Le coup de pouce à la canadienne

Hier, comme certains d’entre vous le savent grâce à Facebook, j’ai eu droit à une beau coup de main. Perdue sur le stationnement de la gare, sans autobus pour me ramener, j’ai bénéficié de l’aide d’une conductrice sur le départ pour me ramener chez moi avant que je sois en retard pour la garderie. Une simple phrase et elle m’a ouvert sa portière.

Ce que vous ignorez, en revanche, c’est que le jour même où je racontais ce beau geste, un autre s’est produit. Dans l’autobus qui me ramenait en ville – cette fois-ci j’avais eu la présence d’esprit de monter à bord à temps – je me suis rapidement retrouvée seule passagère. Alors que je m’enquérais du parcours suivi par l’autobus et de l’arrêt où je devais descendre pour aller récupérer ma voiture, le conducteur a pris à droite au stop. « Je vous emmène, m’a-t-il proposé. Je reprendrai mon itinéraire juste après. » Et c’est ainsi qu’il m’a déposé devant le capot de ma voiture, à deux blocs de là.

Bien sûr qu’il existe des tas de gens bienveillants et qu’il suffit de sourire un peu, un peu plus large, et un peu plus franchement, pour réveiller cette gentillesse et donner le tour de clé nécessaire. N’empêche qu’il n’y a qu’ici, au Canada, que je l’ai sentie si proche, si palpable. Pour toutes les fois où on m’a rapporté un toutou tombé de la poussette; pour toutes les fois où on m’a porté ma poussette pour monter dans l’autobus; pour toutes les portes qu’on m’a tenues; pour les coins de parapluies qu’on m’a prêtés au passage piéton, en attendant que le feu passe au vert; pour les places assises qu’on m’a laissées; pour la voiture que j’avais coincée dans un banc de neige et que mes voisins – alors tout nouveaux pour moi – ont aidé à dégager; pour la mère de famille qui s’est arrêtée, alors que je marchais sous la pluie battante, pour me demander si j’avais besoin d’un lift jusque chez moi; pour les tomates qu’on a accrochées à la porte de ma maison à cause d’un potager qui débordait; et pour tous les jouets que ma voisine dépose sur notre palier au fur et à mesure que son sous-sol se vide.

Il n’y a qu’ici que je me sens à ce point entourée, à ce point paisible. Parce que j’ai le sentiment que, si je tombe, il y aura des gens pour me relever. Et que si mon char m’abandonne, en rase campagne, il y aura des gens pour me ramener. C’est important, la bienveillance. Parce qu’on vit rassuré, on vit paisible, et on a le goût de donner à son tour, de porter quelques sacs et de tendre son parapluie. Ça rassure et ça porte, les jours de disette, quand les pleurs résonnent dans la maison et que l’on s’accroche au robinet pour ne pas partir avec l’eau qui se rembobine dans le siphon de l’évier. On pense à ce lift, les cheveux au vent, dans une décapotable. On pense au regard ahuri des passants, de nous voir descendre comme une Reine de Saba de notre bus momentanément privatisé. On pense aux sourires surtout, aux regards croisés et à l’interrogation qui s’y lit. Je peux faire quelque chose pour vous aider? On ne dit pas toujours oui mais c’est suffisant, d’avoir proposé, d’avoir demandé, d’avoir montré que non, nous ne sommes jamais tout à fait seuls, sur Terre.

-Lexie Swing-

9 réflexions sur “Le coup de pouce à la canadienne

  1. Par défaut, je fais confiance à la nature humaine. J’ai pas dit que j’étais stupide, hein, je sais aussi ne pas me mettre dans le pétrin… Mais franchement, je rencontre plus de gens bienveillants que de malades, au Canada ou ailleurs.

  2. Une collègue a dérapé sur les gravillons dans un virage lundi matin, faisant un tonneau avec sa voiture. Un gars s’est arrêté juste pour lui dire « bien fait pour toi, t’avais qu’à rouler moins vite » et il est reparti.
    Heureusement elle n’était pas blessée, sa voiture est juste fichue. Mais quelle malveillance, justement…

  3. Pareil je trouve que les gens ici sont bien plus bienveillants qu’en France. d’ailleurs j’ai pris l’habitude de dire bonjour avec un grand sourire au gens que je croise en balade, une habitude que je perds vite chaque fois que je rentre en France, les gens me regarde comme si j’avais perdu la tete…

  4. J’aimerais tellement la trouver cette bienveillance en France…
    J’ai pourtant l’impression d’être dans une société de plus en plus individualiste.
    Certaines choses m’énervent au plus haut point, quand on te regarde ouvrir la porte de la Poste et galérer avec ta poussette sans venir t’aider, ou quand tu lis sur les lèvres d’une nana au volant ses insultes, tout ça parce qu’elle a dû s’arrêter au passage pour piéton pour te laisser passer.
    Moi qui ai le sourire facile, le mot gentil pour n’importe qui, le geste qui peut aider parfois, j’ai du mal à comprendre cet égoïsme qui se banalise.

    • Je me retrouve dans cette description et c’est vrai que je suis mal à l’aise quand les gens sont volontiers égoïstes, voire impolis ou insultants. Je me demande toujours ce qui les conduit à se comporter ainsi. Une mauvaise journée ça arrive, c’est certain, mais il y a des gens qui semblent en permanence sur le point d’exploser, qui vont ouvrir la fenêtre de leur voiture et hurler des insultes comme si c’était un comportement accepté et normal, comme s’ils ne pouvaient pas faire autrement…

  5. J’adore lire ce genre d’histoire ! Ton texte est plein de sourires. Le monde est beau, je trouve. Je crois aussi qu’à partir du moment où on laisse notre propre gentillesse s’épanouir, le monde entier nous répond.

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