Brèves de rentrée

Septembre est revenu, comme il revient, inexorablement, chaque année, et avec lui son lot de nouveautés. Voici quelques updates de ce qui se passe de ce côté-ci de l’Atlantique.

Les enfants sont de retour en classe

Ils étaient masqués et regroupés par niveau mais c’est officiel : les enfants sont de retour en classe! Après 14 jours de quarantaine, 4 demi-journées de camp et 10 jours sans (camp), c’est peu de dire qu’on était content que l’école reprenne. Le 1er septembre, on a lunché dans la plus parfaite solitude et le 3, on s’est carrément offert le restaurant. Il n’a jamais été si urgent de profiter de l’instant présent : certaines écoles ont déjà dû fermer leurs classes en raison de cas de Covid décelés parmi leurs élèves. Alors on a repris le modus operandi de l’année écoulée : chaque journée effective de classe en présentiel est une journée de gagnée.

Nouvelle rentrée, nouvelle job

Cette année, il n’y a pas que les filles qui faisaient leurs rentrées avec des nouvelles copines. Après un long courriel d’au revoir, j’ai également refermé la porte sur près de 5 ans passés en cabinet d’avocats pour rejoindre une équipe de chasseuses de tête. Beaucoup de télétravail, de la flexibilité, une chouette équipe (entièrement féminine) et de beaux mandats, il n’en fallait pas plus pour que je « fasse le saut ».

La Covid et nous

Depuis quelque temps, grâce à la vaccination, il n’est plus rare que l’on se retrouve entre copains, ou qu’on aille au restaurant. Les filles vont jouer chez leurs amis et nous pouvons nous rendre ensemble dans des lieux de culture ou d’amusement. Les mesures sont là mais nous vivons désormais avec une véritable vie sociale. C’est bien plus que tout ce que nous avons pu faire depuis 20 mois, puisqu’il nous était strictement interdit de recevoir des personnes en dehors de notre bulle familiale. Comme pour l’école, le mot d’ordre est Carpe Diem. On emmagasine les rires et les confidences, en espérant que tout ne se referme pas de sitôt.

Côté citoyenneté

16 mois que le processus est lancé et nous sommes presqu’au bout. Les cérémonies ayant été longtemps repoussées et des ressources du ministère ayant été réaffectées à la gestion de la crise afghane, nous sommes toujours en attente. Citoyens en 2021? Les chances s’amenuisent et il est déjà certain que l’on ne pourra pas voter aux prochaines élections qui se tiendront dans quelques semaines. Tant pis, ou tant mieux, cela aura au moins le mérite de rendre 2022 plus excitant !

Et vous, cette rentrée?

-Lexie Swing-

Quel genre de famille est-on?

image_3b13e643-317a-4ea1-8a3d-8b235d0c0355.img_2058Toutes les familles ont des spécificités, et pas seulement dans leurs modèles – de plus en plus diversifiés aujourd’hui – mais aussi dans leurs goûts, leur quotidien, leurs façons de vivre. On peut avoir les moyens de se faire dorer la pilule tous les hivers à St-Barth, et préférer les road-trip dans l’ouest américain. On peut avoir de toutes petites économies, et les mettre toutes dans des sorties familiales au cinéma – parce qu’on adore ça. On peut aimer les beaux restaurants, ou préférer les sorties fast-food; ne jurer que par les musées, ou par les balades en pleine nature; faire des jeux de société tous les vendredis, ou se replier chacun dans sa chambre, pour savourer un peu de solitude.

On a tous nos petites habitudes, qui ne sont pas meilleures que celles des voisins. Ce sont de petites traditions, un quotidien qu’on se créé, et qui au-delà du nom peut-être, de l’adresse commune et du compte en banque partagé parfois, font de nous une famille particulière. Si vous avez envie, je vous propose donc de reprendre l’idée à votre compte et de raconter ce qui fait de vous cette famille-ci, celle que vous aimez et que vous avez créée.

Six à la maison

On est une «famille de six» selon mes enfants. Pour deviner pourquoi, on se met en forme avec une petite équation. Si X est le nombre de mes enfants, Y le nombre de mes chiens et Z le nombre de parents dans la maison, et que X=Y=Z, et que X+Y+Z = 6, combien ai-je d’enfants et de chiens? Bref, on est six et dans notre petite maison, ça fait du monde!

Immigrants toujours

Nous sommes une famille d’ailleurs. Ou partie ailleurs, selon l’endroit d’où l’on se place. Et qu’importe les copains, les évolutions de langage, les impôts que l’on paye et le temps qui passe, nous serons toujours une famille immigrée. Ce n’est ni un défaut, ni une qualité, mais une spécificité. Nous n’avons pas forcément les mêmes habitudes, notre nom sonne différemment, nous sommes perdus par rapport à certaines spécificités administratives et les grands noms québécois nous sont encore parfois étrangers. C’est désormais une composante à part entière de notre identité, autant ici au Québec, qu’en France.

