Je suis devenue BoBo

Bourgeois-Bohème. J’aime l’idée d’être bohème. J’aime ce mot, poétique, et ce qu’il sous-entend : de la lenteur, de la contemplation, de la musique, des voyages, que sais-je encore. J’aime moins le mot bourgeois. La richesse qu’il suppose. La condescendance qu’il établit. Je n’ai pas les moyens de me croire bourgeoise, mais j’ai la sensation de le faire paraître.

BoBo. J’aime quand même l’idée qui y est associée. Cet esthétisme particulier, ce goût du beau et du choisi, du sélectif. T’es devenue BoBo. C’est l’amoureux qui se moque, quand je respire mieux parce que je suis au rayon du bio. Quand je ne comprends pas le sens d’une phrase parce que je me suis perdue dans la musique formée par les mots. Quand je m’extasie sur des tissus Liberty hors de prix. Quand je lui fais dessiner, appuyé sur son sac à dos, les plans de mon potager dans mon Bullet Journal.

Bien sûr que je suis tout ça. Que je suis quelque tendance, avec une incroyable lenteur. Que je peux perdre le fil d’une conversation, parce que je me suis égarée dans la contemplation d’un tableau, en arrière-plan. Que je me sens mal, au royaume des supermarchés super achalandés de montagne de bouffe transformée. Et que je me suis extasiée, la première fois qu’au Marché Jean-Talon j’ai aperçu tous les fruits et légumes joliment présentés, dans leur petit panier. Que j’applaudis à chaque initiative estampillée locale, à chaque nouveau café aux couleurs Pinterest, à chaque nouveau resto qui rivalise d’imagination pour proposer du fait-maison. Que j’adore mon vélo, un mélange de bicycle de ville et de vélo à vitesse, déguingandé et poétique.

Et alors, pourquoi pas? Je lui ai répondu. C’est mieux, d’acheter son gratin tout fait et ses pizzas congelées? C’est mal, d’avoir créé son potager et de laisser ses filles plonger les mains dans la terre en pensant que c’est une bonne chose, qu’elles découvrent d’où viennent les légumes tout coupés dans leur assiette? C’est déplacé, d’apprécier le beau, le joli, d’être la 100 001e personne à aimer le Liberty et les meubles suédois? C’est fou, peut-être, d’acheter du bio, de soutenir le local, de vouloir voir des gens, des vrais gens, m’expliquer ce qu’ils ont eux-mêmes construit, ou cuisiné, plutôt que de cliquer sur «Valider», et d’acheter en Chine, depuis mon écran d’ordinateur?

Ce n’est ni plus fou, ni plus mal, ni déplacé, ni moins bien. Ce n’est pas grave d’être «un de plus». Ça ne sert à rien d’avoir honte de vouloir mieux, de vouloir plus, de vouloir être comme les autres, de lire un article sur la nouvelle tendance écolo et de trouver que c’est une chouette idée.

C’est bien, je trouve, de vouloir évoluer, de vouloir s’améliorer, de s’attacher à donner le meilleur à ses enfants et à soi-même. Et c’est normal, aussi, de souffrir de paradoxes. De porter une jupe Zara et un pull du coin. De manger des frites décongelés et des burgers végé savamment préparés par vos soins.

Et puis toi aussi tiens, t’es devenu BoBo.

-Lexie Swing-

 

10 réflexions sur “Je suis devenue BoBo

  1. Je dois avouer que je ne me vois pas bobo du tout. En fait, j’ai presque honte mais… l’écologie me fait chier (c’est horrible à dire, je ne lui veux pas de mal à l’environnement, j’ai juste du mal avec beaucoup de principes qui me semblent être regarder par le petit bout de la lorgnette), je mange pas bio du tout, j’achète pas vraiment local non plus, je ne fais (plus) de vélo (je tiens à la vie, et le vélo à Ottawa, c’est… ahem, risqué).

    Bref, non, pas bobo. Ma culpabilité serait plutôt de profiter du capitalisme tout en détestant ce système :-/

    • Tu ne fais pas de velo mais tu marches beaucoup ;) :P Et je suis d’accord pour l’ecologie. J’essaye de faire certaines choses qui me sont facilement accessibles car je pense que c’est important d’arreter de detruire ce que nous avons, que ce soit notre planete comme les libertes que nous avons acquises dans notre societe (hello les droits des femmes, de la communaute LGBTQ, la montee du racisme en Europe etc.).
      MAIS! Ce que je trouve dommage c’est que beaucoup de personnes qui militent pour l’ecologie en font un combat presque aveugle et trop jusqu’au boutiste pour etre entendu par la majorite. Au lieu de nous faire peur et de presenter des choses impossibles pour une personne lambda, je prefere l’approche qui consiste a montrer de petits changements faciles a faire et qui apporte aussi quelque chose a la personne qui le fait. Pour moi par exemple: acheter au thrift store, ca me revient moins cher, je trouve de jolies choses, je « vais a la chasse » et c’est bon pour la planete. Ou encore je me suis mis au shampoing bio (mais pas completement bio) et mes cheveux sont (selon moi) plus jolis. Je jardine, ca me detents, j’ai de bons legumes, c’est bon pour la planete. J’utilise une cup menstruelle, c’est eolo mais surtout pour moi ca me facilite vraiment la vie.
      Vive le plaisir plutot que la culpabilite!
      Et attention, loin de moi l’idee de m’eriger en modele haha
      PS: Lexie desole d’avoir squatte ta section commentaires….

      • Je trouve le côté jusqu’au boutiste énervant (dans tout). Tu n’es jamais assez vegan, jamais assez écolo, jamais assez féministe etc. J’aimerais savoir qui est le juge de tout cela? Les gens s’autoproclament garants du « ok tu en as fais assez » et c’est clairement jamais le cas …

    • Et c’est bien correct ! Ce serait perturbant que tout le monde agisse de la même exacte manière. Mais de mon côté une amie m’a partagé un article sur le sujet et je ressemble de manière surprenante à la description faite :)

  2. Et sinon, je deteste cette maniere de taper sur les bobos lol je comprends tout a fait que certaines personnes qui incarnent ces valeurs soient enervantes (se prennent trop au serieux, ont trop ce cote bourgeois gate -ahem, ma belle-soeur-).
    Mais je trouve ca dommage cette tendance, en France surtout, de taper sur ceux qui « ont reussi », ont « relativement » les moyens et peuvent se permettre de partir en vacances / faire du velo pour le plaisir / ont la place pour un jardin.

    • Sauf que ces choix tu les fais aussi quand tu n’as pas complètement les moyens et que tu souhaites économiser tout en contrôlant toi même la qualité (pour le potager par exemple). Le velo pour nous a été une façon de dire « ok on a pas les moyens d’emmener les filles faire toutes les activités du manuel, mais on va essayer au moins de leur faire voir le monde qui les entoure » etc…

      • C’est clair, si seulement j’avais les moyens de toujours faire ce que je veux ha! Ou meme de ne pas stresser en fin de mois… Et oui on peut etre boheme sans etre bourgeois ;)

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