Changer de carrière : le carrefour

Le souhait est là, l’envie pressante, impérative parfois : qu’on ait longuement réfléchi à sa reconversion ou qu’elle se profile presque comme une urgence vitale, tous les travailleurs concernés passent par une phase de réflexion quant à la suite à donner à son cheminement professionnel. À l’image d’une relation amoureuse qui se termine, on retient de la carrière que l’on met derrière soi la liste des aspects que l’on souhaite voir absents de son futur emploi. Il peut s’agir d’une relation hiérarchique, du fait de dépendre d’une entreprise, d’horaires ou de déplacements trop fréquents. En revanche, la liste des choses que l’on aimerait trouver, outre l’épanouissement personnel, est plus dur à envisager. Entre désirs fous – 8 semaines de vacances ! – et humilité – « je ne peux pas prétendre à un salaire annuel à 6 chiffres avec si peu d’expérience ! » – les contours de nos nouveaux projets sont souvent flous.

Sans compter que notre première carrière nous permet souvent de déterminer ce pour quoi nous ne sommes pas – ou plus – faits, sans pour autant nous permettre de voir quel métier nous correspondrait. Est-ce que le plaisir relatif que l’on trouve dans l’organisation ferait de nous un(e) adjoint(e) accompli(e)? Ce goût pour la mise en place de petits événements festifs à l’échelle familiale est-il la preuve que l’événementiel est notre force ? Ou cette psychologie et cette empathie que l’on témoigne même aux personnes tout à fait étrangères à notre cercle pourraient-elles être le fondement d’une carrière future ?

Lorsque ni nos premiers emplois, ni une réflexion objective quant à nos aspirations, ne permettent d’ébaucher un projet professionnel sensé, le meilleur réflexe reste le bilan de compétences. En France, près de 60 000 salariés y auraient recours chaque année pour faire le point sur leur évolution professionnelle. C’est d’ailleurs par ce biais que mon amie Violette, 33 ans et ancienne journaliste, a trouvé vers quoi évoluer. En France, le bilan de compétences est éligible au compte personnel de formation. Les demandeurs d’emploi peuvent, pour leur part, faire la demande directement à Pôle Emploi. Au Québec, les services d’aide à l’emploi peuvent également faciliter l’accès à ce bilan, qui est peut être gratuit pour les demandeurs d’emploi.

Une fois la suite du cheminement professionnel identifié intervient la partie la plus cruciale et – potentiellement – la plus difficile : se former. Pour Alexandre, 38 ans, cette formation s’est faite en autodidacte. Alors au chômage, il avait pensé se tourner vers un coiffeur-barbier déjà installé pour se former à ses côtés en tant qu’apprenti et apprendre ainsi les ficelles du métier. Malheureusement, personne n’avait le temps de jouer ce rôle. « J’ai donc décidé d’apprendre à couper les cheveux et trimer des barbes par moi même en offrant des prestations gratuites aux habitants de Verdun », son quartier.

La question de la formation s’est également posée pour Violette. Après avoir identifié le métier de bibliothécaire comme profession pertinente pour la suite de son cheminement, elle a postulé à un DUT formant aux métiers du livre. Mais en s’informant davantage sur la profession, elle s’est aperçue qu’un certain nombre de personnes l’exerçaient à titre de contractuelles. Une possibilité qu’il l’a séduite. « Je n’avais pas envie de reprendre les études, les devoirs, les travaux collectifs, d’être notée, je préférais apprendre sur le tas.  » Car c’est un peu là, la difficulté de la reconversion et ce qui devient souvent un frein à certains projets professionnels : recommencer des études lorsque l’on a quitté les bancs de l’école depuis déjà plusieurs années. Mais les chemins de traverse ne sont pas à négliger pour autant. « Je me rends compte qu’il y a des choses, d’un point de vue théorique, qui me manquent. (Suivre une formation) m’aurait permis d’avoir un peu de recul sur le métier plutôt que d’être le nez dans le guidon, assume Violette. Mais l’avantage c’est que j’ai une façon de voir les choses un peu extérieure (…) et que je n’ai pas été formatée. »

