J’ai lu encore hier un article sur un aspect fondamental de l’avortement : c’est un droit, no matter what. Et comme d’ordinaire, ce sujet a déclenché des vagues de commentaires passionnés des pros contre les anti, l’auteure – qui avait d’ailleurs amorcé son texte en soulignant qu’elle était lassée des débats continuels à ce sujet – se retrouvant cernée au milieu d’une bataille qui n’aurait jamais de vainqueur, ni de vaincu, car c’est la bataille de la science et du droit contre celle de l’émotion.
L’avortement a toujours été un droit à mes yeux. Depuis aussi loin que je me rappelle, parce que j’ai été élevée comme ça, les femmes autour de moi, ma mère, mes tantes, leurs amies, leurs collègues, avaient le droit d’avorter, et c’était correct de même. Elles ne l’avaient pas toujours eu ce droit, mais lorsque je suis née en 1986, en France, elles l’avaient conquis depuis 11 ans de haute lutte. La lutte continuait d’ailleurs et n’a jamais cessé, tel un bastion perpétuellement en danger. Au Canada, il est permis sous conditions depuis 1969 et dépénalisé depuis 1988.
Lorsque j’étais lycéenne puis étudiante, je me disais que, si d’aventure je devais tomber enceinte, j’avorterais. Et puis notre couple a eu quelques années au compteur et mon choix m’est apparu moins tranché. Ma grande est née, nous allions partir pour le Canada, nous sommes partis, j’étais en poste depuis quelques mois à peine et parfois mon stérilet me faisait des frayeurs. La question me taraudait de nouveau : quel choix ferais-je? Quel choix ferions-nous?
Lorsqu’un signe + sur un bâtonnet prend les traits d’un enfant que l’on connaît, il devient plus difficile de renoncer à une grossesse, qu’importe les bonnes raisons que l’on a. Ce à quoi l’on s’accroche, ce n’est pas à un amas de cellules mais à un possible, à un futur potentiel. Et l’on veut sans cesse ramener le débat vers cette idée d’un coeur qui bat alors que c’est le possible futur d’une vie qui nous émeut.
On mélange souvent, je trouve, nos propres souhaits et les droits des autres. Parce que l’on ne se verrait pas avorter, on trouve des raisons pour lesquelles les autres ne devraient pas le faire. Des raisons pour les priver d’un droit. Selon les époques, j’ai vu l’avortement comme une option possible en cas de grossesse non-désirée ou comme une impossibilité parce que mon coeur était déjà bien trop impliqué dans l’affaire. Mais jamais, absolument jamais, je ne me suis demandée si les autres femmes avaient le droit de faire ce choix ou non.
Et il est rassurant de penser que, si je tombais enceinte un jour et que je ne souhaitais ou ne pouvais pas mener cette grossesse, je pourrais légalement et en toute sécurité y mettre un terme. C’est un droit qui devrait être inaliénable, eut égard aux considérations scientifiques, légales et sanitaires que l’on connaît.
Il existe des milliers de raisons pour lesquelles les femmes doivent avoir la possibilité légale d’avorter, et ce sont ces raisons qui ont conduit les pays modernes à adopter ce droit. Mais je suis lasse de voir des femmes se justifier d’utiliser ce droit, et lasse de voir le débat de l’émotion prendre le pas sur celui de la santé, du droit et de la science.
Ce n’est pas que l’argument «moi je n’en serais pas capable» n’est pas recevable, c’est simplement qu’il ne colle pas avec ce débat là. C’est une autre histoire, la vôtre, la mienne, et une autre discussion. Capable ou pas? Et pourquoi? On peut en discuter, échanger nos émotions et notre vécu. Mais de grâce, laissez le droit à l’avortement rester inaliénable, indestructible, une forteresse imprenable. Ne laissez pas vos désirs se prendre pour des droits universels. N’essayez pas d’altérer ce droit en lui trouvant des compromis et des conditions. Il a été conquis de haute lutte et reste encore à conquérir dans plus de pays que mes doigts et les vôtres ne pourraient en compter. Il est un droit de société, un droit de reconnaissance et de progression de la condition féminine, un droit à disposer de son corps. C’est un droit important pour nous les femmes, et pour la société toute entière.
-Lexie Swing-
Pour l’avortement en pratique, deux sites clairs : celui de la Fédération du Québec pour le Planning des naissances, au Québec donc, et celui du Planning familial, pour la France.
