Le soleil était déjà haut lorsque l’on s’est rejoint sur l’enchevêtrement de planches savamment fixées qui nous tient lieu de terrasse. Je me suis assise, les jambes tutoyant le vide, parenthèses mouvantes d’un lundi différent.
Aujourd’hui, Tempête a repris la garderie. Pour la première fois depuis trois mois, nous n’étions que trois, justement, dans ces murs. Il n’y avait pas de cris, guère de demandes, point de disputes. Notre aînée viendrait bientôt nous poser mille questions, crotterait l’entrée de ses pieds sales et joncherait le sol de mille papiers gribouillés, mais dans cette matinée déjà bien avancée, elle profitait de sa solitude toute neuve en se roulant dans l’herbe au milieu des chiens, dans une vaine tentative d’enseignement par l’exemple.
Tempête me manquait. L’esprit a cette insolence propre, qui lui fait regretter les mots qui naguère le rendaient fou, les petits riens qui incommodent deviennent autant de souvenirs disséminés, les baisers mouillés ont séché et le cœur oublie qu’il fut tellement plein qu’il déborda.
C’est une nouvelle page dans cette histoire. Le chapitre qui s’est clos est comme une phrase proustienne : alors que j’arrive à son terme, j’ai oublié jusqu’aux premiers mots. Dans ces premiers silences, je redécouvre la douceur de l’absence, le plaisir d’un chemin qu’on emprunte et de retrouvailles ensoleillées. En espérant que la légèreté dure, que l’été s’installe et l’inquiétude s’étiole, que l’insouciance nous gagne et que les gardes se baissent, lorsque l’ennemi ne sera qu’un point hors de vue, dans un horizon bleu.
-Lexie Swing-
J’ai rencontré deux amies qui ont deux enfants, le plus jeune ayant dans les deux cas l’âge de Tempête. Ils ne retournent pas à la garderie parce que c’est compliqué (famille 1, la gardienne a décidé de ne pas reprendre; famille 2, le petit allait à l’école car ça commence à 4 ans en Ontario). Pour les deux familles avec des profils très différents, c’est mode pétage de plombs. Les petits ne peuvent pas vraiment exprimer la bizarrerie que ça doit être de ne plus aller à la garderie et à la maternelle, et ça en fait des lions en cage à la fin…
Je confirme, elle tournait vraiment en rond à la fin. Ils ont besoin qu’on les intéresse à quelque chose, qu’on prenne du temps, et malheureusement on en manque cruellement. Le plus compliqué était de passer notre temps à lui dire « oui oui tt à l’heure, allez, va jouer »
Les premiers jours du déconfinement ont été un peu comme ça, entre deux eaux. Il m’a fallu un petit temps d’adaptation.
Une nouvelle page s’ouvre et j’espère que nous allons pouvoir, plus que toucher du doigt, retrouver cette innocence Lexie!
Comment ça se passe désormais ?
On trouve de nouvelles marques. Un peu d’école, un peu plus de travail.
Mais le manque de temps calme, juste pour soi, le manque de relations sociales se fait sentir.