Quand j’étais enfant, mes grands-parents appelaient chaque mardi, le soir venu. «Que fais-tu cette semaine?» et « C’est tout ce que tu me racontes?» étaient probablement des questions rituelles. Avec les années, mon envie de leur confier mon quotidien a connu quelques avaries, mais la constance de leur appel, elle, a demeuré.
C’est avec la quasi même constance que nous appelons les grands-parents de nos filles, chaque semaine. Il y a quelques oublis et des semaines aussi plus prolifiques, mais la répétition est là, généralement la fin de semaine, décalage horaire oblige. La différence est que Miss Swing n’a jamais su porter un téléphone à son oreille. Dans le monde de ma grande, le téléphone a un visage et on le regarde avec ses yeux.
Nos relations sont des «FaceTime ones». Comme beaucoup d’expatriés ou d’immigrés, mais aussi finalement comme des millions de parents dans le monde. Parce que Clermont-Ferrand est à 4 heures de Paris, et que ça prend autant de temps de faire Montréal-Vancouver que de traverser l’Atlantique. Nous sommes tous des parents au bout du monde, au bout d’un monde. Combien d’entre nous ont encore la chance d’avoir leurs parents, les grands-parents de ses enfants, à distance de marche?
Alors à défaut d’être à distance de marche, ils sont à portée de voix. Il n’y a rien comme un tout-petit du XXIe siècle pour déverrouiller un téléphone ou une tablette et reconnaître le nom de ses grands-parents dans la liste des derniers appels vidéos. Plus ils grandissent, plus les choses racontées s’étoffent et plus les appels durent.
On les trimballe dans la maison, et les visages virevoltent au gré des idées de l’enfant qui les transporte. Il devrait y avoir un nom pour cette nausée qui gagne la personne ainsi bringuebalée. Ils ne voient souvent de leur petit-enfant que le haut des yeux, le front et la pointe des cheveux. Beaucoup de plafond aussi. Ils sont retournés à demi, vers le jeu qu’on voulait leur montrer ou le dernier dessin créé. Et ils essayent de deviner. Ponctuent de « oh c’est joli » et de « ah oui vraiment » les réflexions de leurs petits-enfants, qui comme tous les enfants ont le verbiage aléatoire et les histoires un peu trop longues.
Parfois, ils sont juste posés là, en travers de la table du petit déjeuner, appuyés sur le pot de confiture, entre deux tartines beurrées. Ils partagent un peu de notre quotidien, tentant de comprendre entre les bouchées et les postillons. Sans parler de cette fichue tablette qui s’affale sans cesse, le pot de confiture glissant imperceptiblement sous le poids de l’écran. Personne ne connaît aussi bien le plafonnier de la cuisine que les grands-parents.
Reste alors le perpétuel questionnement. Tempête reconnaît-elle ces grands-parents nés de l’autre côté de la grande flaque? Qu’y a-t-il de similaire entre ces faces un peu pixellisées et les visages de chair et d’os qu’elle malaxe entre ses petites mains potelées, lors des retrouvailles.
La voix.
J’ai mis longtemps à deviner à quoi mes filles reconnaissaient leurs grands-parents, et j’ai fini par comprendre. Leur voix est unique. A peu près inchangée entre l’appareil et la réalité. La voix de mon père a créé le souvenir nécessaire à B., lorsqu’à 18 mois elle s’est retrouvée face à lui, qui l’attendait sur le perron de notre maison. La voix de ma mère est imprimée dans la mémoire de Tempête, qui galope à travers la maison lorsque je l’appelle en catimini depuis ma chambre. Celle de ma belle-sœur, leur tante, est inimitable. Tout comme les rires de leurs cousins, «venus dîner chez Mamie».
Au Québec, on dit souvent que ça prend un village pour élever un enfant. Désormais, ça prendra un peu plus que ça. Quelques états, un océan, des milliers de kilomètres, des trajets en avion, et des grands-parents à portée de voix. FaceTime en plus.
-Lexie Swing-
Crédit photo : Lexie Swing
On connais très bien ça ici aussi! 😉 Pas de grosse flaque entre la Suisse et la France mais une famille qui vit à 600km! Vive face Time! 😉
C’est ça! Après plusieurs centaines de kilomètres, ça devient forcément une relation à distance …
Vraiment, ça me parle tout ça…
On vit à 300 km de mes parents (à 600 km quand on était dans le Sud). Et FaceTime, c’est ce qui permet à Lilas de garder un lien fort avec ses grands-parents.
Ils sont avec nous pendant une activité, ils visitent l’appartement quand on se parle pendant deux heures et que le téléphone est bourlingué partout, ils sont là dans le quotidien qu’ils aiment tant vivre avec nous quand ils viennent à la maison…
Lilas est ravie de voir Papy, Mamie, et Tonton « à la caméra », le temps passe trop vite alors de cette manière on en profite quand même !
Oui quelques kilomètres de trop suffisent pour qu’il soit impossible de se voir de manière régulière. FaceTime change la vie !
J’aime toujours autant ta manière d’écrire !
Très agréable,
Lola
Merci beaucoup !
Nous sommes à environ 900km de ma famille, et celle de mon mari n’en parlons pas, il y a un contient entre nous. Chez nous c’est plutôt Skype, mais quelque soit le logiciel, la relation reste la même. On appelle la famille de mon mari tous les dimanches, et la mienne au gré des envies et du temps qu’il fait. super article.