Les écrans de la fin de semaine

Je planque ça un peu au milieu, comme ça, pas pour donner du grain à moudre au débat « pour ou contre les écrans en bas de dix ans » mais plutôt parce que ça fait partie des spécificités de toutes les familles. De tout temps il y a eu les amis qui regardaient la télé avant l’école, ceux qui n’y avaient droit qu’au retour, ceux chez qui elle était allumée en continu, telle une toile de fond mouvante, et puis ceux chez qui elle était juste proscrite, quoi qu’il arrive. Chez nous, aujourd’hui, elle est au sous-sol, ce qui limite son utilisation. L’une de nos filles est relativement indifférente aux écrans, la seconde pourrait rester devant des heures durant, et nous en réclamer encore «juste un épisode de plus, promis après j’arrête». Du plaisir à la décadence, il n’y a qu’un pas, nous avons donc décidé de limiter la télévision aux week-ends. Point de console, pas de tablette, mais des livres en abondance, en espérant repousser les écueils de la surconsommation d’écrans.

L’absence de télécommande

Il y a quelques années, le fils d’une amie a brisé la télécommande de l’Apple TV. En attendant d’en racheter une, nous avions téléchargé des applications «Remote» sur nos téléphones. Cet «en attendant» dure depuis plusieurs années. Un coup on se dit que ça rendrait les filles plus autonomes (et nos samedis matins plus tranquilles), un coup on se console en se disant qu’on garde le contrôle de la télévision (cf point précédent). On est en tout cas passé maître dans l’art de changer de dessin animé sans être dans la pièce «Maman, à gauche, en bas, encore en bas, à droite maintenant, à droite j’ai dit, non t’es allée trop loin!, moins vite, reviens…».

Manger «maison», et de la pizza le vendredi

Ce n’est plus un secret pour personne : j’adore cuisiner! Après une première année de couple passée entre les croq’ je ne sais quoi du supermarché et les légumes déjà coupés, mon amoureux et moi avons commencé à cuisiner nos propres plats. C’était une activité agréable, conviviale, et qui servait l’un de nos plaisirs premiers : manger! Après avoir eu des enfants, nous avons graduellement changé nos habitudes de consommation. De l’agriculture raisonnée, nous sommes passées au bio, puis au bio et local-au-maximum. Nous avons délaissé les plats tout faits, qui bios ou pas sont surchargés en sel, sucre et additifs, pour le fait maison, impliquant au passage nos enfants pour qui manger est devenue synonyme de cuisiner d’abord. Je suis aussi devenue végétarienne, emportant partiellement ma famille dans mon sillage, même si tout ceci reste encore au choix de chacun. La semaine dernière, ma fille aînée a ainsi demandé «un sandwich au jambon». Ai-je dit oui? Absolument! Ai-je légérement triomphé intérieurement lorsqu’elle a dit que décidément, ce n’était vraiment pas bon? À peine! Comme toutes les familles, nous avons aussi nos jours, nos habitudes, comme la soupe plusieurs soirs par semaine, la pizza maison du vendredi, les crêpes du samedi et le brunch – quand on peut – le dimanche.

Les amis à domicile

Ce n’est pas encore complètement vrai mais ça le devient. Avoir grandi dans des maisons où les amis étaient les bienvenus nous a rendus heureux. Et voir les amis de mes enfants (ou les enfants de mes amis, ça marche aussi) prendre leurs marques chez nous me rend heureuse à nouveau. J’aime l’idée d’avoir été moi-même tellement intégrée au sein des familles de certains de mes amis que leurs parents sont aujourd’hui des personnes dont je suis restée proche. Par ailleurs, la distance avec la France nous a poussé à créer des liens familiaux avec des amis proches, et si leurs enfants ne sont pas mes neveux et nièces au sens propre du terme, j’aime à penser que l’on invente (nous, immigrés) une réalité différente du schéma traditionnel.

Le double nom

Nous ne sommes pas mariés et quand ne le serons, chacun gardera son nom. Aucun de nous ne souhaitait imposer son nom, alors aucun des deux n’y a renoncé. Nos enfants portent désormais les deux noms et ont ainsi donné à notre famille, officieusement, ce double nom, qui commence d’ailleurs par le mien.

Le plein air

Il fut un temps où je vivais terrée dans ma chambre. J’aimais lire… et puis lire, et puis c’est à peu près tout, et j’engloutissais des romans à la tonne. J’ai d’ailleurs souvent été fascinée par les possesseurs de « piles de livres » qui en faisaient l’énumération sur les réseaux sociaux. Chez moi, point de pile, que des lignes ingurgitées sitôt le livre acheté ou emprunté. Et puis j’ai eu des enfants, les livres sont restés mais le temps s’est amoindri. Mes besoins personnels sont devenus secondaires et j’ai affronté des matinées de week-ends et de vacances en me disant «il faut vraiment que je leur fasse faire quelque chose». Le besoin d’extérieur est né de cette inquiétude là. Désormais, pas un week-end sans sortie, sans projet. Je ne conçois plus de laisser le temps filer entre mes doigts, lovée sur mon canapé. J’ai le sentiment urgent d’avoir besoin de rendre ces journées-là significatives. Je les veux dans les bois, dans la neige ou sous le soleil d’automne. Je les projette à la patinoire, au milieu des jeux d’eaux ou dans la cour des amis. Rien ne me donne autant le sentiment d’une journée accomplie que celle qui a été ponctuée de sorties. La paresse de la vingtaine a laissé place aussi à un besoin fort de faire du sport, besoin dans lequel nous entrainons nos enfants. J’aurais ri si l’on m’avait dit que nous serions un jour de ces familles à participer à des X-kilomètres. Et pourtant… la prochaine course a lieu en juin.

