« J’ai pas de plan »

Le plan de naissance, vous connaissez cette idée? C’est un plan, écrit ou oral, que vous pensez, rédigez et communiquez aux médecins, aux sage-femmes, à votre mère (qui en critiquera la moitié) et qui donne vos préférences quant à l’accouchement : pour ou contre l’épisio, épi(péri)durale* ou non, allaitement au sein ou au biberon, permission de griffer le conjoint s’il continue à dire en regardant le moniteur des contractions «oh la la, celle-ci elle va être grosse» comme un surfer sur la plage de Seignosse un soir de tempête.

A quelques semaines de l’accouchement de ma première à naître, j’avais lu des tas de choses sur les plans de naissance, mais je n’avais encore rien prévu. Plus encore que l’envie, je n’en ressentais pas le besoin. La planète entière savait que je ne voulais pas allaiter – à commencer par ma sage-femme à qui je l’avais mentionné en introduction, drette après mon prénom – et c’était à peu près la seule chose qui m’intéressait. À la sage-femme qui s’interrogeait, j’ai répondu «non, je n’ai pas de plan» et elle a eu ces mots «ne pas avoir de plan, c’est encore le meilleur plan possible». J’avais une vague idée de ce qu’elle voulait dire, j’avais lu ces futures mamans, terrifiées de voir leur accouchement leur échapper, ces héroïnes montées au combat parce qu’on tentait de raisonner leurs souhaits, à tort ou à raison. J’ai lu mille témoignages, a posteriori, de femmes qui avaient dû accoucher par césarienne plutôt que par voie basse et qui se sentaient lésées, volées, qui se sentaient fautives même, de ne pas avoir su donner la vie comme elles pensaient qu’on le devait. Ça me rendait triste pour elles. Pourquoi se flageller ainsi devant une situation généralement imprévue et incontrôlable? Que pouvons-nous prévoir de cela, et qu’y faire?

J’ai répété «non, je n’ai pas de plan» et j’ai demandé à ce que, quand même, elle nous explique comment faire si je n’arrivais pas à temps à l’hôpital. Nous aurions une heure de route pour nous y rendre et je voulais parer à l’éventualité d’un accouchement en cours de route. J’avais totalement confiance en la capacité de mon amoureux à accoucher notre premier enfant (lui beaucoup moins). Il avait une seule consigne : passer le panneau Toulouse. Je voulais qu’elle naisse dans une grande ville. J’étais snob. J’étais prête à accoucher sur le stationnement du Carrefour pour ça. (Depuis j’ai changé) (Je suis prête maintenant à accoucher avec les biches).

Quand la sage-femme – j’ai accouché avec des sage-femmes seulement – m’a demandé de me mettre sur les genoux et a installé une affaire pour que je m’y accroche, je crevais d’envie qu’elle aille se faire f***** parce que j’avais une contraction folle et l’envie de mourir. Elle a dit «vous me faites confiance?» et j’ai dit oui. Parce que je leur faisais confiance. Parce que c’était leur job. Parce que je sais que quand on fait confiance aux gens et qu’on le leur dit, ils font un meilleur boulot. Et que vu où elle avait ses mains, ce n’était pas le moment de lui faire passer un bilan de compétences.

Quand l’anesthésiste est venu me saluer, m’a expliqué la procédure et a ajouté « quand vous avez besoin de moi, faites moi signe », j’ai répondu « j’ai besoin de vous maintenant ». Je n’avais aucun défi personnel à relever face à la douleur et mon col était suffisamment ouvert. J’aurais pu attendre, j’imagine. Mais il était là et il serait probablement introuvable au moment où j’aurais besoin de lui (qui a dit « comme tous les hommes? »), alors j’ai décidé que c’était le bon moment.

