Le sixième des douze travaux: trouver un médecin de famille

Au Québec, ne pas avoir de médecin de famille signifie bien souvent faire la queue plusieurs heures dans une clinique sans rendez-vous. A ce propos j’ai d’ailleurs expérimenté par deux fois celle de Westmount: café proche et wifi inside m’ont permis de travailler en attendant mon tour!

Mais bon, les visites sont souvent expéditives et le suivi inexistant. Autant dire que tenter d’obtenir un médecin de famille est l’une des premières démarches à faire. Si l’on veut éviter de se faire le bottin médical entier, les CSSS possèdent des listes des médecins qui prennent encore des patients. Car il s’agit d’une autre réalité québécoise: les médecins de famille sont peu nombreux et saturés.

Jouer au docteur./ Photo James Willcox

Jouer au docteur./ Photo James Willcox

Notre première bataille était de trouver un pédiatre référent pour Miss Swing. Faire la file pour une bronchite d’adulte, ok. Faire les visites mensuelles au petit bonheur la chance, pas question. Les bébés nés ici trouvent parfois des médecins de famille par le biais des maternités, mais notre Toulousaine n’y avait, bien sûr, pas accès.

Ce qui a marché pour nous? Le bouche-à-oreille. A la garderie, un papa québécois avec qui je discute de temps en temps a été une source d’info précieuse. Il m’a ainsi recommandé Tiny Tots, une clinique pédiatrique située sur Décarie. Un service payant (40$ de cotisation et 10$ par visite ensuite), mais des RDV rapides et des urgences le dimanche. Nous avons rapidement eu un rendez-vous, avec l’un des nombreux pédiatres de la clinique.

Comme il fallait rattraper le calendrier de vaccination, nous avons cherché à avoir RDV au CLSC où ceux-ci se font gratuitement, mais pas de disponibilités avant un mois. Qu’à cela ne tienne, notre clinique possède également un service de vaccination, payant également (une vingtaine de dollars pour les rappels habituellement faits à 6 mois). Quelques jours après, nos rappels de vaccins étaient à jour!

Depuis, nous avons également déniché un médecin de famille dans la clinique Forcemedic à Montréal-Ouest. Ce n’est pas mentionné mais il est évident que montrer sa frimousse de temps à autre permet de garder sa place dans le fichier (éliminer les patients qui ne viennent plus ou pas, c’est ainsi que les cliniques font le ménage et libèrent des place pour les gens sur liste d’attente). «On n’aurait jamais dû te dire ça», s’est moqué Mister Swing…

Si vous cherchez un médecin de famille, sachez qu’il existe un guichet d’accès dans chaque CSSS d’arrondissement, pour se mettre sur la liste d’attente d’un médecin près de chez soi. Mais surtout, n’hésitez pas à poser la question autour de vous, à vos collègues, au pédiatre, aux autres parents… 300 000 Québécois sont encore sur liste d’attente, mais suivant votre région ou vos arrondissements, vous pourriez trouver la perle rare. Et en attendant, pas de panique, les cliniques sans rendez-vous sont faciles d’accès et ouvertes presque tous les jours.

-Lexie Swing-

Le cinquième des douze travaux : trouver une garderie

Prenez n’importe quel blogue ou message de forum et vous y lirez immanquablement la même rengaine : impossible de trouver une nounou à Montréal à moins d’avoir le portefeuille de Bill (Gates).

Je suis votre lueur d’espoir.

Car, lisez bien ceci : j’ai trouvé une garderie en un jour. A côté de chez moi. A 7 dollars la journée.

A long time ago./ Photo Biblioarchives Canada

A long time ago./ Photo Biblioarchives Canada

Bon, ce n’est pas un CPE (Centre de la petite enfance) mais comme Miss Swing toise à peine 70 cm, je craignais qu’elle ne se sente perdue au milieu d’une quarantaine d’enfants hurlant, courant, se jetant des jouets et de la poutine (ok ceci est totalement un cliché je plaide coupable, mais vu de la France ça fait exotique la Poutine comprenez-moi). Nous avons donc trouvé une garderie familiale subventionnée avec deux nounous et 9 enfants au maximum.

