Deuxième nouvelle

En noir et blanc./ Photo Radiblog

En noir et blanc./ Photo Radiblog

Dans l’attente de pondre ma petite mandarine, j’ai « pondu » autre chose : ma seconde nouvelle pour le concours Aufeminin.com. Tout comme ma première, vous pouvez la retrouver sur le site, voter pour elle (et pour d’autres), me donner votre avis surtout!

Vous pouvez la découvrir ici : En noir et blanc

À très vite!

-Lexie Swing-

Je ne suis pas très présente sur la blogosphère ces dernières semaines, le 8e mois de grossesse conjugué au dernier mois de travail a eu raison de ma capacité à jongler entre toutes mes occupations. Mais voilà, ça se termine aujourd’hui. Rendez-vous lundi alors ?

Concours de nouvelles : j’ai remis ça

Écrire./ Photo Edilivre

Écrire./ Photo Edilivre

Avec l’été vient toujours le moment attendu des nouveaux sujets du concours de nouvelles Aufeminin. J’aime son accessibilité, sa facilité de participation, le fait qu’une partie des nouvelles soit sélectionnée par les internautes quand l’autre moitié l’est par la rédaction.

À la découverte des quatre sujets, j’étais un peu perdue. Il m’arrive parfois de lire une ligne et de sentir mon cerveau se lancer dans des schémas compliqués avec chute exceptionnelle et déroulement impossible. Là, rien de rien. Mon cerveau, probablement trop bercé d’hormones et de fatigue, n’avait rien à me proposer.

Le concours dure deux mois, je me suis laissée le temps. J’avais pour objectif de publier au moins deux nouvelles. En voici une. J’en ai écrit une autre qui ne me satisfait pas suffisamment. Une autre encore est potentiellement sur le feu, peut-être verra-t-elle le jour si l’envie me vient d’écrire (et si la petite Mandarine se retient, pour sa part, d’arriver trop vite).

Si vous avez un compte Facebook et que la nouvelle vous plaît, vous pouvez voter pour ma nouvelle en cliquant sur « j’aime » donc. N’hésitez pas, surtout, à me donner votre avis! Le sujet que j’ai choisi est : « Je préfère l’autre ».

Vous pouvez découvrir la nouvelle ici : C’était pour la vie

-Lexie Swing-

Il partait vers le Nord

Pointe Rouge./ Photo Marcovdz

Pointe Rouge./ Photo Marcovdz

Nous marchons au même pas. Ça lui est venu sur un coup de tête, sur un coup de grâce. Quand elle est partie, encore une fois. C’était la troisième, ou la cinquième, je ne sais plus.  Elle a déposé ses valises dans l’entrée, lui a dit que ça ne pouvait plus durer. Il l’a regardée, le coeur plein de soupirs, se demandant si ce bal incessant cesserait un jour. Elle a refermé la porte.

Je ne sais pas si c’est le bois de la porte qui lui paraissait plus brillant dans le soleil du matin. Ou bien la manière dont la poignée, à cause du verrou mal enclenché, semblait un peu de guingois, un peu trop penchée. Mais il s’est dit que c’était lui, cette porte-là. Brillante avec le coeur de guingois. Il méritait mieux que ça.

Alors il est parti.

On s’est rencontré au bord de l’eau. Non loin de Marseille, dans une crique abritée, là où la mer vient lécher les galets au point de les rendre glissants et dangereux. Il a glissé. Il s’est mis à saigner. J’en avais sur moi. Il s’est excusé. M’a demandé de l’accompagner dans son périple.

Il partait vers le Nord, ou vers l’Ouest, il ne savait plus bien. Loin. C’était le mot qu’il prononçait sans cesse. Viens, partons loin.

Et nous voici sur les routes. Il y fait chaud. Tellement, que je crois me consumer. Je me sens brûlant. À travers ses vêtements, sa peau semble brûlante elle aussi. Ses doigts, tout contre moi, abandonnent leur saveur de sel à travers de la sueur qui pourrait tout aussi bien être des larmes tant sa tristesse est palpable.