Les road-trips

On a grandi dans des familles avides de découvertes, qui ne passaient jamais deux années de vacances au même endroit. On a reproduit le schéma. Nous sommes ainsi partis deux fois en road-trips depuis la naissance de Tempête et avons beaucoup, vraiment beaucoup de projets de voyages pour la suite. Seulement 18 étés à vraiment profiter – comme disait mon amie Déborah – et avec un peu de chance quelques-uns de plus. Même si pour être honnête, je n’aurais pas assez d’une vie pour leur faire partager tous les endroits que je rêve de leur faire découvrir.

Et vous, qu’est-ce qui fait que votre famille est spéciale?

-Lexie Swing-

6 années au Canada

Mon titre laisse peu de place au suspens : cela fait six années que j’ai validé mon visa de résidente permanente et traversé la porte automatique de l’aéroport. Ce souvenir vif, encore frais, que je vous ai déjà raconté mille fois, de mon arrivée très chargée, avec mon bébé et mon chien. Mon amoureux, bloqué par l’impossibilité de traverser la porte pour venir m’aider. Et finalement cet agent des douanes, grommelant mais foncièrement gentil, qui avait poussé mon deuxième chariot jusqu’à la fameuse porte.

Notre premier véritable appartement, dans le quartier anglophone de NDG, à Montréal. Et puis notre déménagement sur la Rive-Sud, un an et demi plus tard, alors que j’étais enceinte de notre deuxième fille.

Une thérapeute nous a récemment demandé comment nous nous sentions, à l’époque, à l’aube du grand départ. «Excités», ai-je répondu sans réfléchir. «Oui, enthousiastes», a appuyé mon conjoint. S’il y avait de l’inquiétude, de l’anxiété, de la tristesse, elles se sont dissoutes dans cette envie trépidante de partir vivre cette aventure.

Alors nous voilà, six ans plus tard. L’aventure a laissé la place au réel, au quotidien. Êtes-vous prêts à partir? Installés depuis peu? Peut-être vous êtes-vous déjà demandés comment et où vous seriez, cinq ou six ans plus tard. Notre réalité à nous, je dirais que c’est… :

  • Une vie recréée entièrement. Quand on quitte son pays, on vend souvent jusqu’à sa dernière petite cuillère. On fait venir quelques essentiels, des choses sentimentales ou particulièrement dispendieuses, mais on se débarrasse de l’utilitaire. On ne connaît jamais ça, dans le cheminement logique (si je puis dire) de la vie. On quitte ses parents, on s’installe, on récupère des choses de ci de là, on emménage avec quelqu’un, on assemble alors les morceaux de nos puzzles respectifs avant de faire quelques achats communs. Quand on immigre, on repart de zéro. Et par zéro, je veux dire : de la toute première cuillère. De cuillère en cuillère, on meuble sa maison, et puis on fait des achats moins utiles, enfermés dans les habitudes de consommation.
  • De nouvelles contrées à découvrir. C’est un changement complet de paysages et de perpectives que l’on fait en traversant l’Atlantique. Tout semble une aventure, à commencer par le quotidien. Le supermarché à lui seul devient une destination exotique. Bientôt, tout devient pourtant coutumier. Les week-ends et road-trips peuvent alors commencer, dans des régions que l’on n’aurait jamais – ou presque – eu la chance d’explorer.
  • Une bande d’amis. Entre les amis français, expats comme nous, et les amis parents rencontrés au gré des fêtes de la garderie et du quotidien de l’école, nous avons une solide bande d’amis, autant à Saint-Bruno que dans le reste du Québec. Quand on est immigré, les amis deviennent notre deuxième famille. Ils sont les contacts d’urgence, les gardiens d’un soir, nos week-ends et nos vacances. Ils sont ceux avec qui l’on partage les matins de Noël et les soupers d’anniversaire. Les coutumes familiales se confrontent alors à ce qu’il y a de plus beau : le partage. Et les traditions s’inventent au rythme où les amitiés se mêlent.
  • Une carrière qui a décollé. Il y a des histoires moins jolies que d’autres et des gens qui repartent faute d’avoir trouvé un travail qui leur correspondait ou une vie qui leur plaisait. Pour ceux qui parviennent à rester, le terme des 6 années reflète généralement une évolution, voire un aboutissement. Pour nous, le Canada a été synonyme de changement de carrière. Aujourd’hui, nous sommes épanouis dans nos domaines respectifs et soulagés de savoir que l’on aurait encore la possibilité d’évoluer.
  • Une famille. Arrivés avec une première fille, nous en avons eu une deuxième quelques années plus tard. Une petite Franco-Canadienne qui n’a de français que l’accent. Le temps passe, et je réalise que c’est dans cette culture qu’elle s’ancre, faisant fi de ses origines malgré elle. Ses expressions, ses références, ses préférences, reflètent son appartenance.
  • Un futur. L’avenir, c’est ici que nous le voyons. Nous qui avions tant déménagé avons su trouver ici une place pour nous, au point d’avoir même de la difficulté à m’imaginer dans une autre ville que la mienne. L’instable est devenue sédentaire… ça doit être le bon air canadien qui fait ça.

