10 ans au Canada

Cette semaine, cela fait dix ans que ma fille et moi avons posé le pied sur le sol canadien. Si vous vous souvenez bien, mon conjoint était arrivé quelques jours avant pour trouver une voiture et aménager l’appartement prêté par un ami. C’est donc seule avec ma fille de six mois et mon chien de 40 kilos que j’ai pris l’avion. C’était déjà une aventure.

Rien ne me faisait vraiment peur. Ni le fait de mettre l’ensemble de nos vies dans deux grosses valises et quelques malles. Ni celui d’emmener mon bébé de l’autre côté de l’Atlantique. Ni même l’idée de tout recommencer. L’immigration m’a rendue invincible, convaincue que j’étais de faire le bon choix pour le bon endroit, et pour la vie que je voulais vivre.

Quelque temps après mon arrivée revenaient souvent dans les journaux les mots « Eldorado » et « paradis déchu », arguant que les Français repartaient déçus de ce qu’ils avaient cru être la possibilité d’une vie meilleure.

Pourtant aujourd’hui, lorsque ma fille aînée me demande pourquoi nous sommes partis, et pourquoi nous avons immigré ici, au Canada, c’est la raison que nous lui donnons. Pour une vie meilleure. Pour nous, mais pour elles aussi. Celle qui était et celle qui serait. Le monde change vite et ce ne sera peut-être pas vrai toujours. Quel sera l’Eldorado de demain ? Et est-il seulement le même pour tous ?

Mais, à notre échelle, nous nous sommes offerts cette vie meilleure. Nos perspectives de carrière ont bondi, notre niveau de vie aussi et notre quotidien est devenu plus serein. J’ai cessé d’avoir peur quand je sortais la nuit, j’ai croisé des hommes qui ne m’ont pas interpellée et j’ai élevé des filles sans arrière pensée. J’ai vieilli et je me suis mise à arpenter la nature, comme si elle était venue à moi soudainement. J’ai traversé un pays de plus de 5000 km.

Je suis devenue citoyenne de ce pays qui m’avait accueillie et c’est un sentiment incroyable. On ne connaît pas la chance que l’on a d’être citoyen d’un pays tant que l’on n’a pas vécu dans un endroit où l’on n’a pas les mêmes droits que les autres. Aujourd’hui, je suis franco-canadienne, et je trouve ça extraordinaire.

Je me suis imprégnée de la culture québécoise et canadienne, je suis devenue un mélange, un fourre-tout d’expressions, de plats et d’habitudes. Je suis devenue une girouette, ajoutant des heures, mélangeant des expressions et confondant des lieux.

Je suis un puzzle d’enfant. De ceux dont on aurait mélangé les pièces. Je suis deux boites qui n’ont rien à voir, une image de chatons potelés et le pan d’une ville sous la neige. Mon image à moi est de guingois, morcelée, incomplète, mais lorsqu’on recule un peu, on y découvre un autre paysage, une réalité nouvelle, un monde créé en marge des possibles. Je suis une boîte de 1042 pièces, 10 ans et +, et les morceaux gondolent depuis qu’un lapin gris et patachon y a fait ses dents. Je suis une immigrée française, devenue canadienne, dans mon entre-deux mondes depuis dix ans.

-Lexie Swing-

6 réflexions sur “10 ans au Canada

  1. Joyeux anniversaire de canadienneté! ;-)

    Je ne sais jamais comment compter mes années. Depuis ma première fois? 21 ans. Depuis la résidence? Euh… 19 ans. Pis d’autres dates, avec ou sans importance. Donc ça fait un bail que je dis que je suis là depuis 20 ans, et je sens que je vais dire ça encore longtemps :lol:

    Je ne suis jamais venue chercher l’eldorado, qui n’existe définitivement pas. Il y a des lieux où on se sent bien pendant un temps ou toujours, épicétou.

  2. Joyeux anniversaire canadien alors :-) C’est drôle, car dans quelques semaines c’est nous qui nous envolerons vers cette nouvelle aventure… Resterons-nous dix ans ? On verra bien ! On a hâte en tout cas…
    Aurélie.

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