
« Fais de ta passion ton métier et tu ne travailleras pas un seul jour dans ta vie ». Je suis certaine que vous avez déjà lu ces mots, probablement sur une publication de réseau social, avec en fond un pré de fleurs sauvages estivales. Les textes d’inspiration sont ainsi, ils se font le reflet du printemps, de l’été, du renouveau, de la sérénité des corps alanguis sous le soleil de juin, de la liberté surtout. Et j’en reviens ainsi à mes moutons, ceux qui paissent au milieu des prés en fleurs : est-ce que pour être comblé dans sa profession, il faut avoir choisi de faire de sa passion son métier ?
Comme beaucoup d’entre vous, j’ai eu quelques envies de futurs métiers, enfant. Je me voyais monitrice d’équitation, cavalière professionnelle. Pour construire le futur, je bâtissais sur mes fondations les plus solides : ma passion pour l’équitation. Étais-je trop lucide, ou pas assez naïve ? Ai-je simplement été le témoin auditif d’une conversation d’adultes ? Toujours est-il que rapidement, j’ai abandonné ce projet, en disant à une amie – et je m’en souviens encore – que si je faisais de ma passion mon métier, que ferais-je alors durant mes loisirs ?
Cette certitude m’a accompagnée durant toutes les années suivantes, ces années déterminantes qui nous mènent à choisir un métier, un premier métier au moins, celui pour lequel on chemine dans des études légèrement assommantes, selon le domaine. Autour de moi, les esprits étaient pratiques : certains voulaient l’argent, d’autres la sécurité, parfois les voyages, une certaine liberté, ou beaucoup d’avantages. Mais presque personne, autour de moi, n’a finalement choisi de faire de sa passion son métier (sauf un).
Pourtant nous en avions tous : il y avait les sportifs, les musiciens, les artistes peintres, les férus de théâtre. On traînait nos guêtres dans des compétitions dominicales, dans des représentations tardives, dans des concerts hésitants. On apprenait avec enthousiasme des nouveaux mouvements, de meilleures stratégies et des partitions toujours plus poussées. À nos corps défendants, nous reprenions la route des études ou du travail le lundi matin venu, impatients de voir revenir les soirs et les week-ends consacrés au loisir.
Aurions-nous dû faire d’autres choix ? Je me le suis parfois demandée, quand ma seule parenthèse dans des études de droit chaotiques était mon cours d’équitation du vendredi soir, qui s’étirait dans la nuit entre apéro généreux et fromages auvergnats. Que serait-il advenu de nous, si nos partitions, nos textes, nos baskets et nos pinceaux avaient été nos instruments du lundi matin. Aurions-nous été plus enjoués de voir la semaine recommencer ?
Plus tard dans ma vie, grâce à l’accès privilégié que m’a offert le fait d’être journaliste, j’ai rencontré des gens qui avaient fait de leur passion leur métier, souvent dans les arts ou les sports. Ils avaient autant de similarités que de dissemblances, mais tous avaient un point commun : une passion très forte alliée à une exigence de soi qui flirtait avec l’anxiété. Un comédien de théâtre a évoqué avec enthousiasme la pièce dans laquelle il jouait, avant de déclarer qu’il n’était plus capable d’être seulement spectateur. Un skateboarder semi-professionnel m’a raconté avec les yeux brillants l’endroit où il rêvait de compétitionner, en ajoutant à voix basse qu’il regrettait le temps où il roulait pour le seul plaisir de la sensation de liberté. Une ancienne artiste-peintre m’a dit qu’elle avait rangé ses pinceaux quelques années auparavant, alors qu’elle peignait depuis l’enfance, lorsqu’un galériste renommé dans le secteur lui avait passé le commentaire qu’elle n’était pas assez bonne pour prétendre vivre de son art.
Je suis effectivement persuadée que, pour bien vivre, certains d’entre nous ont besoin que l’emploi qu’ils occupent les passionnent. C’est ce qui a poussé, ces dernières années, un nombre assez notable de personnes à démissionner, pour se tourner vers un métier qui faisait davantage de sens pour eux. Cette grande démission a eu un résultat mitigé selon les articles qui fleurissent dans les pages lifestyle et emploi des magazines ces derniers temps, une partie des concernés regrettant, a posteriori, ce changement.
La vérité est qu’il faut toujours s’interroger sur ce que l’on attend d’un travail : qu’est-ce qui est primordial ? Sur quoi est-on prêt à faire des concessions ? Quelles sont les forces que l’on a et que l’on veut mettre en avant ? Et surtout, quelles valeurs veut-on retrouver ? Car, au delà du métier, et peut-être de la passion, il y a les valeurs, et lorsque l’on fait de sa passion son métier, on n’est d’autant plus à risque de devoir s’asseoir sur certaines valeurs, pour rester compétitif et financièrement stable, entre autres. On finira peut-être par produire des oeuvres pour répondre à une demande précise, on acceptera des conditions de travail discutables pour se faire connaître, on écartera le cheval qu’on a vu naître car il n’est pas assez bon.
