«J’ai bien lu l’infolettre. Il est fait mention d’une autorisation de sortie à signer. À ma connaissance, nous n’avons pas reçu d’autorisation de sortie. Pouvez-vous nous la transmettre svp?»
Ça, c’est mon courriel type. Toujours poli, un brin stressé, souvent pressé. Je suis de ces parents à qui on ne peut pas parler d’une autorisation de sortie si le document n’est pas annexé. Le cauchemar des planificateurs. Le doigt sur le clic gauche plus rapide que Lucky Luke abattant son ombre.
Je le sais. C’est ma job, aussi, la planification. Outlook me sonne les cloches à chaque fois : «Vous avez parlé d’un fichier joint, mais aucun fichier n’a été joint à votre courriel, voulez-vous joindre un fichier à votre courriel?». Inratable. Même Gmail s’y est mis. Je soupçonne un complot.
L’école n’est pas en reste. «SVP prévoir les pantalons de neige au moment opportun». Ma tête s’affole. C’est quand, le moment opportun? Quand la neige tombe enfin? Quand il fait 2 degrés? -2? -10? Je crois que traînent en moi les réminiscences de ma propre enfance. La peur de mal faire. L’annotation au stylo rouge qui s’époumonait : «Consignes mal comprises». Je relis le paragraphe. Interpelle mes amies mamans. Confronte ma compréhension. Copie les parents qui semblent savoir, ceux qui un beau jour sortent de leurs coffres les pantalons rutilants.
D’ailleurs, les autres parents semblent toujours savoir. Quel jour sortir les pantalons de neige. Quoi mettre dans la boite à lunch. Où trouver des chaussons de danse. Quand se terminent les inscriptions aux camps d’été.
Ils semblent toujours lancés dans une conversation animée avec l’institutrice. Ils ne se questionnent pas au sujet du sens caché du dernier courriel reçu. Ni sur le format de la boite à chaussures à sacrifier sur l’autel des arts plastiques des maternelles (true story – elle est devenue une grotte pour dinosaures) (avouez que ça vous manque, d’avoir 5 ans et que votre mandat de la semaine soit de construire une grotte pour les dinosaures).
Et puis parfois, à la faveur d’un anniversaire d’enfants un peu trop arrosé (au jus de raisin) (tout pressage compris), on apprend les courriels envoyés en catimini, derrière les sourires figés. On note le ton acerbe employé pour citer une éducatrice un peu trop zélée. On détaille les ridules agacées et les haussements d’épaules. Et on s’esclaffe finalement, alors que tous les parents présents épaulent le père ou la mère désabusé(e) d’un «moi, pareil», grammaticalement faible mais politiquement fort.
La vérité, c’est qu’on est tous le boulet de quelqu’un. Je tempère les inquiétudes parfois saugrenues de mes contacts mais nourris les miennes aux fruits des messages de l’école sans objet et des courriels sans fichiers. J’ai des amis profs qui vitupèrent contre les assauts parentaux et râlent en cachette de l’institutrice de leur enfant qui les rackette en boites d’œufs vides et circulaires de supermarchés. J’ai aussi des copines secrétaires qui collent aux basques des directrices et directeurs de ce monde pour obtenir une malheureuse approbation et signent l’autorisation de sortie pour l’école appuyées sur le pare-brise de l’autobus scolaire à 6h22, le matin du départ en voyage de classe.
Je suis le parent aux courriels intempestifs. Je plaide coupable. Et vous vous êtes lequel?
-Lexie Swing-