Il parle sans discontinuer. Je jurerais qu’il s’adresse à moi, même si je crois bien qu’il parle tout seul. Sa voix a adopté un ton monocorde, ponctué par de rares exclamations de rage. Mais tandis que la journée avance, les points d’exclamation s’échappent, bientôt remplacés par des points de suspension.

« C’était la dernière fois! La porte est close! Je mérite mieux que son mépris, mieux que ses aller-retours incessants… »

Ce qui n’était que la voix du coeur devient peu à peu celle de la raison. Malgré la fatigue, son pas semble alors plus appuyé, sa démarche plus sûre. Je ne pourrais en jurer, mais je crois bien que son corps se redresse à mesure qu’il prend conscience de sa toute nouvelle force, et de son indépendance retrouvée.

« Je vais partir m’installer en campagne, dans l’arrière-pays. Avec quelques grillons et l’odeur étourdissante de la lavande fraîchement cueillie… »

Il rêve à voix haute à présent. Inconscient du jour qui s’achève et de la lumière qui décline à l’horizon.

Soudain, ses pas s’arrêtent. Nous sommes face à la mer. Avons-nous fait une boucle ? Je crois reconnaître la crique d’où nous sommes partis. Il s’assied. Contemple, apaisé, l’eau que remue à peine quelques bribes de vent venues de l’Ouest.

« C’est un nouveau départ », jure-t-il, avant de se laisser aller dans une vague prière destiné au Dieu de la mer et de la destinée des âmes blessées. Il improvise, indifférent au ridicule, définitivement prêt à recommencer une vie meilleure.

Et puis il lève la main. « Merci de m’avoir accompagné, murmure-t-il. Nos chemins se séparent ici. » Et dans un long mouvement du bras, geste précis censé lui porter chance, il me jette dans la mer limpide. J’y fais trois ricochets. Je l’entends s’exclamer. Je l’entends s’applaudir.

Et tandis qu’il conjure son mauvais sort, je sombre sous la surface. Rejoignant mes pairs. D’autres galets ronds et lisses, dangereux et glissants. Seules me distinguent les gouttes de sang qui brillent à ma surface et qui, à la faveur de ma porosité, ont déjà atteint mon coeur de pierre.

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Ce texte a été écrit pour les un an des « Jolies Plumes ». Le thème était « Quête d’identité – Votre personnage va vivre une expérience qui va révéler un aspect de sa personnalité, de son identité qu’il ne connaissait pas lui-même. Quelle est cette expérience ? La vivra-t-il seul, accompagné ? Que va-t-elle changer dans sa vie ? A vous de nous raconter ! »

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Les autres participants : Virée dans l’espaceHello it’s Alexandra – Goldfish Gang Blog – Fil culturel – Ronde2nuit –  L’atmosphérique Marie Kléber – et beaucoup d’autres à venir!

 

Réveil

Flou./ Photo Yann Gar

Flou./ Photo Yann Gar

Atelier des Jolies Plumes – mois de mars. Le sujet: « Qui suis-je ? ; Votre personnage n’a aucun souvenir, il ne sait pas qui il est, ce qu’il fait, ce qu’il est, où il est, comment il est arrivé là, qui sont ses parents, ses amis, bref, les gens de son entourage, et il ne sait même pas par où commencer pour essayer de rassembler les morceaux ! Que va-t-il faire ? Par où va-t-il commencer ? Retrouvera-t-il la mémoire ? »

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Et puis la lumière. Et des gestes flous, des voix qui voudraient chuchoter mais contiennent mal leur urgence. « Dépêchez-vous, on va le perdre », crie quelqu’un. L’air m’emplit la gorge avec une violence inouïe, et je ne peux retenir un cri de détresse. « On va t’aider », me chuchote une voix douce. La course me berce et je ferme de nouveau les yeux. « Reste avec moi Noah », implore la voix. Qui est Noah? Je n’ai guère le temps de m’interroger que mon corps est de nouveau malmené par mille mains fébriles, et je m’abandonne à l’ombre.

