« J’aime pas ça » {repas et enfant}

A 4 ans, on aime un jour mais pas toujours. Surtout le riz et le brocolis, surtout si c’est vendredi et qu’on préférerait des pâtes avec des petites lettres pour faire des mots, hein, dis oui maman.

Tous les soirs, si seule elle choisissait, B. mangerait l’alphabet. Mais en parents contraignants, nous diversifions leur alimentation. Nous jouons la carte des légumes, du quinoa et fruits à tous les repas. On est pénibles, mais pas trop quand même. De la crème glacée deux repas de suite ne nous fait pas froid au gosier, et les bonbons, s’ils ne sont pas légion, ne sont pas pour autant bannis de la maison.

Mais nous avons des règles. On goûte, et on juge. On n’aime pas? On prend son yogourt, et on s’en va. Mais on goûte, c’est la règle. Et parce que B. a quatre ans, outrepasser la règle est devenu son objectif.

Ainsi certains soirs elle gémit, elle trépigne, elle se roulerait par terre de devoir goûter du maïs ou des tomates farcies. On insiste : « Une seule cuillère, pour goûter ». Et souvent ça marche. Elle goûte. Parfois même, elle en reprend un peu, pour voir si… Ça veut dire que la règle fonctionne et qu’elle a raison d’être. Aller au delà des appréhensions et découvrir le goût des choses.

Mais parfois, parce qu’elle a 4 ans et besoin d’asseoir sa volonté, la consigne se fait menaçante et la perspective du dessert ne suffit plus. L’engouement parental ne trouve pas écho et la crainte de quitter la table sans délai ne l’effraie pas du tout.

Ainsi, ce soir, elle a quitté la table. Elle a bu un verre d’eau, un verre de lait d’amande et elle a quitté la table. C’était la deuxième fois qu’elle tentait d’obtenir du sucré sans passer par le salé. Mais les consignes sont simples à la maison, elles sont souples aussi. Mais on n’y déroge pas.

Et si elles peuvent sembler un peu absconses, elles ont leur raison d’être. Elles trouvent leurs racines dans le souvenir d’une petite fille de 5 ans qui ne voulait pas manger. Une petite fille de 8 ans qui avait peur des œufs au plat. Une adolescente de 14 ans qui détestait le riz. Une adulte de 20 ans qui ne mangeait pas les aliments « qui se touchent dans l’assiette ».

Et même si tout le monde n’est pas cette petite fille là, et même si les enfants évoluent et font d’autres choix, moi je souris tranquillement quand mon amie me dit « bof il mange que des pâtes mais ça lui passera ». Parce que oui, c’est vrai peut être, peut être ça lui passera. Peut-être qu’il se découvrira un goût certain pour les épices, pour le fait maison, pour les légumes de saison. Peut-être qu’il aura un palais incroyable et deviendra critique culinaire. Et les journaux en feront leur anecdote, de ce gourmet-là qui ne mangeait que des pâtes, à 5 ans.

Mais sache que non, tout le monde ne change pas. Et que certains comportements sont vains, ancrés dans l’individu comme une routine bien huilée. Voir un nouveau plat, dire je n’aime pas au simple regard, réclamer des crêpes surgelées.

Tu me dis « tu es beaucoup trop dure, moi je le laisse manger ce qu’il veut, ça finira bien par lui passer ». Et je te crois. Mais sache que non, parfois, ça ne passe pas. Et l’on passe sa vie à déconstruire ce manque d’apprentissage, ce goût qu’on a pas forgé, cette appréhension de la nourriture qu’on a créé. On devient un poids pour sa famille, un vrai boulet de la vie en société. On rencontre l’homme de sa vie, on fait la moue au premier grain de riz, et on croise son regard incrédule. On a 20 ans, on fait la liste des choses que l’on n’aime pas, et on n’a pas assez d’une feuille A4 pour en venir à bout.

Ça m’a pris 25 ans pour aimer manger, ma belle amie. Alors sache que je ne passerai pas les 26 prochaines années à lui faire cuire des crêpes surgelées.