 

Et vous, quel bilan tirez-vous de ces six dernières années, où que vous soyez?

-Lexie Swing-

Photo : Matthew Henry

Le pays des jours de pluie

En tant qu’immigrant, on se fait souvent demander si notre pays ne nous manque pas. Beaucoup? Allez, un peu quand même. Même pas les bons croissants?

Selon notre degré d’intégration, on objecte mentalement contre les termes «notre pays», qui reflètent parfois moins le pays quitté que le pays d’accueil. Disons que «chez nous» a le dos large. Sauf les jours de pluie.

Les jours de pluie, «Chez nous» a un goût de râpées stéphanoises et de jeux de cartes. Il a la couleur de l’enfance, la voix des êtres chers. «Chez nous» a fini par devenir cet endroit où nous n’avons jamais vraiment vécu, mais souvent foulé. Ces conifères caractéristiques, ces immeubles terriblement moches, cette gentillesse gravée au cœur.

Le pays de l’enfance n’est pas celui où l’on est né, c’est celui où l’on grandit, où l’on apprend. C’est l’accent des aventures et la couleur du ciel. Ce sont les fourmis que l’on cloisonne entre deux brindilles, ce sont les pierres rêches sous les doigts. C’est le tabouret fendu de la cuisine sur lequel on se juche. Ce sont les imperfections que l’on réserve aux intimes, les torchons tâchés qu’on dissimule pendant les visites, la tasse ébréchée où l’on sait boire sans se couper. Ce sont les bols préférés que l’on doit laisser aux invités, par politesse. C’est une cachette en haut de l’escalier, derrière les étagères. C’est un prénom qu’on a inscrit au recoin d’une porte, pour laisser sa trace aux griffes du temps.

Ce sont des nouvelles, des émissions connues, des génériques rassembleurs. Ce sont des victoires, des cris dans la foule. C’est la face de Jacques Chirac qui se matérialise sur le plateau des Guignols en 1995. C’est l’adolescent juché sur un lampadaire, scrutant un peuple niortais en délire, place de la Brèche, un 12 juillet. Ce sont des supporters clermontois écœurés, place du Capitole, les genoux sous le menton et les yeux vides, murmurant «putain, une 7e défaite». C’est un présentateur météo chéri de tous s’effondrant en direct à la télévision.

Le pays de l’enfance, c’est celui des souvenirs partagés et de la terre foulée. C’est une construction du temps, une appartenance du moment, qui fait fi des origines et de la consonance des noms. Ce sont des expressions en mutation que l’on collectionne comme autant de petits cailloux. Une manière imparfaite de garder la trace de son chemin. Savoir d’où l’on vient, et en tirer la force nécessaire pour se tenir debout. Se laisser libre de choisir la suite.

-Lexie Swing-

Dans mes bottes d’hiver

On lit beaucoup de choses quand on immigre au Canada. On apprend l’été indien, on s’interroge devant les expressions, on s’impatiente devant l’incroyable nature. On ne sait pas vraiment, en revanche, le quotidien. Ça ne peut pas vraiment se raconter, le quotidien, ça ne peut pas vraiment se décrire. Surtout le quotidien d’hiver. Cette saison qui commence parfois dès novembre et s’attarde jusqu’en avril. Ces mois passés bottes de neige aux pieds et manteau de ski long sur le dos. Six mois durant, la masse est faite de silhouettes vaguement informes, épaissement vêtues et coiffées de bonnets sombres. Au diable l’accoutrement, le but est de survivre face à un ressenti -30 au petit matin sur le quai d’une gare de banlieue. Un quai de plein pied, ouvert aux quatre vents, parfaitement bucolique, cruellement froid. 

6 mois où la neige ne quitte plus le jardin, où l’herbe s’endort sous son chaud manteau. 6 mois où l’on paie le déneigement après avoir difficilement tenté de le faire soi-même et avoir renoncé à la 18ème tempête de neige de janvier, quand il n’est plus possible  de dépasser l’entrée du garage parce que la neige s’en vient jusqu’à la taille. 

