Pourquoi des poupées noires ?

Concours photo Aquitaine (auteur?)

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Quand j’étais enfant, j’avais une poupée noire, ou plutôt métisse. Elle avait les cheveux aussi souples que les miens, mais beaucoup plus sombres, et la peau d’un beau caramel. Je parle d’elle au passé mais elle trône toujours chez mes parents, dans la chambre des enfants. Elle s’appelle Alexia, c’est son nom de poupée, celui estampillé sur le carton Corolle dont ma mère l’a extraite il y a vingt ans. Je l’aimais énormément. J’admirais sa peau veloutée, ses yeux noirs de jais. A 7 ans j’étais la mère parfaite de cette jolie poupée, et que l’on puisse être physiquement dissemblables ne m’a jamais effleuré.

C’est tout naturellement que, le moment venu, j’ai commandé pour ma fille un poupon noir, et même un deuxième. Point de discrimination, le tout premier qu’elle a reçu avait la même peau laiteuse que sa mère d’adoption. Mais l’histoire se répète et avec elle l’envie d’ouvrir le coeur de mon enfant à une normalité qui ne serait pas seulement celle que sa petite vie lui confère.

Dans mon travail, j’ai eu la chance de rencontrer un professeur très averti en termes de diversité raciale, familiale, de genre, etc. Son combat à lui était d’enseigner à des enfants de toutes cultures que peu importe notre genre, on peut tout accomplir, et devenir footballeuse professionnelle ou couturier sans que le sexe soit un critère de sélection. Il enseignait ces possibilités à des enfants de six ans, et il s’avouait déconcerté, voire inquiet, de voir quelles idées étaient déjà ancrées dans l’esprit de ces tout-petits en termes de différences de genre. « Et là c’est une fille qui joue au foot », disait-il en montrant un dessin, et les petites filles de crier « oh non c’est pour les garçons », tandis que les petits gars ricanaient dans leur coin… Il m’a dit s’être alors demandé si c’était les cultures ou les familles qui véhiculaient ses idées, mais il s’est vite trouvé coincé dans cette théorie : les petits enfants issus de cultures traditionnelles n’étaient pas plus fermés que leurs camarades de familles plus modernes, et certains parents se montrant l’esprit toujours très ouverts se coltinaient parfois des progénitures… plutôt rétrogrades! Des intervenantes du Planning familial, qui travaillaient en partenariat avec lui, lui ont fourni le nom des coupables : les jeux, les livres, les dessins animés!

Qu’importe le mal que se donnaient certains parents pour ouvrir l’esprit de leurs petits, l’univers enfantin les conduisaient à adopter un comportement très genré. Dans de nombreux livres encore, m’expliqua-t-il, Maman fait le repassage tandis que Papa bricole. Les déguisements sont ceux de princesses et de chevaliers… et les Disney n’ont pas apporté grand chose d’autre que de la boue au moulin de l’égalité des sexes.

Il en va de même pour la diversité raciale ou familiale. Si certains dessins animés ont désormais pour héroïnes des petites filles noires ou latinos, le blanc reste encore la couleur maîtresse. Mais plus encore, elle représente la normalité. L’exercice réalisé par deux fois, à une vingtaine d’années de différence, auprès de petites filles noires, en est la preuve. On leur demandait de choisir entre une poupée noire (qui leur ressemblait donc, dans le principe) et une poupée blanche. Il y a vingt ans comme aujourd’hui, la plupart d’entre elles, la très grande majorité même, choisissaient la poupée blanche. Pire encore, elles allaient jusqu’à dire que cette poupée blanche était « plus belle » et « plus gentille ».

Parce que Mr Swing et moi refusons que la famille nucléaire façon modèle type papa, maman et deux enfants, tous blancs, soit la norme dans l’esprit de notre fille, nous l’abreuvons, quitte parfois à la perdre un peu. Nous lui lisons des histoires où l’on peut avoir deux papas, comme une seule maman; nous lui montrons des images où les filles sont pompiers, comme infirmières; et nous lui achetons des poupées noires… et blanches. Parce que je ne veux pas, je n’aimerais pas, que ma fille choisisse un jour une amie, un ami, un amoureux, ou une amoureuse, parce qu’il est noir, ou parce qu’elle est blanche, mais parce qu’il ou elle est… quelqu’un de bien.

On ne peut pas tout façonner, c’est certain, mais on peut au moins leur laisser toutes les cartes en main.

-Lexie Swing-

 

12 réflexions sur “Pourquoi des poupées noires ?

