Dans mes bras

Mère et fille./ Photo Aikawa Ke

Mère et fille./ Photo Aikawa Ke

Tu tousses et tousses encore. Nous sommes au milieu de la nuit. Je t’avais prévenue : je reviendrai te donner du sirop lorsque tu tousseras. Les quintes de toux s’envolent et je sais qu’elles ne se calmeront plus. Ton père dort ou essaie, pris à partie par la maladie que tu lui as gentiment refilée. Alors je monte au front seule. Te parle à l’oreille. « Veux-tu du sirop chérie? » Je tente. Tu es grande maintenant et capable de gérer une situation difficile. « Non pas sirop ». Ton ton est péremptoire et tes yeux toujours clos. « Miss Swing dodo ». Le souffle court tu me tournes le dos, espérant que je vais me lasser et renoncer à ma mission. Mais je suis ta mère. Je suis là pour te soigner, comme ces voeux non prononcés qui à ta naissance auraient été : « Dans la joie comme dans la maladie… » Ces voeux que j’emprunte à d’autres moments tout aussi intimes.

Je t’attrape, petit corps chaud qui gigote pour se libérer de mon emprise. « Dodoooo ». Tes bras se tendent vers ton matelas. Dans un ultime effort pour te dégager de mon emprise, tu te débats. Mais tu as deux ans bientôt et moi j’ai cessé de compter pour ne pas voir débouler la trentaine. Mes bras te retiennent sans peine. Et ils te bercent tandis que tu sanglotes ton désespoir, entrecoupé d’une toux qui s’amplifie. Le gobelet de sirop est là, je te le tends. Tu le repousses, même si tu aimes ce goût de miel sucré, même si tu sais qu’il apaisera ta gorge irritée, parce que tu me le dis, alors bien réveillée, entre collation et souper : « Miss Swing prend « dicament ».

Je suis assise par terre, au milieu du couloir, à l’orée de ta chambre. Dans notre dos, la lumière de la salle de bains nous baigne d’une lumière suffisante. Tu pleures encore, réclame ton lit, ignore mes supplications et le gobelet que j’agite sous ton nez. Un, deux, trois, je le vide dans ta bouche ouverte, qui réclame à grands cris son petit lit. Je suis aussi là pour ça, pour mettre une fin aux sanglots, et te soigner par surprise lorsque tu n’es plus capable de distinguer le nécessaire.

Je te serre longtemps contre moi. Je suis assise tout contre toi. Je ne suis jamais tant mère que dans ces moments-là, lorsque la nuit inonde ta fenêtre et que nous nous accrochons l’une à l’autre en silence. Nous passons notre existence à nous demander si nous saurons nous occuper de nous-mêmes quand nous sommes si bien capables de prendre soin des autres. Quel tendre paradoxe…

-Lexie Swing-

 

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