Des semaines à patiner sur le lac, à descendre les cotes des parcs en luge, ou même l’allée du garage ! Des week-ends à sortir les raquettes, les fatbikes et les skis. Une vie à mi-chemin entre la ville où nous travaillons et les pistes de ski du mont qui surplombe la maison. 

Le matin, droite dans mes bottes, et frissonnant dans mes collants, je ferme les yeux. La lumière, cette  luminosité incroyable propre au grand froid, baigne nos visages endormis. Sur le quai de la gare, luttant contre le vent, je fais des ronds blancs de froid dans l’air qui se blanchit. Respirer chaque seconde, pour ne jamais oublier sa chance de se trouver ici. Il faut la mesurer, sa chance. Elle nous tiendra chaud cette semaine : les -20 s’annoncent déjà. 

-Lexie Swing-

Et les congés furent!

16h30 ont sonné. La fin d’une année, la clôture du rush. Courriels fermés, message d’absence enclenché. Les appels me rappellent les fesses à peine posées dans le train, mais le souci n’est plus là, l’esprit est déjà ailleurs. J’ai la tête qui dodeline, prise dans ce vertige qui m’habite chaque jour ou presque, depuis que mes jours vont trop vite et que mes nuits sont trop courtes. Je me promets de dormir, me tance devant mes couchers tardifs, tandis que je grappille quelques minutes de plus à ma lecture, quelques secondes à une série, bouffée d’air solitaire dans une vie trop remplie. 

Demain, c’est Noël. Demain et après demain, et encore après. Les faux jours et les vrais. Ceux qui précéderont, ceux qui annonceront, ceux qui seront et ceux qui laisseront glisser sur nous encore un peu de ce parfum particulier. Les Fêtes sont là, les congés, le repos. Les bois touffus et mon chien qui se roule dans la neige. Le chalet joli dans les monts de l’Estrie et les enfants qui dormiront dans le même lit. 


Je vous souhaite du repos, du calme et de la sérénité, avant que la course folle ne reprenne.


Bon Temps des Fêtes !


-Lexie-

Sa petite rentrée au Canada

Demain, c’est le jour tant attendu : Miss Swing rentre à l’école. C’est réellement un nouveau chapitre dans notre livre familial. Plus que n’importe quel anniversaire, plus que certains acquis essentiels, cette étape-ci, franche et datable, marque un tournant. En dehors de sa conscience propre d’enfant qui grandit, je me sens moi aussi une mère qui grandit. Je deviendrai demain une mère d’écolière. Mon emprise se relâche, et ma confiance devra s’agrandir pour laisser mon oisillon voler au sein de ces groupes plus larges, dans ces lieux inconnus, au milieu de ces visages nouveaux. Mais qu’est-ce que ça fait, concrètement, de rentrer à l’école au Canada?

Au Québec, on entre à l’école à 5 ans

Tous ceux qui s’interrogeaient déjà sur un retard seront rassurés : ici on entre à l’école à 5 ans, sauf exception d’une pré-maternelle à 4 ans. Ma B., pleine de ses 5 ans et demi, est donc parfaitement dans les clous. Avec elle, il y aura des enfants nés du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2013. Des presque 6 ans, et des tout juste 5 ans. Est-ce mieux de couper en octobre ou moins bien qu’ailleurs? Difficile à juger, mais comme le dit la réponse généralement formulée, «il fallait bien couper quelque part».

En pratique, cela signifie aussi que l’enfant n’est pas dans le même état d’esprit, la même maturité, que s’il commençait l’école à trois ans. Il comprend parfaitement ce que l’idée d’école signifie, il a notion des enjeux, il a saisi que l’an prochain serait celui de la grande école et des apprentissages de la lecture et du calcul. Il comprend plus, appréhende plus parfois aussi. Mais il est aussi très impatient. Pour un parent, les laisser s’envoler à 5 ans est rassurant. Et je peux comparer facilement : mes filles ont 5 et 3 ans, ce qui signifie qu’en France, Tempête pourrait entrer à l’école cette année. Serait-elle prête? Oui, pourquoi pas? Est-ce que je la vois mieux rester deux années de plus à la garderie, les cheveux au vent sur son tricycle, s’épanouissant au milieu de son petit groupe, dans son petit local? Absolument.

Je n’ai pas tout compris à la liste de fournitures

Je crois que l’incompréhension face aux listes de fournitures est universelle, mais lorsque s’y ajoutent des termes différents parce que propres au pays ou à la région où l’on a immigré, les choses se corsent! Je sais maintenant ce qu’est un duo-tang et j’ai déduit facilement que la boite de douze marqueurs était une boite de feutres et non de surligneurs. Mes quelques années déjà passées ici m’avaient préparée au cartable (qui est un classeur) et à l’efface (qui est une gomme). Bon, il y a deux-trois affaires pour lesquelles j’ai rendu les armes, appelant au secours amies et vendeur bien intentionné.

