Jour 8: L’eau est toujours jaune, je me demande si je n’ai pas la berlue. Aujourd’hui, j’ai refusé de sortir. J’ai longtemps hésité sur le palier de l’appartement. Je le fais toujours, histoire de me poser la vraie bonne question: « es-tu sûr que tu as suffisamment envie de faire pipi pour affronter le DEHORS? » Parfois, la réponse est non, alors je re-rentre. Et elle crie. Souvent, c’est oui, parce que j’ai dormi dix heures et que j’ai bu tout mon bol d’eau (jaune). Alors, je descends trois marches, et je me repose la question. La deuxième fois est souvent la bonne : je me précipite sur ses talons. Entre-temps, elle a atteint la porte. Je dévale l’escalier. Elle me houspille et me parle des voisins. Je fais celui qui n’entend pas et je marche sur les chaussures qu’ils laissent toujours traîner sur leur palier. J’y abandonne quelques poils, pour me venger. Et je trépigne en attendant qu’elle ouvre la porte. Ce matin, elle a ouvert, et la voisine était là. Alors je suis remonté. Elle a dit « oh pardon », et elle m’a suivi en courant. Elle a tiré sur la laisse et je me suis posée la question: « Avais-je vraiment envie de faire pipi? » Je me suis dit oui quand même, et j’ai descendu trois marches…
Jour 10: Je sens mauvais, mauvais, mauvais. Je sens la pièce du fond, celle dans laquelle ils passent une heure chaque matin à se peigner les poils en laissant couler l’eau. Elle m’a emmené dans un endroit qui sentait comme cette pièce du fond. Même si ça sentait aussi bon le chien. Il y en avait cinq, des chiens. Ils reniflaient, roupillaient, s’amusaient entre les bidons vides. J’aurais dû me méfier lorsque j’ai vu les poils par terre. Des poils coupés. Pas juste négligemment tombés comme les miens s’éparpillent lorsque je m’ébroue au milieu de la cuisine au moment du dîner. Non: coupés. J’ai voulu faire demi-tour, mais un chien est venu me parler. C’était un gentil chien. Il m’a parlé de cette bonne odeur qu’il avait senti avant de passer la porte, à droite, au niveau du caniveau. J’ai fermé à demi les yeux le temps d’imaginer et avant d’avoir pu faire un geste, quatre bras m’ont saisi pour me plonger dans une baignoire. Ils m’ont frotté, aspergé d’un produit à l’odeur horrible, genre savon, et puis ils m’ont brossé, brossé, brossé encore. Le mâle a dit « mais ça s’arrête jamais tous ces poils' », et je n’ai pas compris. Comment aurais-je pu ne plus en avoir? J’aurais été tout nu! Je ne veux pas être tout nu. En attendant je sens la pièce du fond et je ne me reconnais plus.
Jour 13: On est retourné au parc. La voisine nous a suivi. Elle tenait sa maîtresse en laisse. J’aurais été content de la voir, c’est une voisine sympa Cléo. Mais je ne peux pas saquer sa maîtresse. Elle sent le vieux. Elle est restée à me regarder de longues minutes, malgré la laisse que je tendais au maximum, mon corps arc-bouté et mes yeux que je roulais dans leurs orbites. Mes maîtres ont essayé de la faire partir, en répondant à demi-mot et en regardant par dessus son épaule. Ils appellent ça feindre l’indifférence. Des idées d’humains. Ils auraient mieux fait de lui lancer des « psh psh » en agitant les bras comme ils le font quand un chien qui sourit un peu trop s’approche de moi. Elle a mis 10 minutes à décamper. J’ai eu mal au dos pendant deux jours après ça.
-Lexie Swing-
C’est excellent! Quand même, le pauvre, tout ce que tu lui fais subir… :)
A ma décharge, il sentait vraiment mauvais
Ah ah ah terrible. J’espère que ta voisine n’a pas l’adresse de ton blog ;-)
Non, mais si elle google Eleven elle a peut être une chance de me retrouver
Pauvre toutou! Il est très beau en tout cas :D