Maman a la migraine

On dirait la fin abrupte d’un film réputé érotique. Maman a la migraine alors Papa peut aller se rhabiller. En vrai, la migraine parentale, c’est bien plus dérangeant que de siffler la fin de la partie de jeu. C’est être assis sur le banc des remplaçants, et assister, impuissant(e), au match en cours.

Je n’ai connu mes premières migraines qu’à l’âge avancé de 30 ans, mais j’ai grandi avec une mère pour qui la migraine a toujours été une partenaire de vie. Fêtes, week-ends, événements professionnels et jours fériés, la migraine ne connaissait aucun repos, et n’en laissait guère plus.

Il est souvent difficile d’en trouver la cause, et donc d’en faire un problème curable à long terme. Le quotidien devient donc un jeu de chat et de souris, où l’on tente, autant que faire se peut, de déjouer les pièges et d’échapper aux griffes. Car quand celles-ci se referment, le bal commence, avec des symptômes variés selon les participants. Certaines migraines s’annoncent par des nausées, d’autres attaquent sans préambule par de violents maux de tête. La plupart ne trouve du repos que dans des chambres plongées dans le noir et le silence du milieu de journée. Une gageure lorsque l’on héberge sous son toit des enfants de moins de dix ans.

Techniquement, être parent et migraineux c’est :

– Avoir un enfant qui passe la tête par la porte dix fois en demandant : « Ça y’est, tu vas mieux? »

– Avoir un autre enfant (ou le même) qui entre toutes les 5 minutes en disant : « Je ne te dérange pas longtemps c’est promis juste deux minutes je voulais te montrer le nouveau dessin / le dernier pas de danse / le jeu à la mode / ma liste au Père Noël »

– Entendre dans un demi-sommeil son conjoint chuchoter « chuuuuut tu vas réveiller maman »

– Se faire effectivement réveiller par « juste un bisou »

– Se lever en titubant, découvrir l’état du couloir et du salon et refermer la porte

– Se faire servir au lit

– Se sentir finalement mieux mais traîner encore un peu, parce que c’est pas si souvent qu’on a une bonne excuse pour rester au lit.

La course prend un handicap supplémentaire lorsque se retrouve seul(e) avec ses enfants et que personne ne peut intervenir en back-up. On légume (du verbe légumer, comme chacun sait) sur le canapé du salon, aussi flétrie qu’une aubergine d’automne oubliée sur le comptoir de la cuisine. La télé devient alors une gardienne fidèle et les bols de céréales la pitance quotidienne. « Oui oui je te regarde », dis-je cachée derrière mon bandeau de nuit. Les parents sont doués d’un don de vue exceptionnel.

Au bout d’un temps, certain ou incertain mais toujours d’une durée proportionnelle au nombre de jours de vacances en cours, durée calculée selon la loi de l’emmerdement maximum, la migraine disparaît. Elle laisse derrière elle son lot de pots de médicaments dégoupillés et de tâches inachevées. Jusqu’à la prochaine fois.

On oublie volontiers que nous sommes tous susceptibles de souffrir un jour ou l’autre de maux plus ou moins chroniques qui handicapent un quotidien déjà prenant et la maladie fait partie de ces aspects qu’on n’omet lorsqu’on se projette dans la parentalité, jusqu’à ce qu’ils nous rattrapent.

Et vous, souffrez-vous de maux qui handicapent parfois votre quotidien de parents ?

-Lexie Swing-

Photo Matthew Henry for Burst

Maladie infantile vs obligations professionnelles : le casse-tête parental

Je sors de deux semaines intenses professionnellement. Les dates étaient notées dans le calendrier familial, le rythme orchestré et les arrangements prévus. Tout était en ordre pour un déroulement parfait des choses. C’était sans compter la maladie soudaine de la petite dernière.

Car ta vie personnelle se fout de tes obligations professionnelles (et c’est là chose bien connue).

Alors que se profilait le repos bien mérité de la première mi-temps – aka, le week-end entre les deux semaines très chargées – Tempête a déclaré une fièvre aussi forte que soudaine. 40.3 au compteur et les yeux aussi vitreux qu’une bille Agathe abandonnée à l’ombre de la cour de récré. L’amoureux a pris en charge le petit pyjama frissonnant pendant que je fuyais vers le centre-ville et la journée s’est déroulée sans encombres (mais à grands renforts de Tylenol).

La nuit de vendredi à samedi défiant de nouveau la chaleur des tropiques, nous avons demandé un rendez-vous à notre médecin de famille de toute urgence – magie de la technologie – pour le lendemain matin même. Déjà, se profilait dans nos têtes la perspective du lundi. Ce lundi sacré. Celui-là même qui devait voir partir l’amoureux pour un déplacement avant de prendre le premier train de l’après-midi pour récupérer les filles, leur mère étant astreinte à résidence professionnelle par la tenue d’un événement de première importance.

Le lundi est arrivé et – oh miracle! – point de fièvre à l’horizon.

Le parent coupable est un parent prévoyant. Nous avons croisé les doigts et répété des prières à Mère Nature, sacrifiant quelques tomates sur l’autel du compost. Fatiguée mais non fiévreuse, Tempête est allée rejoindre les rangs de ses pairs à la garderie. Elle a tenu bon jusqu’à 17h, heure à laquelle son père l’a récupérée, somnolente mais toujours blagueuse.