Ne pas avoir de plan, c’est devenu un leitmotiv. Pour accoucher comme dans la vie en général. Se laisser porter. Tout prévoir, et puis rien du tout aussi. Ça devrait être le crédo de tous ceux qui, comme moi, stressent devant l’imprévu. Parce que sortir du cadre n’est plus un stress quand il n’y a pas de cadre. Et que l’on croit à tort que tout planifier diluera l’anxiété, ce qui est faux. Tout planifier, c’est mettre des barrières occultantes en carton-pâte. Des barrières fixes d’apparence mais qui s’effondreront au moindre imprévu, brisant du même fait le carcan de nos certitudes.

Pour vivre sereins, vivons libres donc. Que l’impossible soit notre seul horizon.

Surfons ces vagues, aussi hautes soient-elles. Il y aura bien quelques mains à griffer, s’il le faut.

-Lexie Swing-

*La péridurale en France se nomme l’épidurale au Québec

20 réflexions sur “« J’ai pas de plan »

  1. Pas de plan pour la naissance de Lilas, il y a trois ans et demi.
    Sans le dire à l’équipe soignante, je voulais donner la première tétée à ma fille (ne souhaitant pas allaiter par la suite), et éviter les cicatrices (je cicatrise très très mal).
    Mais à 6 mois et demi, menace d’accouchement prématuré, puis Lilas est née par césarienne à 8 mois de grossesse. En détresse respiratoire, elle a été transférée le soir de sa naissance dans une autre maternité…Rien ne s’est passé comme prévu!
    Donc tu as raison, parfois ça peut rassurer d’établir un plan, mais c’est bien d’arriver à se laisser porter!

      • J’ai été alitée 3 semaines à la maternité et 10 jours à la maison.
        Quand Lilas est née, et après des soins pour elle et un long moment en salle de réveil pour moi, les soignants m’ont transportée (dans le lit) jusqu’a elle. Mais le lit ne rentrait pas dans la chambre donc je l’ai vue de loin. Idem pour la grande couveuse dans laquelle elle était pour être emmenée dans l’ambulance, trop grande pour rentrer dans ma chambre.
        Donc j’ai pu vraiment voir Lilas et la prendre dans mes bras deux jours après sa naissance, au service de soins intensifs d’une autre maternité.

  2. Comme toi, je n’avais pas de plan. J’avais de vagues préférences, celle que tout se passe le plus naturellement possible, sans pour autant être contre la péridurale si jamais je sentais que ça n’allait pas le faire (finalement, je ne l’ai pas demandée). Juste un souhait, que ça soit le papa ou moi qui coupe le cordon, et pouvoir le prendre tout de suite dans mes bras. Bref, pas la fille chiante, quoi.

    J’ai vu des plans de naissance en ligne… wow, on dirait la liste des demandes d’une diva ou d’un groupe à la mode avant son passage sur scène :lol: Mais, je crois que dans l’action, finalement on se concentre sur l’essentiel.

    Finalement, ces plans, c’est un moyen psychologique de se donner une impression de contrôle sur un truc inconnu (au moins au premier) et assez flippant.

    • Je suis d’accord avec toi sauf que dans les faits, il faut pouvoir être prête à accepter que les choses ne se passent pas selon le plan. Si ce ne sont que des préférences, ça fonctionne, mais si ce sont des exigences sans lesquelles la future maman se sent démunie, ça peut devenir anxiogène à l’inverse

  3. Quatre fois et quatre « sans plan » <3
    Je suis du même avis, les plans ne font que stresser les gens bien plus qu'ils ne les apaisent…
    Pas de plan, quelques envies, comme tout le monde, mais surtout pas d'idée fixe.

