Tandis que je prépare ma semaine « Goût, cuisine et enfants », une conversation dévie et aborde le sujet des secrets de famille. « Tous les psys diront qu’on part avec un handicap dans la vie quand on nous cache des secrets sur l’histoire de notre famille », souligne quelqu’un. « Balivernes », répond quelqu’un d’autre (je romance, car en vrai je crois qu’il a répondu « c’est des conneries de psy ça », mais balivernes c’est tellement plus chic).
En termes de secrets de famille et de psychologie, il y a les pros et les anti. Je dirais qu’il y a ceux qui ont des choses à cacher, et les autres, mais bon… Disons qu’il y a plutôt des gens qui sont secrets par nature, et trouvent des excuses pour ne pas se dévoiler (les fameux partisans des « conneries de psy ») et ceux qui, quelle que soit leur histoire, sont à l’aise avec la vérité.
Je suis de ceux qui pensent qu’on porte notre histoire comme un bagage plus ou moins lourd. Avec Mr Swing, nous avons fait le choix de tout dire, même le plus compliqué. Nous ne cachons rien à nos filles, aussi petites soient-elles, aussi dure que puisse paraître parfois la réalité. Nous pesons nos mots, hésitons encore à parler d’un « ciel » pour soulager la peine d’une mort, préférant souvent s’en remettre à la vérité : « En fait, je ne sais pas ». Est-ce dur pour un enfant de savoir que son parent ne sait pas tout? Je ne suis pas si sûre.
Je me souviens avoir dit à quelqu’un, ado, que les enfants adoptés en avaient conscience même quand on leur avait toujours caché. Le type, qui devait avoir la mèche grasse et cette ironie toute prépubère, m’a répondu avec la voix mélodieuse d’un ado en pleine mue quelque chose comme « ouin, comme ça on t’adopte pis tu sais qu’on t’a adopté, genre t’es devin ». Je l’aurais volontiers frappé. Je l’ai peut-être fait. J’avais la tape facile à l’époque. Bref, je pense que sans pouvoir imaginer quel est le secret, ou le verbaliser, on grandit avec un poids proportionnel au secret dissimulé. Une difficulté à s’attacher, à faire confiance, une tendance aux excès, etc.
Adulte, je me suis posée la question. Est-ce égoïste de vouloir confier à tout prix son secret à son enfant à l’image d’une personne qui trompe son conjoint et voudrait à tout prix le lui dire, moins par souci de transparence que pour soulager sa conscience? J’ai longtemps réfléchi et estimé que non. Par contre, je pense qu’il est égoïste de choisir de dissimuler à un enfant son histoire, au nom d’un « je n’en suis pas capable ». Car c’est au delà de nous, c’est libérer nos enfants que de leur confier qui ils sont, et d’où ils viennent. Bien sûr, il y a parfois la souffrance, le deuil d’une vie, derrière ce secret. Mais en le faisant connaître, nous donnons à nos enfants la possibilité de faire leur propre deuil et d’avancer plus léger.
En grandissant, j’ai connu mille histoires. Des adoptions, des tromperies, des enfants cachés, des parents remariés, des mères battues, et un père aussi. Des demi-frères, des demi-soeurs, des frères et soeurs décédés, des fausse-couches, des avortements. Il y avait des copains qui savaient, d’autres qui l’ont appris sur le tard. Certains par des grands-parents, un oncle ou une tante, un grand frère qui avait besoin de se confier. Parfois dans des lettres bien cachées, des dossiers rangés aux cases « adoption », « divorce » ou « infertilité ». Il y avait mille histoires, mais il y avait une constante : le besoin de savoir. Ce sont nos histoires, sans être vraiment les nôtres, ce sont nos histoires, mais souvent les décisions ou les erreurs de quelqu’un d’autre. Et c’est parce que nos enfants n’en sont ni décideurs ni responsables qu’il faut les délester de ce poids.
« Ce que tu ignores ne peut pas te faire de mal », m’a sorti ledit ado au terme d’une discussion houleuse. Je dirais précisément l’inverse. C’est ce que tu ignores qui te nuit.
