
Avez-vous lu le dernier article de Déborah du blog Sea You Son, son entrevue du psychopédagogue Bruno Hembeeck? Il y évoque des courants tendances dans la parentalité d’aujourd’hui, comme la pédagogie Montessori ou les conseils de Céline Alvarez.
Alors que je parcourais l’article en me demandant quel courant était le plus approprié à suivre dans le cadre de la parentalité, je me suis rappelée qu’il était correct aussi, de ne suivre personne, de glaner dans les pédagogies ce qui nous semblait approprié, adaptable à notre mode de vie. Parce que, comme je le mentionnais une fois dans un précédent article sur les dérives de la parentalité, il n’est jamais bon de plonger dans les extrêmes et de suivre aveuglement une pratique.
Lorsque B. était encore une toute petite fille, nous avions choisi de l’envoyer à une garderie au bout de la rue. Il y avait un aspect pratique – une garderie à deux pas -, un petit coup de coeur avec « de toutes petites salles comme des petites classes d’école », et une autre dimension, totalement marketing celle-ci : l’école offrait un service de prématernelle en anglais. Pour rappel, l’école au Québec ne commence qu’à 5 ans et c’est donc en garderie que l’enfant vit jusque là, ou à la maison si le parent en fait le choix.
Il y a un moment, dans une vie de parent, où l’on semble plus sensible aux arguments marketings d’un établissement ou d’un courant pédagogique qu’aux besoins réels de son enfant. On s’accroche aux promesses de petits enfants bilingues dès l’âge de 5 ans, au potager dans la courette, au lapin qui dévisage de ses yeux ronds les bouilles enfantines. On justifie ses choix à qui veut bien les entendre : « ils font de la manipulation! Ils ont des jouets en bois! Ils montent un vrai spectacle avec costumes et salut sur la grande scène du village! » Mais on oublie de s’interroger sur le plus important : les éducateurs et éducatrices, les professeurs, les accompagnants, sont-ils qualifiés? Est-ce qu’il y a un travail d’équipe, une bonne ambiance, ou beaucoup de rotation? Comment mon enfant sera-t-il accompagné, au quotidien, s’il est différent du groupe?
À l’aube de la dernière année de garderie de notre fille aînée, il nous a été offert la possibilité, grâce à une amie, de partir en CPE, ou Centre de la petite enfance. Ces centres-ci, très recherchés car peu onéreux et bien réglementés, offrent généralement un suivi éducatif de base afin de ne pas dépasser les objectifs prévus pour la maternelle. On s’est interrogé : est-ce que cela faisait du sens, de la changer pour sa dernière année? Et quid de l’anglais qu’elle était censée suivre en prématernelle? Que pouvait vraiment lui apporter une forme de retour en arrière, scolairement parlant?
La confiance en elle, voici ce que le changement lui a apporté. Dans la garderie précédente, personne ne faisait réellement attention à cette petite fille effacée. Certains apprentissages y étaient donnés de façon automatique, sans se soucier de savoir si les enfants recevaient correctement l’information. Pire certainement, des difficultés dans l’équipe avaient favorisé une rotation importante, obligeant les enfants à s’habituer sans cesse à de nouvelles éducatrices.
En arrivant au CPE, nous avons rencontré celle qui allait être l’éducatrice de B., présente au sein de la garderie depuis une dizaine d’années. Elle s’évertuerait pendant l’année suivante à donner confiance à notre toute petite, multipliant les défis et sollicitant son autonomie. Plus tard, elle apprendrait à sa petite soeur à se concentrer, à suivre une routine et à appliquer des règles. L’objectif était le même : définir les besoins et défis de chacune pour les préparer à la maternelle. Il n’y avait pas de règles strictes préétablies et les apprentissages purement académiques étaient relativement faibles, mais le gain, arrivé à la maternelle, fut inestimable.
Je suis une personne de personnes. Je veux dire par là que toute mon attention, au quotidien, est concentrée sur les autres. J’aime les différences de personnalités, j’aime les histoires, les origines et les cultures. J’aime aussi les différences d’opinions. J’aime quand le vécu et l’expérience priment sur les concepts, j’aime quand les personnes ont le recul suffisant et la capacité de réflexion de se dire « j’ai essayé ceci, et ça marche bien dans ce cas-là ». Mon chum me dit parfois que je pourrais me plaire dans n’importe quel boulot, du moment que l’équipe est soudée et heureuse d’être ensemble, et je le crois sans peine.