Lorsque je me réveille, la lumière m’aveugle et je me débats pour y échapper. « Pourquoi l’inonder ainsi? Vous voyez bien que ça le gêne », s’inquiète une voix. « C’est la procédure, Madame… » Madame doit être la forme rose tendre qui me dévisage. Ignorant la remarque, elle se place en écran entre la lumière et moi. « Bonjour Noah, me dit-elle. C’est maman. » Qui est Noah? Je ne reconnais pas cette femme, mais sa voix ne me semble pas inconnue. Elle est semblable à celle que j’entendais jadis, mais elle me semble désormais plus proche, plus réelle.

Derrière elle, une forme plus sombre apparaît. Un peu de rose, habillé de noir. Malgré le flou, je distingue deux yeux très bleus. « Noah… » Sa voix s’éteint. Il a l’air las. Qui est ce Noah qu’ils cherchent tous? « Il faut que tu te battes, reprend la voix. Que tu te battes, pour ta mère et moi… » Je ne comprends pas les mots qu’il prononce, mon regard est attiré par deux yeux noirs qui me dévisagent, immobiles. Je tente de les atteindre, mais sans succès. Mes gestes sont incontrôlables. Il me semblait être plus précis, avant… Un nouvel essai, je frôle le visage en face du mien. Le contact est doux, rassurant. Madame le saisit alors pour le presser contre moi. J’anticipe un mouvement de recul mais le geste m’apaise. Je plonge mon nez sous les yeux noirs, émerveillé du moelleux que j’y découvre.

On me force à me mettre debout. Mes jambes me portent avec peine. Je tente un pas mais m’effondre aussitôt, retenu in extremis par une main ferme. Qu’on me laisse tranquille! Je lance le poing en l’air, sans n’atteindre personne. De dépit, j’éclate en sanglots. « C’est normal », s’esclaffe une voix au dessus de moi.

« Noah, Noah », la dame recommence. Je fais mine de ne pas l’entendre. Tandis que je m’agite pour récupérer mon doux nouvel ami déjà égaré, ma main se coince au-dessus de ma tête. « Doucement Noah », fait alors la voix grave en me dégageant. Et son doigt de caresser le morceau de plastique accroché à mon poignet : « Noah Nelson… né le 1er mars 2015 à 7h25 ».

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Les autres textes de mars : Melgane – Fil CulturelVirée dans l’espace – I Feel Blue – Goldfish Gang.

-Lexie Swing-

Avant que tout bascule

Il est 11h59. Dans une minute, tapante, précise et ferme, Maman franchira la porte de la salle à manger en portant un plat d’huîtres aussi grand que la commode de l’entrée. Au second battement de porte, Papa pénétrera à son tour, armé d’un tire-bouchon et de son meilleur blanc sec du moment. Il le débouchera. En videra quelques millilitres à peine dans mon verre. Il me demandera : « Alors? ». Et ce alors pèsera le poids de ses longues recherches un trimestre durant pour dénicher la bouteille, celle que nous aurons plaisir à déguster le 25 décembre, alors réunis tous ensemble autour de la grande table en bois de rose. C’est son cadeau, sa manière de nous dire « je vous aime assez pour arpenter trois mois durant les vignobles les plus courus du pays, et parfois aussi les moins connus, pour trouver le nectar qui embaumera nos papilles en ce jour précieux où nous sommes tous ensemble ». Une fois l’an, à peine.

Je vais tout gâcher.

Midi. L’horloge de l’entrée résonne à s’en faire péter les entrailles. Maman fait son entrée, Papa la suivant une seconde plus tard. A leur passage, la porte de la salle à manger laisse filer une odeur alléchante d’oignons confits et de miel. La scène est en place, le bal peut commencer.