Le midi, c’est boîte à lunch

Dans nos écoles, point de cantine. Le midi, les enfants apportent généralement leur contenant type Tupperware®, ou des versions plus élaborées de boites compartimentées. Dans notre école, il n’y a pas non plus de micro-ondes (personnellement je préfère, qui sait ce que les gamins seraient susceptibles d’y mettre?). Petits sandwichs, quiches, légumes variés, muffins salés, œufs durs et bâtonnets de fromage seront donc au programme. Pour les plats chauds, nous avons investi dans un contenant Thermos. De notre côté, tout a été prévu pour limiter les déchets. Pour l’environnement, bien entendu, mais aussi pour éviter que partent à la poubelle des contenants qui n’y étaient pas destinés. Rien à jeter, rien à perdre donc.

Comme la plupart des écoles – je pense – un service de traiteur est possible. Ma fille pouvant être très picky, je ne suis pas certaine de l’employer de sitôt!

Il y a un service d’autobus scolaire

Les autobus scolaires, les fameux bus jaunes des films, on les trouve ici aussi. Il est possible de les prendre dès la maternelle. En pratique, en dessous d’une certaine distance, l’enfant n’y a pas droit car il est réputé pouvoir marcher jusqu’à l’école. C’est notre cas. En pratique également, l’autobus vient chercher les enfants proches de l’heure de début de l’école, et les ramène drette après la fin des classes. Comme nous partons trop tôt et revenons trop tard pour attendre avec notre fille l’arrivée de l’autobus et pour l’accueillir à son retour, ça n’aurait pas été non plus envisageable. De notre côté, elle ira donc à la garde le matin et le soir.

Les jours sont courts et les vacances peu nombreuses

En maternelle, B. sera en classe de 8h15 à 14h32 (précisément) avec un peu plus d’une heure pour manger. À compter de la primaire, elle finira une heure plus tard. Les horaires sont les mêmes chaque jour de la semaine d’école. Elle aura des vacances à Noël et une semaine fin février ou début mars. En complément, des journées qualifiées de pédagogiques sont prévues chaque mois. L’enfant peut être en congé ou venir à la garde de l’école et profiter de l’activité organisée ce jour-là (parfois il s’agit d’une sortie). Pour les professeurs, les journées pédagogiques sont des journées de formation. Il existe bien sûr des congés pour jours fériés mais également 3 journées de congé pour force majeure. À ma connaissance, ils visent à couvrir la possibilité d’école fermée en raison d’une tempête de neige ou de verglas, par exemple.

Mes filles iront à l’école publique francophone

Notre ville compte 3 écoles maternelles et primaires publiques francophones. Dès lors que nous avons choisi de les envoyer à l’école publique, nous avions l’obligation – n’y voyez aucune critique – en tant qu’immigrants issus d’un pays francophone et ayant fait leurs études en français, d’envoyer nos enfants à l’école francophone. (Je crois que la loi est différente pour les personnes sous visa de travail temporaire). Des amis ont inscrit leur enfant à l’école anglophone, après avoir prouvé que l’un des parents au moins avait étudié en anglais. Il existe également des écoles spécialisées, qui peuvent être publiques (alternatives) ou privées (arts-études, Montessori, écoles internationales…). Et des écoles privées, dont les coûts diffèrent et qui ne sont pas liées à une confession (elles peuvent l’être mais ce n’est pas la majorité, je le précise ici car en France on voit souvent les écoles privées comme confessionnelles, bien qu’à ma connaissance ce ne soit pas nécessairement le cas.Toute précision sera bienvenue ici).

Tout ça, ce sont les grandes lignes. En pratique, l’école est certainement bien différente. Elle est connue pour être notamment plus à l’écoute des individualités et pour encourager les enfants dans leurs réussites plutôt que de pointer du doigt leurs faiblesses. On a bien hâte, en tout cas, d’en faire la découverte. Première réunion des parents ce soir, rentrée demain, à nous l’école!

Bonne rentrée à tous!

-Lexie Swing-

PS Sentez-vous libres de corriger les affirmations ci-dessus, c’est ma première fois à l’école québécoise, je ne suis pas l’abri d’une erreur!

Une main toute entière {Immigration}

Dans quelques jours, j’entrerai dans la cour des grands. Je serai un 5 ans et +, comme dirait ma fille. J’aurai, à mon actif, 5 ans d’immigration. 5 ans, une main toute entière. À mon échelle, c’est une poignée d’années. À celle de mon aînée, une existence entière.

Nous avons basculé, inexorablement, vers l’inertie du quotidien, l’habitude. Je ne questionne plus – pour autant que je l’ai jamais fait – je parcours, je vis, j’oscille dans cette continuité apaisée. Nous y avons nos repères, géographiques et sentimentaux. Nous avons vécu des premières fois, des deuxièmes, des dizaines et centaines. Nous avons déménagé à l’intérieur de ce même pays, de cette même province. Nous sommes passés de la ville à la banlieue, de un à deux enfants, d’un appartement à une maison avec jardin, d’un job à l’autre.

Et c’est peut-être ça qui marque un changement. Grandir à l’intérieur de son immigration, s’y installer, y faire son nid. Accepter une nouvelle réalité, et la transformer à son image. La faire sienne.

