
Fille en jupe./ Violaine Bavent
Ça bouillonne sur la Toile, dans les tumblrs, sur Facebook et Twitter.
#harcelementderue
On ne parle que de ça.
D’habitude je n’y prends pas part, je transmets mais je ne donne pas mon avis. À l’heure des réseaux sociaux, ce n’est pas une personne, mais 20 qui se renvoient la balle dès qu’un sujet fait l’actu. Je suis encore nauséeuse de l’avalanche de posts Facebook qui ont suivi le décès de la photographe Camille Lepage. 48 heures plus tard, sur mon fil, elle était comme retombée dans l’anonymat.
Mais bref, là on parle du harcèlement de rue. Un de mes combats de longue date. Pas sur la Toile mais dans la vie. La vraie, celle qui fait résonner vos talons sur le pavé et tourner vos jupes. Qui vous oblige à détourner le regard pour ne pas « inciter » la remarque. À baisser la tête pour ne pas croiser le sourire d’approche. À marcher vite. Et rarement seule.
Moi aussi.
Moi aussi, je me suis greffée à un groupe que je ne connaissais pas pour donner l’illusion que je ne marchais pas seule.
Moi aussi, j’ai emmené des tenues de rechange en soirée, pantalon long et col roulé, pour ne pas rentrer en jupe.
Moi aussi, j’ai appris à éviter les rues isolées.
Moi aussi, j’ai retenu ma respiration en passant devant un groupe de jeunes mecs qui barraient le passage.
Moi aussi, « on » m’a emmerdée.
On nous dit tout, qu’on est jolies, belles, sexys, bonnes, tu suces, tu fais quoi ce soir, vas-y meuf, et sinon tu baises, c’est quoi ton signe astro, t’as perdu ton sourire, tu te prends pour qui, vas-y connasse tu m’ignores, t’es lesbienne, t’aimes les meufs, j’aimerais te voir avec une meuf, t’es vraiment bonne…
Pris en flagrant délit, certains voient rouge mais d’autres se justifient, disent que c’est juste un compliment, et quoi on ne peut plus complimenter, et les filles sérieux vous ne savez pas ce que vous voulez.
Si, la paix.
Ne pas être emmerdées parce qu’on est juste soi. On ne porte pas un nez rouge, ni une combinaison de ski en plein été, on n’a pas choisi la célébrité, mais on ne peut pas être juste des anonymes. On est des femmes, et parce qu’on est des femmes, on ne nous laisse jamais en paix.
Un jour, un ami m’a dit « Mais si je l’aborde et qu’il se passe quelque chose? Si je le fais pas, peut-être que je vais regretter toute ma vie de ne pas l’avoir fait?’ Lâche l’affaire, ou change de ton. Oublie sa jupe, ses bas, son sourire. On n’est pas dans un film. C’est la vraie vie ici, l’ami. Et dans la vraie vie, aucune fille ne sera à tes pieds parce que tu l’abordes dans la rue en lui disant qu’elle est belle. Encore moins qu’elle est bonne. Les dés sont pipés. Dix types avant toi ont eu la même démarche, ça laisse des traces. Enlève ta main de son épaule, garde tes distances, elle suffoque déjà, tu ne vois pas? Garde tes compliments, parle de la pluie et du beau temps. Vous êtes deux et tu n’es pas le maître du jeu. Elle dit non? C’est non alors. Ce n’est pas non peut-être. Ce n’est pas non, mais avec les filles on sait jamais. C’est non, passe ton chemin.
Tu veux savoir ce que ça fait d’être une femme dans la jungle urbaine ? Pas une femme en mini-jupe, pas une femme en string apparent, non, juste une femme. Attache-toi un chapelet de saucisses, et rends-toi à la SPA. Tu les entends aboyer? Tu les sens te humer? Tu vois ces dix regards posés sur toi? Tu sens leur pression sur ta jambe? Est-ce que t’as une échappatoire? Mais pourquoi t’as choisi un terrain sans issue? Essaye d’appeler le gardien là-bas… Merde, il fait semblant de ne pas t’avoir vu! Quelle idée aussi, de te balader avec un chapelet de saucisses au milieu d’une meute de chiens, franchement tu cherches là! Baisse les yeux, quand on les regarde c’est encore pire. Essaye d’avancer en les ignorant, des fois quand on les ignore ils s’en vont…
T’as eu chaud hein? Moi aussi, tous les jours.