Seule une poignée de personnes, finalement, feront véritablement de leur passion leur métier. Et une portion encore plus infime trouvera cela pleinement gratifiant. Pour les autres, dont je fais partie, je pense que l’important est de trouver un emploi qui met nos forces en valeur, et une entreprise où nos valeurs sont renforcées. Autant que faire se peut, nous devrions occuper des rôles pour lesquels nous avons un sentiment d’accomplissement, une impression – même fugace – de contribuer à quelque chose de plus grand que nous, et une reconnaissance véritable, par nos pairs, du travail que l’on accomplit. Le reste, pour moi, se joue en dehors de ces heures-là, sur un sentier de course, dans un cahier de notes, derrière les pages d’un roman. Mes passions s’intercalent, font de moi qui je suis sans être ce que je fais. Elles sont une respiration, parfois une échappatoire, toujours une nécessité, mais elles sont l’annexe A d’un dossier déjà bien rempli. Et c’est très bien ainsi.
Et vous, métier passion ou métier mission ?
-Lexie Swing-
Photo : Samantha Hurley
Oui et non.
Okay, je développe :lol:
Je crois très très fort à l’idée de faire des concessions, sauf quand on a la chance de trouver un « perfect fit ». Mais, on peut reprendre des compétences, des talents, des éléments de sa passion et en faire une façon de gagner sa vie. De mon côté, je joue avec les mots toute la journée, j’adore ça. J’aurais encore plus aimer gagner ma vie en écrivant des romans, mais ça marche pas donc…
Oui je te comprends et te rejoins ! Je l’ai vu beaucoup parmi ceux avec qui j’ai étudié en journalisme, il y avait une passion pour les mots, entre autres. C’est généralement ce qui nous avait conduit là. Mais c’est aussi ce qui a conduit bcp de nous a arrêter, car le métier n’était finalement qu’une partie infime que ça.
Métier passion c’est un peu ce à quoi j’ai été biberonnée et je crois que c’est ce qui m’a beaucoup bloquée pendant des années…
Et puis j’ai commencé à regarder mes passions et mon boulot dans les yeux et je me suis rendue compte qu’il s’agissait de deux choses distinctes – et que mes passions au fond ne me permettraient pas de vivre correctement, peut-être même que cela finirait pas m’ennuyer – j’ai quoi qu’il arrive trop d’idées pour me focaliser sur une seule!
Finalement je fais un métier qui me correspond, qui m’offre des perspectives, dans lequel je touche un peu à tout. Il n’a rien à voir avec mes passions mais il en est un bon complément! Et j’y ai même trouver du sens!
J’ai eu le même cheminement. J’ai choisi mon premier métier par passion mais finalement, il était beaucoup plus complexe qu’imaginé et il avait des aspérités que je n’avais pas prise en compte et qui me dérangeaient.
Il y a les métiers passions et les métiers qui font sens au fond de nous. Parfois ce sont les mêmes et parfois ils sont différents.
Mon premier métier était un métier passion. Je n’ai jamais vraiment regardé mon salaire durant cette période, ce n’était q’un détail et j’ai passé beaucoup de temps dans les locaux de mon lieu de travail, jusqu’au burn out.
A l’heure de ma reconversion professionnelle, mon questionnement est différent et mes envies aussi. Je veux un métier qui me plaise, mais aussi qu’il corresponde à l’équilibre que j’ai construit et à ma vie de famille. Ce ne sera pas un métier passion, mais il me permettra d’y intégrer mes passions tout en ayant des horaires convenables pour ma vie de famille.
Pour moi il s’agit d’une question d’équilibre. Et le métier qui nous fait rêver à 20 ans n’est pas forcément le même que celui qui nous fait envie à 40. C’est un cheminement et surtout c’est la vie.
J’avais lu justement une réflexion d’une personne qui disait qu’il ne voulait plus faire un métier passion mais avoir une profession qui lui permette d’intégrer celles-ci dans son horaire, comme la course par exemple. Et c’est une réflexion qui me parle beaucoup à moi aussi.
Je crois que j’ai un métier passion, je suis sage-femme et vraiment cette identité professionnelle est très ancrée en moi. Pour moi un métier passion c’est un emploi que je continuerai d’avoir même si financièrement j’en aurais pas besoin. J’aime accompagner les couples dans cette période si intense, j’aime les émotions qui accompagnent les naissances, j’aime voir les parents découvrir ce nouveau rôle, j’aime être témoin de ces instants si courts mais qui transforment tellement la vie.
A côté de mon métier j’ai plein d’autres passions et j’adore aussi être en vacances ☺️. Mais chaque jour je suis heureuse d’aller travailler et je n’ai aucun regret par rapport à mon choix professionnel.
Je trouve ça tellement beau comme idée ❤️ est ce qu’il y a des moments où tu trouves ça plus difficile ?
Oui bien sûr! Quand mon accompagnement est entravé par des actions qui ne me semble pas pertinentes( on travaille toujours avec des gynécologues dans les hôpitaux en Suisse et parfois notre vision diffère un peu), quand j’accompagne des IMG, des bébés morts un utero,… bref il y plein de situations qui peuvent être très dures à vivre. Mais souvent j’ai quand même l’impression d’arriver à apporter un tout petit peu de douceur dans ces moments là…