Plaidoyer en faveur des jouets pour tous

Noël d’entreprise. Cadeau spécial 3 ans. Pâte à modeler. Un gros succès auprès de Tempête. Mais il ne s’agit pas de n’importe quelle pâte à modeler. Celle-ci vient en kit avec des princesses en robe longue et des diamants colorés. De la pâte à modeler “spécial fille” dois-je rapidement en conclure, en lorgnant du côté des garçons de trois ans dont la pâte à modeler est d’une couleur résolument différente. “C’est quoi ça?”, demande ma douce et décidée Tempête en enfonçant vigoureusement les faux diamants dans la pâte molle. L’enfer est pavé de bonnes intentions.
La société a fait son oeuvre. Ma grande fille choisit les Kinder Surprise rouges en se targuant de préférer «Les Kinder de garcons». Là où hier nous répétions inlassablement «il n’y a pas de couleur de filles et de couleur de garcons, et il n’y a pas non plus de jouets de filles et de jouets de garcons», nous sommes passés à une autre étape. Les menaces. (Non, je plaisante). Nous sommes passés aux interrogations. Pourquoi le rose est-il une couleur de fille? Tu en penses quoi, toi, d’un garcon qui joue à la Barbie? Est-ce qu’on peut aimer Spiderman quand on est une fille? On fait remarquer l’évidence. Tu utilises quoi, toi, pour jouer à la poupée? Tes mains? Ok. Est-ce qu’un garcon ça a des mains? («La plupart du temps mais pas toujours», parfait :)) Est-ce qu’un garcon ça a des bras pour faire un câlin à la poupée? Est-ce que tu penses qu’un garcon ça peut pousser une poussette? Est-ce que, quand tu vois un papa avec son bébé tu te dis qu’il devrait le laisser car les bébés ce n’est pas fait pour les papas ? («Non mais c’est la maman qui porte le bébé dans son ventre») («On s’égare, Jacqueline»). 
Ensuite, on enfonce le clou. T’aimerais ça, toi, qu’on te dise que t’as pas le droit d’avoir les jouets cools du Kinder rouge parce que tu es une fille? Voudrais-tu qu’on t’empêche de monter sur la balançoire parce que tu es une fille? («C’est pour tout le monde, la balançoire»). Tout est pour tout le monde, ma chérie. Il suffit d’avoir des doigts pour jouer aux billes, des poings pour tirer un cerf-volant, des bras pour bercer une poupée, des pieds pour taper dans un ballon. Il faut des mains pour conduire, des mains pour cuisiner, des mains pour dessiner. Notre envie, ma chérie, c’est la seule variable valable. 
Cette leçon, je la voudrais universelle. Je voudrais que les cadeaux spécifiques soient offerts dans l’intimité d’un foyer, qu’ils soient le fruit de l’amour parental qui connait ses enfants et leur goût et cherchent à les satisfaire. Je voudrais que la société ne s’en mêle pas, qu’elle ne dise pas à mes filles qu’elles doivent porter du rose et bercer des bébés, qu’elles ne cherchent pas à les convaincre que jouer à la guerre et construire des tours incroyables sont des affaires de garcons. Je voudrais que les petits garcons qui m’entourent se sentent autorisés à empoigner une poupée ou une casserole. Je voudrais qu’ils arborent – aussi – du rose, des paillettes, des licornes et des volants, parce que si c’est pimpant, si ça rend heureux, alors ça devrait être le cas pour tous. Qui a dit qu’un garcon devait se coltiner des teintes marronnasses et des chandails dinos?
Ma petite fille, ma toute petite, aime le rose. Je suis fière de pouvoir dire qu’elle aime vraiment le rose. Pas parce que sa garde-robe en est garnie, pas parce que ses poussettes et poupées et Barbies l’ont aveuglée, pas non plus parce que l’ensemble du monde cherche à lui faire voir la vie en rose pailletté. Je suis fière de dire qu’elle aime le rose, pour des raisons qui lui sont propres. Parce qu’il est lumineux à son regard, parce qu’il est invitant, parce qu’il est chatoyant. 
Et je suis contente d’ajouter qu’elle aime cette couleur qui fut il y a longtemps réservée aux élites masculines, même si elle est une fille…
-Lexie Swing-

15 réflexions sur “Plaidoyer en faveur des jouets pour tous

  1. Ça me tue, ça, les jouets « garçon » et « fille ». Pas plus tard que le 30 novembre, je me suis retrouvée à acheter un calendrier de l’avent Kinder et devant ce choix « bleu ou rose ». Genre, le chocolat, c’est genré depuis quand? Imagine la cata si une fille avait–HORREUR–une voiture dans l’oeuf surprise du 24 décembre! Un garçon pourrait tomber sur un jouet typique de fille, comme, comme… euh… UNE VOITURE ROSE!

    Des coups à les envoyer chez le psy pendant des années, les gosses.

    (Mode sarcasme, évidemment…)

    • À la maison j’en ai une qui choisit toujours les kinder rouge et l’autre les kinder rose et les roses sont toujours cumuls à mourir. Rien à construire – c’est bien connu que les filles ne savent rien faire de leurs dix doigts, rien qui roule généralement. Mais des bagues, des bonshommes, etc.