Nous aurions, probablement, fait tout cela. Nous aurions eu deux enfants, nous aurions acheté une maison, nous aurions évolué professionnellement, nous serions partis en vacances. Mais nous l’avons fait dans une autre dimension et à un autre niveau. Au sein de traditions et de paysages différents.

Nous avons construit le nid et sommes partis à l’aventure. Nous sommes désormais sereins. Les aventures elles-mêmes ont pris une autre mesure et s’inscrivent dans des frontières géographiques dont nous n’osions pas rêver. Nous planifions des voyages en Gaspésie, aux Iles-de-la-Madeleine, en Nouvelle-Écosse, en Colombie-Britannique… Nous revenons du Nouveau-Brunswick et avons passé plus d’une fois la frontière avec les États-Unis. Nous avons été à de nombreuses reprises vers l’Ouest, visitant l’Ontario. Et nos souhaits nous amènent à Hawaï (qui se prononce Hawaiii), à Seattle ou San Francisco, en Amérique Latine. Sur ce même continent.

La vie est-elle si différente ici ? Non. Les pas que l’on fait sont les mêmes, seul le chemin est différent. Ici, il est sec en été, lumineux et enneigé en hiver. Il est ruisselant au printemps et se couvre de feuilles écarlates l’automne venu.

L’important, finalement, est d’y être bien. Que l’horizon soit lumineux et la route pas trop sinueuse. Depuis 5 ans, et pour longtemps, je suis ici, et j’y suis bien.

-Lexie Swing-

Nous sommes ceux qui sont partis

A sa tante, un soir de juillet, B. a reproché : « Pourquoi as-tu déménagé en France, pourquoi tu es partie alors que nous sommes tous ici? » L’incrédulité a vite laissé place à l’amusement : « Mais ce n’est pas moi, c’est vous qui êtes partis, a-t-elle expliqué. Vous viviez en France et vous êtes partis vivre au Canada. »

Nous sommes ceux qui sont partis. Et bien qu’elle n’ait jamais ignoré qu’elle était née en France, mon aînée n’avait jamais fait le lien du départ. Nous avions déménagé, nous avions tout quitté, pour nous établir ici. Il lui était impossible de mesurer le poids du départ, la richesse de nos espoirs, la valeur des souvenirs. Elle ne peut se rappeler des meubles laissés derrière, de sa première chambre dont nous n’avons emportée que des photos et quelques objets déco, de la maison en haut de la colline où nous vivions alors. Nous avons pris l’essentiel – nous trois et notre chien, des vêtements et quelques ustensiles. Les livres et les CD dorment encore dans les garages de nos parents, nos cadres les plus grands ont rejoint d’autres murs et les meubles ont été éparpillés dans les demeures familiales.

« Ce n’est pas juste!, a déclaré B. plus tard ce soir-là. J’aimais ça, moi, la France. Pourquoi vous m’avez fait partir? » Sans le savoir, elle a fait écho à une question qui nous revient souvent, au rythme des visites. La seule qui se soit jamais posée au sujet de notre expatriation.

Peut-on vivre loin des siens?

Je n’ai pas la réponse à cette question. Je l’ai posée, plusieurs fois. Mon compagnon aussi. On vit, oui, loin des siens. On pourrait vivre mieux, s’ils étaient présents. On vit simplement, finalement, ce qu’on appelle des compromis. Pour vivre ici, j’ai fait des compromis. J’ai accepté que nos si proches, soient loin. Parce que j’étais convaincue qu’une vie meilleure nous attendait ici.

Et ça n’a rien d’un Eldorado. Je ne vous parle pas d’idéaux. J’ai vécu cette vie-ci, immigrée au Canada depuis 5 ans. Je sais ce que j’y ai gagné, j’ai mesuré ce que j’y ai perdu. Pour être ici, nous nous sommes déracinés. Mais que dire de mes enfants? Où sont-elles leurs racines? Nous, première génération de notre immigration, nous sommes les voyageurs. Nous sommes, et serons toujours je crois, en transit. Nous sommes entre deux réalités, deux cultures, deux existences. Nous avons inventé notre quotidien, créé notre normalité. Mes filles, elles, sont d’ici. Cette culture est la leur. C’est la deuxième génération, celle qui s’enracine.

Il n’y a pas de lieu idéal, celui-là même où s’additionnent nos aspirations, nos espoirs et leur présence. Je regrette parfois une vie qui n’existe pas. Une vie où ils jouent entre cousins, où elles grandissent auprès de leurs grands-parents, où nous sommes entourés par la famille au quotidien. Mais une vie, aussi, où elles sont des filles libres, des femmes qui pourront s’accomplir. Où on les respecte, et où elles pourront traverser une ville entière sans se faire manquer de respect, parce qu’elles sont des femmes. Une vie où nous avons trouvé, professionnellement, notre place. Où nous avons acheté notre première maison. Une vie simple, entre grande ville et grands espaces.

