Il y a un fossé entre les non-parents et les parents. Pas d’incompréhension, parce que force est de constater que la plupart des non-parents font l’effort de comprendre, du moins tenter de concevoir, le quotidien des déjà-parents. Non il y a un fossé entre les « ça, je ne le ferai jamais » des pas-encore-parents, et les « tant pis » des parents-qui-n’ont-pas-fait-une-nuit-de-plus-de-six-heures-depuis-huit-ans.
Top 10:
– « Jamais je ne serai de ces parents qui sentent les fesses de leurs enfants ». Au début vous reniflez de loin. Vous êtes un loup. Vous humez l’air. Et puis le temps passant, et devenant pressant, vous devenez un chien renifleur de drogue: vous avez la tête dans le coltard et le nez dans le pantalon, à la recherche du « poop ». Vite trouvé, vite changé, vite recouché.
– « Jamais je lui donnerai de vin/de café/de cigarette avant ses dix-huit ans ». Proscrit, formellement interdit, durement sanctionné. Vous tenez à vos règles et tenez bon… à six mois vous lui faites goûtez votre doigt trempé dans le vin « pour rigoler », à huit mois vous le baptisez au champagne « parce que c’est la tradition », à deux ans vous lui faîtes gouter un sucre dans le café « parce que vous faisiez ça enfant », et à tout âge vous le laissez respirer votre cigarette « parce qu’il caille dehors ». Soyons honnête: pourquoi pas, mais la cigarette, ça reste un danger, même un peu, même de temps en temps, même une fois, c’est déjà trop. Je ne veux pas vous faire la morale mais puisque vous pensiez ne jamais le faire: continuez!
– « Jamais je ne dormirai avec mon enfant ». C’est un classique! On dit non non non, et puis la fatigue aidant, on ne dit plus rien. Attention! On ne dit pas « oui » pour autant. Juste, on ne dit pas non. Et subrepticement, l’enfant prend ça pour un oui (car l’enfant est fourbe). Et prend votre lit pour son lit. Réagissez: installez-vous dans le sien.
– « Jamais je ne lui donnerai mon petit doigt à téter ». Il ne faut pas. C’est la puéricultrice qui le dit. D’ailleurs c’est pas très propre. D’ailleurs il pourrait s’habituer. Et à 15 ans il pourrait ne pas arriver à s’en passer et, entre deux gorgées de Yop citron vous demander, « maman tu me prêtes 100 balles et ton petit doigt steplè? » Mais comme, à 1 an comme à 15, ça le fait taire, vous lui donnez quand même. D’ailleurs rapidement il préfère le sien, de petit doigt. Et puis il part de la maison…

« Jamais je ne déguiserai mon enfant juste pour me marrer »./ Photo K.B. Owen
– « Jamais je ne lui donnerai de petits noms ridicules ». Minou, chouchou, chouminou, mongroslapinrose… très peu pour vous. D’ailleurs les surnoms ce n’est pas votre truc. Votre cher(e) et tendre, vous l’appelez par son nom de baptême… ou vous ne l’appelez pas; quand on est que deux, « hep » ou « au fait » attire toujours l’attention de la bonne personne. Mais voilà, ce bébé joufflu, dodu, souriant et baveux… ça vous inspire des petits mots doux, de la poésie, du Ronsard dans le texte. Vous commencez par « oh mon joli Thomas », puis vous proposez « Tom », déviez vers « Tommy », faîtes un crochet par « Tominouche », pour finir par « Nouchnouch ». Nouchnouch a 15 ans, il a une copine (un copain), fait l’important devant la porte du frigo, propose « Yop fraise ou Yop Citron », vous lancez « Nouchnouch ne propose pas à ton ami du Yop, Mimine (ta soeur) l’a fini avant hier ». Nouchnouch vous fait la gueule, Mimine vous fait la gueule, vous vous en voulez, vous aviez promis… C’est pas grave, moi j’ai lu un jour: « Quand on aime un enfant, on lui donne mille noms ».
– « Jamais je n’applaudirai quand mon enfant rotera ». Mais en vrai si, vous le faîtes, parce que le monde extérieur trouve peut-être ça crade mais vous vous savez ce que ça signifie: et hop une tenue qu’il portera plus de deux heures d’affilée sans vomir dessus… youpi!
– « Jamais je ne prendrai mon enfant à témoin des défauts de son père/sa mère ». Ca c’est marrant. Un peu. Genre: « Mais Papa il a pas été très gentil, il a pas étendu la machine alors que Maman lui avait répété 18 fois en deux heures ». Réponse du père, s’adressant à l’enfant: « Mais maman elle casse les couilles, les pieds pardon mon chéri, de Papa, qui vient de faire 4 heures de repassage, culottes comprises, pendant que Madame prenait son bain ». Réponse de l’enfant: « C’est qui Madame? » Prendre l’enfant à témoin a ses limites. Surtout lorsqu’il se rend compte du jeu et avance son propre pion en tentant de retourner la partie à son avantage pour se resservir de la glace pendant que ses parents s’affrontent.
– « Jamais je ne laisserai mon chien lécher le visage de mon enfant ». Au début on dit « non, au panier ». Ensuite on passe à « non, couche-toi là ». Puis « sur les pieds seulement ». Et puis, après deux ans, le chien débarbouille l’enfant, l’enfant mord le chien, ils dorment côte à côte dans le lit et on renonce en maugréant devant la réjouissante perspective d’une couette à dépoiler minutieusement.
– « Jamais je ne le laisserai regarder la télé avant d’aller à l’école ». Mais Dora, c’est bien Dora. Elle a un sac à dos. Elle l’initie aux langues, aux voyages, aux animaux. A m’attendre pendant que je me douche, déjeune, dors cinq petites minutes de plus. D’ailleurs, depuis il connait bien les plantes d’Amérique Latine. Et les prix du Téléachat.
– « Jamais je ne pleurerai devant mon enfant ». Jamais. Il aurait peur. Il croirait que son parent est faillible. Il m’aimerait moins. Ca le ferait pleurer. Il saurait que parfois on pleure. Même quand on est adulte. Il saurait que pleurer ça fait partie de la vie. Il saurait que c’est aussi une force, de savoir pleurer. Il comprendrait que je suis fort, comme parent. Et que s’il m’arrive parfois de pleurer devant lui c’est aussi parce que je l’aime. Terriblement.
-Lexie Swing-