« Vous voulez passer à table? », invite Maman.

Elle est magnifique. Sa robe rouge et virevoltante habille parfaitement son éternel hâle de fille du Sud. Pas une ride, à peine deux trois virgules et un point d’interrogation au creux du front sur son visage rieur. Le mien est son exact opposé : blanc et figé, comme pourvu d’un masque perpétuel. Il tombe chaque année, le 25 décembre, à 12 heures sonnantes, lorsque mes frères et moi nous retrouvons attablés devant la bonne chère. Qu’importe les soucis, il ne résiste jamais longtemps à la joie sans faille de mes proches.

Mais cette année, impossible de l’enlever.

Papa se presse à mes côtés, impatient. Sans même me demander mon avis, il me sert. Le liquide qui coule dans mon verre est brillant, d’un miel exquis. Il me le tend aussitôt, prêt à entendre le verdict. Pour cacher mon trouble, je prends mon temps, renifle l’odeur sucrée tintée de baies rouges. De baies rouges? Je suis étonnée. J’oublie un instant la déclaration que je m’apprête à faire et plonge mes lèvres entre les sillons d’or. Les baies sont là, tellement présentes en bouche que c’en est irréel.

« Papa, c’est fou, je… »

« Je sais, chérie, je sais… »

Il est fier de sa découverte, heureux de mes yeux qui roulent sous l’effet de la surprise. Déjà, il virevolte entre les sièges, servant mes frères et leurs compagnes, blaguant avec le plus grand des enfants, qui malgré ses 7 ans aimerait bien goûter ce drôle de liquide rendu envoûtant à force de briller.

Au bout de la table, Maman s’est assise. Elle est le chef de famille, celui qui nourrit ventres et coeurs. Le principe est officieux, la situation confirmée par l’habitude, mais aucun d’entre nous, à commencer par mon père, n’oserait remettre en cause la place qu’elle s’est attribuée. Elle va parler, nous souhaiter la bienvenue, nous dire encore une fois combien elle nous aime et à quel point nos présences sont précieuses en ce jour si heureux. Elle va nous demander « Et vous mes enfants, souhaitez-vous dire quelque chose? ».

Je racle ma gorge. Je ne suis pas prête. Je ne le serai jamais. Mais ce moment restera gravé dans ma mémoire et dans la leur, ce jour où, entre le vin et les huîtres, à deux pas du chapon arrosé de miel aux amandes, alors que le soleil de midi baignait la pièce de lumière, j’ai annoncé :

-J’ai rencontré enfin quelqu’un. Je l’aime d’un amour infini, d’un amour aussi scintillant que ce vin Papa, aussi tendre que ton chapon, Maman, aussi drôle que toi, mon petit Tom, lorsque l’on te chatouille et que tu ris aux éclats. Je l’aime plus que tout et nous allons nous marier. Elle s’appelle Elena. C’est une femme. Parce que j’aime les femmes. Ou plutôt, j’aime cette femme-là, passionnément.

Mon souffle s’est fait court alors je me suis tue. Le vin n’avait pas bougé, le chapon continuait sa lente cuisson et le tic-tac incessant de l’horloge de l’entrée n’avait pris aucun retard. Par dessus la nappe, mon frère Jérôme, mon jumeau, m’a adressé un sourire, aussitôt imité par notre aîné. Et puis Maman a tendu la main vers moi, pour tapoter la mienne.

– Nous le savons, ma chérie, nous le savons. Viendra-t-elle à Noël prochain?

Et derrière mon père qui criait « Fêtons ça alors! » en empoignant sa bouteille, Noël a repris sa valse lente, immuable, imperturbable. Et savoureux.

