Quelques jours à Oslo

En 37 ans, j’ai eu la chance de parcourir plusieurs grandes villes d’Europe : Dublin, Londres, Rome, Barcelone, Copenhague. Oslo n’en faisait pas partie. Même si j’ai toujours été attirée par les pays du Nord, l’émigration de l’autre côté de l’Atlantique a mis un vrai frein à notre découverte de l’Europe et bien des endroits resteront probablement inexplorés (par nous en tout cas) (pour le tout-Instagram, tout est encore possible).

J’avais l’espoir de partager plus d’articles sur les voyages. D’une, parce que c’est beau. De deux, parce que cela aurait signifié que l’on voyageait enfin. Nous avons fait la Colombie-Britannique et projetons la Gaspésie. Ma carrière de blogueuse voyage va donc s’arrêter rapidement.

Heureusement, en matière de voyages, je peux compter sur ceux qui m’ont vu naître et chérissent les découvertes autant que moi. Sous la plume de mon père et l’oeil de ma mère, je vous invite donc à découvrir Oslo, cette belle du Nord que j’aurais aimé découvrir, tant tout y semble apaisé.

ÉLECTRISANTE OSLO

Dès la descente de l’avion à l’aéroport de Gardermoen, le voyageur (surtout le français) entre dans un autre monde que celui auquel il est habitué. D’abord grâce à un accueil sympathique des personnels au sol qui va se prolonger plus tard avec la même sollicitude dans les commerces et restaurants de la capitale norvégienne.

Puis un train rapide (le Flytoget) vous emmène jusqu’à la gare centrale d’Oslo et là, le coup de foudre vous tombe dessus dans le plus parfait…silence, car les artères sont parcourues seulement par des moyens de transports électriques. 

Oslo est en effet une élève modèle de l’écomobilité, depuis 2019 elle est classée capitale verte européenne: tramways, métros, bus, autos, vélos et trottinettes, tous les véhicules y circulent en silence ou presque.

L’hyper centre est en grande partie piétonnier et la ville se visite aisément à pied, en trottinette ou en vélo afin de profiter du charme de ses quartiers et de ses vastes parcs.

Pendant les longues soirées d’été, le soleil se couche (très) très tard et les habitants en font de même, surtout en fin de semaine. 

En hiver la ville s’habille de blanc et ses habitants se réfugient dans leurs intérieurs cocoon. Mais comme les norvégiens sont sportifs, ils profitent aussi des pistes de ski de fond balisées et éclairées tous les soirs sur les collines qui entourent leur capitale et pratiquent assidûment l’art du sauna.

Une réelle qualité de vie entourée de beauté (non, je ne parle pas seulement de la population!). 

Tout est douceur, design et convivialité architecturale, mariant avec harmonie l’ancien et le contemporain.

Malheureusement toute médaille a son revers et il faut le reconnaître la vie est (très) chère à Oslo, comme d’ailleurs dans le reste du pays, surtout en ce qui concerne la nourriture et l’hébergement. Par exemple plus de 8 € un grand café, 15€ pour une assiette de penne végétariens ou 12€ pour une pinte d’Amundsen Apocalyptic à la pression.

 Par contre les tarifs des musées et des transports deviennent intéressants si vous achetez un forfait “Oslo Pass” pour une durée de 1 à 3 jours qui inclut les trajets et les entrées pour un tarif canon et même des réductions dans certains hôtels ou restaurants. Exemple : 895 Couronnes Norvégiennes soit 75€ pour 3 jours de transport et visites de musées. En plus, il est possible de bénéficier de tarifs réduits pour les 6-17 ans et les plus de 67 ans (âge de la retraite en Norvège).

Et vous, êtes-vous déjà allés à Oslo?

-Lexie Swing-

Pensées de mai

Comment allez-vous ? Que vous a apporté ce mois de mai jusqu’ici ? Avant toute chose, je voudrais vous remercier pour tous les petits mots reçus après mon dernier article. Je vous sais désormais présents, même si vous ne partagez pas toujours vos points de vue avec moi, et ça me fait plaisir de savoir que vous êtes là, quelque part.

Il y a plusieurs choses qui me sont venues en tête cette semaine. A des moments inopportuns bien entendu, et j’ai donc perdu quelques sujets en route. Mais parmi eux voici ce qui m’a traversé l’esprit.

Brèves de course

Ça fait une vingtaine de mois que je cours. Si j’étais un bébé, je saurais marcher désormais. C’est dire si je suis une version évoluée de moi-même. Mon cheminement est en dents de scie : tantôt je file comme le vent et tantôt je me lamente au bout d’un kilomètre. J’ai quand même atteint il y a quelque temps une nouvelle étape, en terminant le 10 kilomètres de la Sun Run de Vancouver avec assez d’allant pour accélérer durant le dernier kilomètre.

Depuis, je me traîne. La chaleur qui a débarqué ces derniers jours à Montréal a raison de mon souffle, et la morosité qui plane sur ce printemps – à quelques égards – fait plier ma motivation. Une fois de plus, l’autre soir, je me suis retrouvée fatiguée au bout de deux kilomètres. Mon esprit bataillait contre mes jambes. Renoncer, et marcher ? Continuer mais à quel prix? Je songeais à mon application Strava qui enregistrait mon temps et à la distance envisagée qui réduisait à mesure que grandissait mon envie d’abandonner.

Il faisait soleil et l’air était doux. Tempête était à la danse et c’était un rare temps pour soi que je m’offrais. J’ai ralenti la cadence et coupé l’application. Et puis je me suis mise à marcher. J’ai pris la cote en direction du parc naturel qui borde notre ville. En chemin je me suis remise à courir. Et puis à marcher. Et lorsque j’ai atteint le sentier du parc, j’ai couru de nouveau. Je me suis arrêtée au bord du lac et j’ai observé le bal des outardes dans la sérénité du soir. Il n’y avait pas de montre à arrêter, pas de temps qui comptait. J’ai pris le chemin du retour et j’ai couru dans la pente. Ma queue de cheval rebondissait sous la pression de l’air et mes jambes étaient légères. J’ai longé le terrain de sport et balancé la tête au rythme des sifflements d’une arbitre et des encouragements de joueuses restées sur le banc.

Je suis revenue à la salle de danse. Je n’avais pas de temps, pas de course à partager. Mais l’espace d’un instant j’ai eu le monde sous mes pieds, bien ancrés. J’ai couru comme un enfant, pour le plaisir des pas qui rebondissent et du vent qui entraîne. Et ça m’a fait un bien fou.

La pause de midi

Parlons de spontanéité. La semaine dernière a été un peu éprouvante côté école. Des questions d’amitiés difficiles et de repas passés un peu trop seule. Vendredi est arrivé, portant en lui la promesse d’une journée ensoleillée. J’ai pris ma décision sur un coup de tête et j’ai écrit à l’école. Ce midi, mes filles seraient de sortie. A l’heure dite, nous les attendions. Sur le siège arrière, un pique-nique bien garni. Et dans le coffre, notre belle Poppy. On a embarqué notre petit monde vers un parc tout proche. Au menu, des sandwichs, des chips, des jeux et des courses folles avec la chienne.

Je me suis demandée quand, dans nos vies, nous nous autorisions vraiment à sortir du schéma établi, à déroger à l’horaire, à inventer un autre agenda, une nouvelle perspective.

