Culpabilité (ta mère)

20h11, je finis de remplir le lave-vaisselle, remplis les boites-à-lunch, prépare une pâte à gâteau pour le lendemain. Je vérifie le linge, m’inquiète des vêtements que mes enfants porteront, évalue le nombre de culottes et de paires de chaussettes.

20h25, je dois partir, j’ai sport ce soir. Une dernière chose dans le lave-vaisselle, une miette sur la table à essuyer. Et sa voix qui dit, une fois encore «je m’en occupe, vas-y». Mon esprit qui s’obstine, qui s’entête, qui refuse. Partir seulement les tâches accomplies, pour profiter pleinement.

Je ne sais pas d’où certains (certaines) d’entre nous traînent cette culpabilité, comme une laisse accrochée aux pieds des enfants et à la poignée du four. Pourquoi si peu de femmes peuvent s’imaginer «tout plaquer» et quitter leur famille? D’où vient ce besoin impérieux de se faire passer seconde, troisième, tout plutôt que première?

Charge mentale livrée sur l’instagram de T’as pensé à; une femme commente «Quand je pars un week-end, je dois tout prévoir : le repas de mon conjoint, celui de la petite, leur repas du dimanche midi, et le souper suivant, car je viendrais juste de rentrer et je n’aurais pas le temps ». Le cas est extrême mais la perche est tendue. Le plaisir est conditionnel. Pour partir libre, on accomplit plus vite et plus tard, plutôt que de transférer.

Peur de ne pas pouvoir compter sur l’autre? Même pas, pas dans mon cas. Mon conjoint cuisine deux fois mieux que moi et il n’aurait pas besoin de moi pour gérer la maison et les enfants. Il est complet à titre individuel, mais j’ai le sacrifice chevillé au corps.

«Je préfère laisser les autres choisir et profiter, c’est plus facile de gérer ses propres déceptions que celles des autres» a dit un jour mon amie. Elle avait tout résumé. On a le sens de la formule et le contrôle tout-puissant. Refuser de lâcher prise, ne faire confiance qu’à soi, pour ne pas avoir à gérer les émotions des autres, quelles qu’elles soient. Et s’assurer, certainement, que l’on est nécessaire, utile, comme si le statut seul de mère ne suffisait pas. Il faut prouver qu’on le mérite, au quotidien, à coups de linge plié et de repas chauds.

Une fois parties, on garde l’œil sur le téléphone, guettant les messages éventuels. Les femmes ne s’offusquent pas de recevoir un texto de leur famille en plein cours de sport. Elles confirment avoir promené le chien ou nourri le bébé. Elles précisent avoir sorti le pyjama sur le rebord du lit, rappellent que la tétine est sous la couverture. Elles maternent, et pas seulement l’enfant.

Nous devrions être notre priorité. Comme on met un masque dans un avion en détresse sur soi en premier, on devrait se garantir notre propre oxygène. Car c’est ce que ça prend, pour pouvoir ensuite être présente pour les autres.

-Lexie Swing-

Photo : Matthew Henry (Burst)

9 réflexions sur “Culpabilité (ta mère)

  1. Conseil de Père (et de Grand-Père!):
    Etre plus souvent égoïste. Penser d’abord à soi, plus souvent.
    C’est ton axe de progrès pour les prochaines semaines. Ok ma fille ???

  2. J’ai l’impression de m’être débarrassé de pas mal de cette culpabilité latente que j’ai tant ressentie les premières années. Je vois tout à fait ce dont tu veux parler, je me suis tuée à la tâche, et au final, personne n’était heureux, moi la première. Il reste évidemment la charge mentale, mais j’ai moins de mal à garder mes priorités en vue et finalement, je m’aperçois que je ne sacrifie pas Mark pour mes priorités, mais qu’il a aussi les siennes et qu’elles ne sont pas incompatibles. Évidemment, c’est aussi le fait qu’il a grandi…

    • Oui je suis d’accord avec toi, tout ça n’est pas antinomiques et il est possible de faire fonctionner les besoins de chacun ensemble (mais on est d’accord : c’est plus facile lorsqu’ils grandissent !)

  3. C’est exactement ça – même dans une répartition équilibrée des tâches, même quand on a pleinement confiance en son conjoint, au lieu de tout déléguer, on anticipe, on prépare, on facilite – sans qu’on ne nous demande rien, ou dans le meilleur des cas, on vérifie. Mais toujours, on s’implique, à un moment ou à un autre. C’est aussi quelque part ce qui me gêne dans ce concept de « charge mentale » dont on a vite fait de faire reposer la cause sur le conjoint forcément un peu démissionnaire – c’est pourtant aussi notre responsabilité à nous, car on a, même inconsciemment, bien du mal à accepter de ne pas tout contrôler… pas si facile à démêler, et même quand on en a conscience, à lâcher VRAIMENT du lest!

    • Je partage complètement ton avis. La charge mentale est bien réelle mais elle vient aussi d’un besoin de contrôle pour certaines personnes / femmes. On demande à l’autre d’en prendre plus mais sans lui laisser la possibilité de le faire, ou « sous conditions » (les nôtres)

  4. Je me reconnais bien. Toujours un peu difficile de lâcher prise quand il est question de la maison, des enfants…
    Et puis quand j’ai la chance de pouvoir déléguer – ce qui est assez rare – au lieu d’en profiter, je me sens coupable. Comme si être maman c’était occulter tout le reste, soi surtout, sa part de femme.
    J’essaie de temps en temps de me rappeler l’idée du masque à oxygène. Si juste!

    • Oui, ça vient teinter tout le reste. Malgré toutes nos bonnes volontés et notre souhait ardent d’être des femmes libres, c’est comme si cette part de nous définissait le reste.

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