Et puis mon coeur va à l’Irlande

Irlande./ Photo Thomas Faivre-Duboz

Irlande./ Photo Thomas Faivre-Duboz

« Dans quel pays aurais-tu rêvé de de vivre? » C’est une question typique, un bouche-trou facile entre le fromage et le dessert quand les blancs sont plus nombreux que les miettes sur la table. Pas toujours facile d’y répondre. On pense à la Nouvelle-Zélande et à ses aventures sauvages, à New-York dont le coeur bat si vite qu’on y perd la notion du temps, au Cambodge et à son dépaysement, et puis à la neige de la Patagonie. On pense même à l’Islande, ses citoyennes si impliquées, ses maisons colorées et ses chevaux aux yeux tendres qui galopent en totale liberté. On en citerait mille sans en choisir un seul, parce qu’il est si dur de choisir un endroit, lorsqu’on voudrait tous les connaître.

Un matin d’août, je suis arrivée en Irlande. La fin de l’été faisait scintiller le ciel, de cette lumière si particulière, qui ne semble exister que dans cet endroit du monde. Les gouttelettes de la pluie, qui se termine et reviendra bientôt, habillent le bleu infini de vagues plus sombres. Le meilleur impressionniste n’en saisirait jamais toutes les nuances. On dit qu’il pleut beaucoup en Irlande, plusieurs fois par jour. On oublie de dire que le soleil revient aussi, plusieurs fois par jour. Et parce qu’il a plu, c’est à chaque fois le coeur plus léger que l’on écarte son parapluie pour laisser le soleil nous caresser le visage.

Lorsque j’ai traversé pour la première fois la rue qui borde la Liffey, à la hauteur de Temple Bar, je n’ai même pas marqué un temps d’arrêt. Mes pieds foulaient l’habitude. J’ai été Dublinoise dans une vie oubliée, j’ai déjà arpenté ces pavés, je me sens chez moi entre le ha’penny et Saint Stephen’s Green, résolument amoureuse du Sud où j’ai étudié. Mon coeur s’emballe quand je longe les quais vers l’Est, saluant au passage les personnages du Famine Memorial. Les bourrasques du vent provenant du port sont autant de souffles d’air supplémentaires dans mon corps.

J’ai souri sur tous les ponts, prenant des images qu’on ne qualifiait pas de « selfish » à l’époque. J’ai donné des rendez-vous sous la Spire, admiré les décorations de Noël sur Grafton Street. J’ai couru rencontrer Oscar Wilde, en statue, avant de parcourir la National Gallery. J’ai attendu l’aventure à Connolly Station. Et regretté mon départ au Dublin Airport.

Je suis partie. Je suis revenue. Et puis encore. J’ai aimé chaque rencontre, ri de tous les jeux de mots que je ne comprenais pas. J’ai commandé du cidre en pression, dépensé des milliers chez Avoca, lu tous les Marian Keyes que mon anglais me permettait. Je suis montée à la place du chauffeur, plusieurs fois. Même dans les taxis. J’ai pris le bus de nuit, ignorant l’étage et ses grabuges pour tenir le bras du conducteur, avec mon habituelle frousse des mauvaises rencontres. J’ai aidé à se relever des filles éméchées dont la taille des vêtements étaient inversement proportionnelle à la température extérieure. Et j’ai appris à commander au comptoir.

J’ai aimé démesurément ce pays aux chemins tortueux, dont l’exploration a eu raison de mon mal des transports. Et je cherche depuis cette lumière si particulière, qui baigne les champs vallonnés à l’heure où le coq songe à se coucher. J’ai eu la chance de connaître cet amour indicible pour un endroit et pour ses gens, un endroit refuge, un endroit souvenir, un endroit référence, un endroit au coeur duquel mon propre coeur, s’il s’affolait, retrouverait sa candeur.

J’aurais rêvé de vivre en Irlande, mais je me suis trouvée une autre maison, plus réaliste, plus accessible, plus accueillante sous bien des aspects. Aucun regret, juste de doux souvenirs.

-Lexie Swing-

8 réflexions sur “Et puis mon coeur va à l’Irlande

  1. Ce billet ne pouvait que faire remonter de beaux souvenirs. La vie est étrange parfois. J’ai découvert ton blog suite au coup de coeur d’une amie marocaine et je constate aujourd’hui que tout comme toi, je suis tombée amoureuse de l’Irlande, de Dublin. J’ai eu cette même sensation, par un beau matin d’aout, moi aussi, d’avoir foulé ce sol dans une ancienne vie.
    Je l’ai tellement aimé que j’y suis restée 6 ans.
    MERCI pour ton texte.

  2. Pingback: Irlandaise de coeur – L'atmospherique

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