Ton petit hiver au Canada

Aux futurs immigrants, on annonce sans détours «tu verras, le Canada, c’est six mois d’hiver». Et si ce n’est pas tout à fait vrai, ce n’est pas complètement faux non plus. Mais alors que j’attaque mon cinquième hiver sous ces cieux, je me rends compte que c’est moins la longueur de l’hiver que les paysages qui me dépaysent.

Il y a quelques soirs de ça, un samedi je crois, nous avons pris la voiture en direction de la piste de luges, aménagée au cœur d’un parc proche. C’est courant par chez nous, des pistes de luges aménagées, même si cela ne signifie en rien que le vin chaud t’attend à l’arrivée.

Nous étions donc au sommet, à contempler la pente et les alentours, perchés alors entre deux écoles. La francophone de Montarville, et l’anglophone de Mount Bruno. Je regardais la cour de la première, recouverte de son épais manteau blanc. Leur petite école sous la neige. J’ai dit ça à voix haute parce que je pensais que ça ferait un bon titre. Bien sûr, comme j’ai dit ça sans préambule, mon amoureux m’a regardé bizarrement. Mais pas trop quand même puisqu’en dix ans il a largement pris la température de mon étrangeté. Il a donc dit «quoi?», et j’ai répondu que nos filles grandiraient dans ce pays-là, où l’on va à l’école par moins 15 degrés et où les cours sont recouvertes de neige. Nous ne côtoyons pas encore ces écoles-là, mais la cour de notre garderie est bien remplie elle aussi de cette neige impeccable. Et c’est un bonheur de les voir grimper à la file en haut de la petite butte, pour glisser chacun leur tour dans leur petit traîneau de plastique. C’est toute une enfance, une certaine enfance en tout cas.

Certains grandiront les pieds dans le sable et les yeux dans l’eau, pour ne plagier personne, d’autres feront leurs premiers pas sur les trottoirs de Manille, de Paris ou d’Alger, et ne me remerciez pas pour l’air qui vous trotte désormais dans la tête. Mais mes filles grandiront les pieds dans la neige, marcheront d’un équilibre précaire sur les trottoirs verglacés et feront de la luge six mois par année.

Et c’est vrai que j’aime tellement ça la neige. La première, la dixième aussi. La banlieue nous convie volontiers dans sa blancheur immaculée. Comme à Montréal les routes se salissent, les voitures garrochant de la slush boueuse le long des trottoirs. Mais nos rues transversales, nos cours arrières, nos stationnements, nos parcs de jeux, conservent leur manteau d’hiver. Et c’est un peu des vacances que l’on transporte chaque jour au fond de nos poches, un peu de Noël, un peu de ces jours lents, de ces histoires au coin de feu, de ces pistes dévalées, de ces raclettes avalées.

Saint-Bruno, ma ville chérie, n’est pas en reste dans cette féérie. Ainsi vêtue, elle s’illumine encore un peu plus, devenant durant quelques mois la représentation québécoise des stations de ski de mes jeunes souvenirs. On souffle alors dans l’air froid, les joues rougies, les mains blanches. On presse le pas vers Caffellini, vers le Markina, vers la Tasse Verte ou même en direction de la nouvelle boulangerie du Pain dans les Voiles. On jette les mitaines sur la table avant d’agripper le café chaud, le chocolat bouillant et ses petits chamallows flottants, le thé aux effluves de cannelle. On prend le temps de s’arrêter, puisque la neige impose cette lenteur. On reprendra la course plus tard…

De très belles Fêtes à vous tous, soyez heureux!

-Lexie Swing-

14 réflexions sur “Ton petit hiver au Canada

  1. Rhaaaaaaaaaaaaaaaaaa…
    merci effectivement pour la chanson qui me trotte dans la tête maintenant!
    Vive la neige!
    Chaque année je râle qu’il fait froid mais quand il y a de la neige ça change tout! Puis avec des enfants c’est quand même chouette :)
    Joyeuses fêtes!!!
    PS: Je savais pas que t’étais à St Bruno!
    C’est comment par là bas? Étant un peu à l’étroit à Montréal (ok foutage de gueule de dire ça après Paris lol) on cherchait par là-bas enfin entre Beloeil et St bruno en fait puis je me demandais juste si ça se fait de vivre majoritairement sans voiture dans ce coin???

    • Mon chum m’en parle des fois mais pour nous ce serait impossible sans voiture (notre CPE est inaccessible autrement). Mais je sais que mes voisins en ont une et ils ne la sortent jamais. On habite une rue en dessous du centre avec différents magasins donc on y va à pied. Et ils prennent l’autobus pour aller à la gare, où ils prennent le train. Donc ça se fait oui, mais par sécurité je préférerais toujours avoir une voiture

  2. Si… si j’étais pas dans la neige et le froid aussi, je serais séduite par ton texte. Genre, j’embarquerais là tout de suite pour le Canada!

    Mais même si ton texte reste beau (et moi aussi, ça m’arrive de penser tout aut à un bon titre pour un article!), je HAIS le froid et la neige. J’arrive pas. Ou plutôt, chui pu capable.

    Il faut être honnête, je n’ai jamais aimé le froid. Les premiers hivers, j’ai été émerveillée par ce changement drastique de paysage que tu décris bien. Mais voilà, l’hiver m’emmerde. J’ai tout le temps froid, je me sens coincée dans mes couches de vêtements, limitée dans mes déplacements… c’est pas pour moi!

    Et pourtant, je suis là. Paradoxe de la vie…

  3. Ca a l’air magnifique! J’ai dit à mon amoureux que si un jour on devait faire de l’expat (possible avec son boulot mais pas au programme), ça serait là-bas!
    Bon j’avoue qu’autant de froid m’angoisse un peu, moi, la fille du Sud 😊
    Enfin c’est quand même agréable à voir la neige, c’est regressif! Lilas l’a vue pour la première fois la semaine dernière (elle aura trois ans en Mars)

    Belles fêtes à vous!

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