Comment je m’y suis prise…

Jeunes parents nouvellement immigrés, je vous tiens en haleine… Vous rêvez de vous débarrasser de votre progéniture pour aller courir le Mont-Royal n’est-ce pas?
Depuis la France, je me suis enregistrée sur le site Enfancefamille.org. J’ai rempli le dossier de Miss Swing et demandé des CPE et des garderies dans le quartier que l’on visait. Puis je me suis connectée sur le site Ma Garderie qui regroupe la plupart des offres de garde et j’ai fait une recherche par secteur.

Et puis je suis tombée sur une adresse, dans une rue de Notre-Dame-de-Grâce. Des photos sympathiques, des appréciations dithyrambiques, deux gardiennes, une place de libre et un chiffre qui m’apaisa : 7$ par jour. Je la contacte sans trop y croire, depuis la France. Et quelques heures plus tard j’ai sa réponse dans ma boite mail : je vous attends. Nous avons atterri un dimanche, et deux jours plus tard Miss Swing rencontrait ses nounous.

Elle a pleuré pendant une heure et j’ai du venir la chercher. Ça aurait été trop facile sinon.

Mais on est revenu, un peu plus à chaque fois. Et jour après jour, elle s’est habituée. En à peine une semaine, elle y passait la journée, sieste comprise.

Et puis est arrivé  le soir. Ce fameux soir où, lorsque j’ai voulu récupérer Miss Swing, elle m’a regardée longtemps… avant de se cacher dans le cou de la nounou. Adoptée, elle l’avait.

-Lexie Swing-

Le quatrième des douze travaux : trouver un appartement (avec gros chien accepté)

Les chiens… la terreur des propriétaires montréalais. Sitôt la bête annoncée, les voilà secouant vigoureusement la tête d’un air navré. « Non, non, non, ce n’est pas possible. J’ai rien contre les chiens mais (rayez la mention inutile) ils salissent/ils jappent/ ils pissent sur mes plantes/ ils font du bruit sur le parquet ».

C’est plein d’espoir que nous avons sélectionné les annonces de Kijiji avec « chiens acceptés ». Je suis presque convaincue aujourd’hui que la case « animaux acceptés » cache en réalité « taudis à refourguer ». Parce que des taudis on en a vu quelques uns. Comme si, vu l’état, les propriétaires se disaient « pourquoi pas, on point où j’en suis » pour le chien. Les poils nourriront les cafards.

Quartier résidentiel pour vie péri-urbaine./ Photo DR Lexie Swing

Quartier résidentiel pour vie péri-urbaine./ Photo DR Lexie Swing

Je vais vous révéler un truc, un secret suffisamment bien gardé pour qu’il nous ait fallu mettre les pieds dans ce quartier pour découvrir que les chiens y étaient rois. Monkland (du nom de l’avenue qui traverse le quartier) adore les chiens. Et pas que les petits tou’ qui aboient dès qu’un écureuil les regarde de travers. Non, les GROS chiens. Gros comme un golden retriever en pleine force de l’âge. Gros comme le dogue allemand qui a pris ses quartiers sur le balcon voisin. Gros comme le couple de lévriers irlandais croisé au détour d’une ruelle. Monkland aime les chiens, et contrairement au reste de la cité québécoise, on en voit partout : dans les parcs, à la sortie de l’école, aux terrasses des cafés, en train de boire devant l’un des nombreux magasins de la rue qui mettent à leur disposition des gamelles d’eau.

Pour trouver un chouette appartement : à vous les petites annonces de Kijiji, Craiglist et des journaux. Demandez à vos connaissances et surtout, parcourez les quartiers. Une fois que vous aurez trouvé celui où vous rêvez de vous installer, sélectionnez le quartier sur les sites de recherche d’appartement. C’est ainsi qu’en une heure nous avons trouvé la perle, alors que nous errions depuis quatre jours, à visiter des appartements sans grande conviction, perplexes devant les quartiers où nous débarquions.

A vous qui cherchez encore: bon courage! Vous serez bientôt au chaud, chez vous.

-Lexie Swing-

Le troisième des douze travaux : prendre l’avion avec un bébé de six mois. Seule.

Réveil en sueur, l’oeil vitreux et la bouche pâteuse. Cauchemar. Huit heures de cris. Huit heures de regards lourds de reproches. Huit heures du bal incessant des hôtesses et stewarts qui servent, desservent, versent, jettent, tout en évitant le rejeton hurlant, amas de fripes molles largué au pied de la mère, vaincue par KO des tympans.

