De poils et d’amour

Elle a regardé le calendrier et elle a dit “ça fait juste un an aujourd’hui”, et puis “on dirait que ça fait plus longtemps qu’il est parti”. Et c’est vrai, qu’on dirait qu’une vie a passé depuis son dernier souffle, mais pas tout à fait non plus vous voyez. Parce que je me revois aussi arpenter le parc, le soleil se couchait avec une douceur lumineuse qui baignait la clairière d’un halo rougeoyant. Je m’étais dit “c’est peut être Eleven qui s’en va, il a retrouvé sa liberté et il n’a plus peur de rien”. Et c’était hier, à peine.

Il nous avait quitté dans l’après-midi après une dernière balade avec nos enfants. On s’était assis près de lui, dans notre salon, et puis l’équipe vétérinaire l’avait aidé partir. Quand son cœur s’est arrêté, il mâchonnait encore les biscuits que l’assistante lui avait donné et dans un coin, Poppy et Chester l’observaient. Ils ne l’ont jamais cherché, preuve que les animaux sentent et savent. Contrairement à nous, ils n’ont pas besoin de piqûre de rappel, ils n’ont pas l’impression d’avoir rêvé ou imaginé. Ce qui existe est et ce qui est parti n’est plus.

Il y a toujours eu des animaux autour de moi. De mon retour de la maternité à aujourd’hui, j’ai été entourée d’animaux. Des chiens, beaucoup. Des lapins, des hamsters, des cochons d’Inde, des chats et des chevaux. Mes parents ont même une agnelle désormais.

Il y a quelque chose d’incroyable à partager sa vie avec des compagnons à quatre pattes, comme si l’on était mieux connecté avec le monde. Les meilleures histoires de vie que j’ai entendues était toujours pourvues d’un animal. Sur les genoux, aux pieds, sur le siège arrière d’une voiture lancée en pleine aventure.

Ce que j’ai appris, avec le temps, c’est qu’à l’image d’une relation amicale, aucune relation avec un animal n’a le même visage. Il y a celui que l’on ne pourra jamais remplacer, celle avec laquelle on a arpenté le monde, le féru des courses folles, la fanatique des morceaux de pomme. Il y a ceux qui rendirent nos vies meilleures et ceux qui nous ont appris sur nous mêmes.

Eleven était de ceux-là. De nos premiers instants passés ensemble aux derniers, il nous a appris à faire preuve de ressources, à dépasser nos limites. Pris séparément, de nombreux moments furent des épreuves mais l’ensemble de ce chaos fut une véritable leçon de vie. Il nous a appris la résilience.

Un chien ou un chat, en autant qu’on le considère comme un membre à part entière de sa famille, peut nous accompagner durant plus d’une dizaine d’années. Ils sont au cœur des bouleversements, témoins des petits et grands changements. Eleven a vu naître deux enfants, été emporté dans un processus d’immigration, a connu notre première maison comme propriétaires. Il fut au cœur de cette décennie si particulière pour nous et j’aime à réaliser que tous ces souvenirs si forts sont teintés de son existence.

J’ai une pensée triste pour le petit chien noir et blanc de mes parents qui a rejoint lui aussi les étoiles, ce soir. Il filait comme le vent, infatigable, chassant tout ce que la terre pouvait porter d’insectes et de petits animaux. Il était déterminé, consciencieux et d’une gentillesse incomparable. Les terres moissagaises sont peuplées de ses courses folles et de son enthousiasme débordant. Et je ne peux pas m’empêcher de penser qu’il s’en va alors que ça y’est, on lui avait enfin trouvé un mouton à encadrer. Tu me manqueras beaucoup petit G.

-Lexie Swing-

2 réflexions sur “De poils et d’amour

  1. Merci beaucoup ma chérie pour ce texte. Gibbs était notre compagnon depuis bientôt 11 ans. Il était infiniment doux et tendre. Toujours prêt à partir en balade, rapide comme l’éclair mais capable de rester couché à nos pieds pendant des heures. Il était lui, différent de Pomme, Lipstick et Newton. Différent de son copain Eleven qu’il a rejoint hier. Il ne reste plus aucun des trois compères conviés à la fête de naissance de B. mais Eleven, Indi et Gibbs resteront dans nos coeurs

Répondre à CéciliAcidulée Annuler la réponse.