Ils enlacent et caressent, ils rassurent et apaisent, ils gesticulent à l’heure du conte et s’engourdissent, à celle de la sieste. Ces bras-là, ceux que nous avons cherché, mesuré, soupesé du regard, ceux que nous avons serré nous-mêmes parfois. Ces bras qui ont tant compté. Ces femmes et hommes qui les accompagnées, de leurs premières découvertes à leurs premiers apprentissages.
Ce seront pour toujours ces bras dont nous nous souviendrons. Il les fallait forts pour accompagner les premières valses, pour guider et porter, pour apprendre. Nous les avons choisis, leur avons fait confiance, pour soutenir ces premières danses. Ils ont eu plusieurs noms, surtout des noms de femmes. Je les oublierai peut-être – les noms se rangent mal dans ma mémoire personnelle – mais je n’oublierai pas ces bras grands ouverts, ou fermés sur leurs épaules. Ces bras rassurants, qui ont aimé mes filles comme les leurs. Ces voix apaisantes, ces sourires amusés, cette envie de les faire avancer, de les conduire à l’autonomie.
Je n’oublierai pas comment mes filles les ont serrés fort, comme elles s’y sont accrochées, pour ne pas vaciller. Je me souviendrai de toutes les fois où j’ai surgi le soir et aperçu par la vitre embuée leur petit corps blotti sur une hanche, coincé sous la pliure d’un coude. Je redessinerai l’arc solide des épaules et les mains franches, qui ont servi d’appui aux foulées imprécises. Je saurai que ces bras-ci ont porté haut et loin, sur la grande glissade, sur la dernière prise du mur d’escalade, et qu’ils ont poussé fort les balançoires, sous leurs cris ravis.
Ces bras sont ceux qui m’ont donné la place nécessaire pour devenir leur mère, même quand parfois ce sont eux qu’elles ont appelé «maman». Je n’en ai jamais connu de jalousie, vous étiez leur figure maternelle un peu vous aussi. Vous vous êtes succédé, avec le rythme qu’imposent les déménagements et l’évolution propre à l’enfant. Vous avez laissé la place à d’autres, avec le cœur que je savais parfois gros. Vous disiez «je me souviendrai toujours d’elle», et je sais que ce n’est pas forcément vrai. Mais nous, nous souviendrons toujours de vous. Vous avez été nos bras, vous nous avez permis d’exister en tant que personne propre.
Nous avons créé à chaque saison pour vous des cadeaux parfois ratés. Privilégiant la générosité enfantine à celle de notre portefeuille. Une façon maladroite de vous dire merci, merci pour toujours.
Alors merci, je n’oublierai pas.
-Lexie Swing-