-Lexie Swing-

19 réflexions sur “« J’aime pas ça » {repas et enfant}

  1. Heureusement que tes parents ont accepté pendant des années de te faire des crêpes surgelés et pas de n’importe quelle marque comme tu le souhaitais. Cela ne t’a pas empêché de devenir gastronome aujourd’hui. Alors , je suis tenté de te qualifier de bourreau d’enfant comme l’aurait dit l’auvergnat Fernand Raynaud. Je te trouve bien dure avec ta progéniture. N’oublie pas comment tu étais …à son âge.

    • C’est là où tu te trompes. Je suis persuadée que lui faire découvrir maintenant toutes sortes de nourriture, et lui imposer de goûter à tout sans lui faire systématiquement un plat qu’elle préfère, la conduira à diversifier la nourriture. C’est une tentative de contrôle, à 4 ans, que de refuser les plats proposés. Par contre en rentrant dans son jeu je l’empêcherais de développer correctement son goût.

    • Wow, c’est violent comme commentaire… :-/

      On essaie tous de tirer des leçons de notre propre expérience et de s’appuyer dessus ou de faire les choses différemment. Des fois on se trompe, des fois on rectifie le tir, des fois on est inspiré. Les enfants sont tous différents et je suis incapable de juger les principes d’autres parents. Tout ce que je sais, c’est que les filles n’ont pas l’air malheureuses et que Lexie les connaît bien, rapport au fait que c’est la maman.

      Chez nous, j’ai du mal à mettre en oeuvre les principes alimentaires en lesquels je crois, surtout parce que je ne me sens pas du tout soutenue par la société, et l’école (où on DOIT apporter des en cas et où les enfants n’ont pas le temps de manger). Je fais ce que je peux, heureusement notre côté multiculturel lui permet de découvrir pleins de saveurs que pas mal de gens ne connaissent pas :-)

      Ça me prends aux tripes quand en tant que parent, on reçoit un jugement arbitraire. There is so much more to the story…!

  2. J’agis de la même manière que toi Lexie. On goûte. Et à ce jour je dois dire que mon fils aime beaucoup de choses, même des légumes. Bien sûr un enfant ça s’oppose, c’est dans l’ordre des choses. Le dessert avant le repas c’est non. Mais si tu ne manges que le poisson et que tu quittes la table, ok. Je souhaite que le repas reste un moment convivial mais certaines règles doivent être respectées. Je pense que c’est un atout pour nos enfants pour plus tard.

    • Oui même une cuillère et le yogourt après c’est correct chez nous. Comme toi je veux que ça reste un moment agréable, pas un enjeu. Mais je vois bien que c’est une phase, chez elle. Quabd elle doit manger après nous parce qu’elle s’est mal comportée, elle mange tout, sans problème. Personne en face à qui répondre ou sur qui crier, elle est complètement concentrée sur son assiette :)

  3. Chacun a des enfants differents… et je te trouve severe, dans ta generalisation. A deux ans, mon aine, a la suite d’un demenagement difficile s’est arrete de manger. De tout manger. Depuis, jour apres jour, on reintroduit patiemment ce qu’on peut. C’est dur. Il fait des efforts enormes. Il y a un mode d’emploi aussi. Il ne faut pas le regarder manger une nourriture nouvelle. Il ne faut pas lui demander s’il a aime. Il faut avoir cuisine l’aliment avec lui.
    Il y a deux semaines, il a goute une pomme avec sa maitresse a l’ecole. Chaque fois que j’y pense je souris :-)
    Bref, je te sais toujours bienveillante dans ton blog, et je sais que tu ne veux pas blesser. Mais vraiment, il y a des enfants pour qui c’est plus dur, pour qui ca prendra beaucoup plus de temps… et qui ne sont pas seulement des enfants capricieux…
    Une belle journee :-)

    • Tu as raison, chaque enfant est différent, et à la manière dont tu dis les choses je vois bien que tu as le goût de lui faire aimer de tout et que tu essayes et que tu t’accroches et que c’est important pour toi. Dans ce « ça finira par passer », je souligne juste le fait qu’on croit parfois que ce n’est pas grave, de faire toujours un second plat, de faire toujours des pâtes ou des pommes de terre en plus, que ce sont des enfants et qu’ils ont « bien le temps », parce que non ce n’est pas forcément quelque chose, contrairement à la période du non, ou à la phase d’opposition, qui finit par passer, c’est quelque chose qui te poursuit toute une vie… (Et ce n’est pas drôle). Chez moi aussi le fait de cuisiner ensemble fait des miracles. Elles finissent bien souvent par manger tous les ingrédients crus d’ailleurs :)