Et vous, comment gérez-vous histoires de famille, petites vérités et gros secrets?
-Lexie Swing-
Je pense qu’il faut dire les choses, dire la vérité même si elle fait mal. Il faut le dire à temps. Les secrets sont trop lourds à garder et quand on finit par les partager, ça fait de sacrés dégâts.
Je crois aussi qu’il faut dire les choses telles quelles sont aux enfants. Avec des mots adaptés à leur âge, ils peuvent comprendre.
Belle soirée Lexie
Je suis contente que tu me donnes ton avis. Je me demandais en l’écrivant si, au vu de ton histoire douloureuse avec Roger tu allais avoir un avis différent du mien. En as tu déjà parlé à ton petit lapin?
Je lui en ai déjà parlé Lexie. Je pense qu’il ne sert à rien de lui cacher quoi que ce soit, même si j’essaye de ne jamais hausser le ton avec Roger en sa présence. Je considère que chacun a le droit de connaître son histoire et que les « erreurs » de parcours des uns ne doivent pas mettre en péril la construction / vie des autres. Merci!!
Je suis pour dire la vérité et ne pas garder des secrets de famille enfouis. Le film « le secret » issu du livre de Patrick Grimbert livre un message très fort dans ce sens! Par contre, il y a des choses que l’on peut embellir pour nos petits quand il ne s’agit pas de « secrets lourds », de mon point de vue, ce n’est pas mentir que d’utiliser une image pour dire une vérité (le ciel pour la mort ne me choque pas par exemple). Une de mes amies est pour la vérité a tout prix avec ses tout petits, y compris le Pere Noel et tous ces (jolis) petits mensonges que l’on raconte aux enfants. Pour moi c’est seulement un peu de magie, je n’ai pas vécu ces mensonges là comme des trahisons.
Je ne suis pas pour la vérité à tout prix lol, c’est important je crois de laisser une part de magie. Qu’en penses tu toi qui est calée sur les sujets psys?
Je n’ai pas la science infuse sur le sujet mais « travailler » l’imaginaire des enfants est important (concernant tous les petites histoires que l’on peut leur raconter).
Pour tout ce qui est de l’ordre des « secrets lourds » il faut a tout prix dans ce cas dire la vérité. Si ça concerne directement l’enfant (adoption par exemple) il doit grandir avec la vérité même s’il met du sens sur cela plus tard. Un enfant de 18 mois ne sait pas ce que veut dire adopté mais c’est important que le mot fasse partie de sa vie très tôt. Si ça ne concerne pas directement directement l’enfant dans ce cas on pourra attendre qu’il soit en « âge de comprendre ». J’ai par exemple toujours su que mon oncle était mort jeune mais ma maman a attendu mes 4 ou 5 ans pour me dire qu’il s’était suicidé. La vérité avait un peu été arrangée mais je n’ai pas vécu cela comme une trahison de ne pas savoir les détails avant, j’étais trop petite. Je pense que ce qui doit guider l’adulte c’est de se demander si l’enfant va ou pourrait se sentir trahi. Tu as en tout cas complètement raison, surprotéger l’enfant en pensant qu’il n’est pas apte a comprendre est une erreur. C’est l’adulte qui se protège en n’osant pas parler de certains sujets difficiles. Autre exemple nul mais sincère: nous avons attendu la dernière minute pour annoncer a mon frère de 9 ans que notre père allait mourir. Nous pensions qu’il ne pourrait pas comprendre et c’est seulement quand la situation est devenue critique que cela nous a paru évident de lui dire. Malheureusement nous n’avons pas eu de délais et il est mort cette nuit-là. 15 ans plus tard mon frère nous reproche encore ces moments qu’on lui « a volé » en ne lui disant pas, nous on voulait le protéger d’une vérité horrible mais il avait pourtant fondamentalement besoin de savoir. Voilà si ça peut aider des gens qui hésitent encore avec la vérité…Bouh il est prenant ton article :-D
Je vois tout à fait ce que peut dire ton frère de cette situation qu’on lui a caché, il y a eu qq chose de similaire dans ma famille.
