20 ans qu’on ne s’est pas vus. Je trépigne déjà à l’idée de te retrouver. Toutes ces années, tantôt douces, tantôt trop sombres pour laisser la place à quelque illusion. Toutes ces années où tu n’étais pas là. Je sais, c’est moi qui suis partie. Mais avais-je le choix, pardi? A dix ans, on a que le pouvoir des cris, et des supplications. Des menaces mornes et vaines qui tombaient dans l’oreille sourde de mon père. Que peut-on contre une délocalisation? Une mutation? Et puis, qu’y comprend-on, quand on a dix ans?
Regarde, tu n’as pas compris non plus, à dix ans. Que je parte. Que nos doigts se délient au coin de la rue Florentine. Tu m’as dit « on s’écrira », et puis ton silence est tombé comme une chape de plomb sur notre amitié.
Et puis oui, j’ai oublié. C’est vrai, j’ai oublié. Tu te rappelles toi, avoir beaucoup pensé à moi? A la mi-temps de tes Arsenal-PSG? Entre deux morceaux de Choco séparés, ceux que tu faisais tourner, toujours dans le sens des aiguilles d’une montre, avant de m’en donner la – meilleure – moitié (celle avec le chocolat dessus)? Ou bien quand tu as dit à Hélène, « oui oui je lui écrirai, redonne-moi son adresse, je l’ai égarée »?
On avait 10 ans bon sang! 10 ans à peine, 10 ans tout juste. 10 ans et 20 bientôt que tu m’infliges ton silence, que tu brilles par ton absence, par les mots que tu ne m’écris pas, et les sourires que tu ne m’adresses pas. Par les lettres que tu ne me retournes pas et les appels auxquels tu ne réponds pas.
Je serai là demain. Au coin de la rue Florentine. Je guetterai ta fenêtre, en souriant à moitié au souvenir de nos fins de journées, toi Juliette et moi Roméo, dans ces rôles involontairement échangés. Je tenterai d’apercevoir ton visage, entre les vieux rideaux bordeaux que ta mère – je le sais – n’a pas fait changer.
Je ne te verrai pas. Je m’impatienterai. Je googlerai une nouvelle fois ton nom, le portable fébrile et les jambes molles. Je ne te trouverai pas. Je ne t’ai jamais trouvé. Je ne comprenais pas. J’ai mis des années à comprendre. J’ai mis des années à savoir. Et encore plus que ça à l’admettre. T’ai-je déjà raconté? Je me trouvais sur un trottoir, les pieds en équilibre sur le rebord. Je ne savais pas que j’allais le perdre pour de bon, l’équilibre. J’ai demandé de tes nouvelles, à cette amie d’ami, cette fille de passage qui avait été fille de ton entourage. Je voulais des banalités, pas de formalité, et surtout pas les mots « il est décédé ». Tu sais ce qui était le pire, alors? Que cela fasse si longtemps et que je n’ai pas su. D’avoir grandi avec l’espoir de te revoir, quand tu n’existais déjà plus que dans mes souvenirs.
Je n’apercevrai jamais plus ton visage. Et lorsque nos doigts se sont déliés au coin de la rue Florentine, c’était pour la toute dernière fois. J’ai dû réécrire l’histoire. Seule, sans toi. Mettre des points définitifs quand ils n’étaient que suspension. Conjuguer au passé ce qui n’était que du conditionnel.
Tu n’auras jamais de profil sur Facebook ou LinkedIn. Jamais de cellulaire perfectionné. Tu ne posteras jamais de photos d’enfants que je puisse liker, en t’envoyant un petit message informel au nom de notre amitié passée. Je n’aurais pas la possiblité de découvrir que le temps a passé, et que « c’est vrai quoi, on s’est éloigné ». Nous n’aurons pas la chance de prendre des chemins différents, et de nous oublier, pour nous recontacter à la faveur de quelque anniversaire manqué. Je continue le chemin seule.
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Un an déjà que Les Jolies Plumes existent. Le sujet était : écrivez une lettre. Une lettre reçue ou une lettre qu’on envoie, à cette personne très loin – par les kilomètres, une dispute ou un peu plus – une lettre dans laquelle votre héros se dévoile, s’excuse ou pardonne, entretient ou tente de raviver – faire renaître – le lien. Une lettre d’amour, une lettre de haine, une lettre de confession, une lettre d’amitié, une lettre pour se retrouver – vous avez l’entière liberté ! Alors, à qui votre héros écrit-il ou de qui reçoit-il une lettre ? Que révèle-t-il ou que découvre-t-il ? En quoi cette lettre est-elle importante ?
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Les autres participants : My pretty lunacy – Hello it’s Alex – Ronde2nuit – Opheduquotidien – Goldfish Gang Blog – Jolly Juniper – Encore une connasse parisienne – Allez danse – Fuite en avant – Fil culturel.
-Lexie Swing-
Superbe texte
Merci Max ou Sophie ;) Comment va votre petit Québécois fraîchement né?
C’est Max:) Owen va bien et son frère est plutot content de l’avoir, tout se passe à merveille :)
Lol pour le « plutôt content », j’ai hâte de voir la réaction de la miss avec sa petite soeur aussi
Sydney arrete pas de lui faire des bisous, et adore que je pose la bouche d’Owen sur sa joue quand il a faim et qu’il veut têter, ça lui donne l’impression qu’Owen lui fait des bisous :)
Franchement c’est super mignon de le voir avec son ptit frère, se coucher à coter, lui tenir la main, etc…. Après ya forcement des petits moment de jalousie, il veut etre porté dans les escaliers, à tendance à vouloir venir se coucher dans notre lit car il y voit souvent son frère, etc… mais dans l’ensemble ça se passe vraiment bien
Très beau texte, bravo. Un peu triste aussi…
J’avoue :)
J’ai beaucoup ta lettre belle. Hommage aux amitiés d’enfance
Merci :)
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Magnifique
Merci Pom!
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Très beau texte, plein d’émotion et de poésie… <3
J’ai vraiment beaucoup aimé ton texte Lexie. Un billet rempli d’émotions et de souvenirs. Très bien écrit en plus. J’étais en bas, au coin de la rue Florentine…
Merci beaucoup Marie, venant de toi et de ta plume ça me touche beaucoup :)
Oh que c’est beau, ça frissonne de partout ! Je crois bien que je vais me souvenir longtemps de ce texte…
Merci! C’est un beau compliment :)