      • Oh oui!!! Maintenant il me mangerait mon saladier de pate a gateau ;-)

  4. C’est tellement compliqué avec les enfants…Pas juste par caprice, par provocation, ou par test.
    Je pense qu’il y a des phases, des caps à passer, et pour certains, ça prend du temps.
    A 2 ans et 2 mois, l’alimentation est un sujet complexe pour Lilas.
    Elle a mangé normalement pendant plusieurs mois, pas forcément gourmande, mais elle mangeait diversifié.
    D’abord les purées et compotes maison, puis les pots bio quand elle a commencé à bouder le reste, puis…Plus grand chose!
    Comme tu le dis pour tes filles, j’essaie de lui faire goûter, au moins une cuillère, au moins un morceau. Mais rien. Elle refuse catégoriquement les morceaux de légumes et féculents. Elle accepte un peu poisson, viande, ou cake aux olives et jambon (va comprendre!). Son alimentation principale : le lait de riz (resté après l’éviction des PLV pour son intolérance).
    Alors du coup, je suis passée par toutes les phases, l’inquiétude, qui reste majeure, l’énervement, le jeu, les astuces, la patience (ça, parfois j’ai du mal), les pleurs (les miens!), et là, je commence enfin à lâcher prise, en me disant que ça passera…
    Néanmoins, je comprends tout à fait ce que tu veux dire, parce que j’ai un peu les mêmes « principes » que toi à la base. Une alimentation saine , variée, mais avec des trucs « plaisir » (gâteaux maison, un truc à grignoter quand on sort en famille…)
    Et ce que je comprends surtout dans son article, c’est toute la bienveillance que tu y fais passer.

    • Petit à petit c’est certain que vous lui ferez découvrir de nouvelles choses! En cuisinant avec elle, en lui faisant découvrir d’où viennent les aliments … Mais j’avoue que c’est difficile, un enfant qui rechigne pour manger, à rien ne semble plaire. Pour ma part j’ai vraiment vu une différence à partir du moment où j’ai moi même commencé à cuisiner alors en cuisine mini Lilas :)))

    • Oui, c’est vrai que je ne pense pas toujours à la faire cuisiner avec moi (à part des sablés à l’orange pour Noël qui ne l’avaient pas tentée, et un fondant au chocolat chez Papy et Mamie cette semaine)
      Pourtant, je sais à quel point les enfants aiment cuisiner, le peu de fois où je l’ai fait quand je bossais en crèche, c’était succès assuré!
      Mais là tu m’inspires, je vais profiter de cette semaine chez mes parents pour préparer des petites choses avec elle :-)

  5. Pour souffrir de phobie alimentaire (légère, mais je ne consomme pas de produit « moellu », comprendre mou, moelleux, spongieux, gélatineux), je ne remercierais jamais assez mes parents d’avoir sur passer outre un rapport intransigeant avec la nourriture pour accepter ma particularité.
    Après, je pense aussi qu’il est important de toujours proposer de goûter, mais sans risquer non plus un bras de fer pour une cuillère 😊

      • À priori, depuis toute petite, je n’acceptais ces substances que au bibron …
        Pour en avoir discut avec une orthophoniste, il semblerait que ce soit un trouble fréquent chez les prématurés et petits enfants hospitalisés avec sonde …
        Maintenant, ça va « mieux », je peux me contrôler en société ;-)

      • Je trouve ça tellement difficile quand tu as un rapport difficile à la nourriture en société. Même encore maintenant alors que je mange beaucoup plus, j’ai des sueurs froides à chaque repas entre collègues ou avec un grand groupe d’amis parce que je ne suis jamais sûre de trouver de quoi manger (encore plus maintenant que je ne mange plus de viande…)

      • Ça traumatise quelques personnes autour de moi (surtout la mousse aux chocolats, les gens font une fixation dessus), mais dans l’ensemble sauter un repas ou donner mon dessert (principale source d’aliments moellus, là tout le monde m’aime) ne m’a jamais fait peur 😊

  6. Bon ben du coup je passe pour une conne :-) Effectivement, le commentaire passe mieux d’un grand-père que d’un inconnu!

    (rhô, sont pénibles nos parents à nous lire sur la toile! :lol:)

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