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Cette nouvelle a été écrite dans le cadre de ma nouvelle participation à l’atelier des Jolies Plumes. Le thème était :

« Décrivez un moment de la vie de votre personnage que ce soit quelque chose de routinier (à plus ou moins grande échelle – du petit-déjeuner au repas en famille) ou de plus exceptionnel voire même d’unique. Pour vous aider à rendre crédible votre texte faites appel aux cinq sens : décrivez ce que votre personnage voit, respire, touche, entend, ressent, pense, mange… « 

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D’autres nouvelles chez : (à venir)

-Lexie Swing-

Préparation hivernale

Rudolf./

Rudolf./

Les manches ballons en satin froufroutent contre mes poignets. Je déteste cette sensation. Année après année, le vêtement blanc se fait pressant contre mon torse, défiant les gâteaux dont je me suis empiffré pendant l’été. D’un geste, je délivre quelques poils de torse coincés entre les boutons.

Des chants se sont élevés dans le salon. Un premier, bientôt rejoint par dix ou quinze voix de plus. L’ensemble serait charmant si ce sacripan de Titou ne braillait pas en mi majeur comme un cochonnet égorgé pour les Fêtes. Je rabats à la volée la porte en bois lourd de ma chambre, faisant s’interrompre au passage les voix enfantines.

“Il est un peu vieux non?”, souffle l’ours Titou, railleur.

Un peu vieux… Je triture un instant la barbe désespérément blanche qui habille mes joues molles. Depuis quelques centaines d’années, j’ai indubitablement vieilli. Je ne me remets pas comme avant de la nuit blanche à distribuer aux marmots des jouets par milliers, qui ne rentrent d’ailleurs plus dans leurs souliers. Et quand avant je boulottais les chocolats, les gâteaux et le lait, laissés à mon intention par les bambins désireux d’être généreux une fois l’an histoire d’avoir la bicyclette dont ils priaient tous les saints depuis le premier de l’Avent, je suis désormais réduit à dépecer les clémentines trop mûres qu’ils laissent flétrir dans leurs pantoufles pour avoir l’apport en vitamine C suffisant.

“Est-ce qu’il n’est pas trop petit son costume”, demande ce maudit ourson, d’une voix faussement innocente.

Cette phrase cruelle vient me cueillir tandis que je saisis mon traditionnel pantalon rouge de velours. On verra ce qu’on verra! J’éructe, allongé sur le lit conjugal, tenant à deux mains ce fichu bas de costume qui refuse de passer les hanches. Millimètre par millimètre, il progresse pourtant. Hop, vaincue la bosse de Pâques. Et voilà, au placard le pli de Thanksgiving! Parvenu à la taille, je grogne comme un chien teigneux en tentant de fermer les boutons noirs qui trônent sur le devant. Et puis ma main rencontre un petit papier, épinglé à la braguette. “Mon cher et tendre blanc barbu, si les festivités de l’année ont eu raison de ton ventre musclé, détache le petit bouton blanc cassé, que j’ai cousu sur le côté. Signé : ta Santa Mama bien-aimée”. Je ris. Les siècles d’amour nous ont apporté notre lot de petits aléas en tout genre. Il serait juste de dire que l’on se connaît désormais par coeur. C’est tout à la fois rassurant, et effrayant. Mais quel couple ne connaît pas ces affres-là?

Je me relève en sifflotant et enfile tranquillement ma veste de saison. Derrière mon reflet sagement ridé apparaît un nez rouge écrasé contre la fenêtre. Comme chaque année, à la même époque, nos yeux se croisent sans que les siens ne m’identifient. Je ne suis pour lui qu’un nouveau venu, car lui-même est le mille et quelquième de sa descendance de rennes au nez rouge semblablement prénommés pour les besoins de la légende. Pour tirer le traîneau durant des heures, sur plusieurs fuseaux horaires, j’ai en effet besoin d’un jeune athlète fougueux, capable d’abattre des milliards de kilomètres en une journée. Chaque année, l’ancien donne vie au nouveau, qui se retrouve donc devant ma fenêtre, son nez rougi par le froid écrasé contre la vitre, à dévisager ce vieux bonhomme dont on lui rebat les longues oreilles depuis 364 jours.

