Famille : sur qui pèse le zéro-déchet?

Alors que j’échangeais avec Maylis sur la préparation des déjeuners quotidiens, mentionnant mes levers aux aurores et les gâteaux que j’enfournais dans la maison endormie, elle m’a dit «c’est super mais après il faut faire attention à ce que le zéro-déchet ne soit pas une composante de plus dans la charge mentale des mères, mais bien une façon de vivre partagée avec le papa».

Elle a raison bien sûr. Mais son propos m’a fait réfléchir à toutes ces initiatives que l’on prend car elles nous semblent les bonnes, et que l’on assume parfois seul(e) parce que ce sont les nôtres, et que l’on se sent mal à l’aise de les faire porter par autrui. Qu’il en aille de l’éducation des enfants, du régime alimentaire, en passant par un mode de vie, un choix d’épargne, une conscientisation qui nous fait réfléchir à deux fois à notre façon de consommer.

Celui qui décide est souvent celui qui assume. Il n’est guère évident de prendre une décision commune avec engagements égaux lorsqu’on sait que bien des prises de conscience se font à titre individuel. On ne réagit pas tous de la même façon au visionnage de documentaires, aux reportages parcourus et aux histoires racontées, sinon on aurait tous changé de la même manière notre façon de consommer aujourd’hui.

En termes de zéro-déchet, la prise en charge du compostage par notre ville a été un bon démarrage sur le plan commun. Pas de prise de conscience à avoir, une simple liste à suivre. Les règles sont les règles, n’est-ce pas? Plutôt facile pour mettre le pied à l’étrier de toute la famille.

Reste tout ce qu’il y a autour et tous les efforts individuels que nous sommes censés faire pour contribuer à la survie de notre planète. Cuisiner «maison», acheter des produits locaux et biologiques, privilégier le vrac, réduire notre consommation d’eau, penser à utiliser des contenants réutilisables pour les achats courants : le pain, le café à emporter, le cookie du goûter… et savoir y renoncer lorsque l’on n’a pas le matériel approprié.

À ce niveau, c’est souvent sur l’initiateur que repose le poids du zéro-déchet. Car oui, le zéro-déchet est paradoxalement un poids. Il impose un changement d’habitudes, il prend un temps supplémentaire (faire la cuisine, parcourir plusieurs épiceries pour trouver le nécessaire, planifier ses menus et ses achats), il demande un investissement personnel dans une vie où l’on peine à trouver du temps pour souffler. C’est la conscience qui fait le travail et supporte l’effort soumis.

Or, encore une fois, la prise de conscience ne se fait pas de la même façon et au même moment pour tout le monde. Et l’on se retrouve à secouer ses proches avec l’impression qu’ils refusent d’ouvrir les yeux. On est celui qui fait les courses un peu partout, celui qui se plie aux contraintes de la planification des menus. On est celui qui sonne le rappel des contenants, des sacs à pain, des poches à collation. On est celui, aussi, auprès duquel on s’excuse d’un café acheté à la va-vite sous son couvercle non-recyclable, ou de détritus oubliés dans la poubelle des déchets. Comme on s’excusait hier auprès de sa mère d’avoir traîné à débarrasser «son» lave-vaisselle. Comme on s’enthousiasmait encore, auprès d’elle, en s’exclamant «tu as vu, je t’ai plié le linge». Je l’ai fait pour toi. Parce que je sais que ça te fait plaisir. Parce que c’est ta tâche, ton idée de comment la maison doit être rangée et la vie se dérouler.

Quand on est une famille, quand on est un couple, on doit savoir faire deux choses pour fonctionner. Lâcher prise et prendre l’ownership. Lâcher prise, c’est pour celui qui instigue, celui qui répète, celui qui s’émeut. Ce n’est pas toujours le même. Nos consciences ont des géométries variables et des préoccupations parfois divergentes. On note le désordre quand l’autre tique sur le ménage. On s’inquiète des repas quand l’autre planifie les travaux. On vit à court-terme quand l’autre se projette. On lâche prise et on accorde nos violons, c’est ainsi que l’on avance. Et on prend l’ownership. C’est quelque chose que j’entends souvent dans mon boulot – bilinguisme oblige – et qui me parle. Prendre l’ownership, donc la propriété de quelque chose, c’est intégrer le souhait, la décision de quelqu’un (le mandat donné, dans une job) et le prendre en charge comme si c’était notre décision, notre projet. Pas pour faire plaisir à l’autre mais au nom du bien commun. Parce que l’on est autonome, mature et conscient. Parce que refuser un projet, une décision, c’est possible et souhaitable si ce projet va à l’encontre de ses valeurs. Mais que l’on ne peut pas rester simplement passif, attendant que l’autre prenne en charge et que la vie se passe. On ne peut pas, dans une maison, faire juste pour l’autre, qu’il s’agisse de l’éducation des enfants, du ménage, des travaux, des papiers, et de la charge mentale en général. En devenant conjoint et peut-être parent, on accepte de faire partie d’une équipe, de travailler à efforts égaux à son bien commun, même si ce sont sur des aspects différents. Ce qui devrait être exclu, en tout temps, c’est la passivité.