Je me suis souvenue de chaque minute de ce moment. De la petite araignée, du soleil un peu chaud et du vent un peu froid. Du bruit des souliers dans le paillis. Du buisson dans lequel les filles s’étaient cachées. De Poppy à bout de souffle d’avoir trop couru. Des pierres sur lesquelles nous avons pique-niqué, faute d’avoir retrouvé la couverture. De la petite fille au chapeau oublié.

Et puis des tulipes

C’est anecdotique mais quand même. A l’automne dernier, j’ai acheté pour la première fois des bulbes de tulipes. J’aime bien les tulipes mais je n’aime pas tant les bouquets alors les voir pousser dans ma cour arrière me semblait une belle idée. Comme je n’aime pas trop le jardinage non plus, j’ai confié le sac à Tempête avec pour mission de planter les bulbes où bon lui semblait.

Depuis deux semaines, des tulipes fleurissent dans ma cour à des endroits impromptus et je trouve ça merveilleux. Je n’en attendais rien, j’ignorais où elles se trouvaient et je les découvre aujourd’hui avec le même plaisir que des fleurs sauvages qui auraient poussé à un endroit insolite.

Et je crois que c’est un peu ça, mes pensées du jour : s’autoriser de la spontanéité, déroger au cadre établi et trouver de quoi illuminer ses journées, une tulipe à la fois.

-Lexie Swing-

4 jours à Vancouver

C’est un journal de bord frais du matin que je vous livre ici. Il y a quelques heures, nous avons embarqué à bord d’un avion Air Transat pour cinq heures de vol direction Vancouver, en Colombie-Britannique.

Vancouver, c’est cette ville canadienne, au bord du Pacifique, à quelques heures de route de Seattle, pour vous situer. Et oui, cela prend presque autant d’heures pour nous de nous y rendre que de voyager vers l’Europe.

Arrivés à 22h45, avec une belle demi-heure d’avance, nous avons rapidement récupéré notre unique bagage et pris la direction du « train to city », soit la Skyline qui permet de rejoindre le centre-ville depuis l’aéroport.

Notre destination : l’appartement de Bertille et Arthur, situés en plein centre de Vancouver. L’endroit parfait pour vivre la vie vancouveroise durant quelques jours.

Je me suis réveillée à 8h avec l’impression d’avoir fait une grasse matinée et c’était absolument délicieux. Le responsable ? Le décalage horaire ! Et aussi les bouchons d’oreilles super design que j’utilise désormais et qui me changent la vie! Une douche chaude, un petit déjeuner sur un coin de table sans personne d’autre que moi-même à nourrir et nous avons pris la route de la BC Place pour aller récupérer nos dossards pour la Sun Run.

Parce que voilà, en plus de partir une semaine en amoureux, nous avons décidé de nous inscrire à un 10k ensemble (mon premier). La Sun Run est l’une des courses les plus animées de Vancouver. Une super belle occasion de découvrir la ville autrement. En tout cas c’est ce qu’on s’est dit lorsque l’on s’est inscrit en février. A la veille du départ et avec une matinée de pluie battante annoncée, l’idée semble tout de suite moins séduisante.

Nous avons ensuite pris la direction de Kilatsano en passant par la marina. Une très jolie balade circulant entre petites galeries, bord de fleuve et sentiers boisés. Après un premier arrêt chez un adorable bouquiniste, nous nous sommes arrêtés pour luncher chez Casereccio, un italien relativement peu onéreux et très couru par les gens du quartier. Testez leurs lasagnes si vous avez le chance de passer dans le coin, elles sont incroyables. L’après-midi nous a amené la pluie. C’est donc bien abrités sous un parapluie que nous avons découvert pour la première fois le Pacifique. Le Pacifique ! Incroyable non? Je n’en reviens pas d’être venue jusqu’ici.

Ensuite, retour à l’appartement histoire de se réchauffer devant le foyer de l’appartement, avant de repartir sous la pluie en direction de la bibliothèque de Vancouver. Un bel édifice et neuf étages de livres et services en tout genre. Un bel arrêt si vous avez besoin d’une pause au sec!

Deuxième jour

Au matin du deuxième jour, c’est aux aurores que nous nous réveillons. Le temps est maussade mais la motivation est grande : aujourd’hui nous courons la Sun Run de Vancouver, un 10 km très inclusif réunissant chaque année près de 10 000 personnes. Deux heures après le réveil, notre motivation bat de l’aile, rapport au fait que le départ de la course a pris du retard (beaucoup de retard) et que nous poireautons depuis 45 minutes sous la pluie. C’est donc transis de froid que nous prenons finalement le départ.

La course est fun, bien rythmée et nous l’accomplissons dans un temps honorable, malgré les innombrables slaloms que nous sommes contraints de faire pour éviter les gens qui marchent. C’est toute la beauté de cette belle course familiale et amicale, beaucoup de gens semblent inscrits pour le fun plus que pour la performance (rappelez-moi de me méfier la prochaine fois).

Après la course, retour à la maison, le temps de récupérer quelques degrés sous une douche très chaude et nous partons à la recherche d’un endroit pour le lunch. Nous jetons notre dévolu sur un petit libanais qui ne paie pas de mine, Manoush’eh, avec ses quelques tables en bois et sa banquette recouverte de plastique. Mais à peine notre hôtesse a-t-elle enfourné les pains plats dans le four à bois qu’une odeur incroyable se répand dans le minuscule espace. Un petit secret très bien gardé, cette adresse, si vous voulez mon avis.

Le lunch terminé, nous prenons la direction du quartier historique de Gastown. L’occasion de découvrir l’horloge à vapeur et quelques jolis monuments historiques. Les boutiques environnantes font la part belle aux objets souvenirs mais quelques unes proposent des créateurs locaux ou de jolies découvertes décos. Un beau détour.

Il est 17h, on décide de fêter notre 10 km au Nelligan’s, un pub irlandais avec musique live. La bière y est bonne et l’ambiance festive. Je vous recommande la pinte de Kilkenny, toujours aussi agréable 16 ans après.

Retour à la maison, le ventre plein de bière et de nachos. Il est encore tôt mais le sommeil m’emporte déjà. C’est sans compter l’enthousiasme débordant de mon amoureux face à la soirée qui s’annonce ensoleillée. Nous reprenons la route, direction Spanish beach, afin d’observer le coucher du soleil. Je suis saisie, moins par le spectacle offert par le soleil couchant- les nuages ont tôt fait de le dissimuler à notre vue – que par l’unité des gens du coin, venus tout religieusement observer le spectacle. C’est peut être de cela qu’ils tirent leur résilience, ils savent encore s’émouvoir de ce que la nature nous offre. Nous repartons, sillonnant entre outardes et cerisiers en fleurs, avec le Pacifique en toile de fond.

Troisième jour

Le temps est toujours maussade mais la pluie se fait attendre, c’est l’opportunité pour nous de louer des vélos chez Cycle City Tours et de prendre la direction du Stanley Park. Le parc, qui borde une extrémité de la ville, est une véritable oasis de verdure entre la ville et l’océan. La piste cyclable est parfaitement aménagée et nous emmène de la marina, à la route du bord de l’eau, avant de revenir vers la ville. Nous prenons ensuite la direction de Granville Island et, une fois les vélos attachés, partons découvrir le marché du même nom. Au cœur de celui-ci, on trouve de tout : des pâtisseries, des produits traiteurs, et surtout de quoi dîner dans toutes les cultures possibles. L’après-lunch nous ramène à la location de vélos, où nous rapportons nos précieux destriers.