Les pédagogies sont utiles, parce qu’elles donnent une ligne directrice, une barrière sur laquelle s’appuyer, mais elles ne sont pas des rails. Il ne suffit pas de grimper dans le bon bateau pour atteindre le port. Les pédagogies sont des concepts, des idées larges censées orienter des décisions, mais elles ne prendront jamais en compte les besoins individuels. Les pédagogies ne tiennent pas compte du fait que ma fille performe en maths mais pas en sports. Ou que la seconde est en avance sur l’écriture mais ne sait pas rester assise sur une chaise. Les pédagogies estiment qu’à un âge X, l’enfant lambda sait faire telle chose, et devrait apprendre telle autre.
Les femmes et hommes qui les appliquent sont là pour le faire. C’est J. qui a finalement donné le goût du sport à ma fille, lui faisant préférer le soccer aux chiffres. C’est V. qui a montré à mon autre fille qu’elle pouvait canaliser son énergie et épeler en même temps. Ce que vous devez rechercher, dans l’éducation, ce ne sont pas des pédagogies mais des gens qui aiment enseigner, qui aiment éduquer, qui ont du recul et de l’imagination. Il faut chercher des écoles qui soutiennent leurs professeurs, qui leur donnent les moyens de se réaliser. Et il faut les soutenir et les encourager, nous aussi, en tant que parents. Être présent mais pas oppressant, être à l’écoute mais ne pas donner de leçons, transmettre les informations nécessaires mais faire confiance.
Plus votre enfant évoluera dans le système scolaire, plus se posera la question des options, des langues enseignées, des sciences, etc. Et il sera bien assez tôt, pour ça. En attendant, ce n’est pas sur une fiche publicitaire vantant les mérites d’une éducation polyglotte ou sur la capacité d’un professeur à appliquer une pédagogie bienveillante sans faillir, que vous devriez vous baser. C’est sur l’humanité de cette personne, ou de cet établissement. Si vous trouvez la place, et la personne, qui sera capable de considérer votre enfant dans son individualité et de l’accompagner sur le chemin, alors 80% du travail aura été fait.
Et puis pour l’anglais, il y a toujours Netflix.
-Lexie Swing-
Photo : Matthew Henry
J’adore ta conclusion 😂!
Tout sauf Peppa Pig
J’ai lu ce super article de Déborah et l’ai d’ailleurs commenté. Je suis totalement d’accord avec l’analyse du monsieur qu’elle a interviewé, et ça fait énormément de bien d’introduire de la nuances dans nos façons de considérer les pédagogies d’aujourd’hui. Je te rejoins également sur ton analyse quant tu parles de la course aux « options » (bilangue, lapinou, potager, classe artistique et j’en passe), et ce dès la maternelle, c’est à mon sens une dérive, qui va au-delà de ce qu’on souhaite pour son enfant: il s’agit également de marqueurs sociaux.
Je serais plus nuancée sur « l’humanité » dont tu parles pour apprendre. J’ai connu des collègues, et je connais actuellement des enseignants très humains, imaginatifs, qui ont envie de faire ressortir le meilleur chez leurs élèves, et qui sont pourtant de piètres enseignants. Parce qu’ils n’ont pas de discipline, pas de rigueur intellectuelle, parce qu’ils partent dans tous les sens. L’humanité ET l’exigence de l’esprit sont nécessaires pour amener les élèves au meilleur de leurs capacités. La première, pour apporter les savoir-être. La deuxième, les savoirs.
Quant à ton paragraphe qui décrit ton intérêt pour les autres…j’aurais pu l’écrire, mot à mot!
C’est très intéressant ce que tu amènes comme nuance, et je pense que c’est probablement pour cette raison que je serais moi même une piètre enseignante, j’aurais la volonté, l’indulgence mais aucune rigueur :)
Moi c’était le contraire. Non pas que je manquais d’humanité, pas du tout même, mais il me manquait cette foi, ce sens à ce que je faisais…