Curiosité enfantine

imageElle est grosse la dame.

C’est une phrase type. Tout le monde y a eu droit un jour. Parfois c’est à nous que ça s’adresse. Parfois on est la mère ou le père de celui qui la prononce. L’adulte concerné a honte, le parent a honte. L’enfant s’en fiche lui, lui. Il ne porte pas de jugement, il observe. Mieux : il questionne.

Ce que l’on prend souvent pour une critique malencontreuse est plutôt le reflet d’une curiosité. Il y a le monde dans lequel évolue l’enfant. La couleur des gens qui l’entourent, leurs habitudes et la forme de leur silhouette. On voudrait l’habituer au plus grand nombre mais le milieu dans lequel il grandit et évolue ne le permet pas toujours.

Pire: malgré les efforts, l’enfant reste fixé sur certains concepts, véhiculés par les livres et les dessins animés, où la plupart des héros sont blancs et nettement genrés. « T’as vu la dame là-bas? », « C’est un homme chéri », « Non c’est une dame elle a les cheveux longs! », « Et alors ton père aussi a les cheveux longs », « Oui mais papa c’est pas pareil ».

Cette réflexion de Miss Swing me fait penser à l’habituel « Oui mais lui c’est différent » quand on fait remarquer à un vieux brigand pas très tolérant que son super chum depuis 30 ans est pourtant originaire du Moyen-Orient.

C’est pas pareil. Ça fait longtemps. Il est intégré. Il est différent. Écoute son accent…

La différence entre les enfants et les vieux brigands, c’est qu’une Miss Swing de bientôt 4 ans ne porte pas de jugement. Tout au plus cherche-t-elle à faire rentrer la réalité dans sa vision étriquée de la vie.

Mais la curiosité est là, vive, intacte. Un enfant de cet âge n’est pas dérangé par les différences. Ça le rend curieux. Il veut savoir pourquoi il est noir. Pas parce qu’il trouve ça mal d’être noir. Juste parce qu’il ne comprend pas. Peut-on être noir ? Est-ce courant? Dans mon monde tout le monde est blanc.

La peur naît de ce qu’on ne comprend pas. Mais le cheminement doit se faire le plus tôt possible. Quand on est encore capable de changer ses idées, quand la connaissance que l’on a de la vie est si petite qu’elle en devient élastique.

Ça ne me dérange pas que mes filles me fassent remarquer qu’une personne est noire. Qu’elle est blanche. Qu’elle porte un voile. Ou une étoile. Ou une croix. C’est correct. C’est bien même. Cela prouve qu’elles s’intéressent au monde qui nous entoure. Qu’elles s’interrogent. Qu’elles alignent leurs étoiles et mettent à jour leur bibliothèque des possibles. Je veux que leur curiosité d’enfant soit un chemin vers la tolérance, vers l’acceptation. Qu’à leur « pourquoi », leur ouverture enfantine leur réponde « pourquoi pas ». Qu’il soit question de couleur, d’amour et de religion. Parce qu’on est pas tous les mêmes. Parce qu’on a le droit d’être qui on veut. Du moment que l’on respecte les autres, leurs croyances, leurs langages, leurs hésitations. Du moment qu’on se souvient qu’à leur âge, nous n’étions rien de plus que des têtes bouclées, des esprits avides, des yeux curieux. Des enfants que leurs parents ont façonné, que leur cheminement a construit, que les rencontres ont fait évoluer. Des adultes qui ne doivent pas oublier que l’autre n’est rien de plus qu’un enfant qui joue, qu’un enfant qui a confiance, qu’un enfant qui laisse porter, qu’un enfant qui pense que le monde est un grand goûter, et que chaque individu mérite qu’on le qualifie d’ami*, jusqu’à preuve du contraire.

-Lexie Swing-

* Au Quebec, les autres enfants sont qualifiés d’amis. Pas amis au sens amical, plutôt au sens « enfants dans la même tranche d’âge que l’enfant à qui on parle » comme dans « veux tu bien cesser de te chicaner avec ton ami! »

3 réflexions sur “Curiosité enfantine

  1. Très bien dit! Ca peut mettre mal à l’aise en public, mais en général je prends le temps de répondre à ma Chouquette avec un sourire vers la personne concernée, en lui expliquant ce qu’il en est, et qu’il vaut mieux rester discret pour éviter de causer éventuellement de la peine à quelqu’un. Tout est dans la parole – si l’on étouffe le sujet, l’enfant croira mal faire, ou que ce qu’il a vu est mal…à nous de leur montrer toute la richesse du monde.

  2. Tu utilises de plus en plus des expressions québécoises dans tes billets-c’est sans doute cela l’intégration réussie

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