Je confirme tout ce que tu dis sur les secrets de famille. Mal géré, ça peut être destructeur. Et je confirme aussi pour l’adoption.
En fait, c’est lorsqu’on choisit d’en faire des secrets que ça devient destructeur quand on y pense. Si on en faisait qu’une histoire, ça n’aurait pas le même impact…
Je pense que les secrets finissent par ressortir un jour et qu’il vaut mieux les dire avant, tranquillement, en choisissant ses mots pour faire le moins de mal possible, plutot qu’ils n’explosent un jour violemment à la figure….
Au moment où tu t’y attends le moins, où l’enfant est déjà construit, etc…
J’ai eu la même réflexion que toi sur ce même sujet il y a deux semaines, j’ai écrit mes doutes sur le sujet. Je n’arrive pas à savoir s’il faut en parler, quelles sont les limites à ne pas franchir, qu’est ce qui détruit et qu’est ce qui construit? Tous les secrets ne sont sans doute pas bon à dire ou à savoir, d’autres oui. Dire la vérité aux enfants s’ils ont la possibilité de comprendre et accepter les choses, oui, bien sûr. Dire les secrets de famille si les gens ne pourront pas y faire face, cela me pose questions. On a tous une façon différente d’appréhender les choses, de ressentir et chaque enfant est différent. Tu as raison, si tu as cette liberté de paroles avec tes enfants de ne rien leur cacher. Et de toute façon, toi seule peut savoir et juger de la possibilité de leur dire !!
Bisous Lexie !
En fait, c’est le problème je crois du secret, car à partir du moment où il est devenu un secret on ne sait plus comment le manipuler. Je crois qu’il faut juste ne pas repousser le moment de dire la vérité, mieux vaut se confier tout de suite en choisissant ses mots que d’attendre qu’ils sortent comme une bombe… Le pb ce sont les secrets plus anciens, ceux qui se sont transmis dans le silence de génération en génération, et en même temps ce qu’ont fait nos aïeuls n’est pas de notre responsabilité. Les (mauvais) choix qu’ils ont fait ne prédestinent pas qui nous sommes je crois.
Je suis assez d’accord avec toi, je pense qu’on a toujours une conscience plus ou moins grande et plus ou moins consciente des secrets. Je pense aussi qu’ils se transmettent même sans qu’on les dise, par la force des actes manqués, des lapsus, des émotions qui nous trahissent.
Dans ma famille, il y a eu , sur plusieurs générations des accouchement tragiques, pour le premier enfant. J’ai été une femme enceinte très angoissée, sans réussir à comprendre pourquoi. C’est seulement après la naissance de Rose que ma mère m’a parlé de ça, elle le voit presque comme une « malediction » qui se transmet et elle avait très peur pour moi.
Ce n’est pas vraiment un secret, mais ça illustre cette idée que les non-dits sont toujours présents.
Avec notre fille, nous n’avons pas encore été confronté à ce choix, mais on lui dira les choses, avec nos mots. Qu’elle ne porte pas le poids d’histoires qui ne lui appartiennent pas.
En tout cas très bel article, merci :) et j’arrête là mon interminable commentaire !
C’est un beau témoignage que tu livres là, ça rejoint l’idée qu’on a en nous l’histoire de notre famille, et qu’on la ressent parfois sans pouvoir l’expliquer…
Je suis pour la transparence mais pas pour les grands déballages. Nuance importante :-) Il y a toujours des histoires dans toutes les familles, plus ou moins lourdes. Si quelqu’un veut en parler, OUI! Par contre, je ne suis pas pour le « over sharing ». Des fois, les gens ne veulent pas savoir pour diverses raisons (se protéger, par exemple). Il faut respecter cela.
Je fais ma psy, mais en fait, je suis assez « clean » de ce côté là. Chez nous, on parle… beaucoup :-)
J’ai souvent l’impression de porter sur mes épaules ce bagage lourd comme tu dis, sans jamais avoir réussi à ce que quelqu’un ne mette des mots dessus. Un jour peut-être… J’espère !
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