Il n’y avait pas de gros lot à gagner, et nous savions les dés pipés. Nous avons choisi. Nous avons parié sur leur futur, et le nôtre. Nous sommes au bon endroit. Nous y sommes seuls, mais nous sommes au bon endroit. Ce sont nos coeurs, surtout, qui perçoivent l’impact de cette séparation. Le temps peut-être, amoindrira nos solitudes, à mesure que la branche canadienne fleurira.

Elles repartiront peut-être, ou partiront pour d’autres horizons. Je n’ai pas de doute que les générations à venir tiennent le Monde entre leurs mains. Notre traversée ne sera alors qu’une coudée, un noeud dans l’arbre généalogique. Que nous aurons dessiné nous-mêmes, à la sueur de nos fronts. Maîtres de nos destinées.

-Lexie Swing-

Visite surprise

«Vous voudriez venir avec moi à l’aéroport demain matin? Je dois aller chercher une collègue qui rentre de voyage!»

Sourires ravis dans l’assistance. «Quelle collègue?», demande B. qui les connaît toutes. «Oui, quelle collègue au fait?», ai-je murmuré à mon amoureux, assis sur le bord du lit. «Caroline», a-t-il lancé, dans un élan dont l’esprit a le secret. (Je découvrirai bien assez tôt si seule Madame Ingalls a insufflé cette impulsion).

Après les débats vestimentaires de rigueur, nous grimpons dans la voiture et prenons la direction de l’aéroport. Nous sommes en avance, désormais coutumiers de cette attente. Nous sommes arrivées en retard les deux dernières fois, alors que l’ordinaire délai de une-heure-après-l’atterrissage s’était réduit à 30 minutes. Tant mieux pour nos familles mais quel dommage pour nous, qui ne pouvions que saisir nos invités au vol, après de courtes embrassades et des valises jetées dans le coffre, sous la pression des moteurs des voitures en attente et des regards courroucés de fatigue des conducteurs venus récupérer, eux aussi, leur famille.

Sitôt la voiture garée, j’ai saisi Tempête sur une hanche – elle craint le bruit grouillant des aéroports – et Miss Swing par la main. Traversant cahin-caha le passage piétonnier, puis le sas tournant, nous avons franchi les portes au moment même où nos invités nous prévenaient que si les nouvelles bornes avaient extraordinairement facilité leur passage à la douane, le tapis des bagages restait pour sa part aussi désespérément immobile qu’une heure de collège en cours d’espagnol.

Les minutes se sont alors allongées, au rythme tranquille des passagers qui surgissaient par vague derrière la porte automatique. À chaque nouvelle femme, Miss Swing demandait «Est-ce elle?», avant de secouer la tête «Non bien sûr je sais qui c’est Caroline, je l’ai vue plein de fois».

Il faudra vraiment que je demande qui est cette Caroline.

Je vous passe les seize Souris Verte et les trois Crocrocro. Toutes les fois où j’ai dansé la Polka même si papa ne voulait pas, accompagnée de Petrouchka et de ses nattes blondes. Je vous passe la chute soudaine de Tempête, qui s’est retrouvée coincée, cuisses sur le banc et tête en bas, parce qu’elle avait voulu s’appuyer sur le ruban qui délimite la sortie des passagers. Et mon fou rire, à la fois honteux et amusé, parce que mes yeux rivés sur mon téléphone m’avaient empêché d’éviter la chute, et parce que la proximité du banc avec le couloir de ruban m’empêchait de la saisir pour la remonter convenablement.

Je peux vous décrire ma fébrilité, lorsque j’ai su que les bagages étaient enfin arrivés. Le visage incrédule de Miss Swing, lorsque nos invités sont apparus. Sa petite voix qui interrogeait : «Mais je ne comprends pas, où est Caroline?», et moi qui répondait bêtement «Caroline, c’est tes grands-parents!». Et Tempête qui sautait de joie, parce qu’elle n’avait rien pigé à cette affaire de collègue, et que la seule perspective d’une attente à l’aéroport était une joie suffisante pour elle.

Les voilà donc. Ils ont fait bon voyage, merci. Mes parents sont de retour pour une semaine, après être venus au mois de mars, profitant des rabais de la fin du printemps.

Comme immigrants, nous profitons de chaque instant ainsi grapillé, de chaque moment volé. Nous inventons une vie, où les vacances se font en banlieue de Montréal, plutôt que dans le sud de la France. Visiter la famille prend désormais 7h de vol plutôt que 5h de train. Et nous ne sommes pas les seuls. Mes amis sont partout dans ce monde, sur tous les fuseaux horaires. Je suis admirative de cette facilité avec laquelle nous avons construit nos existences sur d’autres terres, tout en gardant ce lien fort avec le pays qui nous a vus naître. Et je suis fière de nos familles, qui n’ont pas eu le choix, certes, mais ont changé leur perspective, faisant de la cabane au Canada une maison secondaire de choix.

-Lexie Swing-

Crédit photo : Lexie Swing