En après-midi, on embarque dans la SkyLine et descendons sur King Edwards pour partir à la découverte du Bloedel Conservatory, une toute petite sphère dans laquelle se dissimule une véritable forêt tropicale et des oiseaux tous plus colorés les uns que les autres. Outre la ravissante nature que l’on y découvre, il y fait chaud, ce qui n’est pas pour nous déplaire !

On repart ensuite, direction le loueur de voiture cette fois. Demain matin, nous prenons la route de l’île de Vancouver. C’est déjà la fin de notre séjour dans cette belle de l’Ouest.

Aujourd’hui, place à des décors résolument plus sauvages.

-Lexie Swing-

Crédit photos : Lexie Swing

PS : adresses à venir … ;)

10 années de toi

Dans quelques jours, tu fêteras tes dix ans. C’est tant et si peu à la fois. Dix ans, c’est un âge charnière, le début de quelque chose d’intangible. Soudain, la compréhension se fait plus acérée, les idées plus précises; c’est une balance, suspendue entre deux réalités, entre l’insouciance et la connaissance lucide du monde qui nous entoure. Très lucide, trop lucide.

Tu es ma toute petite fille, aux grands yeux interrogateurs, qui assise au milieu des foules dévisageait et détaillait, imperturbable. Quelque temps après ta naissance, une infirmière qui t’auscultait nous a dit qu’elle n’était pas certaine que tu aies conscience d’être venue au monde. Comme si ta naissance s’était faite avec tellement de douceur et si peu de bruit, que peut-être tu ne savais pas que tu n’étais plus dans ton cocon fragile. Dix années ont passé et régulièrement, nous nous demandons si tu ne voyages pas entre notre réalité et une dimension qui n’appartient qu’à toi. Le geste suspendu, les yeux à mille lieux, le pas arrêté, à la marelle on dirait que tu aurais sauté à pieds joints dans le ciel, et disparu. Alors on te rappelle, on te fait des signes, reviens avec nous, où étais-tu rendue, je te parlais tu sais, je te montrais tu vois, et regarde ta fourchette, les pâtes en sont tombées, et de l’encre de ce crayon, il n’en reste plus rien. Si tu étais un poème, tu serais du Prévert, redevenu oiseau par la grâce des mots.

Sur cette planète-ci, tu es ma fille à moi, notre fille à nous, notre première née, mystérieuse et magnifique, avec ton nez mutin et tes yeux de chat ourlés de velours. Avec tes kilomètres de cheveux dorés, tu n’aurais rien à envier à Raiponce, mais tu ne voudrais guère, indifférente aux belles parures, ennuyée par les mondes de princesses. Tu prendrais le petit animal, ça oui. Et puis tu t’attacherais la tignasse en une choucroute malhabile, parce qu’on s’en fiche d’être beau, qu’est-ce qu’on s’en fiche après tout, pourquoi c’est important? Railleuse de la beauté humaine, charmée par la beauté florale et animale. Je te croyais hors du cadre, quand je m’aperçois grâce à toi que c’est tout un pan de nos pairs qui posent sur le monde ce même regard. Et grâce à toi à mes yeux se découvre une nouvelle multitude. Il est de ceux qui dansent dans des endroits anonymes et dépeuplés, et disent chut aux autres quand ils parlent en forêt, chut, tais-toi, je n’entends pas le chant des oiseaux.

Ton talent pour le dessin se distingue de plus en plus, à mesure que tu remplis la maison de tes productions. Du sol au plafond s’entassent pêle-mêle tes oeuvres et tes projets en devenir. Le royaume des créatifs est une déchetterie pour les autres. Ton trésor est la poubelle de recyclage, que tu vides de son contenu à mesure que nous la remplissons. Les boites en carton deviennent des maisons élaborées, des enclos de zoos ou des aquariums sur mesure. S’y côtoient des peluches élimées et des animaux de plastique, figés dans leur ballet, derrière une vitre de film étirable.

Le monde est ton terrain de jeu. Là où mes yeux s’arrêtent sur la prochaine pancarte, les tiens fouillent l’horizon, à la recherche de quelques héros ailés nichés en haut des arbres. Tes oreilles, aux aguets, perçoivent des bruissements qui te convainquent qu’il existe bien une vie par-delà la barrière de nos sens. Ils sont ton royaume, ton réel et ton imaginaire, tout à la fois. Dans ton espace à toi, il n’y a guère de place pour les personnages fantastiques. Seuls comptent ceux qui sont, ou ont été. Ceux dont on perçoit les traces, tangibles et dont tu découvres l’existence à travers des livres, des documentaires, des expositions, dont tu retiens tout, comme s’il s’était agi d’une comptine mille fois répétée. Bien sûr que je savais que les ours n’hibernent pas vraiment.

Je n’aurais jamais imaginé mettre au monde quelqu’un comme toi, tu n’es ni mon reflet, ni mon prolongement. Tu es un être unique, qui me montre chaque jour une facette de l’existence que je ne soupçonnais pas. Merci mon chat, d’être si différente de moi. Trinquons alors, avec du champagne dans lequel tu n’aurais que le droit de plonger les lèvres et pour lequel tu nous demanderais mille fois si tu as bien le droit, mais vous êtes sûrs, mais vous êtes fous, vous êtes de drôles de parents quand même. A ses dix années de ton existence, et à toutes celles à venir, très, très nombreuses. Joyeux anniversaire ma bulle de savon multicolore, je t’aime.

-Maman-

Que s’est-il passé en 2022 ?

En 2021, à peu près à la même époque qu’aujourd’hui, je mettais la main aux derniers détails relatifs à mon article en quatre chapitres sur la reconversion professionnelle. Le sujet, qui mêlait à la fois mon nouveau métier (la chasse de têtes) et mon ancien (le journalisme) m’a permis de redonner un coup de fouet à ce blog tombé en quasi-désuétude durant la pandémie. J’ai bien cru à un rebond… et puis non ! L’inspiration venait désormais à manquer cruellement et l’expérience a tourné court au printemps 2022.

Que s’est-il passé alors, depuis que l’on s’est quitté ?

Les vacances (le plus important)

Faisant fi de nos habitudes, nous avons fait le choix de retourner en France pour l’été une fois encore. Je bénéficiais de la possibilité de travailler à distance de façon relativement illimitée, que j’avais donc prévu d’utiliser autant que possible. Grossière erreur. Travailler à distance ne ressemblait en rien aux quatre semaines de vacances que l’on avait connues l’année précédente (oui, je nourris toujours beaucoup d’espoir dans la vie). Mes plans ont vite pris le bord quand je me suis retrouvée à travailler de midi à 22h alors que mes amis étaient disponibles à compter de 17h. Sans compter les allées-retours, parce que voir une seule fois des proches que l’on n’a pas vus depuis une année ou plus, ce n’est guère envisageable. Résultats : nous n’avons vu presqu’aucun de nos amis – y compris ceux qui résidaient dans le village voisin – et avons couru de bout en bout. Exception notable : une semaine dans le Périgord, un coin que l’on adore, avec famille, couloir de nage et adorable village en contrebas. Bref, en 2023, nous comptons bien tenir compte des expériences passées et notre année devrait être riche, entre quelques jours au Lac Taureau, une petite semaine en amoureux à Vancouver, la découverte de la Gaspésie en famille, et puis un retour en France pour les fêtes, sans travailler cette fois.