Un bruit. Je me fige.. La page du livre se tourne. Je retiens mon souffle, immobile. Elle me fixe.

« Et il est où le Père Noël? », demande Papa.

Le petit doigt se balance au dessus de ma tête, incertain, avant de s’écraser sur mon bonnet rouge.

« Pé’Noël », dit l’enfant triomphant. Avant de demander : « Titou? »

Alors le père approche la main et saisissant le livre, tourne vivement la page à la recherche de mon compagnon fripon caché un peu plus loin. Et tandis que l’enfant cherche, je glisse jusqu’à la dernière image, où m’attendent Rudolf et les autres, prêts pour le grand voyage.

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Voici ma participation mensuelle à l’Atelier des Jolies Plumes. Si vous souhaitez y participer, vous pouvez écrire à latelierdesjoliesplumes@gmail.com. Le thème était « Noël »… Ce texte est un hommage à « Titouuuuu », l’ourson que Miss Swing cherche chaque soir dans les pages de son livre « Cherche et trouve pour les bébés : au pays du Père Noël« .

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Les autres participations :  Maman raconteEclectikgirl – Et si on bavardait – Virée dans l’espace – Le blog d’Ailho.

-Lexie Swing-

Solitude

Solitude./

Solitude./

J’en ai marre de cette solitude. Marre de ce décor de neige sans fin, qui se déchaîne parfois au rythme des mouvements de bras de dieux bien trop grands pour moi. Je ne décide rien. Ni du temps qu’il fait, ni des limites de mon existence. Ma maison semble irréelle, dressée toute droite au milieu de ce paysage sans chaleur. Quand le temps s’apaise et que les cieux se taisent, je regarde au loin et j’aperçois par-delà l’horizon la promesse d’un ailleurs différent. Il me semble gai, chatoyant, fait de belles couleurs et de rires d’enfants. Je voudrais partir, quitter cette impuissance, rompre mes liens, briser la glace. Un peu d’élan, il me faut juste un peu d’élan…

Et alors, comme si les anges du 56 rue des pommiers l’avaient entendu, ils saisirent l’univers de glace entre leurs doigts maladroits d’enfants. On entendit un bruit de verre brisé, tandis qu’un filet d’eau blanche s’échappait sur le plancher du salon.

“Lucas, c’est toi qui a cassé la boule à neige?”

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Voici ma participation mensuelle à l’Atelier des Jolies Plumes. Si vous souhaitez y participer, vous pouvez écrire à latelierdesjoliesplumes@gmail.com. Le thème était :

« Parfois notre vie ne correspond plus à ce que l’on espère. C’est souvent dans ces moments que naît l’envie d’ailleurs. Mais vers quel ailleurs se rêve votre personnage et… franchira-t-il le pas ? »

Les autres textes à découvrir : Virée dans l’espace I Feel BlueEnvie de poésie – Et si on bavardait – Les idées de D. Miss Blemish – Le blog d’Ailho – Encore une connasse parisienne – Dans tes yeux

 

-Lexie Swing-

Première fois

Estampillée "first time" sur Flikr./ Sean McGrath

Estampillée « first time » sur Flikr./ Sean McGrath

Il le tient entre ses doigts, ridé comme un escargot recroquevillé. Le plonger ou attendre encore un peu ? Savourer ce moment, cette première fois, ce face-à face imperturbable. Elle l’a laissé seul, c’est son moment à lui. Elle en a déjà vécues tant, de premières fois. Elle a été la coquille et le corps mou, tout à la fois.

Sous ses doigts, l’eau tiède est comme une caresse. Bientôt, elle lui paraîtra trop froide, habitué qu’il est aux plongeons matinaux brûlants. Sa peau rosie par l’expérience des années a oublié cette sensation apaisante d’une eau à peine chauffée. Il hésite. Derrière la porte, elle veut interroger. Se tait. C’est sa première fois. Son intimité.