La fièvre est revenue tel un boomerang durant la nuit – à croire que Mère Nature n’avait guère été convaincue par nos prières. Le lendemain matin, ce fut donc mon tour de prendre en charge l’enfant malade (l’égalité des sexes, toussa…). Ma boite courriels ne dérougissait pas, mais l’ensemble des manœuvres restait possible à distance. Babysittée par les PJ Masks, tenue en haleine par Masha et Mishka, Tempête a absorbé plus d’heures de télévision en 24h que durant l’année écoulée (#parenting101). Le soir même, nous étions de retour chez le médecin où l’enfant a piqué du nez dès la salle d’attente, peu émue de ma lecture enjouée de Maman Ours. Le diagnostic s’orienta cette fois du côté de l’otite. L’enfant fut mis sous antibiotiques avant de reprendre le chemin de son lit, sa mère filant à 21h faire le pied de grue dans une pharmacie aussi bondée qu’un Tim Hortons un soir de match.

Retour à la garderie le lendemain (l’inconscience et la perséverance font parfois bon ménage) de l’enfant sans fièvre et sous antibiotiques. Jusqu’à 11h et l’appel de l’éducatrice plaidant l’importance de rester à la maison pour l’enfant fatigué. L’amoureux annula donc son rendez-vous du midi pour aller chercher notre Tempête, devenue le temps d’une maladie une simple brise marine sur le port de Cassis.

Retour à la case départ. Le lit donc. Jusqu’au réveil de la sieste, à 16h. Sieste qui sonna le glas de la maladie, le retour du diable de Tasmanie et la fin de l’errance parentale. Si jeudi fut un point d’interrogation – la sieste emportera-t-elle un épisode fiévreux dans ses bagages? – vendredi fut un retour aux sources. C’était soccer et journée des jouets de maison. Il y avait des joggings à enfiler, une poupée à emmener, une moto à retrouver, et une grande sœur à embêter. La vie, en somme.

Questionnement mathématique

Depuis la maladie de Tempête, je m’interroge. Quid de l’équation enfant malade + obligations professionnelles? (Condition : si et seulement si aucune famille n’habite à proximité pour garder l’enfant).

Enfant A, Père B, Mère C

Si A est malade. Considérant que B et C ont des obligations qui nécessitent leur presence physique à un endroit L.

En admettant que B et C ont chacun pris une journée pour garder l’enfant.

Ajoutant à l’équation l’exaspération des collègues, d’une part, et les inquietudes des éducatrices, d’autre part.

N’oubliant pas, cela va sans dire, une culpabilité, parentale, pour commencer, et professionnelle bien évidemment.

Quel résultat?

(La fatigue, les amis, la fatigue)

-Lexie Swing-

Grippe – cuvée 2019

Je me suis fait vacciner pour la première fois contre la grippe cette année. Juste après avoir piqué, l’infirmière m’a annoncé que «le vaccin fonctionne bien, l’Australie y a bien réagi». Et de m’expliquer que l’Océanie était toujours la première à faire l’expérience de ce type de vaccins saisonniers, leur période hivernale intervenant avant la nôtre. Ça m’a laissé rêveuse, la grippe ainsi matée par des kangourous survitaminés. J’ai bandé le muscle du bras et j’ai arraché le pansement qui obturait ma récente piqûre. Même pas mal!

La première fois que j’ai entendu parler de la grippe, c’était par un ami du collège (un secondaire 3 environ) en surpoids (selon lui) qui assurait «jalouser son frère» qui «ce con, (avait) réussi à perdre 5 kilos juste avec la grippe». Ça semblait dévastateur effectivement, et efficace, certainement. Reste que la grippe était pour moi une lointaine maladie, une espèce de légende dont je doutais de l’existence véritable.

Ça, c’était avant.

Ça m’a pris comme une migraine. Rien d’inhabituel pour moi. J’ai emmené Tempête au karaté, j’ai dit «à tantôt» au prof avec qui j’ai mon propre cours de sport plus tard le soir, et je ne suis jamais revenue. Je me suis effondrée dans mon lit en rentrant. Vaincue par KO.

J’ai juré à Mr Swing que j’arrivais dans «dix minutes pour souper, je ferme les yeux un instant» et je me suis réveillée au matin, mardi s’annonçant encore plus pénible que d’ordinaire. J’ai grogné et je me suis levée, le pilotage automatique enclenché en mode détresse. Deux Advil® et autant de Tylenol® (équivalent du paracétamol) plus tard, je suais à grosses gouttes au-dessus de mon clavier, porte fermée, sourire figé. La grippe avait lancé l’assaut, et l’issue s’annonçait incertaine.

Dix jours. Autant de doigts que de matins vains. J’ai erré d’heure en heure, accomplissant des tâches que je ne pouvais déléguer. La maladie frappe toujours au moment opportun, c’est bien connu : le dimanche, les jours fériés, le jour d’une rencontre fondamentale, la veille du départ en vacances, etc.

C’était une grippe coriace, une grippe d’homme comme on se plait à en rire entre conjointes. J’ai moins ri, mon tour venu. J’ai imploré qu’on m’achève, j’ai juré que je ne m’en remettrai pas, j’ai finalement fait ce que je critique chez les autres : j’ai pris rendez-vous chez le médecin pour un «pauvre virus». À l’article de la mort – presque – j’ai demandé ce qu’elle pouvait faire pour moi. Elle m’a répondu que moi seule pouvais faire quelque chose pour moi, à savoir prendre du repos. J’ai ri en mentionnant les piles sur mon bureau et les gens à ma porte. Elle a conclu : «on se revoit dans une semaine alors». J’avais reçu le message.

Le luxe dans une vie de parent, c’est d’être assez malade pour garder la chambre, mais pas trop non plus, pour apprécier cette pause incongrue à l’échelle de la routine quotidienne. Après 46 heures de sieste quasi ininterrompue – l’équivalent d’un demi-mois de sommeil au chevet de mon ex-nourrisson noctambule, j’ai retrouvé le chemin de la vie, forme humaine et le sourire. Me revoilà dans la danse.

Et vous, la grippe est-elle passée par vous?

-Lexie Swing-