Les enfants (la dimension inoubliable, surtout le dimanche matin à 7h)

Je me rappelle encore lorsque j’annonçais sur le blog, à la fin de l’hiver 2015, l’arrivée prochaine de notre deuxième enfant. Ce petit pois-là a fêté ses sept ans en 2022. Sa grande sœur, la Miss B. qui a accompagné ces écrits depuis le tout début, s’apprête pour sa part à célébrer ses dix ans. Revoir leurs petites faces de bébés me fait toujours autant fondre le cœur mais je dois avouer que leurs âges actuels sont bien plus funs ! Moins de contraintes, plus de découvertes, et plus de plaintes aussi, tant qu’à faire ! Les deux sont désormais à l’école primaire ensemble, ce qui sera encore le cas pour les deux années et demi à venir. On en profite !

Les animaux (qui nous apportent autant de fun que de contraintes)

Ça a été le grand changement de 2022 : nous avons accueilli un nouvel animal avant de dire au revoir à un autre. En février, nous nous sommes ainsi proposés pour devenir famille d’accueil pour lapin, un animal que B. souhaitait ardemment et que j’adore, pour en avoir eu plusieurs dans ma vie. Après quelques échanges d’informations, le beau Chester est entré dans notre vie. Lapin errant, probablement né d’une femelle lapin nain relâchée dans la nature alors qu’elle était gestante, il avait été attrapé quelques jours plus tôt par une bénévole. Il n’avait jamais connu la vie en intérieur. Il s’y est fait comme s’il avait toujours connu ça, courant dans la maison, faisant ses besoins dans une litière et terrorisant les chiens de la maisonnée. Ce joyeux trio a ainsi rempli la maison de baves, courses-poursuites et poils durant plusieurs mois. A l’automne, les articulations de notre vieux chien étant devenues trop douloureuses pour le porter, nous avons pris la décision de mettre fin à ses jours. Depuis deux mois, nous avons donc de nouveau deux animaux et sommes convaincus que nous nous arrêterons ici. Nous les aimons plus que tout mais il est difficile d’oublier les contraintes qu’ils représentent également, surtout lorsque vient le temps de partir en vacances, ou même juste pour une soirée. Bientôt, nous prévoyons emmener ce duo ensemble au chalet, histoire de voir s’ils ont le goût de l’aventure !

Le travail (parce que les vacances, les enfants et les animaux, ça coûte cher)

En 2022, rien n’a changé côté travail, ce qui n’est déjà pas si mal ! En pratique, nous avons continué dans nos rôles actuels, prenant graduellement plus de responsabilités. Au printemps, la collègue avec qui je collaborais est partie, laissant un grand vide mais aussi un poste à combler. J’ai donc repris la gestion du département, rejointe bientôt par une nouvelle collègue. A ce niveau, 2023 devrait être une confirmation des stratégies entreprises et, on l’espère, de nouveaux succès. On croise les doigts donc !

Et puis le reste ?

En 2022, j’ai continué la course à pieds, commencée l’année d’avant, et j’ai même couru mon premier 5 km en compétition. Un beau challenge, quand on sait que je dépassais à peine le bout de la rue une année auparavant ! J’espère bien continuer sur ma lancée, en tentant d’accepter que la progression est lente et que les jours peuvent ressembler à aujourd’hui : une sortie avortée au bout de quelques minutes car le corps ne suit pas. L’objectif en 2023, c’est d’atteindre les 10 km.

Après un mois d’octobre difficile, j’ai dû me résoudre à changer des choses au bénéfice de ma santé mentale; des changements qu’il va falloir ancrer en 2023. Mais entre autres choses, désormais je dessine. Je me suis toujours extasiée de ce talent particulier chez les autres quand même mes dessins de errements téléphoniques (ces zigwiwis que l’on dessine pensivement en écoutant la conversation au téléphone) semblaient être l’œuvre d’un enfant de quatre ans. Depuis j’ai découvert les tutoriels YouTube et mes chiens ne ressemblent plus à des vaches de l’espace. Je m’oblige à ces quelques minutes qui me déconnectent du reste, pour le mieux.

J’ai aussi commencé une nouvelle pratique : le long board. Mon chum m’a offert une planche magnifique, servant pour le moment de déco dans la chambre – hiver oblige – mais qui m’a déjà permis quelques sorties dans la rue (et gamelles!). Inutile de dire que Tempête, qui a la sienne depuis déjà quelques années, en fait mieux que moi et me la pique régulièrement.

Et vous ?

Il manque des choses dans ce bilan, les joies profondes, les hésitations, ces moments où, les mains serrées sur le rebord du comptoir de cuisine, je me suis demandée si j’allais tenir le coup. Il ne dit pas l’espoir et la pression, mais il dit le cheminement.

Alors quel est le vôtre ? Que s’est-il passé pour vous en 2022, les menus plaisirs, les doutes, les accomplissements ? Et qu’attendez-vous de 2023 ?

Je suis heureuse de vous retrouver là pour une nouvelle année, je vous la souhaite joyeuse et tendre et excitante. Je vous souhaite de ne pas laisser le stress diriger vos journées et de savoir compartimenter vos vies. Je vous souhaite des « rides » sur ce que vous voulez, : un vélo, un poney, une planche à roulettes ou au volant d’une voiture, pour aller découvrir le meilleur de vos environs. Je vous souhaite des aventures. Prenez soin de vous, j’ai hâte de vous lire ! Bonne année 2023.

-Lexie Swing-

Crédit photo : Lexie S.

De retour

Il y a dix ans, je lançais « Le cahier d’idées de Lexie Swing ». Les blogs étaient alors à leur apogée, comme un lieu primaire d’échanges et d’opinions. Encore en pleine construction, de ma vie, de ma carrière et de mon identité, j’ai vu dans cette enclave anonyme le lieu parfait pour déverser mes mots et mes idées.

Le temps passant, il a perdu une partie de son anonymat, sans que l’on sache tout à fait, ni qui j’étais, ni, finalement, ce que je pensais vraiment. J’ai longtemps cru que je craignais d’assumer mes pensées, quand finalement, l’espace aidant, j’ai réalisé que c’était ma personnalité toute entière qui se trouvait dans cet entre-deux. Il y avait des choses que j’assumais fièrement, et d’autres que je gardais pour moi, moins par peur de la vindicte que par crainte de blesser. J’ai vite compris que notre vérité n’est pas celle des autres, dans l’éducation et la parentalité peut-être encore plus qu’ailleurs.

J’ai distillé au fil des années des miettes de notre existence. Nos aventures, nos joies et nos quelques combats. J’ai partagé avec passion des convictions qui ont évolué aujourd’hui, parce que mes préoccupations sont différentes et que j’ai été exposée à d’autres réalités. J’ai commencé ce blog avec un embryon dans le ventre dont j’ignorais encore l’existence, je le rédige aujourd’hui avec, non loin de moi, deux enfants dont la plus jeune vient de fêter ses sept ans.

