Pour la première fois de ma vie, j’ai acheté un livre d’éducation. C’est peu dire que le besoin s’en faisait sentir, cernés que nous étions par les cris, les disputes et les phases d’opposition.
Séduite par le livre que transportait une (excellente) connaissance, j’ai choisi d’investir dans la version 2-7 ans de son ouvrage. Et en anglais s’il vous plaît.
Confortablement installée dans un fauteuil chez Indigo, j’ai tourné précautionneusement les pages. Très vite j’ai ri. Souvent j’ai approuvé d’un vif hochement de tête. Bientôt, j’ai senti l’urgence de l’acheter, pressée que j’étais d’en corner quelques pages.
Avez-vous déjà essayé d’appliquer les principes d’un livre? Les attentions sont nobles, la télé éteinte et l’enfant à l’écoute. Il n’y a pas de voisins à proximité quand vous le laissez crier, la mère de l’auteur n’est jamais dans les parages pour lui rappeler qu’en son temps «les enfants respectaient leurs parents», et la crise du joyeux deux ans n’inclut pas de la semoule à grains fins et un Golden Retriever poilu (petit joueur).
Le principe : « Placez l’enfant en retrait sur une chaise / dans sa chambre / sur son coussin DIY auto-massant diffusant de la musique d’ambiance»
L’application dans la vie réelle (la mienne) : Ma fille se tord dans tous les sens en ronflant comme un tigre furieux. Elle se débat, me cogne au passage, pile des deux pieds pour ne pas se rendre à l’endroit indiqué. Le coin n’ayant aucun effet, si ce n’est celui d’ajouter à sa fureur, nous la transportons jusqu’à sa chambre, où faute de coussin massant elle choisit de passer plutôt ses nerfs sur chacun des 102 morceaux de sa boite de légos, qui viennent violemment – et chacun à leur tour – s’écraser contre le mur. Au bout des 5 minutes allouées – une minute par année d’âge – l’enfant est toujours énervé, tout comme l’ensemble de la maisonnée. Et il n’est que 6h35 du matin.
Le principe : «Votre enfant n’est pas anxieux, il a juste besoin d’apprendre à trouver son sommeil, laissez-le pleurer»
L’application dans la vie réelle (la vôtre) : Le mignon hurle comme un petit cochon. Sa longue plainte est entrecoupée de quintes de toux. Vous passez la soirée à faire les cent pas dans la couloir, loin de la soirée en amoureux initialement promise. Vous réduisez la méthode du 5-10-15 à 1-2-3. Votre conjoint(e) roule des yeux devant le repas qui refroidit et les voisins tambourinent contre le mur en lançant des injures que les murs de papier dissimulent à peine. Alors que le mignon s’endort finalement, épuisé, le fils du voisin débarque dans la rue, moteur hurlant et baffles à pleine puissance. Échec et mat.
Le principe : «Il est important de passer du temps de qualité avec votre enfant»
L’application dans la vie réelle (la mienne) : Je décide de passer du temps de qualité en emmenant ma fille de deux ans à la bibliothèque. Faisant fi des panneaux dont elle ne maîtrise pas la signalétique incongrue, elle crie, chante et improvise un rap qui serait adorable s’il n’était pas si bruyant. Le temps que je ramasse les livres jetés à terre, elle a disparu au coin d’une allée et mes tentatives pour murmurer son nom avec conviction s’échouent lamentablement sur les murailles de romans qui me bouchent la vue. C’est au cri d’un autre enfant, percuté de plein fouet par mon chaton bondissant que je parviens finalement à identifier la trajectoire et à intercepter le boulet de canon avant sa prochaine collision.
Le principe : «Il est nécessaire que l’enfant apprenne et respecte les limites posées par ses parents, à l’intérieur de la maison comme en société»
L’application dans la vie réelle (la vôtre) : C’est l’anniversaire de Grand-Mamie Maryvonne, votre chérubine est corsetée dans une robe de tulle rose Jacadi recyclée du mariage de la cousine Augustine en 2012, alors fièrement portée par votre aînée. 5 heures de route, 18 épisodes de la Pat’Patrouille, 23 Il était un petit navire et 3 menaces d’abandon plus tard, vous arrivez à destination. L’enfant, tel un puma emprisonné dans une cage trop petite, bondit hors de l’habitacle, manquant se faire renverser par le monstre pétaradant du fils d’une cousine éloignée, chevelu et largement piercé, qui dans vos souvenirs était petit, muet et innocent. Votre délicieuse et angélique enfant réapparait de l’autre côté d’un buisson, la coiffure désordonnée et les smocks manquants. Avisant la table de sucreries, pompeusement appelée bar à bonbons, elle cavale jusqu’à la promesse multicolore d’un après-midi nauséeux. La précieuse est interceptée par l’oncle Michel, celui qu’on n’invite que dans les grandes occasions, alors qu’il faut choisir entre trancher l’arbre généalogique en son milieu ou se farcir batailles héroïques et jugements éculés tel un chou prêt à être enfourné. Sa remarque acerbe est coupée en plein vol par l’effondrement de la table de gourmandises, le vertueux ayant laissé s’échapper l’enfant trop agile pour ses 83 printemps. Enfant 1 – table 0. Parents KO.
Mais bon, ce livre-là est différent. Applications pratiques et déculpabilisation parentale au programme. On s’en reparle ;)
-Lexie Swing-
Credit photo : Lexie Swing