Et qu’elle ferme la danse

Les petits pieds d'E./ Photo DR Lexie Swing

Les petits pieds d’E./ Photo DR Lexie Swing

L’image du sable qui s’écoule entre nos doigts pour symboliser le temps est belle, parce qu’elle est juste. Le temps est insaisissable, et il file par tous les bords sans que nous puissions accrocher le moindre morceau au passage. Parfois, un grain se loge sous l’un de nos ongles. Un peu de nostalgie. On peine à l’en déloger et c’est la mélancolie qui nous guette. On dit souvent que nos enfants finissent par nous échapper mais c’est le temps qui nous échappe.

Quand on est parent de deux, et qu’on ne souhaite a priori pas additionner d’autres chiffres à l’équation familiale, l’échappée belle du temps nous revient sans cesse en pleine figure. La grande agite ses couettes à la porte de la garderie, elle dit « bonjour les amis » en entrant. Elle connaît le nom d’au moins trente animaux et les petits de cinq d’entre eux. Elle dit qu’elle a vu un ours prendre son bain, et elle dit vrai. Elle a des couettes si longues qu’elles lui chatouillent la nuque. Elle me dit « non maman tu te trompes, regarde je vais te montrer ». Elle disserte et argumente. Elle grandit. Quand j’ai le cœur un peu gros de ranger ses vêtements de la saison passée, je me console en pensant à ma seconde, pour qui je ressortirais un jour ces pièces de coton choisies avec amour. Et puis la petite mandarine et ses sourires naissants font un pied de nez à ma mélancolie. Ma toute petite de 7 semaines qui gigote dans des pyjamas en trois mois qui la serrent déjà. Mon bébé qui grandit si vite que j’ai rangé une tenue sans même lui avoir enfilée, désolée de devoir la saucissonner dans des vêtements qui allaient pourtant facilement à sa sœur. Ma deuxième fille qui déjoue mes prévisions et piétine les courbes, affichant les centimètres et les grammes en plus au fil des semaines. Ma petite chevelue, si éveillée, si dynamique.

Jusqu’ici, chacun des vêtements portés par Miss Swing était soigneusement rangé dans une boîte en plastique. Elle en avait hérité, pour certains, de ses cousins, et ils attendaient désormais le jour prochain où ils seraient reportés. Le match parfait aurait été d’avoir une petite fille, née l’hiver. J’ai fait un sur deux, ce n’est pas si mal. Mais voilà que nous rangeons déjà le naissance, le un mois. Voilà que le trois mois commence à être juste. Il est temps de faire un choix. Quelles sont les pièces importantes, celles que j’aurais envie de ressortir parfois, pour y plonger mon nez, et ma mémoire? Qu’elles sont celles que j’aimerais transmettre? Ou celles, encore, qui devraient être vendues en prévision des prochaines tenues à acheter? Et pourquoi le temps file-t-il si vite?

L’une ouvre la danse et l’autre ferme la marche. Un jour je laisserai avec un pincement au cœur ma grande devant une porte d’école, et quelques minutes, peut être quelques secondes après, ma petite agitera à son tour la main devant un grand portail ou une double porte vitrée. Quelques grains de sable de plus que j’aurais laissé filer. Et qui s’envoleront dans un souffle, à peine.

-Lexie Swing-

6 réflexions sur “Et qu’elle ferme la danse

  1. C’est drôle, je n’ai pas trop de nostalgie-larmes-aux-yeux quand je repense aux différentes étapes des trois dernières années. Oui, quand je vois des bébés ou quand je jette un oeil à l’évier dans lequel on lui donnait le bain les premières semaines, je me dis qu’il a vraiment grandi. Mais je me sens plutôt… je ne sais pas trop… admirative de la vie? C’est magique de commencer si petit et de tout apprendre comme ça, de la marche à la déglutition de la nourriture, des parties du corps aux couleurs, etc.

  2. Je n’ai ressenti aucune nostalgie pour la première, mais sûrement parce que je me disais qu’il y aurait un autre nouveau né avec qui revivre ça. Le fait que je ferme plus ou moins la porte à un autre enfant fait que toutes ces premières fois deviennent définitives. Et puis ça m’a fait un choc récemment de constater à quel point B. avait grandi. J’ai cherché le bébé qu’elle était et je ne l’ai pas trouvé. Et quelque part, ça m’a manqué.

  3. ça me fait toujours ça aussi quand je regarde mon bébé grandir et que je range ses vêtements trop petits…. Je me dis que c’est la vie, c’est comme ça, il faut bien qu’il grandisse et qu’il nous reste encore plein de choses à découvrir avec lui ;) bizz

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