Lorsque la pandémie nous est tombée dessus, il y a eu dans le monde des blogs une déferlante. La vague, gigantesque, s’est nourrie de ces existences réduites à nos quatre murs. Soudainement, les écrivains amateurs n’avaient pour échappatoire que cet espace blanc. Espace qu’ils ont nourri de leurs menus déboires et de leurs quotidiens fragiles. Tous les blogs que je connaissais, le mien compris, se faisait le miroir de ce repli involontaire. Et puis, le contrecoup. La vague a déferlé, des murs se sont abattus, des pans entiers ont disparu. Et à l’instar de toutes les tempêtes, c’est le silence, finalement, qui s’est installé. Un jour, à force de tourner entre quatre murs, il n’y a plus rien eu à dire. On avait épuisé les qualificatifs et pris la mesure de l’événement. Il allait perdurer alors on a dressé les barricades et l’on s’est enfermé dans cette demi-vie, avec moins le goût de l’évoquer que celui d’y survivre. Et lorsque le temps est venu de vivre de nouveau, la vie s’est faite ailleurs, dans les plaisirs réels, au contact de ceux dont nous avions été privés. Loin des blogs, donc.

Il y a eu un essoufflement généralisé. Et malgré les tentatives pour relancer les machines, la plupart d’entre nous sommes restés à quai. L’inspiration et l’envie n’étaient plus là et les partages se faisaient sur des réseaux plus rapides, plus exposés et moins exigeants. Je me suis laissée la chance, j’ai payé mon nom de domaine avec l’espoir de reprendre. J’ai fait une série fournie. J’ai fermé de nouveau la porte. J’ai repayé mon nom en me laissant une dernière chance. Ceci est ma dernière chance. Mais je vais faire les choses bien, je vais les faire jusqu’au bout.

En 2023, vous trouverez un contenu – minimum – par semaine. Je m’y engage. Dans un an, je ferai le bilan. Est-ce que ce blog a encore un avenir ? Fait-il encore écho à certains d’entre vous ?

Rendez-vous la semaine prochaine !

-Lexie Swing-

Crédit photo : José Silva

Parentalité : doit-on suivre un courant de pensée?

Avez-vous lu le dernier article de Déborah du blog Sea You Son, son entrevue du psychopédagogue Bruno Hembeeck? Il y évoque des courants tendances dans la parentalité d’aujourd’hui, comme la pédagogie Montessori ou les conseils de Céline Alvarez.

Alors que je parcourais l’article en me demandant quel courant était le plus approprié à suivre dans le cadre de la parentalité, je me suis rappelée qu’il était correct aussi, de ne suivre personne, de glaner dans les pédagogies ce qui nous semblait approprié, adaptable à notre mode de vie. Parce que, comme je le mentionnais une fois dans un précédent article sur les dérives de la parentalité, il n’est jamais bon de plonger dans les extrêmes et de suivre aveuglement une pratique.

Lorsque B. était encore une toute petite fille, nous avions choisi de l’envoyer à une garderie au bout de la rue. Il y avait un aspect pratique – une garderie à deux pas -, un petit coup de coeur avec « de toutes petites salles comme des petites classes d’école », et une autre dimension, totalement marketing celle-ci : l’école offrait un service de prématernelle en anglais. Pour rappel, l’école au Québec ne commence qu’à 5 ans et c’est donc en garderie que l’enfant vit jusque là, ou à la maison si le parent en fait le choix.

Il y a un moment, dans une vie de parent, où l’on semble plus sensible aux arguments marketings d’un établissement ou d’un courant pédagogique qu’aux besoins réels de son enfant. On s’accroche aux promesses de petits enfants bilingues dès l’âge de 5 ans, au potager dans la courette, au lapin qui dévisage de ses yeux ronds les bouilles enfantines. On justifie ses choix à qui veut bien les entendre : « ils font de la manipulation! Ils ont des jouets en bois! Ils montent un vrai spectacle avec costumes et salut sur la grande scène du village! » Mais on oublie de s’interroger sur le plus important : les éducateurs et éducatrices, les professeurs, les accompagnants, sont-ils qualifiés? Est-ce qu’il y a un travail d’équipe, une bonne ambiance, ou beaucoup de rotation? Comment mon enfant sera-t-il accompagné, au quotidien, s’il est différent du groupe?

À l’aube de la dernière année de garderie de notre fille aînée, il nous a été offert la possibilité, grâce à une amie, de partir en CPE, ou Centre de la petite enfance. Ces centres-ci, très recherchés car peu onéreux et bien réglementés, offrent généralement un suivi éducatif de base afin de ne pas dépasser les objectifs prévus pour la maternelle. On s’est interrogé : est-ce que cela faisait du sens, de la changer pour sa dernière année? Et quid de l’anglais qu’elle était censée suivre en prématernelle? Que pouvait vraiment lui apporter une forme de retour en arrière, scolairement parlant?

La confiance en elle, voici ce que le changement lui a apporté. Dans la garderie précédente, personne ne faisait réellement attention à cette petite fille effacée. Certains apprentissages y étaient donnés de façon automatique, sans se soucier de savoir si les enfants recevaient correctement l’information. Pire certainement, des difficultés dans l’équipe avaient favorisé une rotation importante, obligeant les enfants à s’habituer sans cesse à de nouvelles éducatrices.

En arrivant au CPE, nous avons rencontré celle qui allait être l’éducatrice de B., présente au sein de la garderie depuis une dizaine d’années. Elle s’évertuerait pendant l’année suivante à donner confiance à notre toute petite, multipliant les défis et sollicitant son autonomie. Plus tard, elle apprendrait à sa petite soeur à se concentrer, à suivre une routine et à appliquer des règles. L’objectif était le même : définir les besoins et défis de chacune pour les préparer à la maternelle. Il n’y avait pas de règles strictes préétablies et les apprentissages purement académiques étaient relativement faibles, mais le gain, arrivé à la maternelle, fut inestimable.

Je suis une personne de personnes. Je veux dire par là que toute mon attention, au quotidien, est concentrée sur les autres. J’aime les différences de personnalités, j’aime les histoires, les origines et les cultures. J’aime aussi les différences d’opinions. J’aime quand le vécu et l’expérience priment sur les concepts, j’aime quand les personnes ont le recul suffisant et la capacité de réflexion de se dire « j’ai essayé ceci, et ça marche bien dans ce cas-là ». Mon chum me dit parfois que je pourrais me plaire dans n’importe quel boulot, du moment que l’équipe est soudée et heureuse d’être ensemble, et je le crois sans peine.

Les pédagogies sont utiles, parce qu’elles donnent une ligne directrice, une barrière sur laquelle s’appuyer, mais elles ne sont pas des rails. Il ne suffit pas de grimper dans le bon bateau pour atteindre le port. Les pédagogies sont des concepts, des idées larges censées orienter des décisions, mais elles ne prendront jamais en compte les besoins individuels. Les pédagogies ne tiennent pas compte du fait que ma fille performe en maths mais pas en sports. Ou que la seconde est en avance sur l’écriture mais ne sait pas rester assise sur une chaise. Les pédagogies estiment qu’à un âge X, l’enfant lambda sait faire telle chose, et devrait apprendre telle autre.

Les femmes et hommes qui les appliquent sont là pour le faire. C’est J. qui a finalement donné le goût du sport à ma fille, lui faisant préférer le soccer aux chiffres. C’est V. qui a montré à mon autre fille qu’elle pouvait canaliser son énergie et épeler en même temps. Ce que vous devez rechercher, dans l’éducation, ce ne sont pas des pédagogies mais des gens qui aiment enseigner, qui aiment éduquer, qui ont du recul et de l’imagination. Il faut chercher des écoles qui soutiennent leurs professeurs, qui leur donnent les moyens de se réaliser. Et il faut les soutenir et les encourager, nous aussi, en tant que parents. Être présent mais pas oppressant, être à l’écoute mais ne pas donner de leçons, transmettre les informations nécessaires mais faire confiance.