« Selon les époques, j’ai vu l’avortement comme une option possible en cas de grossesse non-désirée ou comme une impossibilité parce que mon coeur était déjà bien trop impliqué dans l’affaire. Mais jamais, absolument jamais, je ne me suis demandée si les autres femmes avaient le droit de faire ce choix ou non. »
C’est exactement mon ressenti, et je suis 100% d’accord avec toi. J’ai tellement de mal a discuter avec mes copines qui sont contre, ou qui jugent celles qui le font. C’est leur corps, leur decision, leur droit. Il y a tellement de raisons pour lesquelles les femmes avortent et tellement de maniere de le faire (en se sentant coupable ou non), mais aucune ne justifie le retour vers la penalisation (comme chez nos voisins au sud…)
Moi aussi, il y a qq sujets sur lesquels je manque d’ouverture d’esprit et je n’arrive pas à discuter avec celles qui sont contre ou à entendre leurs arguments
Ça fait suite à ton billet sur le féminisme. L’avortement est un choix personnel et ce choix est un droit. En fait, il est malheureux que nous soyons encore et encore obligé de le revendiquer, même si, normalement il est acquis et dépénalisé. Une lutte perpétuelle pour nos filles…
Je suis toujours étonnée du fait que ce sont les femmes elles-même qui se prononcent contre
En effet. Malheureusement, le genre ne nous protège pas de nos droits.
Tu sais que j’ai vécu 10 ans en Irlande où on laisse mourir une femme en train de faire une fausse fouche plutôt que de provoquer un « avortement » entre guillemets puisque de toute façon, la grossesse était entrain de se terminer toute seule…Ça devrait être un droit pour toutes, partout mais c’est loin d’être le cas. L’hypocrisie en Irlande est à son comble. L’état prend en charge les rdv avant l’avortement, l’accompagnement après, mais l’avortement lui même est interdit. Chez le médecin, tu trouvais des dépliants limite brochure de voyages pour des cliniques en Angleterre, avec tarifs étudiants et B&B. Mais à chaque fois, le droit à l’avortement est rejeté par référendum. C’est à désespèrer.
Oui c’est incompréhensible je trouve dans un pays comme l’Irlande… Et rageant. Je me souviens m’être dit que je serais obligée de rentrer en France, le cas échéant, et c’est étonnant comme pensée pour une Occidentale
C’est drôle hein, c’est l’un des débats (et ça ne devrait PAS être un débat) qui peut me mettre hors de moi. Par exemple, je suis contre la peine de mort, c’est pour moi un principe moral et philosophique, mais je peux très bien discuter calmement avec quelqu’un qui est pour et ses arguments ne me choquent généralement pas. J’ai choisi mon camp, c’est tout.
Mais je ne PEUX pas discuter avec ces &%$ soi-disant « pro-life ». Je comprends une personne qui choisit de ne pas avorter hein, je n’ai jamais été confrontée à ce choix personnel, mais forcément ça peut être dur. Mais les connards qui veulent prendre le contrôle du corps des femmes, avec des préceptes faux et arriérés et une fausse bien pensance… OMG.
Etre contre au niveau individuel, pourquoi pas. Mais l’avortement est un DROIT et il doit être fait dans les meilleures conditions possibles, sans culpabilisation, sans jugement.
Je suis comme toi, j’ai du mal à me contenir. Mais mon sujet phare en la matière c’est l’homosexualité et le mariage homosexuel, je suis complètement bouchée à ce sujet, je ne comprends même pas où il y a débat ou pourquoi les gens s’octroient le droit de décider ce qui est bon pour les autres. Vraiment. Je suis hermétique à toute discussion à ce sujet :)
Ah oui, l’homosexualité aussi! Mais finalement, j’ai de la chance, je ne suis jamais tombée sur des homophobes qui assumaient leur position (je suis sûre que ça fait grincer des dents à certaines personnes, mais elles ne le disent pas en public).
Je te rejoins complètement Lexie et je trouve que la façon dont tu dis les choses est juste parfaite. Car nous avons toutes des histoires différentes. C’est un droit qui n’admet pas de contradiction à mon avis. On choisit d’avorter ou pas, selon nos convictions personnelles. Le choix de autres ne nous regarde pas.
Moi aussi je trouve aberrant qu’en Irlande une femme ne puisse pas avorter, c’est comme si on la forçait à avoir un enfant qu’elle ne se sent pas prête à recevoir.
Pour moi, comme pour toi, il n’y a pas de débat.
Je suis étonnée qu’il en trouve encore tellement, de contradictions. Et venant de femmes!