Cette odeur de papier

Lecture./ Photo  raider of gin

Lecture./ Photo raider of gin

Elle lit, les sourcils froncés, le nez sur sa tablette. Pas de bruit de page qui tourne, pas d’odeur. Je ne peux laisser vagabonder mon regard sur la quatrième de couverture ou découvrir l’objet de sa lecture. Elle lit sur tablette. J’ai parfois eu envie d’une tablette. Petite, design, mignonne. Une tablette de lecture, qui se glisserait dans mon sac à main, pour satisfaire mes envies pressantes, au boulot, dans le métro, avant même le dodo. Je m’y suis toujours refusée. Je trouve des arguments, je parle des yeux qui fatiguent, de la fragilité du support et des livres qui ne joncheraient plus le parquet à côté de mon lit. Je transporte sur mon épaule mon sac déformé par le livre trop grand, la peau endolorie par le poids des mots. Parce que j’ai peur que l’odeur de papier disparaisse.

Parce que, comme tous les auteurs en devenir, je rêve mes écrits sur des livres vivants. Je vois les annotations, les pages cornées, l’ouvrage abîmé d’avoir été trop lu. Je vois ses deux mains qui soupèsent mes paroles, l’encre qui s’estompe et les mots qui restent. Je vois ses doigts impatients jouer avec un marque-page trop grand, une vague liste de course ou un morceau de carton, imprimé pour l’occasion. Je vois mon livre dans sa bibliothèque, les coins raccornis par le temps, sa fille qui plie sauvagement la couverture dans sa main d’enfant. Je la vois revenir encore, quelques années plus tard, et découvrir l’histoire, avec ses yeux d’adolescente. L’odeur est imprégnée, il sent le livre usé. Certaines pages ont collé, le titre s’est effacé. Sur le papier, des dizaines de mains, et des mots par milliers. Et puis elle, dans 50 ans peut-être, qui l’ouvrira, sourira devant la dédicace, lissera la première page, redécouvrira des mots cent fois lus, avant de le ranger tout en haut de la bibliothèque, au rayon des souvenirs.

 

-Lexie Swing-

 

3 réflexions sur “Cette odeur de papier

  1. Je suis, comme toi, pour le papier… Les tablettes, touça touça, ne m’intéressent pas trop… Je n’aime pas cette dépendance à toute cette technologie, surtout pour les plus jeunes. Mes petits neveux et nièces commencent à s’y intéresser, je prie pour que leurs parents ne leur filent pas de tablettes hihi et avant quand on était encore à Maurice, j’offrais toujours de petits livres :p

  2. Une tablette ne peut devenir une amie. Un livre, qui vieillit au fil des lectures, sa couverture ridée et racornie comme la peau d’un grand sage, un livre le devient. Ma bibliothèque est remplie d’amis à qui j’aime rendre visite pour la millième fois, rassurée de les reconnaître, heureuse de les redécouvrir.

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