On a effectivement les deux aussi mais je ne retrouve JAMAIS mon mot de passe lol ;)
Tu es au Québec et ta famille en France, du coup?
Oui exactement ! On est arrivés au Québec il y a 4 ans :)
Oh super! Si ça ne t’embête pas j’aimerai bien t’envoyer un email pour te parler d’un projet qui pourait t’intéresser?
Bien sûr avec plaisir ! C’est lexie.swing(at)gmail.com
super, merci :)
Bonjour :)
J’ai découvert ton blog il y a quelques jours et j’ai lu une bonne partie de tes billets, je l’aime beaucoup.
Ce post me parle beaucoup parce que ma belle-sœur vit en Argentine avec son mari et notre neveu, elle attend un autre petit garçon duquel elle accouchera en septembre.
On s’appelle assez régulièrement via Skype mais (je ne sais pas si je suis la seule à avoir cette sensation) j’ai l’impression que nos échanges ne sont jamais très « naturels ». Ça nous bloque un peu ! Et c’est vrai que c’est difficile de capter l’attention du petit, du coup on en ressort parfois un peu frustré.. Mais on est quand même contents que Skype existe ^^ pour se voir. C’est parfois compliqué pour les proches restés en France de trouver notre « place » dans un quotidien virtuel. Par exemple le fait de ne pas pouvoir être là pour la naissance de notre futur neveu nous serre un peu le cœur. Mais on l’accepte car c’est un choix de vie, et le fait de savoir notre famille heureuse comme ça reste le principal.
Voilà, au passage cela m’a fait sourire car j’habite à Clermont-Ferrand.
Bonne journée
Merci pour le commentaire inverse ! Je trouve ça très chouette que tu me donnes ton point de vue de l’autre côté. J’ai toujours été persuadée que c’était plus facile pour ceux qui partaient, en dépit parfois des difficultés d’adaptation, car ils se recréent entièrement un quotidien et des habitudes. Lorsque tu es celui qui reste, tu dois continuer, avec un manque en plus. Je t’avoue qu’assez régulièrement, j’alterne séances FaceTime et téléphone afin de pouvoir parler « vraiment » à mes proches. Par FaceTime c’est impossible, la conversation tourne court à cause des enfants. Au bout d’un moment cependant des habitudes se créent, les enfants grandissent et ils peuvent te raconter des choses. Aussi, ils peuvent te les montrer, ce qui change un peu d’une conversation téléphonique. Vis tu depuis longtemps à Clermont ? Qu’y fais tu? Je suis de la bas aussi :)
Je t’en prie, cet échange est très intéressant je trouve.
Je t’avoue que je n’ai pas réfléchi à la question (savoir pour qui c’est le plus facile/difficile), et ce que tu dis est juste. Il y a ce manque, et puis aussi parfois le doute et les questions, quand les messages/appels restent sans réponse pendant quelques jours. Tu n’as rien de rationnel auquel te raccrocher du style « de toute façon on se verra dimanche », « si ça n’allait pas ils me le diraient, je ne suis pas loin ».
Nous on utilise aussi pas mal WhatsApp pour s’envoyer des petits mots et des photos, sans pour autant rentrer dans les grands discours.
Pour en revenir aux enfants (et a mon neveu du coup), le « soucis » c’est qu’il parle beaucoup mieux espagnol que français et moi je ne comprends pas beaucoup l’espagnol. Il sait parler français mais ne fais pas « l’effort » de le parler (ce que je peux aussi comprendre puisque ce n’est pas son quotidien). Je sais que lui aussi est frustré par la barrière de l’écran, de la langue, et du coup ça se solde parfois par les cris ^^’. Alala pas facile facile !
Pour répondre à tes questions je suis née à Clermont à la polyclinique près de Jaude ;).
J’ai été diplômée de mon Master 2 en urbanisme l’an dernier et depuis j’enchaine les CDD dans ce domaine et dans les environs.
Est ce que ton boulot te plait ? J’ai fait le lycée et ma licence à Clermont avant de partir pour le sud ouest :)
C’est un de mes regrets, je n’ai pas beaucoup de contact avec mes neveux et nieces, malgre toutes les nouvelle technologies. Mais si les parents comme le reste de la famille fait un effort c’est tout a fait possible.
Mais bon, je suis contente de pouvoir utiliser Skype pour parler a mon frère et render son sejour en reheducation moins long ;)
Elle sont mimis tes filles
Oui il faut aussi que les parents établissent le lien. Tu appelles souvent ton petit frère ? Il en a pour combien de temps ?
Je l’appelle normalement 2 fois par semaine. La mon pere est en vacances donc il a moins de visites du coup je l’appelle pratiquement tous les jours :)
Désolée pour la réponse tardive… Pour être honnête je ne sais pas si mon travail me plait. Depuis des années j’ai l’impression de ne pas » me trouver » dans mon parcours scolaire et pro malgré le fait d’avoir expérimenté pas mal de choses. Et je ne sais pas si je me trouverai un jour ?
Si ce n’est pas trop indiscret, tu étais dans quel lycée:) ? Moi Blaise Pascal.
Bonne journée
Moi aussi, bac en quelle année ?