  2. C’est intéressant comme réflexion. J’y pensais l’autre jour, en me disant que j’avais calé face à la demande de bottes de pluie roses de mon fils. Je me demandais quand était apparue cette norme sociale disant que les couleurs vives, chaudes ou douces sont réservées aux femmes. Il me semble que c’est à partir du Napoléon, en gros, que les hommes ont commencé à s’habiller en couleurs sombres et ternes. Alors que sous l’ancien régime, les hommes comme les femmes portaient des couleurs vives, des motifs fleuris etc… C’est très curieux de voir à quel point cette mode du sombre s’est durablement ancrée. Ça commence tout juste à évoluer. Mais je suis d’accord, pour trouver des vêtements de garçons qui soient joyeux, ce n’est pas évident. Et des vêtements de petites filles non roses, n’en parlons pas…

    • Nous allons tout simplement dans les rayons de garçons (aussi) pour avoir le choix. On a donc des affaires dentelles roses – chats mignons, et des chandails oranges dinosaures ou bleus superman :) Le pire étant peut être qu’on est tellement conditionné qu’il nous suffit d’un coup d’œil pour décider si un t-shirt est « de fille » ou « de garçon » (la coupe, les détails, la couleur…) J’essaye au maximum aussi d’aller avec des marques qui ne font que du mixte. A chaque saison on leur rachète des t shirts de chez Coq en Pâte, par exemple. Que je donne ensuite à un petit garçon de mon entourage, que la maman habille sans regard pour les couleurs ou les détails (et ça lui va à merveille :))

  3. Cette année certains catalogues de jouets ont fait des efforts, plus de rose et bleu mais du vert, orange, violet et les établis sont mélangés avec les cuisines. Mon fils a eu une cuisine, des poupées et une poussette alors que m’a fille a joué à la cuisine mais jamais à la poupée. Elle pioche dans les jouets de son frère et s’est approprié certains super héros… Par contre, au niveau vestimentaire, elle est très très girly c’est uniquement robe, jupe et de préférence avec des sequins ou des pailletttes. Ceci dit, dans ma classe il y aussi des garçons avec des tee-shirt à sequins magiques la mode du moment chez les enfants jusque 8/9ans. Au quotidien, je travaille avec mes élèves pour éclater ces stéréotypes, mais il y en a de moins en moins et c’est une bonne chose.

    • Je trouve ça chouette que tu y travailles comme ça et je pense que globalement, avec l’arrivée d’une nouvelle génération de professeurs, c’est de moins en moins le cas. Je ne connais pas du tout les sequins magiques, qu’est ce que c’est ?

      • ce sont des sequins bicolores qui sont cousus en différentes formes… papillon, fleur, libellule, étoiles chez les filles. Dinosaure, motos, symbole de la paix chez les garçons. Et tu peux les retourner doucement avec la main et le motif change de couleur ou un message s’affiche… Les enfants adorent. Voici un lien pour voir ce que c’est… C’est très très à la mode ici. https://www.okaidi.fr/t-shirt-a-sequins-magiques-rayures-bleu-16272.
        Et globalement oui, en étant instit depuis 22 ans, je trouve que les mentalités évoluent. Les pères sont de plus en plus présent et si un élève ose dire que ce sont les mamans qui font la cuisine par exemple… beaucoup d’élèves répondent que nous c’est aussi bien papa que maman.
        Le grand-père de mon neveu était contre l’achat d’une cuisine pour mon neveu mais il s’est calmé quand je lui ai demandé qui était les grands chefs cuisiniers ? les hommes bien souvent.

  4. C’est surprenant (pour ne pas dire effrayant) la vitesse à laquelle tout cela s’insinue dans leur esprit pourtant tout neuf…j’ai eu droit à la remarque sur un ballon sauteur rouge « mais c’est pour les filles, c’est une fille sur la photo »… Bon allez, on reprend tout mon chéri… Ici on a des chandails dino, mais ce qui le fait rêver c’est « d’aller au mariage pour mettre une robe », alors la moindre couverture ou serviette de bain qui passe se transforme en robe magique et quand je vois les étoiles dans ses yeux ça n’a pas de prix!! <3

    • Oui, j’ai eu une réflexion encore du genre hier …. ah oui je me souviens : je lui ai dit (en regardant un livre) « si si ce bébé, ça pourrait être un garçon, les garçons aussi peuvent porter un pyjama rose » et elle a ri en faisant une mine effarée : « mais non ça se peut pas maman! ». Par contre elle, elle porte beaucoup de chandails larges et pantalons larges, et jamais de robes

  5. Ça m’enerve Aussi de catégoriser les jouets « pour fille », « pour garçons ». Les clichés ont la vie dure, et se transmettent très (trop) vite.
    J’essaye d’expliquer à Lilas que les filles et les garçons ont le droit de faire les mêmes choses. Encore tout à l’heure, elle m’a demandé si les garçons pouvaient avoir les cheveux longs. Je me suis empressée que non seulement ils avaient le droit, comme les filles d’avoir les cheveux courts, mais que c’est important de se sentir bien et d’être heureux comme on est!

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