Le cheminement de Julie, 38 ans, l’a poussée à s’interroger sur les métiers qui pouvaient lui permettre de mener de front sa vie de professionnelle, de conjointe et de mère, dans un contexte de mutation géographique à La Réunion, et en pleine pandémie. « J’ai décidé d’orienter ma recherche de travail vers un métier que je pourrais exercer depuis chez moi, seule et à mon compte, explique-t-elle. La distance avec la famille, le fait de n’avoir aucune aide sur place, la circulation très compliquée sur l’île et la garderie de l’école et la crèche du petit fermant leurs portes de bonne heure ont été autant de raisons que de sources de motivation pour trouver un métier qui me permettrait de concilier vie pro et vie perso. » Parmi les différents métiers qu’elle envisage, celui de Community Manager lui paraît le plus attractif. Les publicités qu’elle voit régulièrement apparaître sur les réseaux sociaux louent par ailleurs la possibilité de mener de front vie professionnelle et vie de famille. Julie pèse le pour et le contre, et choisit finalement de se lancer dans la formation proposée par Mamans Digitales. « J’ai suivi une formation sur 12 semaines pendant lesquelles je devais mettre en pratique ce que j’apprenais. J’ai donc dû trouver une entreprise qui acceptait que je gère leurs réseaux sociaux à 100% pendant cette durée. » Alors nouvellement maman pour la deuxième fois, Julie cumule les rôles. « Avec un bébé qui ne faisait pas encore ses nuits et allait seulement 2 jours par semaine en crèche, une formation à distance en continu et un cas pratique, j’ai trouvé cette période de 3 mois dense, fatigante mais aussi très enrichissante. « 

Parfois, le métier envisagé nécessite un retour aux études ou une formation plus longue et qui se cumule mal avec un autre emploi, même à temps partiel. La question financière se pose alors. En France, un certain nombre d’aides existent pour financer sa formation lorsque l’on est salarié. On pourra par exemple bénéficier d’un Projet de Transition Professionnelle (PTP), d’un Compte Personnel de Formation (CPF) ou encore d’un Transco. Pour les demandeurs d’emploi, des subventions existent également, à l’image de la RFPE ou Rémunération de Formation Pôle Emploi, ou encore de l’Aide au Retour à l’Emploi Formation (AREF). Au Québec, on trouve aussi des ressources, selon les métiers envisagés. En juillet 2021, le Programme pour la requalification et l’accompagnement en technologies de l’information et des communications (PRATIC) a ainsi été lancé. Destiné aux personnes sans emploi, ce programme vise à les encourager à entreprendre une formation dans les Technologies de l’information en leur fournissant une aide financière durant celle-ci. Le programme de formation de la main d’oeuvre vise pour sa part à venir en aide aux personnes ayant besoin d’une formation supplémentaire pour trouver un emploi ou conserver le leur. Pour ceux qui sont demandeurs d’emplois et souhaitent lancer une activité de manière autonome, un programme de soutien a également été mis en place.

Le métier vers lequel Guilhem, 38 ans, souhaitait se reconvertir ne lui laissait guère le choix. En effet, la massothérapie ne s’improvise guère ! Pour devenir un massothérapeute certifié, il a dû suivre une formation de base de 450 heures, le minimum pour pouvoir émettre des reçus d’assurance et pouvoir être embauché par des cliniques de soin ou des centres de spa. Censée durer 5 mois, sa formation s’est étirée, pandémie oblige, sur près d’un an et demi. Afin de subvenir à une partie des besoins familiaux, Guilhem a donc continué à prendre quelques mandats ponctuels en acoustique et s’est fait engagé pour tenir la réception 10 heures par semaine dans une clinique locale proposant des services de physiothérapie, massothérapie ou encore osthéopathie. Cela lui a permis de « voir comment fonctionne une clinique, travailler les aspects relations clients », et de nouer les liens qui allaient peut-être lui permettre d’y travailler un jour comme massothérapeute. À l’issue des premières 450 heures de formation, Guilhem a finalement choisi d’en faire 250 de plus pour explorer davantage la kinésithérapie orientée massage thérapeutique ainsi que le sujet des blessures et pathologies. « Honnêtement, la somme de travail que j’ai fourni était bien au-delà de ce que je pensais avoir à faire en m’inscrivant, reconnait-il. Et cumulée aux mandats d’acoustique et à la réception, il y a eu des semaines un peu plus difficiles mais je prenais un réel bonheur à être sur les bancs de l’école. » Son salut, il l’a tiré du soutien indéfectible de sa conjointe, à la fois soutien moral et appui financier. « Elle n’a jamais remis en question mes choix et a énormément facilité le projet. »

Le soutien de l’entourage, de la famille ou du conjoint joue certainement un rôle fondamental. Reste qu’une fois les études ou la formation réalisées se pose alors la question de la nouvelle carrière et de son quotidien. Nos choix, que l’on ne peut plus imputer à une mauvaise orientation scolaire ou à un manque de maturité, sont-ils toujours viables dans le temps ? Et résistent-ils toujours à l’épreuve de la routine familiale, des exigences financières ou de ce que l’on avait espéré, tout simplement ?

-Lexie Swing-

3 réflexions sur “Changer de carrière : le carrefour

  1. Je lis tes articles comme un roman! Tu écris et décris si bien les différentes étapes de ce changement et les différents paramètres à prendre en compte.
    C’est tout un cheminement personnel approfondi.
    C’est passionnant!

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