-Lexie Swing-

Photo : Matthew Henry

18 réflexions sur “Famille : sur qui pèse le zéro-déchet?

    • C’est se dédouaner que de penser comme ça… la prise de conscience écologique est primordiale, parce qu’on va droit dans le mur avec le réchauffement climatique. On ne peut pas tout faire parfaitement, évidemment, mais quand je lis « Je n’embarque pas du tout avec les initiatives écolos », comme s’il s’agissait d’une mode éphémère et insignifiante, ça me fait peur pour l’avenir.

  1. Tu nous fais part d’une belle réflexion. Comme beaucoup de choses, il s’agit bien d’un travail d’équipe, d’un partage de conviction ou de points de vue. C’est ce qui fait la richesse de la famille mais ensuite il faut trouver un équilibre dans la manière de fonctionner pour ne pas que cela pèse sur une seule personne !

  2. Dans tous les cas la gestion du quotidien est un partenariat, et j’ai de la chance que mon conjoint l’ait parfaitement intégré. On a chacun ses spécialités et l’on s’entraide, d’autant que la réduction des déchets et le passage au véganisme sont des décisions que l’on a pris ensemble.

  3. C’est une des raisons (la principale, avec le coût financier et le manque de temps) qui font qu’on ne passera pas à court terme au zéro déchets. J’ai proposé les couches lavables à mon conjoint, qui refuse totalement, et me dit que si c’est le cas, je me débrouille seule pendant qu’il va acheter SON paquet de Pampers. J’ai déjà si peu de temps, je préfère passer le peu qu’il me reste avec mes enfants plutôt qu’à cuisiner tout le week-end (3 enfants en bas-âge dans une cuisine pleine de dangers, non merci) et/ou nettoyer.

    Du coup on se tient à des gestes plus petits: recyclage, limitation des contenants en plastique, lingettes lavables, donner ce qui ne nous sert plus au lieu de le jeter (sauf si c’est complètement cassé), limiter au max l’utilisation de la voiture.

    • Franchement il faut bien commencer qq part. Je ne sais vraiment pas ce que je ferais si j’avais un autre bébé maintenant, je me suis souvent posée la question depuis que je suis passée à une réduction plus drastique des déchets

  4. Super article avec lequel je suis complètement d’accord. J’ai pris la décision de tenter de passer au zéro déchet en début d’année, avec 4 enfants à la maison (donc deux de moins de 3 ans). Le recyclage est quelque chose qu’on pratique depuis longtemps déjà (et c’est mon mari qui emmène les déchets aux bacs de tri), on s’est mis au compost (et c’est mon mari qui vide la poubelle dans le compost du jardin), on s’est mis aux laitages maison (et c’est mon mari qui fait le fromage blanc, je m’occupe de remplir les pots de la yaourtière)… Quand il a commencé à parler poulailler, j’ai prévenu que j’étais évidemment pour (des œufs frais tous les matins ? Banco, on vend la caravane), mais qu’en revanche il ne fallait pas compter sur moi pour m’en occuper, j’ai déjà suffisamment à faire avec les enfants. Et ben c’est lui qui porte le projet (qui met du temps à se coucher concrétiser du coup, coïncidence ? Je ne crois pas 😂). Chacun sa charge…

  5. Coucou! J’ai beaucoup aimé cet article! J’essaie d’aller vers le zéro déchet, mais mon homme n’est pas du tout investi. Il l’est dans rien à vrai dire… C’est sur que ça pèse sur mes épaules mais pour notre fils, je ne dois pas lâcher : son père à été élevé dans le besoin de surconsommer, dans une famille où l’on ne recycle même pas… Je veux une éducation à l’opposé pour mon petit : ça passera forcément par moi, mes décisions,, mes efforts. Le partage des tâches : j’ai essayé, peine perdue. J’assumerais le passage au zéro déchet, du potager, des poules aux achats en vrac. J’assumerais de me prendre des remontrances parce que monsieur veut son coca, son macdo et ses bonbons emballés individuellement. L’un ds deux pliera mais ce ne sera pas moi.

    • Ça ne doit pas être évident d’arriver à avancer quand l’autre freine des 4 fers. Quant au recyclage, il y s encore des gens dans nos familles qui ne recyclent pas (du tout, pas le papier, rien) et ça me laisse… pantoise

      • Pourtant le recyclage, c’est la base, j’ai toujours recyclé, du plus loin que je me souvienne… Moi ça m’attriste que certains ne fassent même pas le minimum…

  6. Le faire seule sans soutient me semble dangereux pour le couple et la santé. Si mon copain n’était pas devenu expert en café moulu, en potager et yaourts maison, je n’aurais pas autant de plaisir à lui faire de bons cookies ou des produits ménagers maison. On est à deux dans cette aventure !

  7. Pingback: Fin des vacances d'été 2019: enfin ! - Working Mutti: Métro, boulot, jumeaux et un dernier petit loupiot

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