  1. Moi aussi j’avais une poupée noire. Je ne jouais pas à la poupée (mais au foot, aux billes et aux voitures), mais un jour, j’ai vu cette poupée noire dans le haut du placard des mes parents. Je n’ai jamais su pourquoi elle était là ! Mais je la voulais absolument ! Du coup, elle m’a été offerte pour un anniversaire. Et je l’adorais ! Mais ça n’était pas courant, ça suscitait des interrogations dans la famille ou de mes petites copines d’école. Mais c’est clair que mes parents avaient une ouverture d’esprit qu’il n’y avait pas partout et qu’il m’ont transmise. Il faut éveiller les enfants à toutes les diversités possibles, dans tous les domaines.

    • Je ne me rappelle pas des interrogations par rapport à ma poupée, mais celles de ma fille en suscitent parfois, on nous demande pourquoi nous n’avons pas choisi « de poupées qui lui ressemblent »….

  2. Tout comme toi, tout en essayant de ne pas trop en faire, j’essaye de faire passer le message à l’escargot. La lecture est un bon moyen de montrer aux enfants que peu importe la couleur de leur peau, la longueur de leur nez ou de leurs cheveux, peu importe leur sexe, ils sont les mêmes, des enfants tout simplement.
    Je me souviens que ma soeur et moi, nous avions une poupée noire et une poupée blanche. Ca ne m’a jamais posé de problème, mais peut-être que cela m’a donné une certaine ouverture d’esprit. Quand à mon escargot, il est heureux de retrouver sa poupée quand il part en vacances chez ses grands-parents, tout comme il se passionne pour les motos et les scooters. Le tout est je crois d’être à l’écoute de l’enfant, de ses interrogations. La société est douée pour mettre tout dans des cases, à nous aussi d’inverser la vapeur. Merci pour le partage de cette réflexion Lexie.

    • C’est compliqué aussi de faire les choses dans une juste mesure, de leur proposer sans leur imposer, de ne pas s’offusquer quand ils préfèrent quand même être des princesses ou des chevaliers… Mais je crois que si on se pose déjà la question, c’est une première étape non? :)

  3. Bon, nous le stéréotype « tout blanc » c’est raté chez nous, on est les Nations Unies :lol: J’avais un bébé typé asiatique quand j’étais petite :-) Peut-être que ça m’a influencé?

    Dans les livres pour enfants, j’essaie que Mark s’identifie à tous les protagonistes, qu’ils soient blonds, bruns, noires, blancs, asiatiques… ce sont avant tout « kids, just like you ». Mark ne semble pas troublé par le fait que j’appelle un petit blond « a kid like Mark who blah blah blah ».

  4. Merci Lexie pour ce joli texte ! Au carnaval de l’école de Michoco il y avait 2 petites filles habillées en Spiderman et j’ai vraiment adoré. Y’avait pleins de parents « choqués » qui commentaient à voix basse et moi je criais haut et fort que si Michoco voulait d’ici quelques années se déguiser en princesse, le jour du carnaval était justement fait pour faire ce qu’on veut…… tout comme la vraie vie !!! hihi !

    • J’adore l’idée du costume Spiderman, ça doit être cute! Quand on a fait visiter pour le relouer notre ancien appart, un papa a dit à son fils « ah ben ça c’est la chambre du petit garçon il y a un pirate… ah ben tiens c’est marrant maintenant que je regarde de plus près c’est une fille pirate », et c’est vrai lol, elle a un sticker fille pirate ;) et je pense que ça ferait un super costume pour le carnaval :)

  5. Comme pour le rôle des jeux vidéos dans la violence des jeunes, je nuancerais le rôle des dessins animés (on ne s’attaque pas à mes dessins animés chéris, haha x’D). Ce ne sont pas les dessins animés en eux-mêmes, mais les adaptations… Je suis tombée il y a peu sur une comparaison d’un personnage de One Piece il me semble (que je ne connais pas). l’un des personnages, sur la version japonaise, donc la vraie version, est plus noir que sur la version US d’où découle la française. Quant à l’égalité des sexes, j’ai toujours préféré à McDo des jouets Spiderman et Galactik Football aux Totaly Spies, Hello Kitty et compagnie. Mes parents m’ont dit qu’ils demandaient toujours pour moi un menu « garçon », et encore aujourd’hui quand je vois les pubs McDo ou Quick je préfère les jouets « garçons ». Pourtant je ne suis pas un garçon manqué, haha ^^’
    Mais je vois ce que tu veux dire… Il y a quelques années j’aidais ma mère à préparer sa classe. Elle avait fait une frise pour que les gosses puisse savoir combien ils mesuraient et au-dessus de la frise il y avait le dessin d’un garçon et celui d’une fille que je devais colorier. J’ai fait à la gamine la peau blanche et au gamin la peau marron, en songeant que ça serait mieux.

  6. Quand j’étais enfant, jadis ;) , mes parents m’avaient acheté poupon noir, poupon asiatique…Et ça, c’était, il y a 35 ans. Vive l’anticonformisme!!!

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