Perdre le temps

La série Window to the past./ Photo Kerényi Zoltán

La série Window to the past./ Photo Kerényi Zoltán

Je perds le temps. Voilà ce qui décrit ce drôle d’état dans lequel les éléments me plongent parfois. Certains font des crises de panique ou d’anxiété, d’autres sont phobiques, ont le vertige ou ne supportent pas d’être enfermés. Moi je « perds le temps ». Mes repères temporels s’effondrent et l’espace de quelques minutes, une heure parfois, je suis perdue entre deux temps. C’est arrivé la première fois quand un tronc d’arbre a tenu à rencontrer ma tête, à la faveur d’une chute de cheval. Pendant trente minutes j’ai pensé avoir 5 ans à nouveau et je ne comprenais pas bien ce que je faisais à côté de cette bestiole immense pourvue de 4 sabots. Commotion cérébrale. Rien que de très commun finalement. Mais par deux ou trois fois, ces 15 dernières années, une chanson, un visage, une ambiance, une odeur même et je perds mes repères. Ce n’est qu’une sensation, je la connais. Elle se rapproche des crises d’anxiété. Je me sens prise au piège dans l’endroit et dans le temps. Alors je cherche à partir. Comme je ne comprends pas les crises d’anxiété et que je suis du genre à dire à mes proches qui en font « mais bouge toi, il n’y a pas de ´Je ne peux pas ´ qui tienne, on peut toujours » (appelez moi Madame Empathie), je mets ces bons conseils en application et je poursuis ma route en pilote automatique. Mes jointures sont blanches parce que je serre trop fort la barre du métro, mes oreilles sont comme bouchées, hermétiques aux sons extérieurs, et mes yeux fixés sur le chemin que je dois prendre. Pourquoi? Aucune idée. J’ignore même s’il s’agit d’un vrai problème ou si, simplement, le passé lance parfois des hameçons qui nous tirent en arrière de manière imprévue. Il n’est pas toujours facile de distinguer celui qu’on est de celui qu’on a été. De ne se pas se sentir à l’étroit dans son corps d’adulte quand on est confronté à des étudiants, des étudiants comme on en était il n’y a pas si longtemps. Combien de claques le temps nous met-il? Combien de fois pince-t-on les lèvres en déclarant « ça fait 20 ans qu’on se connaît ». Ce temps insolent qui galope comme un cheval fou en nous jetant à la figure le sable de nos incertitudes.
Mon antidote : elle. Ses yeux de velours, son rire, mon présent bien ancré, un vrai coup de pied aux fesses de la réalité.

-Lexie Swing-

6 réflexions sur “Perdre le temps

  1. La crise d’angoisse, on ne la comprend pas tant qu’on ne la vit pas soi-même, et ça peut arriver à n’importe qui, même si certains y sont plus propices par nature. Idem pour beaucoup de choses d’ailleurs !

      • Hélas oui… Et je t’assure qu’avant ma première (je devais avoir alors 16 ans), j’avais un peu envie de baffer les gens qui en faisaient (pourtant, je suis pas violente lol), je croyais que c’était du « cinéma », alors je comprends tout à fait que les non-concernés n’y soient pas réceptifs :-)
        Heureusement, ça ne m’arrive pas souvent, c’est vraiment quand je suis submergée d’angoisse, que trop de choses me stressent en même temps. Et alors je n’arrive plus à réfléchir, je sens mon coeur qui s’accélère, idem ma respiration, ma gorge qui se serre, et j’arrive plus à respirer, à tel point que je m’évanouis parfois… Désormais, je les « sens venir », donc j’arrive à anticiper et éviter d’en arriver à ce stage un peu flippant pour les malchanceux qui se trouvent à mes côtés à ce moment-là ;-)

  2. C’est très déconcertant quand tu es face à quelqu’un qui fait une crise. J’ai vu une copine s’évanouir et convulser une fois! Ceci dit, quand j’ai comme des « failles temporelles » c’est pareil. Je vois que je suis ds le présent, j’en ai conscience mais il y a une partie de mon esprit qui ne réagit pas.

    • Oui, vraiment déconcertant…
      Ton histoire de faille temporelle me fait beaucoup réfléchir. Pour ma part, je suis très réceptive aux sons et aux odeurs. Et parfois, une musique, un bruit, un son de voix, un parfum, un goût… vont me ramener à quelques années en arrière, et presque m’y scotcher. Il pourrait se passer n’importe quoi pendant ce temps-là que je ne broncherais pas… !

      • Plus les odeurs que les sons pour moi. C’est fou le pouvoir que ça a. Les parfums me font immédiatement pensé aux proches qui les portaient, une odeur de repas longtemps cuisiné à mon grand père qui passait des heures aux fourneaux, etc…

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