Plus votre enfant évoluera dans le système scolaire, plus se posera la question des options, des langues enseignées, des sciences, etc. Et il sera bien assez tôt, pour ça. En attendant, ce n’est pas sur une fiche publicitaire vantant les mérites d’une éducation polyglotte ou sur la capacité d’un professeur à appliquer une pédagogie bienveillante sans faillir, que vous devriez vous baser. C’est sur l’humanité de cette personne, ou de cet établissement. Si vous trouvez la place, et la personne, qui sera capable de considérer votre enfant dans son individualité et de l’accompagner sur le chemin, alors 80% du travail aura été fait.

Et puis pour l’anglais, il y a toujours Netflix.

-Lexie Swing-

Photo : Matthew Henry

La vie en 2021

J’aimerais vous dire que je suis tellement concentrée sur mille et un projets que je ne trouve guère de temps pour écrire ici. Que mon esprit est ailleurs et que mes doigts fourmillent d’histoires que je projette écrire sur d’autres supports que celui d’Internet.

Mais la vérité est autre. C’est une vérité, un mal qui s’est répandu comme une traînée de poudre coulant d’un baril troué balloté en pleine tempête, si j’en crois cette épidémie de blogs sous-alimentés depuis un an.

Je n’en connais pas la cause exacte, mais le mal semble prendre ses racines dans une forme de lassitude, une redondance dans nos journées qui confine à la monotonie. La poésie qui nous saisissait même devant les scènes quotidiennes et la métronomie d’une routine installée, semble s’être égarée.

Il n’y a plus de rébellion en moi, s’il n’y en a d’ailleurs jamais eu. Je n’ai jamais tapé du poing en vain, depuis un an, arguant que ça allait bien maintenant, que ça ne faisait pas de sens tout ça, que toutes ces mesures étaient inconsistantes, qu’il fallait bien mourir de quelque chose, que c’était quoi de plus qu’une grosse grippe, que ce serait fini demain.

Nous avons avancé sans broncher. Désinfecté. Fermé notre porte aux amis et aux inconnus. Nous avons gardé nos distances et annulé nos billets d’avion. Nous avons porté nos masques, toujours.

Il n’y a pas eu de retour en arrière pour nous, depuis un an. Il n’y a pas eu de soudaine reprise de la vie, de vent d’espoir, de grandes réunions. Il y a eu des soubresauts timides, un repas pris à trois familles sur une terrasse ombragée, un resto entre copines, quelques balades en forêt.

Il y a longtemps que nous n’attendons plus vraiment quelque chose, que nous avons décidé de prendre les journées comme elles venaient, avec application. Toujours la même routine, les mêmes balades, sans projection.

Nous sommes désormais recentrés sur le quotidien, sur un essentiel dépouillé. Nos joies sont faites de maigres victoires : un plat réussi, une pile de linge pliée, une maison nettoyée. Et puis de quelques unes plus grandes aussi. Lorsque nous avons appris que l’école allait reprendre début janvier comme prévu – et contre toute attente, après trois semaines et demi de « vacances » – nous avons dansé dans le salon. Les chiffres qui baissent sont autant de buts marqués dans un match sans merci. Le plus long, la plus éprouvante partie qu’il nous aura été donnée de supporter, d’encourager.

Elle nous laisse exsangues et c’est cette fatigue, lancinante, qui peu à peu enlève aux mots leur chair et au quotidien ses couleurs.

Je mentirai si je disais que cette période ne m’a rien apporté. Malgré les apparences, j’y ai gagné tellement ! Une sérénité perdue depuis longtemps, une proximité avec mes enfants, un confort de vie absolu.

Reste cette cage dorée dans laquelle nous vivons, qui nous coupe du monde extérieur. De nos amis, avec qui l’on échange désormais sur des bouts de trottoir. De notre famille, parce que l’océan qui nous sépare n’a jamais semblé aussi immense.

Je nous souhaite à tous de la lumière, au bout de ce tunnel qui semble sans fin.

-Lexie Swing-

Défis et dérives des parentalités

Je relayais hier sur Instagram une levée de boucliers contre les courants de parentalité que je qualifierais de « pseudos » bienveillants. Plusieurs de mes contacts s’insurgeaient des dérives qui accompagnent depuis quelques années la promotion d’une parentalité bienveillante et positive : le respect de l’enfant et son éducation dans un climat serein va désormais de pair avec une véritable flambée des excès, quelques papesses du mouvement alléguant volontiers qu’il est correct de ne pas insister pour que son enfant se brosse les dents, ou même de ne pas le retenir par le bras lorsqu’il fait mine de descendre sur la route, au motif qu’il s’agit ici d’une violence et que toute forme de violence doit être exclue du processus éducatif. Elles mettent ainsi sur le même plan le fait de battre son enfant et le fait de le forcer à se brosser les dents, ou à finir ses haricots. Bref.

Je n’ai aucune envie, ni le temps d’ailleurs, de débattre de l’absurdité de ces idées. Elles ne peuvent, à mon sens, simplement pas être le fruit de l’esprit de personnes rationnelles. Mais, ce qui m’intéresse, dans cette levée de boucliers, ce sont les témoignages qui en sont ressortis. C’est le nombre de parents, de mères surtout, qui disent « en être revenus » et décrivent cette longue traversée des enfers qu’a été leur voyage au sein de cette parentalité extrême.

Notre génération, plus éduquée, plus ouverte sur le monde, et théoriquement plus tolérante, est aussi celle qui semble le plus perdue en ce qui concerne la parentalité. Nous n’avons jamais eu accès à autant de ressources qu’aujourd’hui, et pourtant nous n’avons jamais été aussi perdus. Faisant fi de tout instinct, nous glanons des conseils « en ligne »: sur des forums, dans des groupes de discussion, sur des pages Facebook, et auprès d’influenceuses Instagram. Auriez-vous imaginé, un instant, que vous éduqueriez votre enfant en fonction des usages et règles d’une communauté regroupée autour d’une fille en vue sur Instagram. Éducation – influenceuse – Instagram… vous ne voyez pas comme un problème? Moi si. Je veux dire… on refuse d’écouter les conseils de belle-maman mais on est prête à se soumettre aux injonctions d’une parfaite inconnue souriante et parfaitement brushée, sur notre écran vaguement fissuré (merci les enfants)?

Je faisais hier un parallèle avec les curés. Jusqu’à une période récente – les années 1960 – les représentants de la foi catholique jouaient encore au Québec un rôle de premier plan en termes d’éducation. Ils conseillaient les familles en la matière et érigeaient des règles à respecter. Vous vous en souvenez – j’ai été partiellement élevée dans, et au contact de, la religion catholique. Lors d’un repas de célébration quelconque, alors que nous étions adolescents, un ami à côté de moi cherchait auprès du prêtre des réponses à ses questionnements sur la vie de couple, et le prêtre, avec je dois le dire un peu de retenue, tentait de l’orienter. Et je m’en souviens encore, c’est sorti tout seul de ma bouche, un questionnement sincère, et pas du tout une forme de rebellion qui m’était par ailleurs étrangère lorsque j’étais plus jeune. J’ai demandé : « Mais qu’est-ce que vous en savez, vous? Ce n’est pas comme si vous connaissiez la réalité de la vie de couple…? » Je ne crois pas qu’il se soit fâché, c’était un jeune prêtre ouvert sur le monde et les questionnements modernes. Mais je me souviens m’être souvent par la suite posé cette question : qu’en savait-il?

