle garderie est tellement mieux, il y a même des VÉLOS ». Un sens du comico-tragique digne d’un Feydeau.

Le public s’est contenté de serrer les dents et de hocher la tête, en nous souhaitant bonne continuation.

Nous voilà donc, devant les portes de la nouvelle garderie. On a préparé les mouchoirs et offert des bouteilles Paw Patrol pour attirer les filles vers la cour. Les enfants jouent en criant dans le soleil déjà chaud de l’été (une rareté ces jours-ci). 

Je m’arc-boute, prête à traîner mes enfants… et Tempête me fausse compagnie pour enfourcher un vélo trop grand pour elle. Accrochée à ma main, B. disparaît soudain, ne résistant plus à l’appel du carré de sable, de la petite butte d’herbe, des ballons qui rebondissent et de la maisonnette dans laquelle se cacher.  La fontaine d’eau constitue à elle seule un nouveau passe-temps. Plus de chandail trempé par une gourde mal vissée (ou mal visée, selon les jours, les éducatrices tentant d’abreuver les enfants « à distance » pour éviter la contagion), mais de l’eau à profusion en appuyant sur un simple bouton.

J’attendais les grands cris, du mélodrame et des jupes déchirées (la mienne), je n’ai récolté que des regards fuyants et des « oui oui ok maman à tout à l’heure ». Tempête n’a même pas daigné lever les yeux à notre départ. 

Leur grand-mère les a récupérées ébouriffées et ravies trois heures plus tard. L’une avait fait du vélo, l’autre des jeux dans la cour. Les deux avaient su utiliser les salles de bains et sentaient bon la crème solaire.

Quant à la garderie elle-même, Miss Swing est formelle, il y a un truc incroyable, « ils servent du lait avec la collation, t’imagines ça Maman! ».

Par contre elle a trouvé la balade en vélo trop fatiguante.

Intégration 1 – doutes 0. Mais on m’a prévenu, il y a toujours un petit coup de mou quelques jours plus tard. Reste que l’intégration-en-trois-semaines-de-pleurs-c’est-normal-madame-tous-les-enfants-font-ça n’est plus qu’un mauvais souvenir.

-Lexie Swing-

Crédit photo : Lexie Swing

Le cinquième des douze travaux : trouver une garderie

Prenez n’importe quel blogue ou message de forum et vous y lirez immanquablement la même rengaine : impossible de trouver une nounou à Montréal à moins d’avoir le portefeuille de Bill (Gates).

Je suis votre lueur d’espoir.

Car, lisez bien ceci : j’ai trouvé une garderie en un jour. A côté de chez moi. A 7 dollars la journée.

A long time ago./ Photo Biblioarchives Canada

A long time ago./ Photo Biblioarchives Canada

Bon, ce n’est pas un CPE (Centre de la petite enfance) mais comme Miss Swing toise à peine 70 cm, je craignais qu’elle ne se sente perdue au milieu d’une quarantaine d’enfants hurlant, courant, se jetant des jouets et de la poutine (ok ceci est totalement un cliché je plaide coupable, mais vu de la France ça fait exotique la Poutine comprenez-moi). Nous avons donc trouvé une garderie familiale subventionnée avec deux nounous et 9 enfants au maximum.

Comment je m’y suis prise…

Jeunes parents nouvellement immigrés, je vous tiens en haleine… Vous rêvez de vous débarrasser de votre progéniture pour aller courir le Mont-Royal n’est-ce pas?
Depuis la France, je me suis enregistrée sur le site Enfancefamille.org. J’ai rempli le dossier de Miss Swing et demandé des CPE et des garderies dans le quartier que l’on visait. Puis je me suis connectée sur le site Ma Garderie qui regroupe la plupart des offres de garde et j’ai fait une recherche par secteur.

Et puis je suis tombée sur une adresse, dans une rue de Notre-Dame-de-Grâce. Des photos sympathiques, des appréciations dithyrambiques, deux gardiennes, une place de libre et un chiffre qui m’apaisa : 7$ par jour. Je la contacte sans trop y croire, depuis la France. Et quelques heures plus tard j’ai sa réponse dans ma boite mail : je vous attends. Nous avons atterri un dimanche, et deux jours plus tard Miss Swing rencontrait ses nounous.

Elle a pleuré pendant une heure et j’ai du venir la chercher. Ça aurait été trop facile sinon.

Mais on est revenu, un peu plus à chaque fois. Et jour après jour, elle s’est habituée. En à peine une semaine, elle y passait la journée, sieste comprise.

Et puis est arrivé  le soir. Ce fameux soir où, lorsque j’ai voulu récupérer Miss Swing, elle m’a regardée longtemps… avant de se cacher dans le cou de la nounou. Adoptée, elle l’avait.

-Lexie Swing-