Parents : du temps pour soi

J’adore coudre. J’aime le principe même de créer quelque chose. J’ai longtemps créé des phrases, des envolées poétiques, des histoires que je dévoilais à voix haute, après m’être éclaircie la gorge. J’aime la fabrication de quelque chose qui vient de soi, une étiquette invisible, un filament d’âme sur un morceau d’étoffe.

J’adore aussi lire. Des piles entières que je dévore, comme une faim sourde et irrationnelle. Au creux du ventre, tapie. Une faim de mots, d’idées, d’espoirs. Une faim d’ailleurs, aussi.

Je connais le besoin de faire du sport, de se dépasser, de s’exalter pour un record battu, un défi lancé à soi-même comme une perche tendue à son courage.

Ça prend du temps pour soi, d’être heureux. Mais ce n’est pas aussi évident que l’idée le prétend.

Il s’agit presque d’une consigne, désormais. Être un parent présent. Être un parent bienveillant. Être un parent qui prend du temps pour lui. Il faut être tout ça en même temps, mais ne surtout pas être stressé. C’est une injonction. Soyez bien avec vous-même pour être un bon parent.

C’est votre faute, si vous ne prenez pas de temps pour vous. Personne ne vous dira jamais que c’est la faute au petit dernier qui préfère hurler à la lune (même pas pleine) que de dormir la nuit. Nul ne reportera la faute sur votre aînée, qui prend deux mi-temps pour manger trois bouchées. Le monde niera en bloc les matinées courses à pied et le tunnel de la fin de journée.

Après tout, c’est toi qui l’a voulu.

Reste que, entre nous, on se le dit, on se le chuchote : on aimerait bien ça, du temps pour nous. Laisser tomber le souper pour lire quelques pages en grignotant des céréales ou partir courir dans le soleil qui se couche, en faisant fi des tâches et des obligations.

J’aimerais ça, que mon projet couture ne soit pas une comédie en trois actes mal ficelés. Que la découpe du patron ne se fasse pas avant Noël pour espérer que les pantalons soient cousus à Pâques. Que l’achat du tissu ne soit pas un casse-tête mathématiques avec soustraction des activités sportives enfantines, et horaire du magasin en retenue.

Je rêverais, que mes virées à la bibliothèque ne se transforment pas en épopée fantastique, où Tempête, l’aventurière escalade tables et étagères dans une chasse aux trésors aussi fébrile qu’épuisante. Et qui, le moment venu, la transforme en chat de canapé qu’il faut porter sur le retour à pieds.

Je l’ai fait. Fermer le lave-vaisselle et enfiler mes gants (de boxe). Filer à l’anglaise sitôt les enfants couchés. Embrasser leur père, se dire qu’on se verra un autre soir, une autre fois. Et partir s’entraîner.

Parce que oui, c’est important, le temps pour soi. Exister au-delà de sa parentalité. Être nous-même, être n’importe qui. Des individus qui dansent, qui courent, qui virevoltent, qui boxent l’air à poings serrés, le cœur léger.

Un temps gagné au profit de notre âme et au détriment, probablement, du reste. De l’autre. Quand l’aventure de nos vies se résume à des mots mal écrits sur le papier plastifié du calendrier familial. Boxe. Tennis. Piscine. Karaté. Danse. Comme autant de sauts de puce. Autant d’existences parallèles.

Autant de points gagnés, peut-être aussi, sur notre bonne santé mentale.

Même si, c’est clair… le lave vaisselle ne se videra pas tout seul!

 

-Lexie Swing-

Photo : Andrew Rashotte 

11 réflexions sur “Parents : du temps pour soi

  1. C’est un peu de la faute de la culture nord-américaine qui passe son temps à répéter que si on ne PASSE PAS DU TEMPS AVEC SON ENFANT (… la définition de « passer du temps avec son enfant » reste à fignoler), on a tout raté. Franchement, y’a un nombre d’heures limité dans un journée, et je crois que vaut mieux privilégier la qualité à la quantité.

    Avec les années qui passent et la personnalité des enfants qui s’affirme, on retrouve du temps pour soi… parce qu’eux en veulent aussi pour eux!!

  2. Beaucoup d’injonctions encore dans la société. Ce n’est pas simple de trouver sa place, son équilibre. En tant que femme, homme, parent.
    Du temps pour soi c’est nécessaire. Il faut jongler, lâcher prise sur certaines choses. J’apprends aussi.
    Belle journée Lexie

  3. Et j’espère aussi que tu aimes écrire, car tu le fais fichtrement bien! (ce message est écrit en direct de 5h du matin après avoir décidé que je n’irai pas me recoucher après ce biberon matinal pour avoir quelques heures POUR MOI avant le réveil du grand ;)…)

  4. Ah le temps pour Soi…Un peu une utopie chez moi!
    On a beau me répéter d’en prendre, de l’imposer ce temps, par la force des choses c’est compliqué. Avec Lilas (4 ans), en instruction en famille, son père qui travaille en horaires décalés (et qui dort beaucoup beaucoup…), et personne à qui passer le relais, j’ai vraiment l’impression De passer en dernier. Jusque là je me disais que c’était Normal, mais il y a quand même une limite et je crois que je suis en train de l’atteindre!

    • J’avoue qu’avec l’école à la maison tu n’as pas vraiment de temps où tu peux prendre une pause d’enfants. Je le vois avec mes collègues de bureau: qu’importe la charge de travail, être au bureau est déjà une pause en soi

      • C’est un peu comme ça que je le vois, le travail, comme une forme de vie sociale qui peut manquer quand on est à la maison, et une sorte de pause loin des enfants. Mais ça reste une sacrée organisation pour ces mamans qui travaillent et qui doivent gérer le reste en rentrant!

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