La vérité est que, personne ne peut connaître votre réalité. Personne ne peut mesurer la balance fragile que représente votre vie personnelle, votre vie professionnelle, votre santé mentale, le caractère de vos enfants et leurs troubles éventuels. Personne ne prendra en compte la taille de vos pièces et l’impatience des voisins, ou la longueur de votre trajet quotidien. L’équation est impossible à mener, la comparaison, par essence, stupide à faire. Vous-même êtes un parent en constante évolution. Ce qui vous paraît vrai alors que votre enfant a 1 an, vous semblera peut-être utopique ou abscons à l’aube de ses 5 ans, ou avec son jeune frère ou sa jeune soeur.

Lorsque j’étais jeune maman, j’avais certaines idées très arrêtées sur la parentalité. Mon enfant dormirait dans son lit, il aurait des heures de routine fixes, je le laisserais à garder à des gens différents pour l’habituer aux autres, etc. Et ça a fonctionné (un temps)! B. était le bébé idéal (selon moi), qui a fait ses nuits très tôt, dormait dans sa chambre, pleurait peu, pouvait être gardée par des amis sans broncher. Mon vol France-Canada avec elle a été un rêve, l’adaptation dans sa nouvelle vie une sinécure. Alors qu’elle fêtait ses deux ans, nous lui avons appris qu’elle allait être grande soeur, et là le monde des merveilles a basculé. Notre douce et tranquille petite fille s’est transformée en lionne rugissante, qui hurlait volontiers, trépignait sans retenue et s’emportait sans cesse. Ce qui avait été vrai durant deux ans est devenu, peu à peu, un souvenir doux, mais sans comparaison avec la vie réelle. Sa soeur est arrivée, et ce qui avait été vrai – encore une fois – à la naissance de notre première fille, n’avait plus rien à voir avec notre nouvelle réalité. Son sommeil était agité, ses reflux constants, ses premiers jeux de grand bébé consistaient à galoper vers les prises électriques. Nous avons mis des caches sur les prises, ouvert notre lit à ses cauchemars et accompagné ses découvertes. Nous avons appris à faire différemment, à pousser l’une en retenant l’autre, à dire « parle moins fort / pousse le volume » dans un même souffle.

Une copine me disait que « celles qui étaient revenues de la parentalité extrême » étaient souvent des mères dont les enfants avaient grandi, ou qui en avaient eu plusieurs. C’est aussi parce que l’évolution est confrontante. Nous avons tous vu autour de nous, avant même d’être parent parfois, des enfants changer drastiquement. Nous ne sommes jamais à l’abri, l’aventure ne fait que commencer, et le maître mot de la parentalité est celui-ci : l’adaptation.

Vous trouverez toutes sortes de conseils, toutes sortes de bouquins. Vous n’êtes pas obligés de vous y confronter, pas obligés de trouver toutes les réponses d’un coup. Certaines commentatrices de bouquins écrivent parfois à des auteurs de livres sur la parentalité, qu’elles auraient voulu « avoir découvert ce livre avant d’avoir (mon) premier enfant ». Je ne crois pas qu’on ait besoin de ça, je ne pense pas qu’on ait besoin d’un script. Je pense que pour bien débuter dans l’aventure de la parentalité on a surtout besoin d’indulgence, et de bienveillance oui, mais envers soi-même avant tout.

Faites-vous confiance. Prenez les conseils qu’on vous donne avec circonspection. N’oubliez pas que personne ne connaît vraiment votre réalité. Sachez aussi vous entourer de personnes qui vous veulent du bien. Sur l’un des groupes québécois dont je fais partie, et qui a été créé par une intervenante familiale, les témoignages (de désespoir) des parents sont toujours accueillis par des commentaires du type : je te comprends, je vis la même chose, j’ai un enfant ou une situation similaire et voici ce qui a fonctionné pour moi. Il n’est et ne sera jamais normal d’être accueilli par des remontrances lorsque l’on vient demander des conseils – si c’est ce que tu veux, autant appeler ta mère (lol) (coucou Maman).

Avec ma copine D., on a un petit mantra qui dit : « t’es belle, t’es capable, tu vas y arriver ». Je t’envoie à mon tour ces mots-ci, avec toute ma bienveillance.

-Lexie Swing-

Photo : Fernanda Publio

Éduquée dans l’athéisme, scolarisée à l’école catholique

Il y a quelques mois, j’avais lu le témoignage d’une maman catholique, elle expliquait son quotidien et quelle place prenait la religion dans sa vie et celle de sa famille. J’avais trouvé ça courageux de sa part, d’écrire cet article à une époque où la reliion n’a plus vraiment la côte.

De la primaire à la 3e (équivalent du Secondaire 3), j’ai été scolarisée à l’école catholique. Un choix qui peut paraître surprenant, quand on sait que mes parents sont farouchement athées. Si je n’ai aucune opinion sur ce choix, qui relevait probablement plus du souhait de choisir une école adaptée à ma scolarité (j’étais globalement en avance et les profs de maternelle avaient recommandé que je sois en double niveau pour faciliter un passage rapide dans la classe supérieure), j’en ai une sur le fait d’avoir été à l’école catholique : ça a eu un impact majeur dans mon ouverture au monde. Mais avant de vous dire pourquoi, il faut d’abord que je vous raconte…

J’ai commencé ma scolarité de primaire dans une toute petite école. Elle était comme une succession de petite et grande maison de ville et le dernier étage était condamné par une chaine qui ne cessait d’attiser notre curiosité. La rumeur disait que le bâtiment avait abrité jadis un pensionnat et que les lits avaient été laissés en l’état. Il y avait une entrée, et puis une courette, la grande maison et puis une autre cour, plus grande. Il y avait un espace quelque peu délabré, qu’on appelait la cour du foot, et une sorte d’ancien garage sans porte, dont on utilisait les murs comme support pour nos pieds d’apprenti gymnastes. On montait dans les classes par une multitude d’escaliers, après s’être lavé les mains dans des lavabos de ferme qu’on s’arracherait, aujourd’hui, chez les meilleurs antiquaires. Il y avait ce savon jaune et rond, sur son axe en métal et puis les toilettes avec la porte courte sous laquelle on glissait le pied pour assurer les amis de notre présence. C’était une petite école de ville qui fermerait quelques années plus tard, à la faveur des redistributions d’élèves dans les secteurs scolaires ou menacée d’expulsion par une régie de bâtiment quelconque qui jugerait d’un mauvais oeil les escaliers de guingois et les portes grinçantes. On y serait peu, à peine de quoi remplir des classes entières. On serait des classes à demi-niveau, un CP-CE1, un CE2-CM1 et puis un CM2. Il y aurait d’autres découpages, des CM1 parfois divisés, des voyages en Auvergne et des classes vertes même au CP. Il y aurait peu d’enfants mais beaucoup de bonheur et c’est à peu près tout ce qu’il vous faut retenir pour comprendre ce qui s’en vient ensuite.

