Elle avait minutieusement étiquetté seule l’ensemble de ses fournitures, rangé le tout dans son sac et préparé ses vêtements neufs… Ce mardi (lundi ayant été férié), ma petite tête blondie au soleil d’été a rejoint ses camarades dans la grande cour d’école. Cette rentrée était celle de l’aventure. Plus de rentrée progressive, plus de parents pour accompagner dans les classes, on est désormais à la grande école, fondu dans la masse dont elle ne dépasse guère.
Sur le chemin de l’école, on a fourbi les armes face à l’anxiété latente. «Veux-tu écouter ta musique préférée?», ai-je murmurer à son oreille en sortant son casque de mon sac à dos. Devant son refus – j’avais espéré la couper ainsi du bruit ambiant d’une cour entière remplie d’enfants – j’ai tenté autre chose : «Chantons-la alors». Alors en coeur, et puis un peu à reculons, et même en faisant du calcul mental, on a rejoint le groupe qui attendait, et grossissait, et grossissait encore, à mesure que les familles arrivaient. 560 et quelques élèves, et moi qui demandais : «Et sinon combien ça fait 8+6?». Ne pas laisser le hamster entrer dans la roue, forcer l’esprit à la rationalité.
Elle a aperçu son amie et j’ai baissé les armes. Elles seraient ensemble face à la nouveauté, insubmersibles.
Les institutrices de maternelle sont passées dans les rangs, serrant dans leurs bras leur tout-petits devenus première année, cueillis à la sortie de la garderie et préparés avec soin pour la grande école. Elles avaient fait une bonne job, les visages fiers et les teints halés des vacances en étaient la preuve. Ils revenaient conquérants.
Lorsque les premières années ont été appelés – il n’y a pas de cloche dans notre école – elle a pris la main de son amie et elles sont parties. «Vous êtes les meilleures», leur ai-je glissé. On ne vit jamais trop de renforcement, quand on a 6 ans.
Il n’y a pas eu de pleurs, il n’y a pas eu de cris. Les incertitudes se sont noyées dans le flot des retrouvailles et dans l’impatience de la nouveauté.
Le plus dur sera la suite. Entre le commencement et l’habitude trône parfois l’incertitude. Connaître, mais pas tout à fait. Apprécier, mais sans aimer encore. Faire confiance à de nouveaux visages, se raccrocher aux personnes connues.
À la fatigue de son visage, le soir venu, a répondu la voix d’une éducatrice qui m’était inconnue. «C’était un peu difficile aujourd’hui, mais ça ira mieux demain», nous a-t-elle glissé sur le pas de la porte. «Je me suis perdue dans les couloirs», a finalement avoué ma belle aînée, d’une petite voix, retenant les sanglots qui épousent bien souvent les histoires tragiques. Que répond-on à la peur? J’ai hésité. J’ai gagné du temps en demandant des détails. J’ai rappelé qu’elle pouvait demander son chemin à n’importe qui. Mais je savais mes paroles vaines pour l’enfant intimidé par les enfants plus grands. On ne refait pas le monde avec des «tu aurais dû».
Et puis j’ai eu une idée. «Comment as-tu fait, finalement, pour retrouver ton chemin?» ai-je demandé. Alors elle a soufflé : «Et bien, j’ai couru, j’ai vu une porte qui allait vers la cour. Il y avait plein de grands et j’avais peur. Et puis j’ai aperçu mon éducatrice de l’an dernier, alors j’ai couru vers elle. Et j’ai croisé mon institutrice.»
«Alors tu as retrouvé ton chemin toute seule, finalement. Tu as trouvé la bonne porte, et puis tu t’es servie de ton sens de l’observation pour retrouver des personnes que tu connaissais. Grâce à ça, tu as pu retrouver ton institutrice, bravo!»
Alors voilà. Voilà comment le soir venu, alors que Papa passait la porte, elle s’est pressée pour lui raconter sa victoire. Et comment ce jour est devenu celui où B. a retrouvé son chemin, seule parmi les grands.
Ils sont tous les héros de l’histoire, parfois il suffit juste de trouver leur pouvoir.
-Lexie Swing-
Très différent de ta rentrée au cp-ce1 à l’école Jeanne d’Arc où seulement une poignée de têtes blondes se pressaient dans la petite cour…
Ah ah quand tu y penses… à peine une classe de CP, et encore elle était groupée avec le CE1!
Autant l’année dernière il y avait pas mal d’émotion (1ere année), autant cette année les gamins étaient des vétérans! On sent la différence. Finalement, c’est moi qui angoissait comme si mon nom avait été sur les feuilles accrochées au mur… j’étais la gamine qui se perdait dans les couloirs de l’école :lol:
Est ce que Mark est content de sa classe ?
Quelle jolie morale. Il suffit parfois de peu pour changer le ressenti d’une histoire. Faire d’une peur, une victoire…
Très juste ta conclusion!
Ici c’était tout nouveau puisque nous avons déménagé. Et en plus l’école vient juste d’ouvrir.
Le premier jour c’était avec les parents. Le deuxième il partait déjà avec son cartable sur le dos. Juste un regard en arrière comme pour lui donner confiance. Un sourire a suffit.
La pitchounette! C’est une grande ecole dis donc…