Et des fois, certains mordent.
-Lexie Swing-
Excellente comparaison! J’ai de la chance d’avoir mon âge, vraiment. Je ne crois pas que c’était à ce point ou alors, c’est parce que je viens d’un bled paumé au milieu des pins. Quand tout le monde connaît son voisin, forcément, ça aide. Je suis atterrée en tout cas.
Je me plains mais je suis libérée! Ici au Canada les comportements ne sont pas du tout les mêmes.
C’est ça, c’est tout à fait ça! Tout est résumé dans ce texte.
Un super article, sur ce que nous même on nie vivre tous les jours ! Bravo ! Et la comparaison est tellement juste…
Merci :)
Mais qu’il est parfait cet article ! Exactement ces mots… Et bravo j’ai réussie à rire de ce qui m’énerve le plus dans la vie de tous les jours ! ;-)
En rire parfois ça fait du bien! Parce que des fois, dans certains quartiers ou certaines villes, il y aurait de quoi tourner à la psychose!
Wahou ! C’est tellement bien résumé. Tu as utilisé les mots justes pour exprimer ce que, je pense, chaque fille/femme ressent pratiquement tous les jours. Ça fait plaisir de voir qu’on en parle de plus en plus et que c’est un sujet qui commence à faire parler de lui.
Bravo :)
Tu as tout dit, en un seul article. Même la journée, en pleine ville certains ne se gênent pas pour carrément t’attraper par le bras… On n’est pas parano. On est juste prudente. Flipés, par tout les lourdos, qui peuvent devenir agressifs, si tu répond pas a un « T’es bonne » ou un sifflement… Triste génération, quand même!
Bravo pour cet article.
Et la métaphore à la SPA est parfaite, même si c’est pas sympa pour les toutous.
Je suis amoureuse de la façon dont tu as rédigé cet article! Merci <3
Merci pour ton commentaire surtout :)
C’est vrai que quand je porte une jupe ou même un short desfois, dans le tram je me sens gênée… J’ai toujours peur qu’un gars mal intentionné vienne vers moi ! Et au jour d’aujourd’hui, si quelqu’un t’agresse dans la rue/tram ou que sait-je, plus beaucoup de personnes viendraient te défendre/défendre une parfaite inconnue. Triste réalité !
Chez moi, au Vietnam , les filles surtout les timides n’osent oas porter une jupe…
Merci pour cet article très bien écrit qui a créé en moi une multitude de -mauvais- souvenirs datant d’à peine une semaine où j’étais en ville avec une amie… Regards concupiscents et main aux fesses pour elle à mon départ… 30 degrés, on est en short. C’est à vous faire regretter d’avoir un jour eu envie d’être bien dans votre peau et d’assumer les shorts,jupes et autres en ville… Heureusement, tous n’étaient pas comme ça mais 5 regards en une journée, ça se retient et ça fout en rogne! Envie de faire un doigt d’honneur ? Suicide. Répondre? Inconscience. Baisser la tête pour moi? Jamais. Dans nos villes, on apprend vite à ne pas se faire remarquer mais si je suis une fille/femme, je ne suis pas soumise et pour moi, les regarder droit dans les yeux évoque tous les doigts d’honneur que je rêverais de leur faire.