Au contact du liquide, le corps chaud se rétracte encore, s’accroche, se débat, hurle son refus en agitant les bras. Et puis sa voix douce, sa voix grave, qui chantonne et apaise, répétant son prénom, mille fois. Et puis elle, la main sur la poignée, qui sourit, qui expire, silencieusement. Il sait. Elle savait qu’il saurait. Une connaissance instinctive.

Être un père qui baigne son enfant, pour la toute première fois.

Être un bébé qui prend son bain, pour la toute première fois.

Être une mère qui apprend à faire confiance, pour la toute première fois.

Et pour toutes les autres, ensuite.

 

-Lexie Swing-

 

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Il s’agissait de la troisième rencontre des Jolies Plumes, autour du thème « La première fois ». Si vous souhaitez y participer, vous pouvez écrire à latelierdesjoliesplumes@gmail.com.

 

Les autres participants : Ma vie de bruneXelouIllyriaMiss BlemishCamilleLa fille hVirée dans l’espaceLaNeThe endless journalD. – I feel Blue

 

La nouvelle du mois

Je participe désormais aux rencontres des Jolies Plumes, qui proposent chaque mois un thème de nouvelle. Ce mois-ci, « Hall d’aéroport, quai de gare, siège arrière d’un taxi, aire d’autoroute. Il y a ceux qui partent, ceux qui arrivent, ceux qui fuient, ceux qui attendent. Et il y a vous/votre personnage. » Si vous voulez nous rejoindre, écrivez un petit mot à latelierdesjoliesplumes@gmail.com.

 

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Elle me porte, haletant, foulant à grands pas la grande avenue dallée de l’aéroport. Elle a souri à ses parents, essuyé d’un geste distrait les larmes qui nageaient entre ses cils, et elle est partie. Je bringuebale contre sa poitrine, tandis qu’elle accélère encore. Passage du contrôle. Il attend. Elle piétine. Il insiste. Elle fait mine de ne pas l’entendre. Il est de permanence, elle est en partance. Il déambule dans son quotidien. Elle a décidé de changer le sien.
« Enlevez tout, madame, je vous dis. La ceinture, le sac à dos, les chaussures… » Exaspérée, elle me jette dans ses bras, le temps de se défaire de son arnachement, qu’elle lâche sans un regard dans les paniers de plastique bleu.
« Madame, votre manteau dégringole… »
Elle l’ignore. Me récupère. Ne sonne pas. Plonge vers ses affaires abandonnées et les saisit. Un bref regard vers le contrôleur et la voilà qui s’en va, pieds nus et jeans tombants, vers la porte d’embarquement. Elle m’a poussée contre sa hanche et j’accompagne son pas dansant. Le contrôle passé, il se fait plus lent. Elle savoure, elle attend. Le moment est unique, les instants décisifs. Elle se souviendra toujours de ces heures, de ces visages, de ce hall sans fin qui l’emmène vers une nouvelle vie. Elle me sert contre elle et puis reprend sa course, ses pieds déchaussés frottant sur la moquette usée. L’embarquement a commencé. Elle défie la file, contourne le monde sans sourciller. Devant le tunnel suspendu, elle remet ses chaussures, me serre plus fort, inspire et se lance, sans un regard en arrière.
Place 10D, premier rang, le rang dévolu aux parents. Elle attend le berceau qu’on lui a promis. Sur ses genoux, je regarde le stewart qui me dévisage, l’enfant d’à côté qui supplie déjà sa mère de lancer la télé, la petite vieille du fond arrivée en fauteuil et que l’on peine à installer. Je la regarde. Elle me sourit, plonge son nez dans mes rares cheveux, inspire à pleins poumons mon odeur comme seuls les pères et mères aiment le faire, et puis elle chuchote : « la vie est une aventure, ma toute petite, et l’aventure, comme ta vie, commence à peine ».

 

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Les autres textes : IllyriaMa Vie de BruneI feel BlueLizzie Austen – Miss Blemish

 

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-Lexie Swing-