Puisque c’était une école catholique, les cours qu’ont aujourd’hui mes enfants et qui portent le nom d’Education Civique et Religieuse (ici, au Québec) se résumaient pour nous à des cours de pur catéchisme. Nous y apprenions tout ce que l’on peut apprendre à des enfants sur une religion et sa pratique. Nous priions tous les matins, mains jointes ou en coupole, debout dans les allées qui séparaient nos petits bureaux. Nous récitions alors le Notre-Père et le Je Vous Salue Marie, avec la fierté des enfants qui maîtrisent sur le bout des doigts une poésie maintes fois répétée. Nous apprenions aussi de nombreuses chansons, que je répétais à l’envi à mes parents, avec un enthousiasme tout enfantin. Ceux-ci ne pipaient mot, peut-être vaguement consternés alors du choix qu’ils avaient fait. S’ils ont pu l’être en termes d’apprentissage religieux, ils n’ont pu cependant que s’incliner devant ce que l’école m’offrait par ailleurs : un accompagnement réel et individualisé – jusqu’à des cours de rattrapage en maths qui nous ont permis, à mon amie et moi, de passer dans la classe supérieure au courant de l’année – et une admiration non feinte pour les bonnes élèves que nous étions alors. Nous étions scolaires, appliquées, premières de la classe. Nous rentrions dans un moule qui nous allait comme un gant et cela fonctionnait parfaitement.

En CE2, lorsqu’une élève de ma classe – A., une CM1 – s’est faite baptiser, j’ai découvert ce qu’était le baptême, et aussi que j’étais la seule, désormais, à ne pas être baptisée dans ma classe. J’ai le souvenir confus des déclarations parentales, celles de ses parents et puis celles des miens, à qui j’avais posé la question plus tard. Nous n’avions pas été baptisées car nos parents respectifs voulaient nous « laisser le choix » de nous convertir à une religion ou de se définir athée, le moment venu. Dans l’esprit de la plupart des parents d’aujourd’hui, cela signifie vaguement « à l’âge adulte », au plus tôt à l’adolescence. On devient mûr pour choisir une religion comme on l’est pour le sexe, finalement. Je vais vous avouer quelque chose : je pense qu’il faut avoir vécu pour faire ce choix-ci. Aujourd’hui, je ferais un choix éclairé. À l’époque, je ne connaissais que le monde agréable mais étriqué de ma petite école de ville.

Je suis donc restée l’élève non baptisée de mon école, mais j’ai découvert qu’il existait un monde catholique en dehors des murs de celle-ci. Mes amies allaient au catéchisme en dehors des heures de classe, aux Jeannettes le week-end et à la messe, parfois, le dimanche. Elles avaient des choses en commun en dehors de l’école, et pour ça, je les ai souvent enviées. Elles n’ont cependant jamais boudé leur plaisir de m’apprendre toutes les chansons et jeux auxquels je n’avais alors pas accès. Des jeux et des chansons que j’apprends encore à mes enfants aujourd’hui.

Lorsque je suis entrée au collège (au secondaire), j’ai choisi de rejoindre une institution réputée catholique, mais qui n’en avait, pour toute honnêteté, que le nom. Les allées et venues y étaient peu surveillées et les cours de catéchisme absolument optionnels. Je me suis éloignée d’un monde que je ne connaissais finalement que marginalement pour verser dans ma passion du moment : penser des heures durant aux garçons que je rêvais de séduire. J’avais cessé de faire ma rapide prière du soir pour me bercer d’histoires à l’issue toujours très romantique, quoique répétitive, et je me suis définitivement éloignée du monde de l’enfance.

Mon retour à la religion catholique s’est faite avec fracas, à l’hiver 1999, lorsque ma famille a déménagé dans une autre ville, au milieu de mon année de 3e (Secondaire 3). Au jeu des écoles, j’avais pioché la mauvaise carte. L’institution, perchée dans un cadre idyllique, était dirigée d’une main de fer par une directrice âpre, flanquée de Soeurs lieutenantes qui jugeaient bon de plonger la face des adolescentes trop fardées sous l’eau glacée des lavabos. J’étais perdue de ce changement soudain. Alors en pleine adolescence, j’étouffais dans ce carcan étroit. Mes journées se résumaient à des altercations avec la Soeur responsable de notre niveau et à des tentatives vaines d’échapper au cours de physique où la professeure prenait un malin plaisir à me ridiculiser, au vu de mes certes maigres notes. J’étais une fois encore la seule non-baptisée, mais dans l’école entière cette fois, et la Soeur ne manquait pas de me le rappeler comme si j’étais une hérétique. Elle a d’ailleurs failli en avaler son voile, alors qu’en voyage scolaire en Espagne, lors d’une immense messe donnée dans une église renommée, elle m’a vue me lever pour aller recevoir l’ostie. Bloquée dans un rang sans fin, incapable d’intervenir sans s’attirer les foudres de l’audience, elle n’a pu qu’assister, impuissante, à la scène. J’en ris encore aujourd’hui…

C’est avec un soulagement affiché que j’ai passé la porte du collège pour la dernière fois, quelques jours avant le brevet. Ledit diplôme était ensuite remis à la direction de l’école, avec charge pour nous de le récupérer auprès d’eux. Inutile de dire qu’ils l’ont – théoriquement – toujours en leur possession aujourd’hui, puisqu’il n’était pas question que je repasse un jour les portes de l’institution.

Cette étape malheureuse de ma vie m’a permis d’atterrir, alors que je commençais le lycée (secondaire 4), à l’école publique! Douze classes de seconde, des élèves issus de tous les collèges des environs, des jeunes de ma ville et mon futur amoureux, parmi eux. J’étais à l’aube du meilleur, des années incroyables qui m’ont permis de rencontrer des amis toujours très chers à mon coeur aujourd’hui. Des amis qui ont compté et sur qui je pouvais compter. La moitié d’entre eux avait un point commun, en dehors de notre lycée public. Vous devinez? Ils allaient tous à l’aumônerie du quartier. L’endroit était ouvert au monde, aux autres, aux non-catholiques, ou du moins est-ce ainsi que je l’imagine, moi qui y ait fait tant de rencontres et tant de belles soirées. Leur monde n’était plus un espace à part qui les séparait de moi, c’était une richesse, une part pleine de leurs êtres qui éclairait leur éducation, leur quotidien et leurs réflexions différemment.

Je ne regrette pas un seul instant d’avoir été scolarisée à l’école catholique, moi l’enfant d’athées, non baptisée. J’y ai appris la religion, les croyances et les dogmes. Je n’ai pas appris à croire mais j’ai appris à comprendre et ça m’a ouvert au monde. Car le risque, avec l’athéisme, est de s’enfermer dans un monde où les croyances sont vaines et les religions le fruit de la folie humaine. Or les religions sont là, elles existent. Des hommes et des femmes s’y plient, dans toutes les sphères de notre monde. Les connaître, les savoir, ne veut pas dire qu’on les valide, mais nous permet de voir, d’analyser et de comprendre.

Par ailleurs, l’Histoire des hommes est étroitement liée à celle des religions. Prétendre connaître l’Histoire si l’on ne comprend pas un minimum le fonctionnement des religions, est vain, selon moi.

Mettrais-je demain mes enfants à l’école catholique si j’en avais la possibilité? Absolument pas. Car ce n’est pas la religion qui m’a construit, ou détruite à l’occasion, mais ce que les gens qui la portent en ont fait. Leur ferais-je connaître les religions, découvrir les édifices, raconterais-je les croyances? Définitivement. Pour nourrir leur tolérance et leur faire découvrir un monde riche de cultures et d’histoires, un monde de chants et de valeurs.

Et puis un monde qui a inventé le Scofa aussi. Et juste pour le Scofa, l’école catholique, je ne regrette pas.

-Lexie Swing-

Crédit photo : Matthew Henry