On s’est assis là, face-à-face. Minuit venait juste de tourner, emportant dans son sillage l’année écoulée. On s’est demandé ce qu’on attendait de l’année à venir, ce qu’on espérait accomplir. Et pour la première fois, de ma vie entière, les premières secondes de la nouvelle année ont vraiment semblé marquer le début d’un chemin.
Le 31 décembre m’a longtemps laissée indifférente. Je ressentais malgré moi une pression pour célébrer, une course aux mots les mieux trouvés. Après la vingtaine, sitôt minuit passé, nous nous ruions tous sur nos téléphones, pour envoyer à d’autres les mots que l’on n’avait même pas su se dire en face.
On se targuait d’écrire les plus belles envolées, riches en verbes bien maitrisés mais souvent vides de sens. Les téléphones vibraient à intervalles réguliers, dévoilant parfois les mots de ceux qui n’avaient même pas pris la peine : pire que le silence, le couplet faussement enjoué envoyé à tout son répertoire.
Nous avons évoqué ça, ces 31 décembre passés, ceux qui nous avaient marqués et ceux que l’on aurait préféré oublier. Ceux aussi, dont malgré tous nos efforts nous n’avons jamais pu nous rappeler. Et puis celui où je me suis endormie avant minuit parce que j’étais bien trop fatiguée.
Je me souviens du tout premier en revanche. Pas le tout premier premier, mais le premier dont j’ai pu me rappeler. C’est aussi celui dont j’ai les souvenirs les plus vifs, curieusement. Je me souviens de la robe que je portais, et de ce tissu légèrement crissant sous les doigts. Robe choisie par mes soins, loin de ce que je portais alors, étrangère à tout ce que j’ai porté depuis.
Je me souviens de l’odeur du champagne dans les verres des adultes, cette sensation légèrement piquante dans les narines, et des voix qui éclosent alors que les verres s’enchaînent.
Je me souviens de la chambre du fond, du matelas mou et de nos pieds d’enfants qui rebondissaient.
Au fond de mon cœur, dans le recoin de sa mémoire, il y a des voix qui scandent : «On est en 1992, on est en 1992», et j’ai 5 ans pour toujours.
28 ans plus tard, 2020. J’aime ce chiffre, rond et doux. Twenty-twenty. Ici, au Québec, où l’on a parfois la traduction anglais-français rapide, j’entends déjà murmurer : «Bienvenue en vingt-vingt».
Je déteste.
«Bienvenue dans les années 20», s’est finalement repris quelqu’un devant ma mine déconfite. Les années 20… tant de promesses dans ces mots-là. Mes arrières grands-parents vivaient dans ces années-là. La grand-mère de mon conjoint était à peine plus jeune que nous. Amusant (effrayant?) de se dire qu’un siècle nous sépare.
Beaucoup de choses ont été achevées pour nous ces dernières années, un regard en arrière sur nos dix dernières années nous en a facilement convaincu. J’aimerais que ces années 20 se fassent désormais sous le signe du plaisir. J’aimerais profiter. De mon salon bien meublé, de mes enfants capables de se faire elle-mêmes leur petit déjeuner, de nos (rares) soirées en amoureux, de notre stabilité.
Et je vous souhaite la même chose… car que serait la vie, sans le plaisir?
-Lexie Swing-
Photo : Matthew Henry (as usual) for Burst
Jolis mots Lexie, moi aussi j’aime la rondeur de 2020.
Cela fait quelques années que je réveillonne en solo, justement pour passer ce cap plus en harmonie avec ce qui me tient à cœur.
Plaisir, joie sont ressortis aussi pour cette nouvelle année. Je te souhaite du beau, du doux, du temps à savourer, qui compte, avec les tiens.
Et des mots aussi parce que te lire me fait toujours énormément plaisir!
L’idée me plaît … passer son réveillon en solo pour rester en harmonie avec ce qui est important pour toi :) très belle année à ton grand garçon et toi
Belle année à toi Lexie, pleine de plaisir! Et merci pour tes jolis mots.
Tres belle annee a toi et ta famille :) Profitez bien