Elle m’a dit « Pourquoi tu cries Maman, elle te comprend pas mieux quand tu cries ». C’était juste et c’était des mots que j’avais moi même dit, quelque temps avant.
Pourquoi tu cries. Je le leur dis à elles, quand elles se chicanent, privilégiant la puissance des cris face au poids des mots. Je leur dis quand elles s’époumonent, frustrées que le repas n’arrive pas assez vite ou que l’heure du coucher débarque encore trop tôt. Je lui dis, quand il élève la voix pour des broutilles, quand le poids de la journée est rendu trop lourd à porter et qu’il cherche à s’en décharger. Je lui dis encore, quand il confond consignes et ordres, respect des règles et obéissance aveugle.
Je leur dis et puis je crie. Je crie le matin parce qu’elles niaisent une chaussure à la main alors qu’il faudrait partir. Je crie le soir, parce que la montagne de choses à faire est proportionnelle à ma fatigue, et que le dixième « on mange quoi Maman? » vient de rencontrer mon exaspération. Je crie la nuit, parce que c’est le réveil de trop, parce que je voudrais dormir, parce qu’elle voudrait dormir, et que malgré notre volonté commune, la fatalité d’une grosse toux ou la visite d’une série de cauchemars sont venus perturber durablement notre sommeil.
Certains jours je crie quand j’appelle, je crie quand je rappelle les consignes, je crie pour interdire, je crie pour disputer. Des fois je crie pour leur demander d’arrêter de crier.
Et là on frappe un mur. Tout le monde se regarde interdit: « Mais pourquoi tu cries Maman? »
C’est vrai ça, pourquoi je crie ? Discerne-t-on mieux ma voix, par dessus la mêlée? Est-ce que je profite ainsi d’une meilleure écoute ? D’un plus grand respect des consignes ? Est-ce que même je trouve une satisfaction, ou un certain repos, après avoir crié?
Et quel exemple, finalement, est-ce que je donne ? Qui devrais-je incriminer, lorsque mes filles crient pour quémander du chocolat, crient pour refuser le bain, crient pour se faire entendre, crient pour se faire comprendre. Qu’elles crient d’habitude et non de colère, qu’elles crient comme on pleure, comme on sourit: comme ça vient et puis pourquoi pas puisque c’est le mode de communication chez moi.
Alors on a décidé que c’était fini, de crier pour rien. Les petits, les grands, et pourquoi pas le chien, qui gémit comme il danse, en battant la cadence. Que le moment était venu de se réapproprier les mots, le ton qu’on y met et la puissance qu’on leur accorde. Qu’un chuchotement bien formulé vaut autant que mille phrases hurlées.
Et que le jour où je crierai tu m’entendras, et m’écouteras. Tu sauras que c’est grave, tu sauras que je n’en peux plus, parce que ce sera la toute première fois, et non juste une de plus.
-Lexie Swing-
Photo : Rhendi Rukmana
Tellement juste Lexie.
Je me fais souvent cette réflexion « pourquoi je crie? »
Pour rien. Quand je suis fatiguée souvent. Puis parfois j’arrive à dire les choses sans crier et ça passe mieux. Et je me sens mieux aussi.
C’est humain ! Mais tu finis par prendre conscience que ça n’a pas vraiment de sens…
Touchant. J’ai tellement l’impression qu’on ne fait que ça en ce moment s’époumoner pour des riens… Et, j’haïs ça. Pas facile de casser le cercle vicieux du » Je crie, tu cries, nous crions… «
J’ai lu ce matin un article de naître et grandir (la version papier qu’on trouve au cpe). C’était un rappel de qq techniques d’éducation positive et même si je connaissais tout ça ça m’a fait du bien de repasser à travers