On se connaît bien, nous les parents du sport. On arrive en retard, essoufflés, délivrés de la routine du soir. Les enfants sifflent le rappel mais nous ne sommes plus là pour les entendre. Nous laissons ça à d’autres, à l’autre, le temps d’une heure, d’un cours, à peine.
On débarque mal chaussés et la couette de travers, fouillant à mains griffées dans nos totebags éculés. Le mignon sac de sport est indisponible, relégué au rang de sac de piscine pour l’aîné, ou de sacs à couches pour la petite dernière. On déniche triomphalement une paire de bas de sport, un bandeau fatigué, entre les mouchoirs douteux, les barres de céréales écrasées et le jouet Kinder oublié là, il y a longtemps déjà.
On se salue comme des braves, sortis indemnes de la bataille du 18-20. Celle des consignes mille fois répétées et des mains mal lavées, des petits pois triés, du dessert réclamé et du verre d’eau qui n’en finit plus d’être quémandé. Les premiers mots sont ceux d’un père, ceux d’une mère, comme si l’on emportait partout avec soi cette part de notre existence, telle une encre indélébile au creux du cœur et des conversations.
Et puis l’étoffe se fait plus légère. On la dépose entre deux coussins, à la va-vite sur la chaise des visiteurs. On enfile nos bas, nos gants, nos t-shirts trop grands. On noue nos cheveux et on redresse les épaules. On laisse un peu de nous derrière la porte vitrée. On laisse les contraintes, on oublie la routine, ne gardant que l’essence même de nos tout-petits, ceux-là mêmes qui avancent en surveillant notre présence rassurante par-dessus leur épaule. Nous sommes tourelles et levons les poings. Le courage au creux de la garde.
On court avec l’énergie brute d’une vie sur la corde raide, luttant pour rester éveillés. On frappe avec une férocité dont on ne se serait pas cru capable. Et c’est notre monde entier qui brûle dans nos veines. Nos inquiétudes, nos colères, nos impuissances. On danse avec la légèreté de ceux qui s’abandonnent, dans un dernier souffle, libérés des chaines du quotidien, et portés par l’amour des êtres qu’ils ont bercés.
Il n’y a que nous, au centre du ring. Avec le cœur qui bat vite, comme s’il en portait tant d’autres avec lui.
Nous ne sommes pas que des parents, nous sommes autres, nous sommes plus. Mais persiste, en filigrane, cette importance. Qui nous colle à terre et nous tient debout, le cœur à son apothéose, porté par mille battements de plus. Plus vivants que jamais.
-Lexie Swing-
Photo : Samantha Hurley
Pour moi, ça dépend des sessions. J’ai trouvé des parents super sympas mode « tous dans le même bateau » à la session d’hiver à la piscine, mais ces derniers mois, c’est mode « chacun pour soi » :-(
Piscine pour Mark ou pour toi ?
J’adore ce descriptif. Il est à la fois très réaliste et très poétique. Bravo!
Merci :))
Je pense que grand nombre de parents se reconnaitront dans ce magnifique texte… Tes billets sont toujours si poignants.
Merci pour ces mots Charlotte ❤️
Tout à fait ça… enfin j’imagine car il faudrait que je réussisse d’abord à me remettre au sport ! ;-)
Très joli texte, comme d’habitude très bien écrit.