    J'ai souri au paragraphe "après le panneau Toulouse"…
    J'accouche relativement rapidement et pour le quatrième j'avais ce petit stress, qu'il y ait écrit RN6 sur son acte de naissance :D ! C'est bon hen !!! on va dire que c'était la faute des hormones ;)
    Du coup ma SF m'avait expliqué que le lieu de naissance était le lieu où l'on coupait le cordon. Du coup consigne au géniteur, si ça arrive dans la nature, hors de question d'arracher le cordon avec les dents !!! ;)

  4. Je comprends entièrement ton point de vue. A tout planifier, ça peut finalement devenir angoissant si quelque chose ne se passe pas comme prévu :S
    Merci d’avoir partagé ta vision des choses ici ! :)

  5. Bonjour,
    Je n’avais pas de plan non plus avant d’accoucher de mes bébés (jumeaux). Je voulais éviter dans la mesure du possible la prématurité et les tenir tous les deux dans mes bras, vivants. C’était là l’essentiel…

  6. J’admire vraiment le fait que tu puisses te laisser porter comme ça pendant tes grossesses et tes accouchements. Je pense que tu dois te sentir bien mieux que la control freak que j’étais.

  7. Je l’ai très mal vécu, déjà le fait d’etre Alitée est tombé comme un coup de massue. Puis la césarienne, la séparation d’avec ma fille, manquer ces premiers moments où elle avait tant besoin de moi…J’ai demandé mon transfert pour la rejoindre, ce qui a été le cas deux jours après sa naissance, mais j’ai eu beaucoup de mal avec tout ça…

  8. Mon seul « plan » était de réussir à m’inscrire dans la maternité de niveau 3 de mon coin… Une maternité assez réputée où je savais qu’il y aurait tout sur place pour parer à tout. Faut s’inscrire la première semaine de retard pour avoir une chance quand on n’est pas grossesse à risque. Après ça, j’ai fait confiance et je me suis laissée porter. Pour le premier j’ai accouché le 1er janvier avec un mois d’avance. Et pour la seconde, on me l’a déclenché car pré-eclampsie et je me souviens que mon accouchement s’est transformé en une sorte d’épisode de Grey’s anatomy, avec le titulaire et ses étudiants mais ce n’est pas grave car ils ont géré la situation très calmement et de manière si professionnelle que je n’ai su qu’après que nous avons été en danger toutes les deux. Je me souviens juste d’un « Elle est là dans 5 minutes ou on part au bloc ». Elle est arrivée dans le 5 minutes…

    • Je t’avoue que je n’ai su que plus tard qu’on avait pas automatiquement une place dans la maternité qu’on voulait. J’ai eu la chance moi aussi de pouvoir aller exactement là où je le souhaitais, et je n’avais même pas anticipé le fait que ça puisse être différent

  9. Je me retrouve tellement dans ce que tu dis. J’ai fait exactement comme toi pour la sage-femme. Bonjour, moi c’est Déborah, lui c’est Dan et je n’ai aucune intention d’allaiter. Je crois que j’avais besoin d’une réaction spontanée de sa part pour savoir si elle allait pouvoir m’accompagner comme je le souhaitais. Et ce fut le cas. Elle a été géniale tout au long de ma grossesse. Elle aurait dû être là à l’accouchement, c’était prévu, mais je l’ai croisée dans le couloir, elle devait partir brutalement… Je n’avais par contre pas trop d’espoir sur la présence de ma gynéco (que j’adore) parce que c’était pendant les fêtes, qu’elle ne fait quasi plus aucun accouchement parce qu’elle a trois enfants et que c’était devenu compliqué de s’absenter au pied levé. Mais elle, elle était là… Tout au long de l’accouchement. Comme quoi, ça n’aurait servi à rien d’avoir un plan. Mon seul plan, finalement, était: Qu’il sorte en pleine forme, peu importe la manière. J’étais prête à toutes les éventualités. Je n’ai pas eu peur une seconde, j’étais en confiance, comme toi. J’ai un peu crié sur Dan mais j’ai accouché rapidement pour un premier et j’étais en pleine forme directement après. :-) C’est vraiment mon conseil: se laisser porter… A ce moment là ou dans la vie en général. Je te rejoins A FOND.

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