Construction de modèles réduits à la Ottawa Technical School./ Biblioarchives

Construction de modèles réduits à la Ottawa Technical School./ Biblioarchives

Il fallait tout prévoir: les petits pots et le lait pour l’avion, la tenue de rechange, la tenue pour remplacer le change taché après le deuxième vomi (celui des « trous d’air »), l’eau, la couverture, les couches, les bavoirs et les doudous. Au passage du contrôle, les agents sont inflexibles. Il faut que tout passe au scan. Ordinateur jeté en vrac dans une caisse en plastique. Sac à langer et sac à main vomissant leur contenu sur les petits rouleaux qui les poussent dans la grosse machine. Monnaie et passeports bazardés dans une dernière caisse. « Il faut aussi faire passer le porte-bébé et vos chaussures ». L’agent sourit, s’excuse presque, propose de tenir l’enfant tandis qu’on se débarrasse. Et on franchit enfin le portique. Et – une fois n’est pas coutume – le portique ne sonne pas (on a du me coller un pacemaker sans que je le sache, je sonne à tous les coups), l’enfant fait barrage aux ondes. Sourire à l’agent de fouille, retour aux affaires. Ordinateur rangé, sacs refermés, blouson enfilé, bébé réaccroché, billets et passeports… M**** où est le passeport du bébé? Branle-bas de combat. On ressort tout, l’enfant bringuebalant dans le dos. Les agents s’en mêlent, suggérant des endroits à fouiller, arpentant la pièce à la recherche du passeport perdu, poursuivant en courant le passager suivant, susceptible d’avoir fait main basse sur le passeport par erreur. Un agent saisit l’enfant – stoïque – pour qu’on fouille le porte-bébé. Et ouvre une dernière fois le sac à main et… il est là, seul, au fond de la pochette de voyage. Jamais sorti.

Embarquement, installation au première rang de la classe éco. L’enfant fait des sourires aux voisins de siège qui se fendent de « agueugueu » de circonstance. Décollage, l’enfant au creux du bras tétant avec vigueur du jus de fruit acheté pour l’occasion. Le signal retentit et le bruit scintillant des ceintures qui se décrochent annonce que le vol commence pour de bon.

8 heures. 8 heures à sourire, 8 heures à dormir, 8 heures à entendre « elle est trop cute », 8 heures à arracher les cheveux de maman, 8 heures à jouer, 8 heures à manger, 8 heures à faire la cachette avec les voisins d’à-côté, 8 heures à passer de bras en bras, 8 heures pour devenir la coqueluche de plusieurs rangées. 8 heures sans pleurer.

On ne triomphe pas sans aide.

-Lexie Swing-

Le deuxième des douze travaux : déménager toute une vie

« Une vie n’y suffirait pas », ai-je lâché, rendue lyrique par l’épuisement. 13 heures, c’est le temps qu’il nous a fallu pour venir à bout de notre déménagement.

Pourtant, nous étions roués à l’exercice. Quatre déménagements à notre actif, une centaine de cartons faits, refaits et défaits, des bibelots empaquetés dans du papier journal, des verres protégés un à un à l’aide de papier bulle, des vêtements pliés dans des valises, des bouquins soigneusement rangés par format, le petit livre de recettes pour tenir le coin, les beaux livres empilés ensemble et les romans de poche dans un carton de couches Huggies avec les encoches sur les côtés qui font poignées.

On pensait maîtriser le concept, on s’est retrouvé englouti sous la réalité. Un départ pour une autre vie de l’autre côté de l’Atlantique, ce n’est pas un déménagement anodin. C’est un nouveau tome. Et pour bien partir, il fallait finir d’écrire le volume précédent. Ce qui signifie des tas de papiers à trier, des tas de babioles à jeter, des tas de vêtements à donner.