j’habite à la campagne et ce n’est guère mieux que la ville, certes on peut sortir la nuit, il y a personne donc très peu de risques de ce faire agresser mais aussitôt que tu décide de porter une jupe, des talons ou voir même un simple top, pour tout simplement aller faire ses courses ou aller travailler, tous les regards des vieux vicieux ne te loupent pas. J’ai travaillé en tant que vendeuse dans une friperie dans une petite ville de campagne, même en été, je ne me suis jamais mise en jupe ou robe (par là je parle évidemment pas de mini jupe et tout le tralala) car même les collègues louchent au moindre morceau de peau dévoilé. C’est désagréable de se sentir mise à nue ainsi par le regard des autres et même si les mentalités ont évolués au fil des années, il reste encore un long chemin à parcourir pour que la femme devienne l’égale de l’homme dans ses libertés quotidiennes. Il y a un bouquin qui est sortit qui est pas mal c’est Les Crocodiles illustré par Thomas Mathieu sur des témoignages de femmes qui ont subi le harcèlement de rue, peut-être cela t’intéressera t-il. En tout cas je découvre ton blog via cet article et je te souhaite une excellente continuation dans la blogosphère.
Ton article est clair et parlant. Etre une femme a un prix aujourd’hui et prendre soin de soi aussi… se faire belle ppur se sentir sale… C’est triste mais vrai. .. alors quelle issue ?
Tres bien écrit très imagé comme si tu visitais la tete de chacune d entre nous !
Merci !
Mercredi!
C’est exactement ça. Quelle tristesse. Et dire qu’on est stigmatisées, critiquées et « c’est-nous-les-connes » quand on ose s’en plaindre. -.-
Merci d’avoir aussi bien retranscrit ce que je ressens.
Feathers and Brushes | Suisse | Beauté & Lifestyle
Oui, c’est « c’est ta faute aussi t’as vu comme tu t’habilles »
@Lexieswing : les cons se reproduise pas ( ? ) et pourtant il y en as de plus en plus ……… on devrait leurs faire portés des jupes et des talons a ces hommes et quilles subissent aussi les mains aux fesse et insultes …..
Mais comment dénoncer cette épreuve qu’est d’être une femme au quotidien dans la rue? Comment faire pour stopper ces agissements ?
Je suis totalement d’accord…
Ils ne saurons jamais ce que ça fait, la peur qu’on peut ressentir, l’angoisse, la panique, quand pour eux ce n’est qu’un jeu.
L’ignorance de l’inexpérience. Et puis un peu de stupidité et d’irrespect.
PS : trèèèèès belle plume.
Bonsoir,
vous avez un style d’écriture tout à fait merveilleux à lire.
Vous retranscrivez exactement ce que chacune de nous ressent quand elle est seule. Quand elle est elle-même.
Je n’ai que 16 ans et demi et déjà je vis cette peur. Et à cause d’elle, je cache celle qui je suis, je cache ma féminité, je suis dépendante, je ne suis encore qu’une enfant collée à ses parents.
Pourquoi ? Parce que. C’est tout. C’est comme ça. Et ça énerve en plus de rabaisser, blesser et démolir les femmes.
Delphelola
Merci! Je ressentais déjà ça à 16 ans. Qu’est ce qui t’a conduit à avoir si peur?
J’ai toujours été méfiante par rapport au monde extérieur, sûrement du à mon éducation. Ce qui fait que je laisse paraître une personnalité timide en public, pour me « cacher » aux yeux du monde et ne pas attirer l’attention sur moi.
Et puis un jour, alors que j’étais encore petite, je crois bien que j’avais 11 ans, je rentrais chez moi par un autre chemin que d’habitude « pour changer ». Malheureusement il y avait ce qu’on appelle « la racaille », ils devaient avoir 18 ans environ, et ils ont commencé à me suivre en m’interpellant et en me demandant si je ne voulais pas les rejoindre. J’ai eu très peur et j’en ai évidemment parlé à mes parents. C’est ma mère qui venait après les cours me chercher. Depuis j’ai déménagé, mais la méfiance n’est pas partie.
Loin de là, car en grandissant on devient une femme et on attire plus les regards sur soi.
Superbe écriture même si le sujet et très grave !!!! rabaisser, blesser et démolir les femmes quelle honte tout ca pour des petit c..s ….. pas moyen d’être en jupe et talons tranquille c’est bien dommage ! bravo pour ton article LEXIESWING …