Semaine 4 – la semaine dernière donc – j’ai commencé à éprouver physiquement les plaisirs du confinement : chaise mal ajustée et rares sorties. Mes muscles se dérobaient à mesure que mon dos se courbait. Laissez-moi enfermée un mois de plus et j’aurais pris dix ans.
A ceci s’est ajouté un ras-le-bol général de la maisonnée alors que mes filles ont commencé à se taper sur le ciboulot (littéralement), que la météo était maussade et les informations inquiétantes.
Est arrivé ce jour particulier où j’ai commencé à ne plus pouvoir maîtriser le volume de ma voix. J’ai lu quelque part que la rage maternelle existe, et je peux vous confirmer que c’est le cas. À chaque nouvelle bêtise, mes lèvres se mettaient à trembler et mes ongles à empaler mes paumes. Éducation bienveillante? Quel est ce mot? Il n’était même plus question d’éducation mais de contention. De mon énervement latent. Prêt à exploser.
Il y a dû y avoir un sifflement de trop car tout à coup, mon amoureux a réuni la petite troupe et il a poussé tout le monde vers la voiture. « Allons faire un tour », a-t-il dit. Et puis : « Maman a besoin d’être seule ». Les enfants se sont accrochés à moi, dans une confusion toute enfantine dans laquelle se mêlaient les « Excuse-moi maman », les « Mais je veux rester avec Maman », et les « Maman je ne veux pas partir sans toi ».
La culpabilité a embarqué. Je les mettais de côté, je leur refusais mes bras, je me choisissais moi.
Et puis, profitant du calme retrouvé, je me suis rendue compte que j’avais le droit, de me choisir parfois. Que leur avoir donné la vie me rendait responsable, mais pas redevable. Que notre génération de parents a bien compris que les enfants devaient être traités comme des individus, mais que la génération de nos enfants semble oublier que nous sommes, nous aussi, des individus, avec nos occupations, nos envies et nos humeurs. Que ce ne sont « que des enfants », mais qu’il n’y a pas d’âge pour inculquer le respect de l’autre. Et qu’il est inacceptable de déclarer « t’es méchante tu veux jamais rien faire avec moi » à sa mère qui se lève pour vérifier un courriel après avoir passé 45 minutes à découper des coeurs, coller des étoiles et gérer la colle scintillante. On a le droit d’être déçu mais pas désagréable, ni impoli. Et ça, c’est un apprentissage qui leur servira toute leur vie car on sait – ô combien le sait-on – que ça manque encore à certains.
Les profs sont unanimes : « Pas besoin de faire trop de travail scolaire, les petites choses de votre quotidien seront déjà une belle forme d’apprentissage ». C’est bien noté, je vais aller prendre un bouquin, faire couler un bain, fermer la porte à clé et les laisser apprécier cette leçon : « Dans la vie, il faut aussi savoir se choisir quand le besoin s’en fait sentir ».
-Lexie Swing-
Crédit photo : Sarah Pflug
Très juste et tellement à propos pour moi.
Même si j’ai beaucoup de mal à me choisir !!!
Je l’entends – trop – le « tu ne veux rien faire avec moi » alors que je passe ma journée à faire des tas de choses avec lui!!! Je trouve ça profondément injuste 😉.
Merci Lexie
Moi aussi, je trouve ça injuste, et je le lui ai dit (c’est B. aussi qui dit ça). Encore une fois on peut être frustré sans forcément devenir agressif.
Bonjour, moi c’est Juliette, je reste carrément à voyager sans mari et enfant… :lol: Bon, évidemment, je prends un gros raccourci, mais j’ai assez vite compris que parfois, mieux valait être seule pour des raisons pratiques, psychologiques ou juste pour l’équilibre de tout le monde. Bref, on se porte très bien, y’a écrit nul part qu’être ensemble 24/24 était la clé du bonheur.
Pis on commence tous à péter un peu les plombs après plus d’un mois de « confinement light » et aucune éclaircie à l’horizon :-/
Je sais … c’est long hein… je crois que ça y’est, j’ai oublié qu’il y avait une vie au dehors ! Lol!
Ton mari a eu une belle capacité de réaction. Je suis d’accord avec toi sur toute la ligne, je suis une adepte du « je me choisis », même si en période de confinement ça devient particulièrement compliqué…moi aussi j’ai commencé à crier cette semaine. On atteint un palier je crois. Courage!
Comment fais tu pour prendre du temps pour toi ?
Hello Lexie,
En réalité mes filles sont habituées à ce que je prenne du temps pour moi, notamment pour mes séances de sport à la maison, et aussi quand je me maquille/me coiffe. Elles sont habituées à ne pas me solliciter durant ces moments qui sont une respiration pour moi. Mis à part ces parenthèses…il y a peu de temps pour moi, au final ;-)
J’aurais pu écrire ce billet tant je me suis retrouvée dans ta description. J’ai ressenti exactement la même chose il y a jours de cela et j’ai pété un câble. J’avais en réalité besoin de me retrouver seule, juste une heure. Depuis je m’astreins quasi quotidiennement à m’échapper du quotidien. Je pars me balader le soir pendant 3/4 d’heure, la musique dans les oreilles et je m’évade. Tout simplement.
Je crois que c’est nécessaire pour être disponible le reste du temps
Prendre soin de soi pour prendre soin des autres. Tu as raison, se choisir parfois c’est vital pour tout le monde.
Juste que c’est pas toujours évident à réaliser, surtout dans cette période de confinement.
Très juste, je te rejoins à 100%.
« déçu mais pas désagréable », c’est exactement ça. Et exactement la frontière entre « bienveillance » et « cannibalisme » ^^
Attention à la colle pailletée sur l’écran du smartphone ou le clavier de l’ordi ;)
Haha ça c’est le pire la colle pailletée !
Bravo pour avoir pris cette décision ! Je n’ai pas d’enfant mais je m’imagine très bien dans la situation que tu décris… Je crois que j’aurais explosé !!! Je trouve tes deux derniers paragraphes extrêmement justes, à l’heure où internet dégouline de parentalité bienveillante (et parfois culpabilisante).