On a quadrillé la pièce, fait des piles de cartons et de meubles « pour Maman », « pour D&V », pour l’Auvergne, pour Midi-Pyrénées, pour le Canada, pour les copains, et pour la déchetterie aussi. On a réparti, on a monté dans le camion, on a ressorti du camion quand un meuble du Tarn-et-Garonne s’est retrouvé coincé entre deux cartons clermontois. On a lâché prise, on a tapé du pied, on s’est assis désespéré sur nos cantines d’affaires « vitales » qui prendront l’avion cargo dans quelques semaines, on s’est lancé des citations débiles du genre « Ils ne savaient pas que c’était impossible alors ils l’ont fait » pour se donner du courage, on a fait cuire des hot-dogs dans notre vieux micro-ondes avant de l’emballer. A 3h du matin, Mister Swing a poussé le ficus dans le dernier micro-coin du camion tandis que j’aplatissais les branches pour que « la tête passe ». Et puis on a claqué les portes.

C’est terminé. C’était impossible et pourtant on l’a fait. En 13 heures. A deux. Avec ce vague sentiment d’être sorti victorieux du deuxième de nos douze travaux herculéens.

Après ça, on a repeint la maison.

-Lexie Swing-

Le premier des douze travaux : obtenir un visa

Deux ans. Le 19 août 2011, nous lancions les jalons de notre immigration. Première étape, obtenir le Certificat de Sélection du Québec. Un mois et demi pour réunir diplômes, actes de naissance, attestations de travail, fiches de paie, preuves de notre vie commune, et les faire certifier. Aaaah la certification des copies, une demi-heure assise face au maire qui, effaré devant les deux piles de documents, m’a proposé de les tamponner tandis qu’il les signait. Un vrai travail d’équipe!

La bonne nouvelle./ Photo David et Déborah

La bonne nouvelle./ Photo David et Déborah

Une longue année aura été nécessaire pour obtenir le CSQ sans entrevue, année qui s’est soldée par la perte du Certificat par la Poste. Après envoi d’une copie par le bureau de l’immigration, l’original a finalement réapparu deux mois plus tard, après un passage par le service des pertes, et un retour à l’envoyeur…

Septembre 2012, deuxième envoi, en recommandé international, direction Sydney, Nouvelle-Ecosse. En janvier, mes instructions pour la visite médicale arrivent, mais pas celles de M.Swing (on a le chic nous). Quelques échanges de mails et un accouchement plus tard, nous passons la visite médicale et préparons les papiers pour le passager supplémentaire. Re-CSQ (un mois et demi), re-visite médicale (Bordeaux est une jolie ville), paiement des FDRP (frais de résidence permanente) (« Vous ne vous êtes pas acquittés des FDRP depuis notre courriel de janvier, vous avez 30 jours pour payer »; « NON MAIS QUEL COURRIEL???? » – échange de mails, paiement, passage de l’e-cas en « décision prise »).

Et puis le sésame, un matin dans la boîte aux lettres. Une enveloppe brune comme dans nos rêves. On la soupèse, on évalue le contenu. Et puis on la déchire, pour pouvoir savourer l’instant tout à fait. On se serre dans les bras, on ouvre une très bonne bouteille gardée pour l’occasion, on textote la nouvelle avec un victorieux « on l’a euuuuue », et puis on part en vacances. Il faut bien récupérer un peu, la suite s’annonce intense.

-Lexie Swing-

Immigration au Canada : les douze travaux d’Hercule

J-13 avant le grand départ. Dans un peu moins de deux semaines, la famille Swing posera le pied sur le sol canadien pour démarrer une nouvelle vie. Il y a quelques temps, à l’annonce de notre départ, une amie m’a glissé : « c’est un peu soudain non ? »

Pas vraiment non. Ça nous a pris deux ans. Deux ans à remplir des dossiers, envoyer des courriers, faire des photocopies, passer des visites médicales. Deux ans à attendre, à guetter le facteur, à discuter sur des forums, à surveiller les délais d’attente, à appeler les services d’immigration, à se renseigner sur notre future vie, sur notre société d’accueil, sur le travail, le logement, en se disant « un jour peut-être ». Ce jour, c’est demain.

Panorama montréalais de 1927./ Archives du musée McCord

Panorama montréalais de 1927./ Archives du musée McCord

Il aura donc fallu deux ans pour partir, il faudra sûrement plusieurs années pour que l’on puisse se dire que l’on a réussi notre immigration, notre intégration. Tout un chemin, tout un parcours, de longue haleine, à l’image des douze travaux d’Hercule (et peut-être un peu plus…).

-Lexie Swing-